Décision n° 2022-5773 AN du 3 février 2023

Version initiale


  • (AN, FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE [8E CIRC.], MME DEBORAH ABISROR DE LIEME)


    Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 juin 2022 d'une requête présentée par Me David Lévy, avocat au barreau de Paris, pour Mme Deborah ABISROR DE LIEME, candidate à l'élection qui s'est déroulée dans la 8e circonscription des Français établis hors de France, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 5 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5773 AN.
    Au vu des textes suivants :


    - la Constitution, notamment son article 59 ;
    - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    - le code électoral ;
    - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;


    Au vu des pièces suivantes :


    - les mémoires en défense présentés pour M. Meyer HABIB, député, par Me Philippe Blanchetier, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 16 septembre, 3 novembre et 13 décembre 2022 ;
    - les observations présentées par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, enregistrées le 19 septembre 2022 ;
    - les mémoires en réplique présentés pour Mme ABISROR DE LIEME par Me Lévy, enregistrés les 14 octobre et 30 novembre 2022 ;
    - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 28 novembre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. HABIB ;
    - les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;


    Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;
    Après avoir entendu le rapporteur ;
    Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
    1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 49 du code électoral, dont les dispositions sont applicables à l'élection des députés par les Français établis hors de France en vertu de l'article L. 330 du même code : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : … 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ».
    2. Il résulte de l'instruction que des sympathisants de M. HABIB ont, en méconnaissance des dispositions précitées, diffusé le jour du second tour de scrutin sur divers réseaux sociaux des messages appelant à voter pour ce candidat. Les auteurs de certains de ces messages se prévalaient de leur qualité d'élu municipal en Israël ou se présentaient comme relayant des consignes de vote d'autorités religieuses. Eu égard à leur contenu et au moment de leur diffusion, ces messages sont susceptibles d'avoir influencé le vote d'un nombre significatif d'électeurs.
    3. En second lieu, en parallèle des dispositifs d'assistance organisés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, M. HABIB a mis en place des permanences téléphoniques et des centres d'aide mobilisant un nombre significatif d'opérateurs à destination des électeurs rencontrant des difficultés pour voter par voie électronique. Il résulte de l'instruction que, à l'occasion de ces appels, il a pu irrégulièrement être proposé aux électeurs de voter par internet à leur place en utilisant leurs identifiants et mots de passe. De tels agissements, qui revêtent une particulière gravité, doivent être regardés comme constitutifs d'une manœuvre.
    4. Il résulte de tout ce qui précède que ces irrégularités et manœuvres ont été, au regard de l'écart de voix constaté au second tour, de nature à altérer la sincérité du scrutin.
    5. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par Mme ABISROR DE LIEME ni d'examiner les autres moyens de sa requête, les opérations électorales contestées doivent être annulées.
    Le Conseil constitutionnel décide :


  • Les opérations électorales qui se sont déroulées les 5 et 19 juin 2022 dans la 8e circonscription des Français établis à l'étranger sont annulées.


  • Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.


  • Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 février 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
    Rendu public le 3 février 2023.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 203 Ko
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