Avis aux opérateurs sur les décrets biocides pris en application de l'article 76 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGAlim)

Version initiale

  • Deux décrets pris en application de l'article 76 de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite " loi EGAlim "et désignée comme telle ci-après) ont été publiés le 26 juin 2019 avec une mise en œuvre au 1er octobre 2019.
    Un troisième décret a été publié le 14 octobre 2019, mais ces dispositions n'entreront en vigueur que suite à la publication d'un arrêté en cours de préparation. Le moment venu, le présent avis sera mis à jour.
    Cet avis a pour objectif de clarifier les exigences attendues des opérateurs pour les deux décrets entrés en vigueur le 1er octobre 2019 relatifs à la publicité commerciale et aux pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides.
    Les informations présentées sont valables sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux.

    I. - RAPPELS SUR LES DEUX DÉCRETS ENTRÉS EN VIGUEUR LE 1ER OCTOBRE 2019

    - décret n° 2019-643 du 26 juin 2019 relatif à la publicité commerciale pour certaines catégories de produits biocides.

    Le décret liste les catégories de produits biocides dont la publicité commerciale est interdite au grand public au regard de leurs risques pour la santé humaine et pour l'environnement. Il définit également les modalités de la publicité de ces produits à destination des professionnels.
    Extrait du décret :
    " Les catégories de produits biocides mentionnées à l'article L. 522-5-3, pour lesquels il est interdit de faire de la publicité commerciale à destination du grand public, sont les suivantes :
    1° Les produits relevant des types 14 et 18 définis par le règlement (UE) n° 528/2012 du parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides ;
    2° Les produits appartenant aux types 2 et 4 définis par ce même règlement et classés, selon les dispositions du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, comme dangereux pour le milieu aquatique de catégorie 1 : toxicité aiguë de catégorie 1 (H 400) et toxicité chronique de catégorie 1 (H 410). "

    - décret n° 2019-642 du 26 juin 2019 relatif aux pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides.

    Les pratiques commerciales sont celles listées dans l'article L. 522-18 du code de l'environnement créé par l'article 76 de la loi EGAlim.
    La loi dispose que l'interdiction porte sur " les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens du I de l'article L. 441-6 du code de commerce* ou la remise d'unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sont interdits. Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l'attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l'achat de ces produits est prohibée. "
    * A noter qu'il s'agit de l'article L. 441-1 du code du commerce suite à la publication de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code du commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.
    Le décret liste donc les catégories de produits biocides pour lesquelles les pratiques commerciales précitées sont interdites.
    Extrait du décret :
    " Les catégories de produits mentionnées à l'article L. 522-18, pour lesquels certaines pratiques commerciales sont prohibées, sont les produits relevant des types 14 et 18 définis par le règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. "

    II. - NOTIONS COMMUNES AUX DEUX DÉCRETS

    Les dispositions de ces deux décrets ne s'appliquent pas aux produits biocides admissibles à la procédure d'autorisation simplifiée conformément à l'article 25 du règlement (UE) n° 528/2012.
    1. Mise en œuvre des décrets biocides d'application au 1er octobre 2019
    Pour tous les nouveaux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er octobre 2019, les deux décrets sur la publicité et les remises rabais ristournes s'appliquent.
    Concrètement, les actions promotionnelles envers le grand public (publicité et remise rabais ristournes) prévues par la convention signée avant le 1er octobre 2019 entre un fabricant et un distributeur restent possibles. En revanche, les actions promotionnelles qui relèveraient de l'initiative du distributeur, ou celles qui impliqueraient le renouvellement d'un contrat ou la conclusion d'un nouveau contrat après le 1er octobre 2019 ne sont pas autorisées.
    Les conventions pluriannuelles signées avant le 1er octobre 2019 s'appliquent jusqu'à leur date finale de validité.
    Dans le cas de contractualisation sous forme de contrat cadre et de contrats d'application, c'est la date de signature du contrat cadre qui est prise en compte.
    Exemple : Il est possible de continuer à faire de la publicité sur un produit rodenticide dans le cadre d'un contrat pluriannuel conclu le 15 septembre 2019 jusqu'à sa fin de validité.

    Les types de contrats concernés

    Les contrats visés par ces deux décrets correspondent à tout type de contrats de vente conclus entre deux professionnels, et notamment aux conventions écrites devant être conclues entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de service prévues par les articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de commerce.
    S'agissant de la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, celles-ci s'appliquent à tous les contrats conclus ou renouvelés à partir du 1er octobre 2019. Par conséquent, un contrat, y compris pluriannuel, signé et entré en application avant le 1er octobre 2019, n'est pas concerné par la mesure avant son échéance ou son renouvellement.

    Application aux différents acteurs de la chaîne d'approvisionnement

    La date d'application du 1er octobre 2019 s'impose à tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement pour les deux décrets, et notamment les distributeurs pour les publicités.

    Applicabilité des décrets aux importateurs en France

    Les deux décrets ne distinguent pas les produits importés des autres. Les importateurs sont des responsables de la mise sur le marché qui sont contrôlés au même titre que les autres responsables de la mise sur le marché (fabricants, marques propres…). Ils sont donc également soumis aux restrictions prévues par ces décrets.
    2. Interactions entre les deux décrets : produit biocide visé par l'interdiction de publicité mais pas par l'interdiction de pratiques commerciales
    Sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, le fait de mentionner, uniquement sur l'étiquette d'un produit, la promotion dont bénéficie un tel produit ne constitue pas une publicité pour ce produit au regard de la définition de la " publicité "prévue par le règlement biocides.
    3. Applicabilité extraterritoriale de la loi
    Les décrets s'appliquent pour tous les produits vendus en France (sur les lieux physiques ou via internet). Le lieu de négociation du contrat est indifférent à cet égard et il n'est donc pas possible de s'affranchir des dispositions des deux décrets au motif que le contrat est conclu hors du territoire national.
    4. Applicabilité outre-mer
    La portée territoriale des décrets d'application de la loi EGALIM visés (décrets n° 2019-642 et n° 2019-643), en l'absence de mention expresse, doit être déterminée à l'aune des principes d'identité et de spécialité législatives (cf. articles 73 et 74 de la Constitution), ainsi que des statuts propres à chacune des collectivités concernées (départements, régions et collectivités d'outre-mer).
    Le statut de région ultrapériphérique (RUP), concernant des parties du territoire de trois États membres de l'Union européenne situées dans des zones éloignées du continent européen, et justifié par certaines contraintes découlant de leurs caractéristiques géographiques limitant leurs potentialités de développement économique, n'a quant à lui d'incidence qu'en termes d'application du droit européen. Il doit cependant être pris en compte s'agissant des adaptations du droit national possibles pour ces territoires, lesquelles doivent être conformes au droit de l'Union. Pour mémoire, parmi les neuf régions ultrapériphériques actuellement juridiquement reconnues, figurent cinq départements français d'outre-mer, la Martinique, Mayotte, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion, ainsi qu'une collectivité d'outre-mer française, Saint-Martin (depuis 2009).
    4.1. En application du principe d'identité législative et du régime des RUP, les décrets considérés sont pleinement applicables aux départements et régions d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte)
    4.2. S'agissant de Saint Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), l'applicabilité de ces décrets varie selon leurs statuts

    - Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon : les décrets y sont applicables.
    - Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et TAAF : les décrets considérés ne s'y appliquent pas.

    III. - NOTION DE PUBLICITÉ ET DÉCRET RELATIF À LA PUBLICITÉ COMMERCIALE

    1. Définitions et frontières entre publicité et information

    - définition de la publicité à l'article 3 y) du règlement UE/528/2012 :

    " Un moyen de promouvoir la vente ou l'utilisation de produits biocides à l'aide de supports imprimés, électroniques ou autres. "

    - frontière entre information et publicité : la publicité implique une notion de promotion de produit et non de simple information. Le paragraphe 2 ci-dessous développe cet aspect ;
    - frontière entre publicité " commerciale "et publicité " non commerciale ": le terme de publicité peut être considéré comme synonyme de publicité commerciale. Une " publicité "non commerciale, sans promotion du produit, est assimilée à de l'information.

    2. Publicité ou non/Information - Questionnements, exemples
    La notion de publicité doit s'appréhender au cas par cas.
    Une campagne d'information est possible sur les produits biocides y compris ceux visés par le décret n° 2019-643, par exemple des messages à caractère informatifs ayant pour objet les modalités d'utilisation et le mode d'élimination des produits biocides, quel que soit le type de support employé (internet, présentoirs en magasin …).
    De la même façon, le logo de la marque et les éléments constitutifs de l'identité de l'entreprise indiqués sur l'emballage du produit ne sont pas considérés comme des éléments constitutifs d'une publicité sous réserve que le nom de la marque n'induise pas une allégation ambiguë (comme par exemple : " bioxxx, naturexxx ") de nature à constituer une pratique commerciale trompeuse au sens des articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation, de l'article L. 441-1 du même code, ou en contradiction avec l'article 72 paragraphe 3 du règlement n° 528-2012.

    Sites en ligne

    - site internet non marchand : un site non marchand est assimilé à de la publicité (car il ne sert qu'à promouvoir le produit, il n'est rarement qu'informatif).

    Les sites internet non marchands de simple présentation de produits sont assimilables à des catalogues papier, et constituent donc des publicités.

    - site internet marchand : un site marchand est assimilé à une boutique qui peut contenir de la publicité. Le contenu du site et les informations présentées doivent être examinés au cas par cas pour déterminer ce qui relève de la publicité.

    Plus que les pages de présentation, ce sont plutôt les allégations portées sur ces pages qui peuvent constituer de la publicité.
    Si les pages de présentation des produits ne contiennent que les indications précontractuelles nécessaires à la bonne information des consommateurs (notamment les caractéristiques essentielles, dont la liste pour les produits chimiques est disponible à l'adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/vente-a-distance-produits-chimiques-biocides-et-detergents-quelles-sont-caracteristiques), alors il ne s'agit pas de publicité.

    Les visuels

    - une banderole exposée à l'extérieur d'une grande surface mentionnant la présence de certains produits biocides visés par le décret à l'intérieur du magasin : une telle banderole constitue une publicité au sens du règlement européen sur les produits biocides. Un tel dispositif est donc interdit pour les produits concernés par le décret n° 2019-643
    - catalogue produit non destiné au grand public : il s'agit d'un catalogue destiné aux professionnels qui doit donc être conforme aux obligations applicables aux publicités destinées aux professionnels prévues par le règlement européen et complétées par le décret, à savoir :
    - ajout de deux phrases (" Avant toute utilisation, assurez-vous que celle-ci est indispensable, notamment dans les lieux fréquentés par le grand public. Privilégiez chaque fois que possible les méthodes alternatives et les produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et animale et pour l'environnement ")
    - et mention des types de produits biocides associés au produit.

    - supports de présentation spécifiques de produits biocides (box, tête de gondole…).

    Si ces supports comportent uniquement la marque et le nom du produit sans aucune autre mention, ils ne sont pas considérés comme de la publicité.

    IV. - NOTION DE REMISES, RABAIS, RISTOURNES ET DÉCRET RELATIF AUX PRATIQUES COMMERCIALES PROHIBÉES
    1. Définitions

    Les termes de " remises, rabais et ristournes "sont des termes commerciaux et ne font pas l'objet d'une définition juridique précise. Le glossaire de la circulaire du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, aujourd'hui abrogée, donnait toutefois les définitions suivantes :

    - remise : " réduction immédiate sur le prix d'un bien ou d'un service. Elle est calculée sur le prix de vente brut HT ";
    - il peut s'agir d'une remise quantitative ou d'une remise de fonction (remise consentie au distributeur lorsqu'il se substitue au fournisseur pour assurer certaines tâches) ;
    - rabais : " réduction de prix à caractère commercial accordé en cas de défaut de qualité, de retard de livraison ou de non-conformité de la commande ";
    - ristourne : " remboursement au client d'une partie de la somme qu'il a déjà payée. Elle est généralement accordée périodiquement en fonction de la réalisation des objectifs qui conditionnent son versement ".

    2. Interdiction ou non - Questionnements, exemples

    En application des dispositions de l'article L. 522-18 du code de l'environnement créé par la loi EGAlim, pour les catégories de produits biocides définis par le décret n° 2019-642 du 26 juin 2019 relatif aux pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides, tout producteur, grossiste ou importateur ne peut proposer des conditions générales de vente (CGV) différentes à ses acheteurs en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent ; un fabricant doit ainsi par exemple proposer les mêmes CGV à ses acheteurs que ceux-ci soient des fabricants, des grossistes ou des détaillants. De plus, aucune négociation des CGV entre le vendeur et l'acheteur n'est désormais possible ; il ne peut donc pas être convenu de conditions particulières de vente (CPV) entre ceux-ci, relatives notamment à des délais de paiement ou à des délais de retour des marchandises. Le prix mentionné sur la facture devra être le prix indiqué dans les CGV.
    La vente d'un même produit biocide à deux distributeurs différents doit ainsi se faire au même prix pour les deux distributeurs quel que soit le volume de produits achetés.
    Sont notamment considérées comme des remises, rabais, ristournes :

    - une baisse du prix unitaire du produit lorsque les contrats passés avec des clients concernent des volumes importants ;
    - L'attribution de points fidélité transformables en bons d'achat permettant d'obtenir des remises sur un futur achat.

    Remise d'unités gratuites
    La remise d'unités gratuites au grand public ou à des professionnels est interdite.
    Produits similaires mais de marques commerciales et décors différents
    Des produits finis de même volume, de même formule, mais de marques commerciales et décors différents pourront a priori être vendus à des prix différents.
    Prix de revente distributeur - consommateur
    Chaque distributeur peut revendre les produits en fixant ses propres prix dans le respect des règles relatives à la revente à perte.
    Frais de port
    Les frais de port dépendent des CGV.
    Coopération commerciale et autres obligations
    La convention annuelle doit prévoir les services de coopération commerciale, qui font toujours l'objet d'une facturation, et d'éventuelles autres obligations (telles que collecte de statistiques, participation à des salons professionnels …) qui devront également faire l'objet d'une facturation, leur rémunération sous forme de réduction de prix sur les produits biocides étant interdite.
    Facturation de prestations annexes
    Toute prestation est envisageable à partir du moment où elle fait l'objet d'une facturation.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 244,6 Ko
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