Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 19 août 2022 relatives à l'établissement public de santé mentale de Vendée à La Roche-sur-Yon (Vendée)

Version initiale


  • L'article 9 de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) permet à cette autorité, lorsqu'elle constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de communiquer sans délai aux autorités compétentes ses observations, de leur impartir un délai pour y répondre et, à l'issue de ce délai, de constater s'il a été mis fin à la violation signalée. S'il l'estime nécessaire, le CGLPL rend immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.
    Les présentes recommandations ont été adressées au ministre de la santé et au garde des sceaux, ministre de la justice. Un délai de huit semaines leur a été imparti pour faire connaître leurs observations.
    La visite de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Vendée - centre hospitalier Georges Mazurelle de La Roche-sur-Yon (Vendée) - effectuée par six contrôleurs du 27 juin au 6 juillet 2022 a donné lieu au constat d'un nombre important de dysfonctionnements graves portant atteinte à la dignité des patients et à leurs droits fondamentaux.
    L'EPSM de Vendée prend en charge les patients de quatre des cinq secteurs de psychiatrie générale adulte du département et des deux inter-secteurs de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ; il dispose de 822 lits et places dont 341 lits d'hospitalisation à temps complet répartis dans douze unités dont quatre unités d'admission, trois unités pour enfants et une pour adolescents.
    L'établissement dispose des moyens budgétaires et immobiliers suffisants pour assurer la prise en charge des patients dans des conditions matérielles dignes mais n'est pas épargné par de très graves difficultés de ressources humaines : dix-huit postes de psychiatres sont vacants et quarante d'infirmiers. Les médecins sont insuffisamment présents dans les unités ; les patients sont souvent vus de façon expéditive au cours d'entretiens dont la durée peut être inférieure à cinq minutes. Dans une partie de l'unité intersectorielle (soins de suite) et à l'« EHPAD/USLD » (1) - service dont le statut est tellement flou qu'on ignore si les personnes qui y sont hébergées doivent être considérées comme patientes ou résidentes - les médecins ne se déplacent au mieux qu'une fois par mois.


    1. Les atteintes aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées sont graves et généralisées
    1.1. Les patients, même admis en soins libres, ne peuvent aller et venir librement


    Les portes de cinq des douze unités d'hospitalisation sont fermées alors que toutes accueillent indifféremment des patients admis en soins libres et en soins sans consentement.
    Dans les unités fermées, l'accès au parc est conditionné à la disponibilité des soignants pour ouvrir la porte, mais aussi à des restrictions temporelles (autorisation de sortir uniquement une heure par jour, par exemple), à des conditions d'accompagnement (par un proche, par un soignant) et peut même faire l'objet d'interdictions totales de sortie, inscrites dans les « plans de soins » de chaque patient, y compris pour des patients en soins libres.
    Dans les unités ouvertes, la liberté d'aller et venir n'est pas davantage garantie et les mêmes restrictions ou interdictions sont imposées aux patients, quel que soit leur statut d'hospitalisation. Ces restrictions, de même nature que dans les unités fermées, portent sur les sorties hors unité comme à l'extérieur du site de l'établissement. Les patients libres d'aller et venir hors de leur unité constituent l'exception et plusieurs patients, y compris en soins libres, sont interdits de toute sortie.
    A titre d'exemple, dans une unité d'admission ouverte, les contrôleurs ont examiné les plans de soins de quinze des trente-deux patients présents : aucun des quatre patients en soins libres n'est autorisé à sortir sans restriction dans le parc - toute sortie étant même médicalement interdite pour deux d'entre eux ; six des onze patients en soins sans consentement sont interdits de sortie de l'unité, pour les autres ces sorties sont soumises à conditions.
    Les patients en soins libres doivent pouvoir circuler librement à l'extérieur de l'unité ou de l'établissement et les restrictions imposées aux patients hospitalisés sans leur consentement doivent être justifiées par leur état clinique, adaptées et régulièrement réévaluées.


    1.2. La protection de l'intégrité physique et de l'intimité des patients n'est pas assurée


    Dans les trois unités de gérontopsychiatrie (qui comptent 100 lits), les patients ne peuvent fermer à clé ni leur chambre ni leur espace sanitaire - comprenant des toilettes, un lavabo et une douche - y compris dans les huit chambres doubles de ces unités. Toutes les portes des chambres sont percées d'une ouverture non occultable permettant d'observer, depuis le couloir, l'intérieur de la chambre. L'intimité des patients n'est pas respectée lorsqu'ils se lavent ou se rendent aux toilettes ; leur tranquillité ne l'est pas davantage, ni le jour ni la nuit, alors que certains sont hospitalisés pendant des mois, voire des années. Plusieurs personnes hospitalisées se sont plaintes de l'intrusion d'autres patients dans leur chambre, même la nuit, et ont exprimé un sentiment d'insécurité. La tutrice d'une patiente a déposé plainte contre un autre patient pour des faits d'agression sexuelle qui se seraient déroulés en avril 2022, dans l'espace sanitaire de la chambre de la victime.
    Au cours d'une mesure d'isolement, les patients peuvent être privés d'accès aux toilettes, situation indigne et dangereuse qui peut en outre aggraver les symptômes psychiatriques aigus.
    La sécurité des patients placés à l'isolement ou sous contention n'est pas assurée en cas d'incendie, le service de sécurité incendie n'étant pas systématiquement informé de ces mesures ; dans certaines unités, les équipes ignorent même que ce service doit être prévenu.
    A l'été 2021, un patient isolé et placé sous contention mécanique depuis quatre jours était retrouvé mort. Agé de 60 ans, agité, il avait été admis en soins sans consentement à la demande du représentant de l'Etat et placé sous traitement sédatif incluant la mention « si besoin ». Alors que l'immobilisation sous contention présente des risques veineux assortis de complications respiratoires, aucun examen somatique n'avait apparemment été réalisé depuis l'examen initial. En dépit de ces circonstances, les causes du décès sont restées inconnues, en l'absence d'autopsie qui aurait permis de les identifier (2). Il est également à noter qu'aucun bouton d'appel n'était accessible aux patients sous contention. A la suite de ce décès, une réflexion avait été engagée par la direction « sur l'installation de systèmes d'appel pour les patients sous contention » au titre des « actions préventives ou correctives mises en place ». Près d'un an plus tard, aucun système d'appel n'a été mis en place dans les chambres d'isolement.
    Les patients doivent avoir la possibilité de verrouiller l'accès de leur chambre et de leur espace sanitaire. Les ouvertures (fenêtres ou oculus) dans les portes des chambres doivent être supprimées ou pouvoir être occultées par les patients.
    Le service de sécurité incendie doit être systématiquement avisé de tout placement à l'isolement.
    Les patients attachés doivent systématiquement faire l'objet d'un examen somatique régulier, conforme aux préconisations de la Haute Autorité de santé, pendant toute la durée de la mesure.
    Un dispositif d'appel accessible aux patients attachés doit impérativement être mis en place sans délai.


    2. Adultes et mineurs sont soumis à des mesures d'isolement et de contention nombreuses, durables et souvent illégales


    En dépit de leur traduction dans des protocoles et logigrammes présentés aux contrôleurs, les nouvelles dispositions de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique qui régissent les conditions de l'isolement et de la contention ne sont pas mises en œuvre au sein de l'établissement.
    Les pratiques d'isolement et de contention sont considérées par toutes les catégories de personnel comme des « prescriptions » et non des décisions médicales susceptibles de recours ; les termes d'isolement « thérapeutique » et de « chambres de soins intensifs » continuent d'être employés, y compris dans les protocoles supposés mettre en œuvre la récente réforme, comme le protocole modifié le 8 avril 2022 intitulé « Protocole de prescription et de suivi : des soins en isolement thérapeutique - des soins sous contention mécanique ».


    2.1. Les décisions d'isolement et de contention sont trop souvent infondées et leurs motifs illégaux - certains confinant à des motifs disciplinaires


    En contradiction des termes de la loi qui limitent à 12 heures la durée de la mesure, de nombreuses décisions initiales d'isolement ou de renouvellement sont prises pour une durée de 24 heures.
    Les mesures d'isolement ou de contention ne sont pas toujours décidées par un psychiatre, notamment la nuit puisqu'aucun ne participe à la garde. Le protocole prévoit que le médecin non psychiatre ou l'interne - non médecin - qui décide de la mesure prenne l'attache du psychiatre d'astreinte supposé la confirmer ou non. En pratique, il est impossible de contrôler la réalité de ce contact, encore moins le délai dans lequel il intervient, ou la forme qu'il prend (confirmation téléphonique ou déplacement pour examen du patient) après la décision d'isolement.
    Lorsque les soignants mettent en œuvre des mesures conservatoires en urgence (isolement et contention) pour sécuriser une situation clinique, ils doivent prévenir immédiatement le psychiatre, afin qu'il examine le patient et décide ou non de son placement à l'isolement ou sous contention. En réalité, tel n'est pas toujours le cas. Les infirmiers d'une unité ont ainsi indiqué que s'ils en réfèrent dans l'heure à un médecin, celui-ci ne se déplace pas toujours ; pas plus pour effectuer la surveillance et le renouvellement dans les délais légaux (3) que pour lever la mesure. Ainsi, à l'« EHPAD/USLD », les isolements ne sont jamais renouvelés dans les délais et les médecins ne se déplacent pas pour rencontrer les patients : au moment de la visite, un patient (4) isolé en chambre hospitalière le jeudi 30 juin 2022 n'avait pas été revu par un médecin. Le lundi 4 juillet, dans l'onglet « observations » de son dossier, il est écrit : « Appel téléphonique au Dr X, isolement en chambre maintenu. La recontacter jeudi matin pour réévaluation » - soit sept jours après le début d'une mesure d'isolement qu'aucun psychiatre n'a cliniquement réévaluée ni renouvelée. En octobre 2020, un interne de garde a informé la commission des usagers de la situation d'une patiente en soins libres, à l'unité Littoral 1 et « se retrouvant isolée et contentionnée bien au-delà de la limite légale des 24 heures sans prescription des contentions, et sans évaluation médicale de l'indication des dernières ».
    Les mesures d'isolement et de contention prises sans décision ni réévaluation par un psychiatre doivent cesser immédiatement.
    L'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique définit l'isolement et la contention comme des pratiques de dernier recours uniquement mises en œuvre pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui. Or, les motifs qui justifient le recours à ces mesures ne remplissent pas toujours ces conditions ; des indications sortant du cadre légal font partie des motifs proposés par le logiciel Cortexte, comme : « isolement intégré dans un programme thérapeutique » ou « risque de rupture thérapeutique ».
    Les contrôleurs ont ainsi relevé dans un « avis médical motivé » accompagnant la saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) en vue d'un renouvellement de mesure d'isolement : « risque de fugue, trouble du comportement » sans autre précision. Ou encore, dans un « avis médical motivé » relatif au renouvellement d'une contention : « l'évaluation clinique ce jour en chambre d'isolement montre un patient non-coopérant ne souhaitant pas s'exprimer sur sa situation actuelle d'où la nécessité des contentions ».
    Ces pratiques répondent à des impératifs d'ordre sécuritaire ou disciplinaire, ou correspondent encore à une modalité d'observation des patients, notamment lors de leur admission ; c'est ainsi que certaines chambres d'isolement non dédiées sont nommées : « chambres d'observation » ou encore « chambres sécurisées ».
    Si des alternatives à l'isolement sont parfois recherchées et mises en œuvre, aucune n'est tracée dans le dossier médical.
    Bien que le protocole susmentionné précise « [qu']aucune mesure d'isolement ou de contention ne peut être décidée par anticipation ou “si besoin” », celles-ci sont néanmoins très fréquentes.
    Ainsi, dans l'onglet « plan de soins » du logiciel Cortexte, il est possible de renseigner une option « temps fermé en chambre de moins de 2H » en cochant une case « oui » ou « non ». Cet enfermement, qui constitue un isolement, n'est jamais tracé comme tel, l'établissement considérant que la loi ne s'applique qu'aux mesures d'une durée supérieure à deux heures.
    Les plans de soins prévoient également d'autres mesures d'isolement « si besoin » plus longues, s'apparentant à des sanctions disciplinaires. Cette situation, fréquente à l'« EHPAD/USLD », a pu être observée dans d'autres services de l'établissement, notamment dans les unités d'admission. Les indications suivantes ont par exemple été relevées : « fermer la chambre la nuit et la journée si besoin » ; « si agressivité et/ou propos insultants et menaçants à l'encontre du personnel soignant, mise en chambre 0 pour une durée de 6 heures » ; « si étale ses selles et/ou urine au sol, isolement en chambre pendant 6 heures » ; « en cas d'agitation, d'insulte envers le personnel soignant, de dépassement d'horaire de sortie ou de sortie non autorisée, mise en chambre d'isolement ou d'observation et retrait des affaires personnelles » etc. Une patiente a évoqué des « menaces » de placement à l'isolement et d'injection de la part de son médecin, en cas de refus de prendre son traitement.
    Les mesures d'isolement et de contention ne peuvent être qu'exceptionnelles et motivées par la seule nécessité de « prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui » (5). Les motifs disciplinaires ou sécuritaires sont exclus et les « prescriptions si besoin », prohibées, doivent immédiatement cesser.


    2.2. Les mesures d'isolement et de contention se déroulent régulièrement dans des espaces non dédiés et hors de tout cadre légal, pour les mineurs et les majeurs


    L'établissement dispose de onze chambres d'isolement, appelées localement « chambres de soins intensifs », dont l'agencement est, dans l'ensemble, adapté à leur utilisation. Néanmoins, de nombreux patients sont enfermés dans des chambres dites « sécurisées », « d'observation » ou « d'apaisement » - dont certaines sont aménagées sommairement - et qui sont donc de fait utilisées comme chambres d'isolement. Les chambres hôtelières sont également utilisées pour des isolements, souvent la nuit entière.
    Alors que l'isolement et la contention ne peuvent être légalement mis en œuvre que dans le cadre de soins sans consentement et sous des conditions strictes, les contrôleurs ont constaté que des personnes en soins libres étaient régulièrement isolées, sans modification de leur régime d'hospitalisation. Tel est notamment le cas à l'« EHPAD/USLD » et au centre de soins pour adolescents.
    Les droits des mineurs ne sont pas davantage respectés à ce titre que ceux des autres patients. Le protocole relatif aux mesures d'isolement et de contention (6) précise : « la réglementation ne s'applique aux mineurs que lorsqu'ils sont hospitalisés à la demande d'un représentant de l'état (SPDRE) » (sic). Loin d'en conclure que les mineurs en soins libres ne peuvent légalement être isolés ou placés sous contention, l'établissement estime que la loi encadrant leur usage ne leur est pas applicable. Ainsi, le juge des libertés et de la détention n'est-il jamais saisi en cas de prolongation d'une mesure d'isolement ou de contention pour un mineur.
    Dans le même esprit, l'établissement n'informe jamais le JLD des mesures d'isolement et de contention appliquées aux patients en soins libres, pas plus qu'il ne les lui soumet ; la loi limitant ces mesures aux patients en soins sans consentement, il n'en est pas déduit qu'elles sont illégales mais que la procédure ne leur est pas applicable.
    Isolement et contention ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète admis en soins sans consentement et doivent être réalisées dans des espaces aménagés à cet effet. Le recours à ces pratiques chez les enfants et les adolescents doit être évité par tout moyen. Les mineurs hospitalisés à la demande des titulaires de l'autorité parentale ne sont pas placés sous le régime juridique des soins sans consentement et ne peuvent donc faire l'objet d'une mesure d'isolement ou de contention.


    2.3. Les outils d'observation des pratiques d'isolement et de contention et la politique de l'établissement en vue d'en limiter le recours sont très insuffisants


    Les systèmes d'enregistrement mis en place sont inadaptés, rudimentaires, multiples, souvent mal maitrisés par les utilisateurs et, en conséquence, mal renseignés. Certains isolements ne sont pas enregistrés, dans des proportions qui ne sont évidemment pas quantifiables. Les contrôleurs ont constaté que certains isolements en chambre hôtelière ne sont pas tracés. Enfin, les « temps fermés en chambre de moins de 2 heures » des « plans de soins », l'ensemble des mesures d'isolement et de contention des patients hébergés à l'« EHPAD/USLD » et celles des patients de la seule unité pour enfants pratiquant l'isolement ne font jamais l'objet d'aucun enregistrement, quelle que soit leur durée.
    La quantification des isolements et des contentions reste donc très incertaine. En toute hypothèse, compte tenu du sous-enregistrement des mesures, leur nombre réel est nécessairement supérieur à celui qui figure dans les documents de l'établissement pour chaque unité. Or, ce nombre est déjà important, particulièrement dans l'unité des adolescents où il dépasse 75 % des entrées. Dans les unités d'admission, il avoisine le tiers des entrants, alors qu'en 2021, les patients en soins sans consentement représentent 26 % des entrées (7).
    Ces mêmes documents laissent apparaître pour l'année 2021 une durée moyenne des mesures d'isolement remarquablement élevée : 157,59 heures (plus de six jours et demi) chez les adolescents ; dans une unité d'admission, elle est de 209 heures pour les mesures en chambre d'isolement et 433 heures pour celles mises en œuvre dans les autres chambres. La durée moyenne de contention dans les unités d'admission varie de 74 à 220 heures ; dans l'une d'elle, un patient est resté attaché 600 heures (25 jours) (8).
    L'établissement établit chaque année un rapport annuel sur la question qui ne prend en compte que les données des quatre unités d'admission et l'unité des adolescents, alors que l'isolement et la contention sont pratiqués dans dix unités. Ce document, qui devrait permettre l'amorce d'une réflexion institutionnelle, ne bénéficie pas d'une publicité suffisante.
    Aucune politique de diminution du recours à l'isolement et à la contention n'est mise en œuvre, aucun dispositif d'analyse des pratiques n'est mis en place, la formation se limite à la gestion de la violence mais n'est imposée qu'aux soignants arrivants et n'est pas réactualisée. Enfin, le projet d'établissement 2021-2026 ne consacre qu'une demi-page (sur 171) aux mesures d'isolement et de contention et aucun responsable n'est référent de la question dans l'établissement.
    Le recours à l'isolement et à la contention doit être réduit. A cette fin une réflexion doit être engagée et des actions menées pour permettre le développement d'alternatives. Le bon enregistrement de l'ensemble des mesures d'isolement et de contention doit être assuré et l'effectivité des politiques de réduction assurée. L'ensemble du personnel doit recevoir une formation sur le régime juridique de ces pratiques et sur les droits fondamentaux des personnes hospitalisées en soins libres ou sans consentement.


    3. L'accès au droit des personnes hospitalisées sans leur consentement n'est pas garanti


    Ce contexte préoccupant d'atteintes multiples à leurs droits se trouve aggravé par les obstacles que les patients rencontrent dans leur accès au droit.
    L'hospitalisation complète sous le régime des soins sans consentement est une privation de liberté ; les textes qui la régissent sont d'interprétation stricte et prévoient qu'elle ne peut être mise en œuvre que dans un certain cadre, pour des motifs précis et limités et dans des délais contraints. Or, l'administration de l'EPSM de Vendée et la communauté soignante ignorent nombre des dispositions de la loi du 5 juillet 2011 : le patient n'est pas considéré comme un sujet de droits.


    3.1. L'information due aux patients en soins sans consentement est incomplète et tardive


    A l'annonce de l'arrivée des contrôleurs, faite le 22 juin 2022, le livret d'accueil n'était pas disponible depuis plus d'un an. La mission de contrôle semble avoir précipité la réimpression sans mise à jour et la distribution d'exemplaires du livret d'accueil dans plusieurs unités. Des affiches sur les règles de vie, la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP), et diverses informations sont également apparues sur les murs des unités d'hospitalisation.
    A leur arrivée, les personnes en soins sans consentement ne reçoivent aucun document les informant de leur situation juridique, de leurs droits, des voies de recours qui leur sont ouvertes et des garanties offertes. Un document intitulé « Information relative à vos droits dans le cadre de vos soins sous contrainte » a pourtant été rédigé en octobre 2021 mais le bureau des usagers chargé de transmettre aux secrétariats des unités les documents à notifier aux patients n'en a pas connaissance. Un grand nombre de soignants déplorent ne pas être suffisamment formés pour assurer l'information des patients.
    Selon l'article L. 3211-3, al. 3 du code de la santé publique, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement doit être informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et de chacune des décisions ultérieures, ainsi que des raisons qui les motivent.
    Ces notifications sont une condition de la régularité de la mesure de soins sans consentement. Il est pourtant fréquent de ne pas en retrouver trace dans les dossiers des patients. Lorsqu'elles s'y trouvent, elles sont souvent tardives - plusieurs jours après la décision d'admission ou de maintien. Ainsi, dans un dossier, les décisions « de maintien en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète en temps plein pour une durée d'un mois » prises entre décembre 2021 et mars 2022 ont toutes été notifiées le 19 avril 2022 ; chaque document est signé par le cadre de santé, le patient étant, selon un des items prévus dans ce document, « dans l'impossibilité de signer la notification ». Ces notifications, qui devraient figurer dans le registre de la loi, n'y apparaissent jamais et les récépissés ne sont jamais transmis au JLD.
    Lorsque les notifications sont effectuées, l'information du patient demeure insuffisante puisque les motivations des décisions du directeur et celles des arrêtés préfectoraux se bornent à viser les certificats médicaux sans en reprendre les termes ni les annexer à la décision.
    Les médecins et soignants ne sauraient alléguer, comme certains le font, un prétendu « intérêt du patient », exciper que celui-ci « ne va rien comprendre » ou encore invoquer la crainte d'un impact clinique négatif pour justifier la privation du patient de ses droits à l'information.
    Un livret d'accueil comportant des informations à jour doit être donné à chaque patient dès son admission. Les patients en soins sans consentement doivent, à chaque étape de la procédure, recevoir toutes les informations relatives à leur statut, leurs droits, ainsi qu'aux moyens de formuler des requêtes auprès de l'établissement et des autorités hiérarchiques, judiciaires, de tutelle ou de contrôle. A ce titre, ils doivent être clairement informés des motifs de la mesure dont ils font l'objet par la transmission d'une copie des certificats médicaux qui en sont le support ou par la reprise de leurs termes. Ces informations doivent leur être transmises sur un support qu'ils peuvent conserver.


    3.2. Le cadre juridique des soins sans consentement n'est pas respecté


    En premier lieu, les décisions d'admission ou de maintien en hospitalisation complète du directeur sont préparées par les agents du bureau des usagers. Lorsque le patient arrive en dehors des horaires de fonctionnement de ce bureau, les décisions sont rédigées à sa réouverture, qui peut intervenir au mieux le lendemain matin pour un patient admis après 17 heures, trois jours plus tard lorsque l'admission a lieu un vendredi soir, voire quatre si le lundi est férié. La décision est alors antidatée pour couvrir ces défaillances et correspondre à la date de l'entrée réelle du patient.
    En deuxième lieu, dans de nombreuses situations, les termes des certificats médicaux mensuels sur lesquels s'appuient les décisions de privation de liberté sont de purs et simples copiés-collés - parfois sur de très longues périodes - des libellés précédents. Dans l'un des dossiers étudiés, l'ensemble des certificats mensuels établis entre décembre 2020 et juin 2022 sont rédigés en termes identiques (les certificats médicaux antérieurs, déjà archivés, n'ont pu être consultés). Bien que cette pratique ait été relevée à plusieurs reprises par la commission départementale des soins psychiatriques sans consentement (CDSP), des médecins ont choisi de ne pas répondre à ses courriers en dépit de l'obligation légale qui leur incombe (9).
    En troisième lieu, selon plusieurs témoignages de soignants, de nombreux certificats médicaux rédigés en vue de la prolongation mensuelle de patients hébergés dans l'unité « EHPAD/USLD » sont établis sans que le médecin ait rencontré le patient et en parfaite contradiction des termes du document, le signataire y certifiant « avoir informé oralement [Mr ou Mme X] du projet de décision le concernant, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de présenter ses observations par tout moyen adapté et de manière appropriée à son état », cette dernière information étant, de toute évidence, inexacte.
    Dans cette même unité, huit patients sont officiellement en programme de soins alors que leur prise en charge correspond en réalité à une hospitalisation à temps complet ; les mesures qui les concernent sont ainsi abusivement soustraites au contrôle d'office du JLD.
    Il doit être mis fin aux hospitalisations arbitraires : les décisions d'admission en soins sans consentement et les certificats médicaux qui les fondent doivent être établis dans les conditions et les délais légalement prévus, dûment motivés et remis aux patients. Les patients doivent être à même de présenter leurs observations à chaque étape de la procédure. L'hospitalisation complète de patients en programme de soins doit être immédiatement levée.


    3.3. L'accès des patients au juge n'est pas assuré


    De très nombreux patients hospitalisés sans consentement ne comparaissent pas à l'audience du juge des libertés et de la détention, alors que celle-ci se tient sur le site de l'hôpital. A l'unité Mosaïque, par exemple, aucun patient n'est jamais présenté au magistrat. Les certificats médicaux attestant de l'incompatibilité de l'état de certains patients avec leur audition par le JLD sont des documents types non motivés, alors que le code de la santé publique exige qu'ils le soient et précise que les motifs doivent être médicaux et faire obstacle à l'audition du patient dans l'intérêt de ce dernier (10). De plus, ces certificats médicaux sont souvent rédigés plusieurs jours avant la date de l'audience, jusqu'à quatre ou cinq jours, alors que l'état de santé du patient, s'il est réellement en cause, peut évoluer favorablement dans l'intervalle. Le juge ne se déplace jamais dans les unités pour rencontrer ces patients. Ceux-ci n'ont pas davantage l'occasion de s'entretenir avec leur avocat qui ne cherche pas non plus à les voir. Lors de l'audience du 28 juin 2022, à laquelle ont assisté les contrôleurs, un seul des sept patients convoqués était présent, un deuxième ayant refusé de s'y rendre ; des certificats médicaux justifiaient l'absence des cinq autres. Entre le 1er janvier et le 21 juin 2022, 103 certificats médicaux de non-présentation ont été rédigés pour 330 convocations devant le JLD, soit 31 %. Malgré ce taux particulièrement élevé, aucune analyse des situations d'incompatibilité ne semble être réalisée.
    De même, dans le cadre du contrôle du JLD relatif aux renouvellements des mesures d'isolement et de contention, les avis médicaux motivés, joints à la saisine du JLD par le directeur, précisent systématiquement que l'état de santé du patient « ne lui permet pas d'être entendu par le juge des libertés et de la détention », sans que cette précision ne soit étayée par un argument clinique.
    Enfin, lorsqu'elles ne sont pas directement remises aux patients par le magistrat, les ordonnances du JLD sont parfois notifiées tardivement, voire jamais, aux patients, ce qui compromet l'exercice d'un recours : la notification d'une ordonnance du 11 mars 2022 a été effectuée le 16 mai 2022, soit plus de deux mois après la décision ; deux autres notifications ont été réalisées près d'un mois après la date de l'ordonnance. L'unique décision de mainlevée prononcée en 2022 n'a pas été notifiée au patient qui n'en a eu connaissance qu'au cours de la procédure d'appel interjeté le lendemain par l'EPSM. Le « récépissé de réception d'une notification d'ordonnance du juge des libertés et de la détention à la personne hospitalisée », trouvé dans le dossier du patient est signé par un membre de l'équipe de la direction.
    L'effectivité de l'accès au JLD, le respect du contradictoire et des droits de la défense doivent être garantis. Les ordonnances du JLD doivent être notifiées dans les plus brefs délais et permettre au patient d'exercer ses recours.


    (1) EHPAD/USLD : Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes/unité de soins de longue durée.
    (2) Le certificat de décès ayant été signé sans obstacle médico-légal, l'autorité judiciaire n'a pas été saisie. Une demande initiale d'autopsie scientifique n'a pas abouti. La famille du patient, qui n'était pas informée de son hospitalisation, n'a pas non plus souhaité qu'une autopsie soit réalisée.
    (3) 12 heures pour les isolements et 6 heures pour les contentions.
    (4) Patient en soins libres, dont le statut n'avait pas été modifié.
    (5) Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.
    (6) Mentionné plus haut.
    (7) Etant précisé qu'un même patient peut subir plusieurs mesures au cours d'un même séjour.
    (8) Il est précisé que, pour ces moyennes, les données sont vérifiées et fiables.
    (9) Article L. 3223-1 du code de la santé publique.
    (10) Article L. 3211-12-2 du code de la santé publique.



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