Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d'activité

NOR : TREL2234780P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2023/2/9/TREL2234780P/jo/texte
JORF n°0034 du 9 février 2023
Texte n° 26

Version initiale


  • Monsieur le Président de la République,
    Les organismes de foncier solidaire (OFS) (1) créés par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) en 2014 visent à développer une offre de logement en accession sociale à la propriété, à des prix durablement abordables. Le dispositif repose sur le principe de la dissociation de la propriété foncière et bâtie mis en œuvre par le bail réel solidaire (2) (BRS).
    Le caractère abordable réside dans le fait qu'en dissociant la propriété foncière de la propriété bâtie, le BRS permet d'abaisser le prix de commercialisation des logements.
    Le caractère social réside dans le fait que les prix de vente des logements sont plafonnés et que les acquéreurs doivent satisfaire des critères de conditions de ressources. Les ménages sont titulaires d'un droit réel immobilier et doivent s'acquitter d'une redevance pour le foncier qui reste la propriété de l'OFS.
    La durabilité du caractère abordable de cette offre de logement est garantie par l'encadrement des prix de cession et par une durée du bail réinitialisée à chaque cession des droits réels.
    Le dispositif a été une première fois élargi par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi dite « ELAN ») qui permet aux organismes de logement sociaux et aux sociétés d'économie mixte de se voir agréés en tant qu'OFS. De plus, la loi « ELAN » a inscrit les OFS et le BRS dans le champ de la politique du logement social, en intégrant le décompte de ces logements dans l'inventaire de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi dite « SRU »).
    Parallèlement, la fiscalité applicable aux OFS et aux ménages titulaires de BRS a été progressivement alignée sur celle du logement social. Parmi ces mesures fiscales figurent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux réduit, l'exonération de plus-value immobilière pour les cessions de biens immobiliers à des OFS, l'accès aux prêts à taux zéro (PTZ) et l'exonération totale ou partielle de la taxe foncière à l'initiative des collectivités.
    La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi dite « 3DS ») a consacré l'objet à titre principal des OFS, à savoir leur vocation sociale de réalisation de logements destinés à des ménages modestes (3). Les OFS ont ainsi « pour objet principal, représentant tout ou partie de leur activité, de gérer des terrains ou des biens immobiliers dont ils sont propriétaires, le cas échéant après avoir procédé à leur acquisition, en vue de réaliser, y compris par des travaux de réhabilitation ou de rénovation, des logements destinés à des personnes aux ressources modestes, sous conditions de plafond, et des équipements collectifs conformément aux objectifs de l'article L. 301-1 du code de la construction et de l'habitation ».
    Plusieurs dispositions ont également permis de consolider le dispositif des OFS, comme le régime des cessions dans le cadre du bail dit « opérateur » qui a été clarifié (4), la possibilité pour les OFS de signer des baux à réhabilitation (5), l'avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) prévu dans le cadre de la procédure d'agrément des OFS par le préfet ou encore la faculté de déléguer le droit de préemption urbain (DPU) à un OFS pour des biens nécessaires à l'exercice de son objet principal (6).
    Par ailleurs, la loi « 3DS » a étendu les compétences OFS en prévoyant qu'à titre subsidiaire, et dans un but de mixité fonctionnelle, notamment des opérations conduites, ces acteurs peuvent intervenir pour réaliser ou faire réaliser des locaux à usage commercial ou professionnel sur des terrains acquis ou gérés au titre de leur activité principale. Le dispositif contractuel qui permettra, sur le modèle du BRS, d'exercer ce nouvel objet accessoire doit être défini par voie d'ordonnance dans un délai d'un an à compter du 21 février 2022. Cette extension de l'objet des OFS ne sera pleinement opérationnelle qu'à la parution de l'ordonnance et de ses textes réglementaires d'application.
    Les OFS sont agréés par le représentant de l'Etat dans la région, après avis de l'instance prévue à l'article L. 364-1 dudit code. Peuvent être agréés pour l'exercice de l'activité d'organisme de foncier solidaire, à titre principal ou accessoire, les organismes sans but lucratif et les organismes mentionnés aux articles L. 411-2 et L. 481-1 du même code.
    L'OFS reste propriétaire des terrains et consent au preneur, dans le cadre d'un bail de longue durée, s'il y a lieu avec obligation de construire ou de réhabiliter, rénover ou gérer des constructions existantes, des droits réels en vue de la location ou de l'accession à la propriété des logements, à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale, ou des locaux à usage commercial ou professionnel, sous condition de prix de cession et, le cas échéant, de plafonds de ressources et de loyers.
    L'organisme de foncier solidaire peut bénéficier de la décote prévue à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.
    Le III de l'article 106 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dispose que : « […] Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi afin de prévoir les dispositions permettant aux organismes de foncier solidaire mentionnés à l'article L. 329-1 du code de l'urbanisme, dans le cadre d'un bail de longue durée, de consentir à un preneur, en contrepartie d'une redevance et avec des plafonds de prix de cession et, le cas échéant, de loyers, des droits réels en vue de la location ou de l'accession à la propriété de locaux d'activités dans le cadre de l'exercice de leur objet à titre subsidiaire, en tenant compte du régime du contrat de bail réel solidaire prévu au chapitre V du titre V du livre II du code de la construction et de l'habitation.
    Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance prévue au premier alinéa du présent III. »
    Le présent projet d'ordonnance comprend un article créant un nouveau chapitre dans le titre V du livre II du code de la construction et de l'habitation portant spécifiquement sur le bail réel solidaire d'activité (BRSA).
    Conformément à l'habilitation, le projet d'ordonnance pour la création du BRSA reprend ou s'inspire fortement les éléments constitutifs du BRS, à savoir :


    - le principe de la dissociation de la propriété foncière et bâtie, avec le versement d'une redevance foncière l'OFS ;
    - un bail de longue durée, avec un caractère rechargeable après chaque cession ;
    - la faculté de pouvoir céder les droits réels à tout moment sous réserve d'un encadrement des prix de cession.


    Par ailleurs, certaines dispositions générales du BRS seront par renvoi applicables au BRSA.
    Cependant, compte tenu de son objet, ce contrat présente quelques spécificités, parmi lesquelles :


    - Sur la nature du preneur (nouveaux articles L. 256-2 à L. 256-5 du code la construction et de l'habitation) :


    Afin de pouvoir bien cibler le public à même de pouvoir prétendre au BRSA, le bail pourra être consenti aux microentreprises, au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micros, petites et moyennes entreprises (7). Le preneur occupera et exploitera le local concerné sans pouvoir le louer (nouvel article L. 256-2). En fonction des objectifs recherchés, l'OFS pourra éventuellement appliquer des critères complémentaires ou plus restreints à ces microentreprises. Ces conditions spécifiques d'éligibilité, fondées notamment sur le chiffre d'affaires, le statut ou le type d'activité, seront fixées par décret en Conseil d'Etat. L'objectif de ces dispositions est de permettre la cohérence avec l'action publique en faveur de la revitalisation des centre-ville et le maintien ou la diversification de certaines activités commerciales artisanales dans les espaces urbains.
    Afin d'articuler l'activité de certains OFS avec celle des foncières commerciales mises en place à l'initiative des collectivités, le BRSA pourra également être consenti à un établissement public ou à une entreprise publique locale qui assurera dans ce cadre la mise en location des locaux à une microentreprise sous condition que le loyer soit plafonné (article L. 256-3). Un tel opérateur, réalisant l'opération principale comprenant des logements en BRS, pourra également réaliser le ou les locaux d'activité destinés à faire l'objet de BRSA et céder les droits réels à des microentreprises après son intervention (nouvel article L. 256-4).
    Il est prévu un principe de publicité préalable pour toute intention de conclure un BRSA, ce qui permet en particulier d'assurer une forme de transparence quant à la mise en œuvre de ce dispositif par les OFS et/ou les éventuels opérateurs intervenant après l'OFS (nouvel article L. 256-5).


    - Sur la durée minimale du bail (nouvel article L. 256-1 du code la construction et de l'habitation) :


    Habituellement, les régimes de baux réels de longue durée prévoient une durée minimale de dix-huit ans. Par exception une durée inférieure peut-être prévue, ce qui est le cas pour le bail à réhabilitation ou le bail réel d'adaptation à l'érosion côtière (BRAEC) qui ont une durée minimale de douze ans.
    Compte tenu des spécificités de certaines activités et de la situation de microentreprises pouvant prétendre à un tel dispositif, il est prévu une durée minimale de douze ans.


    - Sur la nature de l'activité exercée dans le local (nouvel article L. 256-7 du code la construction et de l'habitation) :


    Les OFS pourront déterminer la nature des activités exercées dans les locaux régis par un BRSA. Cette mesure s'inscrit dans la volonté de nombreuses collectivités de préserver l'attractivité des centres-villes grâce à une action sur la nature des activités qui y sont conduites.
    Le projet d'ordonnance prévoit la faculté pour les OFS de préciser dans le bail, la nature des activités exercées dans le local et, dans ce cas, de faire de cette précision un critère d'agrément de l'acquéreur en cas de cession du local. Par ailleurs, pour tout changement d'activité pendant la durée du bail, l'accord préalable de l'OFS est requis.


    - Sur l'évolution de la redevance (nouvel article L. 256-8 du code de la construction et de l'habitation) :


    A l'instar de ce qui est prévu pour le BRS, outre le prix de cession des droits réels, le preneur du BRSA devra s'acquitter d'une redevance liée au foncier à l'OFS. Cependant, pour le BRSA, cette redevance sera constituée d'une part fixe (le cas échéant indexée sur une référence de prix) et d'une part variable qui pourra être modulée en fonction de l'évolution de la situation du preneur et notamment des gains tirés de l'exploitation du local.


    - Sur la prise en compte de l'activité du preneur (articles L. 256-15 à L. 256-17 du code de la construction et de l'habitation) :


    L'enjeu est de sécuriser le preneur à bail qui aurait potentiellement créé et développé par exemple un fonds de commerce dans le local acquis dans le cadre d'un BRSA, et ce en particulier lorsqu'il souhaite céder ses droits réels. L'ordonnance prévoit notamment sous certaines conditions qu'une indemnisation du fonds peut être proposée en cas de préemption par l'OFS quant à l'acquisition des droits réels dans le cadre d'une cession du local objet du BRSA.
    L'ordonnance prévoit enfin un décret en Conseil d'Etat pour définir les modalités d'application de ce nouvel outil contractuel.
    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.


    (1) Article L. 329-1 du code de l'urbanisme (CU).
    (2) Article L. 255-1 et suivants du code de la construction et de l'habitat (CCH).
    (3) Article L. 329-1 du CU.
    (4) Article L. 255-3 du CCH.
    (5) Article L. 252-1 du CCH.
    (6) Article L. 211-2 du CU.
    (7) Voir notamment le titre I de l'annexe de la recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (2003/361/CE) :
    Article 1er : « Est considérée comme entreprise toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique. Sont notamment considérées comme telles les entités exerçant une activité artisanale ou d'autres activités à titre individuel ou familial, les sociétés de personnes ou les associations qui exercent régulièrement une activité économique. »
    Article 2 : « […] 3. Dans la catégorie des PME, une microentreprise est définie comme une entreprise qui occupe moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros. »

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