Décision n° 2022-288 du 10 mai 2022 mettant en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.)

Version initiale


L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 28 et 42 ;
Vu la décision n° 2005-473 du 19 juillet 2005 modifiée et prorogée autorisant la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique initialement dénommé « i Télé » puis, à compter de la décision n° 2016-680 du 27 juillet 2016, « CNEWS », et la décision n° 2019-582 du 11 décembre 2019 portant reconduction de l'autorisation du 19 juillet 2005 ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.), le 27 novembre 2019, concernant le service de télévision Cnews, notamment ses articles 2-2-1, 2-3-7 et 4-2-1 ;
Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;
Vu le compte rendu de visionnage de l'émission « Les Points sur les i » diffusée sur le service « Cnews » le 21 novembre 2021 ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et des stipulations de l'article 4-2-1 de la convention du 27 novembre 2019, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) de respecter les obligations qui lui sont imposées.
2. En second lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, « l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l'article 1er de [cette] loi » affirmant le principe de la liberté de la communication au public par voie électronique. Sur ce fondement, l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 dispose que l'éditeur « doit assurer l'honnêteté de l'information et des programmes qui y concourent. / […] / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. / Il veille au respect d'une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l'expression des différents points de vue par les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d'antenne ». Par ailleurs, l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 stipule que « l'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes. L'éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent ». Enfin, l'article 2-2-1 de cette convention prévoit que « l'éditeur est responsable du contenu des émissions qu'il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne ».
Sur l'émission « Les Points sur les i » diffusée le 21 novembre 2021 :
3. Il ressort du compte rendu de visionnage de l'émission « Les Points sur les i » du 21 novembre 2021 que durant ce programme de débat d'actualité, l'invité du jour s'est exprimé sur la pandémie de la covid-19.
En ce qui concerne l'obligation d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information :
4. Il ressort tout d'abord du compte rendu de visionnage que l'invité s'est exprimé sur la cinquième vague épidémique de la covid-19. Il a notamment nié l'existence de cette dernière en déclarant que « sur cette cinquième vague […] si ce n'était pas aussi dramatique, je rigolerais, parce qu'il n'y a pas de cinquième vague. Euh, l'épidémie est quasiment terminée en France, il y a quelques dizaines de morts chaque jour ».
5. Or les chiffres de l'Organisation Mondiale de la Santé indiquaient une progression du nombre de nouveaux cas en France, passant de 6 329 nouveaux cas le 1er novembre 2021 à 20 847 le 20 novembre 2021. La veille de l'émission, le Conseil scientifique avait également publié un avis alertant sur la situation épidémiologique, ce qu'avait déjà fait son président quelques jours auparavant, indiquant qu'une cinquième vague avait commencé début octobre 2021.
6. Il ressort par ailleurs du compte rendu de visionnage que l'invité s'est également exprimé au sujet de l'efficacité de certains traitements contre la covid-19. A ce sujet, il a notamment déclaré que « si on […] avait traité [ces personnes], il n'y aurait presque pas eu de morts, parce que, tous les médec, toute l'expérience des médecins dans le monde et des pays qui ont traité ont montré que si on traitait par l'hydroxychloroquine, l'azithromycine, l'ivermectine, il n'y avait pas de morts ».
7. Dans ces conditions et au regard du contexte de l'époque, les déclarations de l'invité sur l'inexistence d'une cinquième vague et la fin prochaine de l'épidémie de la covid-19 en France d'une part, et l'affirmation selon laquelle l'utilisation de certains traitements pour traiter les patients atteints de la covid-19 aurait permis d'éviter tout décès, d'autre part, ne reflétaient manifestement pas, en l'état des informations alors disponibles, la réalité de la situation sanitaire en France et des connaissances médicales. Or, d'une part, cet invité était le seul membre du corps médical présent en plateau et, d'autre part, ces déclarations n'ont pas fait l'objet d'une contradiction suffisante par les personnes présentes en plateau.
8. Dès lors, l'éditeur ne s'est pas conformé à son obligation de faire preuve d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information sur la pandémie. Il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 2-3-7 de sa convention et les dispositions de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie.
En ce qui concerne l'obligation d'expression des différents points de vue sur des questions prêtant à controverse :
9. Il ressort également du compte rendu de visionnage que l'invité s'est exprimé au sujet des conséquences de l'administration des vaccins à ARN messager sur le génome humain. A ce sujet, il a notamment déclaré que ces vaccins sont « des substances thérapeutiques expérimentales qui vont modifier vos cellules. Ce n'est pas moi qui le dis, il y a un grand dirigeant d'un grand laboratoire qui fabrique euh les vaccins ARN messager euh qui l'a dit il y a quelques mois. Il a dit euh ‘Quand on vous inocule ce produit, c'est comme vous télécharger un un logiciel pour modifier vos cellules'. On est en train de modifier les cellules des gens et le nombre d'effets secondaires actuellement explose. C'est énorme ! J'en vois plein autour de moi, et les morts aussi. ». Aucune personne présente en plateau n'est venue questionner cette affirmation.
10. Ainsi, l'invité de l'émission s'est exprimé de façon extrêmement péremptoire sur les conséquences de l'administration des vaccins à ARN messager sur le génome humain, sans que la thèse qu'il avance n'ait été discutée par les personnes présentes en plateau. Seule son opinion a été présentée, aboutissant à un déséquilibre marqué dans le traitement de ce sujet, alors que le caractère controversé de celui-ci nécessitait l'expression de différents points de vue. Cette situation caractérise un manquement de l'éditeur aux stipulations de l'article 2-3-7 de sa convention et aux dispositions de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie.
En ce qui concerne l'obligation de maîtrise de l'antenne :
11. Il ressort également du compte rendu de visionnage que les différents propos de l'invité pris dans leur globalité n'ont pas suscité de réaction suffisamment marquée de la part des personnes présentes en plateau durant la séquence, ce qui caractérise un défaut de maîtrise de l'antenne, constitutif d'un manquement aux stipulations de l'article 2-2-1 de la convention.
12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) de se conformer, à l'avenir, d'une part, aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 ainsi qu'aux dispositions de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent et d'autre part, à l'article 2-2-1 de cette même convention.
Après en avoir délibéré,
Décide :


  • La Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) est mise en demeure de se conformer, à l'avenir, en ce qui concerne le service de télévision « Cnews », d'une part, aux stipulations précitées de l'article 2-3-7 de la convention du 27 novembre 2019 ainsi qu'aux dispositions de l'article 1er de la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent et d'autre part, à l'article 2-2-1 de cette même convention.


  • La présente décision sera notifiée à la Société d'exploitation d'un service d'information (S.E.S.I.) et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 10 mai 2022.


Pour l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :
Le président,
R.-O. Maistre

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