Avis n° HCFP-2020-6 du 2 novembre 2020 relatif au 4e projet de loi de finances rectificative pour l'année 2020

Version initiale


  • Synthèse

    Le Haut Conseil est saisi par le Gouvernement d'un quatrième projet de loi de finances rectificatif (PLFR) qui intègre de nouveau des modifications importantes du scénario macroéconomique comme de celui de finances publiques. Il note que les incertitudes liées à la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de Covid-19 restent exceptionnellement fortes.
    Le Haut Conseil estime que la prévision d'un recul de 11 % du PIB retenue dans le 4e PLFR pour 2020 par rapport à 2019 suppose une dégradation marquée de l'activité au quatrième trimestre et le maintien de mesures de confinement au-delà du seul mois de novembre. Cette dernière hypothèse semble cohérente au Haut Conseil au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires.
    Le Haut Conseil relève que les prévisions de recettes, de dépenses et de solde pour 2020 de l'ensemble des administrations publiques prennent en compte les conséquences de la chute de l'activité inscrite dans le scénario macroéconomique et la réévaluation à la hausse du coût des mesures de soutien aux entreprises et au revenu des ménages. Elles tiennent compte des incertitudes d'une ampleur inhabituelle à ce stade de l'année qui pèsent sur les finances publiques.
    Comme dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil relève le caractère non significatif de l'évaluation du solde structurel présentée par le Gouvernement qui s'établirait en 2020 à -0,6 point de PIB, en amélioration de 1,6 point de PIB par rapport à 2019 alors même que la situation des finances publiques est exceptionnellement dégradée cette année. Il estime que la référence à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de janvier 2018 est rendue caduque par la révision à la baisse qu'il serait nécessaire d'effectuer, en raison de la crise sanitaire, sur l'estimation de PIB potentiel pour 2020 figurant dans la LPFP. Par ailleurs, le calcul du solde structurel est rendu peu significatif par les conventions retenues par le Gouvernement pour classer en mesures ponctuelles et temporaires de nombreuses mesures de soutien.
    Le Haut Conseil constate que le ratio de dette publique, à nouveau révisé à la hausse, s'établirait, en 2020, plus de 20 points au-dessus de son niveau d'avant-crise. Cette augmentation massive, résultant d'un choc aussi violent qu'inédit sur l'activité et de la réponse budgétaire apportée, intervient après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette.
    Ainsi qu'il l'a déjà relevé dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil considère que, dans un contexte où un affaiblissement vraisemblable de la croissance potentielle à la suite de la crise sanitaire risque de rendre plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme des finances publiques constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.


    1. En application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement le 30 octobre 2020 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées au 4e projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 et sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel.
    2. Dans le contexte de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de Covid-19, le Haut Conseil est ainsi appelé, pour la cinquième fois cette année, à rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement et l'évolution de la trajectoire de solde structurel en 2020, après les trois projets de loi de finances rectificative du printemps et le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 présenté en septembre.
    3. Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires que lui a adressés le Haut Conseil.
    4. Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, aux auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor et direction du budget) à la suite de la saisine.
    5. Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les travaux de l'Insee, de la direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, de la Banque de France, de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
    6. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 2 novembre 2020, le présent avis.


    1. Les prévisions macroéconomiques pour 2020


    7. Le Gouvernement a révisé son scénario d'activité pour 2020 par rapport au projet de loi de finances (PLF) pour 2021, sans toutefois présenter de prévision actualisée sur les autres grandeurs macroéconomiques (composition de l'activité, comptes des ménages ou des entreprises, évolution des prix, etc.). Le recul du PIB prévu pour 2020 est accru par rapport au PLF pour 2021, passant de 10 % à 11 % dans le présent PLFR.
    8. Le rebond de l'activité attendu pour le troisième trimestre au moment de la présentation du PLF pour 2021 a pourtant bien eu lieu : le PIB a crû de 18 % au troisième trimestre. Ce rebond est même un peu supérieur à celui qu'attendait l'Insee ou la Banque de France. L'acquis de recul du PIB (1) s'établit ainsi à -8,3 % à l'issue du troisième trimestre, donc nettement au-dessus du recul prévu pour 2020 par le Gouvernement dans ce PLFR.



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    9. Néanmoins, la dégradation de la situation sanitaire depuis la publication du PLF pour 2021 et le net durcissement des restrictions sanitaires à partir du 30 octobre laissent désormais attendre un recul de l'activité au quatrième trimestre plus important que celui retenu par le Gouvernement dans le scénario du PLF pour 2021.
    10. A titre illustratif, une contraction annuelle du PIB d'exactement 11 % en 2020 suppose un PIB inférieur de l'ordre de 15 % à son niveau de la fin 2019.



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    11. L'ampleur du recul de l'activité qui sera effectivement enregistré au quatrième trimestre est affecté par de nombreuses incertitudes, qui portent principalement sur :


    - le recul de l'activité entraîné par le reconfinement décidé par le Gouvernement à partir du 30 octobre 2020 ;
    - la durée du confinement, le Président de la République ayant annoncé que celui-ci serait maintenu tant que le nombre de contaminations n'aura pas été suffisamment réduit ;
    - l'intensité des mesures de confinement, qui sont susceptibles d'être assouplies ou au contraire durcies si les restrictions décidées se révèlent efficaces ou au contraire insuffisantes à faire reculer la prévalence du virus (2) ;
    - l'ampleur ensuite du rebond de l'activité, lorsque les mesures de restriction à l'activité et aux déplacements commenceront à être levées.


    12. L'estimation du recul de l'activité entraîné par le nouveau confinement est difficile : bien que celui-ci soit moins strict qu'au printemps, les écoles et les usines notamment restant ouvertes, il limite très significativement le fonctionnement de pans importants de l'économie.


    Ordres de grandeur de l'impact d'un mois de confinement strict

    Au regard des estimations disponibles sur la situation économique et de finances publiques du printemps 2020, quelques ordres de grandeur peuvent être retenus pour un confinement strict (c'est-à-dire emportant des mesures de restrictions équivalentes à celles du printemps 2020 et donc plus fortes que celles annoncées le 28 octobre). Un mois de confinement strict se traduirait ainsi par :
    - un impact sur le PIB annuel de l'ordre de 2,5 % par mois de confinement, selon la dernière estimation faite par l'Insee (3) de l'impact du confinement en avril 2020, traduisant une perte d'activité de 30 % par rapport à la normale ;
    - un impact sur le déficit de l'ordre de 36 Md€ (1,5 point de PIB), dont environ 16 Md€ résultant de moindres recettes et de l'ordre de 20 Md€ de dépenses supplémentaires, sous l'hypothèse que les mesures prises lors du confinement du printemps 2020 seraient soit reconduites à l'identique (4), soit étendues à leur niveau de début octobre s'agissant des dépenses du fonds de solidarité compte tenu de l'accroissement des aides attribuées (5).


    13. L'impact sur l'activité des secteurs soumis aux mêmes restrictions d'activité que lors du premier confinement peut être estimé en supposant qu'il sera proche de celui enregistré en avril.
    14. En revanche, l'impact du confinement sur les autres secteurs ne peut pas être directement déduit de cet épisode, car ceux-ci sont en principe moins affectés par les restrictions de circulation et la fermeture des écoles qui avaient empêché au printemps les entreprises de disposer d'une part importante de leur main-d'œuvre. Par ailleurs, les entreprises devraient être davantage préparées à faire face aux restrictions sanitaires qu'elles ne l'étaient au printemps. Elles devraient donc ajuster en conséquence leur activité dans des proportions moindres que lors du confinement du printemps mais très difficiles à apprécier précisément.
    15. Ainsi, les mesures de confinement décidées fin octobre devraient conduire en novembre à un recul de l'activité par rapport à son niveau de la fin 2019 intermédiaire entre celui enregistré au troisième trimestre (environ 4 % en moyenne) et celui d'avril (de l'ordre de 30 %).
    16. Le niveau du PIB pour le dernier trimestre de 2020 compatible avec un recul du PIB proche de 11 % en 2020 (un PIB inférieur à son niveau de la fin 2019 de près de 15 %, soit près de 20 % en dessous de la normale en moyenne sur les seuls mois de novembre et décembre (6) suppose ainsi une dégradation marquée de l'activité et une prolongation du confinement au-delà du seul mois de novembre.
    17. Le Haut Conseil estime que la prévision d'un recul de 11 % du PIB retenue dans le 4e PLFR pour 2020 par rapport à 2019 suppose une dégradation marquée de l'activité au quatrième trimestre et le maintien de mesures de confinement au-delà du seul mois de novembre. Cette dernière hypothèse semble cohérente au Haut Conseil au vu des incertitudes entourant les conditions sanitaires.


    2. Les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des finances publiques


    18. Avant le reconfinement et la mise en œuvre de nouvelles mesures d'urgence et de soutien, le Haut Conseil avait estimé, dans son avis de septembre sur le PLF pour 2021, les prévisions de prélèvements obligatoires cohérentes avec le scénario économique retenu et celle de dépenses publiques vraisemblables.
    19. Comme les prévisions macroéconomiques, celles de finances publiques ont été révisées pour tenir compte de l'impact du durcissement des restrictions sanitaires et des mesures prises pour soutenir les ménages et des entreprises affectés par ce durcissement.
    20. La prévision de déficit public est ainsi accrue d'un point de PIB par rapport à la prévision sous-jacente du PLF 2021, à 11,3 points de PIB, et la prévision de dette publique de l'ordre de deux points de PIB, à 119,8 points de PIB. L'accroissement du déficit public serait en totalité imputable à la hausse des dépenses, pour un montant total de 20,1 Md€, tandis que l'hypothèse de recettes est pratiquement inchangée par rapport au PLF pour 2021.
    21. En matière de prélèvements obligatoires, le Gouvernement estime que l'impact du reconfinement sera compensé par les plus-values de recettes, notamment d'impôt sur les sociétés et de TVA, qui ont été enregistrées à la fin septembre par rapport à la prévision sous-jacente au PLF pour 2021. Cette estimation, qui reste soumise à l'incertitude qui entoure notamment l'évolution de la consommation et de la masse salariale sur la fin de l'année, du fait des restrictions sanitaires, et le rendement toujours difficile à anticiper du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, est plausible.
    22. La survenance de la deuxième vague épidémique de Covid-19 conduit en revanche à réviser les dépenses publiques à la hausse du fait de l'accroissement important du soutien apporté aux différents acteurs économiques. L'augmentation des dépenses publiques (hors crédits d'impôts) affichée dans le 4e PLFR pour 2020, de 7,8 % en valeur, est ainsi revue de plus d'un point à la hausse par rapport à celle présentée dans le PLF pour 2021 (6,5 %).
    23. Ce nouveau rehaussement de la prévision de dépenses traduit principalement le renforcement du soutien économique apporté au revenu des ménages et des entreprises, dans le cadre essentiellement des dispositifs qui avaient déjà été mis en place au printemps dernier, en particulier les aides directes aux entreprises via le fonds de solidarité (+ 10,9 Md€), les exonérations de cotisations sociales (+ 3,0 Md€) et l'activité partielle (+ 3,2 Md€). Cette nouvelle enveloppe s'ajoute à celles qui avaient déjà été ouvertes dans les précédents PLFR, les mesures d'urgence et de soutien étant prolongées voire renforcées. En particulier, le taux de prise en charge par les administrations publiques du coût porté par les entreprises au titre de l'activité partielle, qui avait été réduit en juin, est remis à son niveau du printemps, tandis que l'accroissement, décidé début octobre, du niveau des aides octroyées par le fonds de solidarité aux entreprises est maintenu.



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    24. En outre, avec le rebond de l'épidémie enregistré fin octobre, la prévision intègre une hausse de 2,4 Md€ de l'Ondam 2020 par rapport au PLFSS déposé en septembre qui a déjà été traduite dans le PLFSS en cours de discussion au Parlement sous la forme d'un amendement présenté par le Gouvernement le 21 octobre (7). Cette hausse inclut principalement l'augmentation à hauteur de 1,9 Md€ des moyens des établissements de santé et médico-sociaux.


    Estimation par le Gouvernement des mesures de soutien affectant le déficit public


    (en Md€)


    Mesures ayant un effet sur le déficit public (8)

    Pour mémoire : PLF pour 2021 (9)

    PLFR 4

    Activité partielle

    30,8

    34,0

    Fonds de solidarité (hors part assureurs)

    8,5

    19,4

    ONDAM exceptionnel

    9,8

    11,8

    Compensation d'exonération de cotisations sociales

    5,2

    8,2

    Prolongation des revenus de remplacement et du décalage de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage

    1,6

    1,6

    Aide exceptionnelle aux indépendants (CPSTI)

    0,9

    0,9

    Inclusion sociale et protection des personnes vulnérables
    (y compris prime exceptionnelle précarité)

    0,9

    2,0

    Avances remboursables aux entreprises

    0,5

    0,5

    Report des déficits antérieurs sur l'assiette fiscale IS (Carry-Back)

    0,4

    0,4

    Achat de masques non chirurgicaux

    0,3

    0,6

    Sinistralité BEI

    0,1

    0,1

    Crédits divers de l'État (crédits supplémentaires d'urgence, autres crédits LFR III)

    5,6

    6,0

    Total (en Md€)

    64,5

    85,4

    Total (en points de PIB)

    2,9 %

    3,9 %


    Source : rapport économique social et financier (RESF) pour 2021 annexé au PLF 2021 et PLFR 4


  • 25. Le niveau retenu dans la prévision au titre de ces mesures apparaît dans l'ensemble cohérent avec l'impact attendu du recul prévu de l'activité économique sur le recours à ces dispositifs, même si ces derniers pourraient finalement être moins sollicités par les entreprises et que d'autres dépenses publiques, notamment de fonctionnement courant et d'investissement des collectivités locales et de l'État, pourraient se révéler moins élevées que prévu en raison de ces nouvelles restrictions sanitaires.
    26. Le Haut Conseil relève que les prévisions de recettes, de dépenses et de solde pour 2020 de l'ensemble des administrations publiques prennent en compte les conséquences de la chute de l'activité inscrite dans le scénario macroéconomique et la réévaluation à la hausse du coût des mesures de soutien aux entreprises et au revenu des ménages. Elles tiennent compte des incertitudes d'une ampleur inhabituelle à ce stade de l'année qui pèsent sur les finances publiques.


    3. La cohérence avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel


    27. Selon le Gouvernement, le solde structurel (10) s'élèverait à -0,6 point de PIB en 2020, après -2,2 en 2019. L'ajustement structurel, c'est-à-dire la variation du solde structurel, s'établirait ainsi à +1,6 point de PIB, en amélioration de 0,6 point de PIB par rapport à la prévision du PLF pour 2021.


    Décomposition du solde public présenté par le Gouvernement


    En points de PIB

    PLFR n° 4
    pour 2020 (octobre 2020)

    LPFP (janvier 2018)

    Écart

    2019

    2020

    2019

    2020

    2019

    2020

    Solde public

    -3,0

    -11,3

    -2,9

    -1,5

    -0,1

    -9,8

    Composante conjoncturelle

    0,2

    -7,2

    -0,1

    0,1

    0,3

    -7,3

    Mesures ponctuelles et temporaires (11)

    -1,0

    -3,5

    -0,9

    0,0

    -0,1

    -3,5

    Solde structurel

    -2,2

    -0,6

    -1,9

    -1,6

    -0,3

    +1,0


    Note : les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
    Source : Projet de loi de finances rectificatif n° 4 pour 2020, loi de programmation de janvier 2018.


  • 28. Dans le prolongement de son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil souligne la décomposition du solde public en 2020 présentée par le Gouvernement a peu de signification, du fait du caractère exceptionnel des évolutions de l'activité économique et de certaines conventions retenues par le Gouvernement pour effectuer cette décomposition. Cela conduit à afficher une amélioration du solde structurel de 1,6 point de PIB en 2020 par rapport à 2019, alors même que le Gouvernement a apporté un soutien budgétaire très important à l'activité économique.
    29. L'évaluation du solde structurel en 2020 est ainsi affectée par le choix de considérer les mesures de soutien comme temporaires ou, au contraire, structurelles. L'ensemble des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire (près de 4 points de PIB) ont été enregistrées par le Gouvernement comme des mesures temporaires en 2020 et ne viennent donc pas dégrader le solde structurel, tandis que la hausse du taux de prélèvements obligatoires à législation constante, qui résulte pourtant pour une très large part de l'impact de ces mesures de soutien sur les revenus des ménages et des entreprises (12), est considérée comme structurelle.
    30. Par ailleurs, la signification du solde structurel est très réduite cette année par l'estimation du PIB potentiel retenue pour son calcul. Alors même que la crise sanitaire a fortement affecté le potentiel productif de l'économie française, l'estimation sur laquelle doit s'appuyer l'avis du Haut Conseil est celle de la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018. Cette référence, conforme à la loi organique de 17 décembre 2012, est désormais caduque, comme le Haut Conseil l'avait souligné dans son avis sur le PLF pour 2021 et comme le considère aussi le Gouvernement, qui a présenté une estimation de PIB potentiel fortement révisée en baisse à partir de 2020 dans les documents associés au PLF pour 2021.
    31. Enfin, le ratio de la dette publique au PIB passerait de 98,4 points de PIB en 2019 à 119,8 points en 2020, en hausse de plus de deux points par rapport au PLF pour 2021 et de plus de 20 points par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Ainsi qu'il l'a déjà relevé dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil considère que la soutenabilité à moyen terme des finances publiques, dans un contexte où un affaiblissement vraisemblable de la croissance potentielle à la suite de la crise sanitaire risque de rendre plus difficile la réduction du déficit, constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.


    Évolution des prévisions de dette et de déficit publics pour l'année 2020


    En points de PIB

    PLF 2020

    PLFR 1

    PLFR 2

    PLFR 3

    PLF 2021

    PLFR 4

    Solde public

    -2,2

    -3,9

    -9,0

    -11,4

    -10,2

    -11,3

    Dette publique

    98,7

    102,9

    115,2

    120,9

    117,5

    119,8


    Source : différents projets de loi de finances.


  • 32. Comme dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil relève le caractère non significatif de l'évaluation du solde structurel présentée par le Gouvernement qui s'établirait en 2020 à -0,6 point de PIB, en amélioration de 1,6 point de PIB par rapport à 2019 alors même que la situation des finances publiques est exceptionnellement dégradée cette année. Il estime que la référence à la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de janvier 2018 est rendue caduque par la révision à la baisse qu'il serait nécessaire d'effectuer, en raison de la crise sanitaire, sur l'estimation de PIB potentiel pour 2020 figurant dans la LPFP. Par ailleurs, le calcul du solde structurel est rendu peu significatif par les conventions retenues par le Gouvernement pour classer en mesures ponctuelles et temporaires de nombreuses mesures de soutien.
    33. Le Haut Conseil constate que le ratio de dette publique, à nouveau révisé à la hausse, s'établirait, en 2020, plus de 20 points au-dessus de son niveau d'avant-crise. Cette augmentation massive, résultant d'un choc aussi violent qu'inédit sur l'activité et de la réponse budgétaire apportée, intervient après une décennie quasi ininterrompue de hausse de la dette.
    34. Ainsi qu'il l'a déjà relevé dans son avis sur le PLF pour 2021, le Haut Conseil considère que, dans un contexte où un affaiblissement vraisemblable de la croissance potentielle à la suite de la crise sanitaire risque de rendre plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme des finances publiques constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance.


    Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et joint au projet de loi de finances rectificative pour 2020 lors de son dépôt à l'Assemblée nationale.


    • ANNEXES
      ANNEXE 1
      PROJET D'ARTICLE LIMINAIRE
      Prévision de solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2020


      La prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour 2020 s'établit comme suit :


      (En points de produit intérieur brut)(*)


      Exécution 2019

      Prévision pour 2020

      Solde structurel (1)

      -2,2

      -0,6

      Solde conjoncturel (2)

      0,2

      -7,2

      Mesures ponctuelles et temporaires (3)

      -1,0

      -3,5

      Solde effectif (1 + 2 + 3)

      -3,0

      -11,3


      (*) Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de l'application de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul.
      Exposé des motifs de l'article :
      Cet article présente, conformément à l'article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour 2020.
      La prévision de solde public pour 2020 s'établit désormais à -11,3 % du PIB, contre -10,2 % du PIB au projet de loi de finances pour 2021 (PLF). Cette dégradation s'explique par l'élargissement des dispositifs de soutien pour faire face à la deuxième vague de l'épidémie de covid-19.
      Les annonces consécutives à la mise en place d'un couvre-feu puis d'un nouveau confinement conduiraient à amender la prévision à hauteur de -20,1 Md€ sur le solde par rapport au PLF :


      - le relèvement des crédits du Fonds de solidarité (10,9 Md€) afin de tenir compte des extensions consécutives de ses critères d'éligibilité, conduisant à une dépense publique de 19,4 Md€ (contre 8,5 Md€ au PLF 2021, chiffres hors part portée par les assureurs) ;
      - les nouvelles exonérations de cotisations sociales, qui pèseraient sur les recettes sociales à hauteur de 3,0 Md€ en 2020, conduisant à un total d'exonérations de 8,2 Md€ (contre 5,2 Md€ au PLF 2021), compensées par l'État ;
      - la hausse du coût du dispositif d'activité partielle au titre de l'année 2020 à hauteur de 3,2 Md€ pour l'État et l'Unedic, conduisant à un total d'intervention au titre de l'année de 34,0 Md€ (contre 30,8 Md€ au PLF 2021) ;
      - le financement, sur les dépenses pilotables de l'État à hauteur de 1,1 Md€, de la prime pour les bénéficiaires du RSA et des APL annoncée par le Président de la République le 14 octobre ;
      - sur le champ des dépenses d'assurance maladie, les annonces ont conduit à intégrer une provision de 2,4 Md€ au titre de surcoûts liés à la crise sanitaire, de l'avancement à décembre du second volet du Ségur rémunérations, de l'indemnisation accrue prévue pour les heures supplémentaires et de l'indemnité pour congés non pris (13).


      Par ailleurs, la dégradation de la prévision de l'activité associée à cette deuxième phase de confinement, avec une baisse du PIB de -11% contre -10 % au PLF, pèserait sur les recettes publiques. Toutefois, cette dégradation serait compensée par les plus-values sur les remontées comptables observées depuis la finalisation de la trajectoire du PLF, notamment sur l'IS, la TVA et l'IR.
      Les autres facteurs de révision ont principalement trait à l'augmentation des dépenses d'assurance chômage, hors activité partielle et à l'augmentation de la contribution de la France au budget communautaire.
      S'agissant du solde structurel, celui-ci s'établirait à la hausse, à -0,6 % du PIB en 2020, contre -1,2 % lors du PLF 2021. En effet, en cohérence avec le choix de traiter les dépenses d'urgence en mesures exceptionnelles et temporaires, l'essentiel des mesures annoncées suite à la mise en place du couvre-feu puis du nouveau confinement n'affecte pas le solde structurel, soutenu par ailleurs par la résilience des recettes. Les mêmes précautions que lors du PLF 2021 s'appliquent sur l'interprétation du solde structurel en 2020, qui doit rester prudente étant donnée la spécificité de l'année, avec notamment de forts effets d'élasticité des prélèvements obligatoires et des incertitudes fortes sur le niveau potentiel de l'activité. Dans ce PLFR IV comme lors du PLF 2021, la décomposition structurelle du solde repose sur les hypothèses de croissance potentielle de la LPFP 2018-2022.


      (13) Sur le champ de l'Ondam, rehaussé de 2,4 Md€, seuls 1,9 Md€ affectent le solde toutes APU, car les 0,5 Md€ restant visent à compenser des baisses de recettes aux hôpitaux, déjà provisionnées en tant que telles au PLF 2021, et sont donc sans effet sur le déficit public.


    • ANNEXE 2
      LES MODALITÉS D'ESTIMATION DU SOLDE STRUCTUREL DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES


      Le calcul du solde structurel :
      Pour apprécier la trajectoire des finances publiques, il est usuel de considérer le solde structurel, qui correspond au solde public corrigé des effets directs du cycle économique ainsi que des évènements exceptionnels. Le solde public est ainsi séparé en deux composantes :


      - une composante conjoncturelle qui représente l'impact du cycle économique sur les dépenses et les recettes de l'ensemble des administrations publiques ;
      - une composante structurelle correspondant à ce que serait le solde public si l'économie se situait à son niveau potentiel.


      L'identification des composantes conjoncturelle et structurelle du déficit public repose fondamentalement sur l'estimation du PIB potentiel. Ce dernier représente le niveau de production que l'économie peut soutenir durablement sans faire apparaître de tension sur les facteurs de production capital et travail.
      Concrètement, l'identification s'opère en calculant les parts conjoncturelles des recettes et des dépenses publiques. Celles-ci sont évaluées de la manière suivante :


      - Du côté des recettes, seuls les prélèvements obligatoires sont supposés cycliques. Le niveau conjoncturel de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés, des cotisations de sécurité sociale et des autres prélèvements obligatoires, est calculé séparément à partir des effets de l'écart de production sur ces impôts (14).
      - Du côté des dépenses, seules les dépenses d'indemnisation du chômage sont considérées dépendre de la conjoncture (15). La part conjoncturelle est estimée comme pour les recettes, à partir des effets sur ces dépenses de l'écart de production.


      On calcule ainsi la composante conjoncturelle du déficit. Cette composante est déduite du solde effectif pour obtenir une estimation du solde structurel.
      Une ultime correction est opérée sur le solde structurel afin d'exclure certains événements ou mesures qui, du fait de leur caractère exceptionnel, n'ont pas d'impact pérenne sur le solde public. À l'origine, cet ajustement a été introduit afin de neutraliser l'effet de la vente des licences UMTS à la fin des années 1990 et les diverses soultes perçues par l'État (IEG, La Poste, France Télécom) qui ont contribué à augmenter les recettes de manière exceptionnelle. Il n'existe toutefois pas de définition précise des mesures exceptionnelles et leur identification relève en partie de l'interprétation. Tout en soulignant que le caractère ponctuel et temporaire des mesures doit être apprécié au cas par cas, le Gouvernement propose un ensemble de critères permettant de mieux appréhender la notion dans une annexe à la loi de programmation.
      La composition de l'ajustement structurel :
      La variation du solde structurel d'une année sur l'autre est appelée « ajustement structurel ».
      Pour analyser l'orientation de la politique budgétaire, la variation du solde structurel peut se décomposer de la manière suivante :


      - L'effort structurel, qui mesure la part de l'ajustement structurel imputable à des facteurs « discrétionnaires », c'est-à-dire maîtrisables par les décideurs publics :
      - l'effort en dépense, qui compare le taux de croissance de la dépense publique en volume (déflatée avec le prix de PIB) à la croissance potentielle de l'économie. Il contribue à un ajustement structurel positif dès lors que les dépenses augmentent moins vite que le PIB potentiel ;
      - le quantum de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires.
      - La part « non discrétionnaire » de l'ajustement structurel, qui tient compte :
      - des effets liés aux variations des élasticités des recettes : la composante conjoncturelle étant calculée avec des élasticités moyennes, le solde structurel inclut les fluctuations éventuelles des élasticités une année donnée si celles-ci diffèrent de leur moyenne de longue période ;
      - de l'évolution des recettes hors prélèvements obligatoires.


      (14) Cet effet est évalué à partir des « élasticités » moyennes de chaque catégorie d'impôt vis-à-vis de l'écart de production. Les élasticités retenues sont celles estimées par l'OCDE.


      (15) S'agissant des autres dépenses, soit elles sont de nature discrétionnaire, soit aucun lien avec la conjoncture ne peut être mis en évidence de façon claire et fiable.


Fait à Paris, le 2 novembre 2020.


Pour le Haut Conseil des finances publiques :
Le premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques,
P. Moscovici


(1) C'est-à-dire le recul du PIB qui serait enregistré en 2020 par rapport à 2019 si le PIB restait au quatrième trimestre à son niveau du troisième.

(2) L'impact des premières mesures décidées en octobre, en particulier la mise en œuvre d'un couvre-feu pour une partie du territoire, est lui aussi entouré d'une certaine incertitude, mais celle-ci est de moindre ampleur.

(3) Insee, Note de conjoncture, Une économie diminuée, p. 22.

(4) Avec notamment une réactivation du dispositif de chômage partiel tel qu'il prévalait au printemps, et des exonérations de cotisations sociales d'un montant équivalent à celui d'avril dernier.

(5) Schématiquement : élargissement aux entreprises de moins de 50 salariés dans le secteur du tourisme et accroissement de l'aide pour les cas de fermetures administratives (cf. notamment le communiqué de presse n° 265 du 8 octobre 2020 des cabinets de Bruno Le Maire et d'Alain Griset).

(6) Sous l'hypothèse d'un repli limité de l'activité en octobre par rapport à septembre, les restrictions sanitaires qui ont commencé à être mises en œuvre en octobre étant d'une intensité également relativement limitée.

(7) Amendement n° 2713 présenté le 21 octobre 2020 par le Gouvernement à l'Assemblée nationale sur le PLFSS pour 2021

(8) Les autres mesures n'ayant pas d'effets directs sur le déficit public sont laissées inchangées par rapport à la 3e LFR .

(9) Rapport économique, social et financier (RESF) annexé au PLF pour 2021.

(10) Voir annexe 3 pour une définition des concepts utilisés dans cette partie.

(11) Le chiffre pour 2020 des mesures ponctuelles et temporaires ne correspond pas exactement à celui du tableau précédent détaillant ces mesures car le calcul se fait ici sur la base du PIB potentiel. En outre, certaines mesures ponctuelles (comme par exemple l'effet des conventions judiciaires d'intérêt public pour +2,1 Md€) s'ajoutent aux mesures du plan d'urgence et de soutien et ont un impact favorable sur le solde.

(12) L'élasticité des prélèvements obligatoires est de 0,7 dans ce PLFR.
Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 540,3 Ko
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