Délibération n° 2022-035 du 17 mars 2022 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat relatif aux conditions d'échange et de partage d'informations nécessaires à l'accompagnement des militaires et anciens militaires blessés (demande d'avis n° 22000686)

Version initiale


La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie par la ministre des armées d'une demande d'avis concernant un projet de décret en Conseil d'Etat relatif aux conditions d'échange et de partage d'informations nécessaires à l'accompagnement des militaires et anciens militaires blessés ;
Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le code de la santé publique, notamment en son article L. 1110-4 ;


  • Sur la proposition de Mme Valérie PEUGEOT, commissaire, et après avoir entendu les observations de M. Benjamin TOUZANNE, commissaire du Gouvernement,
    Emet l'avis suivant :
    Sur l'économie générale du texte :
    Le projet de décret vise à préciser les conditions et les modalités de mise en œuvre de l'échange et du partage d'informations, couvertes par le secret médical prévu au I de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique (CSP), relatives aux militaires et anciens militaires blessés. La transmission d'informations n'est plus limitée à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou au suivi médico-social des personnes concernées, mais s'étend désormais à l'aide et à l'accompagnement des militaires et anciens militaires blessés.
    A cette fin, il est prévu de permettre l'échange et le partage d'informations, relatives à l'état de santé ainsi que des données administratives et d'état civil des militaires et anciens militaires blessés :


    - à des personnes non-professionnels de santé ;
    - ayant pour mission exclusive d'accompagner ces personnes ;
    - et exerçant au sein de structures limitativement listées par le projet de décret, telles que l'Office national des anciens combattants et victime de guerre, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, et le service des pensions et des risques professionnels rattaché à la direction des ressources humaines du ministère de la défense.


    Il ressort des dispositions de l'article L. 1110-4 du CSP une distinction entre « l'échange » et « le partage » d'informations :


    - au II de cet article, des professionnels identifiés peuvent échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, sauf opposition de celle-ci ;
    - au III, le partage d'informations relatives à une même personne peut intervenir entre des professionnels :
    - appartenant à la même équipe de soins, sauf opposition de la personne concernée ;
    - ou ne faisant pas partie de la même équipe de soins et non identifiés a priori, dès lors que le consentement préalable de la personne concernée a été recueilli.


    Le III bis de l'article L. 1110-4 du CSP définit les conditions dans lesquelles un échange d'informations peut intervenir entre un professionnel de santé ou un professionnel du secteur médico-social et une personne ayant pour mission exclusive d'aider ou d'accompagner les militaires et anciens militaires blessés. Parallèlement, le VI de ce même article précise qu'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission détermine les conditions et les modalités de mise en œuvre de l'article L. 1110-4 pour ce qui concerne l'échange et le partage d'informations entre professionnels de santé, non-professionnels de santé du champ social et médico-social et personnes ayant pour mission exclusive d'aider ou d'accompagner les militaires et anciens militaires blessés.
    Dans la mesure où le III bis de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ne porte que sur « l'échange » - et non sur « le partage » - d'informations entre un professionnel de santé ou un professionnel du secteur médico-social ou social et une ou plusieurs personnes ayant pour mission d'aider ou d'accompagner les militaires, la Commission prend acte de ce que le ministère s'est engagé à ne pas faire mention du « partage » d'informations dans le décret.
    Sur les conditions de l'échange d'informations :
    La Commission relève que le projet de décret n'apporte aucune précision s'agissant « des conditions et des modalités de mise en œuvre » de l'échange d'informations relatives aux militaires et anciens militaires blessés, par rapport à ce qui figure déjà au III bis de l'article L. 1110-4 du CSP - alors que c'est justement l'objet que lui a assigné la loi. La Commission prend acte de ce que le ministère s'est engagé à ajouter dans le décret que l'information préalable de la personne sera attestée par la remise à celle-ci, par le professionnel, d'un support écrit reprenant cette information. Ce support indiquera les modalités effectives d'exercice de ses droits par la personne. Elle regrette toutefois, l'absence de précisions quant aux mesures de sécurité applicables à la transmission d'informations.
    Le I du projet d'article R. 1110-3-5 du CSP subordonne l'échange d'informations au respect de certaines conditions cumulatives ; à ce titre, la transmission doit notamment se limiter aux informations strictement nécessaires à l'accompagnement des militaires et anciens militaires blessés. Selon le ministère, le terme : « accompagnement » vise à englober les différentes missions de ces structures (réinsertion, réadaptation, reconversion des militaires ou anciens militaires blessés, ou de l'instruction des demandes de prestations auxquelles ils peuvent prétendre, etc.).
    Etant donné le caractère sensible des données qui seront transmises, la Commission invite le ministère à préciser dans le projet de décret ce que recouvre le terme : « accompagnement » afin de garantir que l'échange d'informations soit circonscrit aux missions d'accompagnement dévolues aux personnes exerçant leurs fonctions au sein des organismes listés par le projet de décret.
    Sur la liste des structures dans lesquelles exercent les personnes recevant les informations relatives à un militaire ou un ancien militaire blessé :
    L'article 1er du projet de décret prévoit l'ajout d'un nouvel article R. 1110-3-6 dans le CSP, listant les structures dans lesquelles exercent les personnes ayant pour mission exclusive d'accompagner les militaires et anciens militaires blessés.
    Interrogé sur les missions dévolues à chacune de ces structures, le ministère a indiqué que l'échange d'informations s'effectue auprès des personnes, et non auprès des structures dans lesquelles celles-ci exercent. La Commission en comprend que l'échange d'information ne pourra être réalisé, au sein des organisme listés dans le décret, qu'auprès des personnes s'étant vue attribuer des missions d'accompagnement dans le cadre de leurs fonctions.
    Par ailleurs, le ministère a confirmé avoir vérifié que les personnes exerçant au sein de ces structures, et auprès desquelles les informations seront transmises, remplissent les conditions prévues au III bis de l'article L. 1110-4 du CSP. La Commission en prend acte.
    Les informations relatives aux militaires et anciens militaires blessés qui seront transmises sont des informations couvertes par le secret médical tel que prévu au I de l'article L. 1110-4 du CSP. Dès lors, la Commission invite les structures listées dans le projet de décret à réaliser une sensibilisation, auprès des personnes en charge de l'accompagnement des militaires et anciens militaires blessés sur la protection des données à caractère personnel sensibles, et plus particulièrement des données de santé.
    Les autres dispositions du projet de décret n'appellent pas d'observation de la Commission.


La présidente,
M.-L. Denis

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