Monsieur le Président de la République,
Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage.
Le III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail avait prévu qu'un accord national interprofessionnel étendu puisse confier à une branche professionnelle la mission d'organiser l'ensemble de ces relations contractuelles. Ainsi, sur la base de l'accord national interprofessionnel en date du 11 janvier 2008, les partenaires sociaux de la branche de l'intérim ont conclu un accord le 24 juin 2010 relatif au portage salarial.
Cependant, par une décision QPC n° 2014-388 du 11 avril 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions du III de l'article 8 de la loi du 25 juin 2008 inconstitutionnelles, au motif que l'organisation des relations contractuelles en matière de portage salarial relevait de la compétence du législateur. Le Conseil constitutionnel a reporté l'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er janvier 2015.
C'est pour tirer les conséquences de cette décision que l'article 4 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance « toute mesure visant à déterminer les conditions essentielles de l'exercice du portage salarial défini à l'article L. 1251-64 du code du travail et les principes applicables à la personne portée, à l'entreprise de portage et à l'entreprise cliente. Ces conditions essentielles comprennent la définition des conditions d'exercice de l'activité d'entreprise de portage salarial et des conditions de recours au portage salarial, incluant les différents types de contrats de travail, leurs caractéristiques, les conditions d'emploi et de travail des salariés portés et les garanties qui leur sont applicables ».
C'est sur la base de cette habilitation qu'est prise la présente ordonnance, qui s'inscrit dans le cadre de la transposition de l'accord professionnel du 24 juin 2010. Dans une position commune du 15 avril 2014, les partenaires sociaux du secteur du portage salarial ont fait part au Gouvernement de leur attachement à cet accord et de leur souhait de s'engager dans la négociation d'une convention collective qui viendra compléter le dispositif légal et réglementaire.
Un dispositif de sanctions civiles et pénales sera très prochainement introduit par la loi pour garantir l'application effective des règles définies. Il s'inspirera des sanctions qui existent aujourd'hui dans le code du travail en matière temporaire (articles L. 1254-1 et suivants du code du travail) et de recours au contrat à durée déterminée (articles L. 1248-1 et suivants), tout en les adaptant au portage salarial.
Le titre Ier de la présente ordonnance définit le dispositif de portage salarial. Il crée un chapitre IV consacré au portage salarial dans le titre V du livre II de la première partie du code du travail, relatif au contrat de travail temporaire et autres contrats de mise à disposition (article 1er), et détermine l'ensemble des règles applicables au dispositif (article 2).
La section 1 définit le portage salarial et les conditions dans lesquelles il est possible pour une personne de se faire porter. Celle-ci doit justifier d'un niveau d'expertise, de qualification et d'autonomie qui lui permettent de rechercher elle-même ses clients et de négocier avec eux sa prestation. En effet, c'est à elle et non à l'entreprise de portage de démarcher les entreprises clientes et d'apporter ainsi sa propre clientèle. Le salarié porté bénéficie par ailleurs d'une rémunération minimale fixée par accord de branche étendu. A défaut d'accord, elle est fixée à 75 % du plafond de la sécurité sociale pour une activité équivalente à un temps plein. Le champ d'application ainsi défini du portage salarial répond à un motif d'intérêt général en rapport avec l'objet de la présente ordonnance. Elle vise à sécuriser les entreprises de portage salarial en les assurant que leurs salariés portés sont bien à même de rechercher eux-mêmes leurs prestations. Cette définition offre également un cadre protecteur pour les personnes portées. En effet, seules celles qui disposent d'une autonomie suffisante seront éligibles au dispositif. Pour les autres, les règles du salariat définies par le code du travail doivent rester la voie privilégiée de la relation de travail.
La section 2 précise les conditions et interdictions du recours au portage salarial par une entreprise cliente qui ne peut faire appel à un salarié porté que pour l'exécution d'une tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas. Une prestation chez une entreprise cliente ne peut excéder trente-six mois. Par ailleurs, les activités de service à la personne sont exclues du dispositif.
La section 3 définit la nature et les spécificités du contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée liant l'entreprise de portage et le salarié porté.
Le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour une prestation dans une entreprise cliente, pour une durée maximale de dix-huit mois, renouvellement inclus. Obligatoirement écrit, il contient un certain nombre de clauses relatives, d'une part, à la relation entre l'entreprise de portage salarial et le salarié porté et, d'autre part, à la réalisation de la prestation dans l'entreprise cliente pour laquelle il est conclu.
Le contrat de travail à durée indéterminée est conclu pour la réalisation de prestations dans une ou plusieurs entreprises clientes. Obligatoirement écrit, il contient, comme le contrat de travail à durée déterminée, un certain nombre de clauses relatives à la relation entre l'entreprise de portage salarial et le salarié porté. Le contrat de travail doit préciser les modalités de calcul et de versement de la rémunération due au salarié pour la réalisation de la prestation.
L'indemnité d'apport d'affaire mentionnée au contrat de travail, qu'il soit à durée déterminée ou à durée indéterminée, est définie par un accord de branche étendu. Dans l'attente d'un accord, elle est fixée à 5 % de la rémunération et de l'indemnité.
La section 4 précise la nature et les spécificités du contrat commercial conclu entre l'entreprise de portage et l'entreprise cliente. Ce contrat contient les éléments essentiels de la négociation de la prestation entre la personne portée et l'entreprise cliente. C'est au salarié porté de fournir à l'entreprise de portage l'ensemble des éléments lui permettant de contacter l'entreprise cliente afin d'établir le contrat de prestation.
La section 5 précise les conditions d'activité des entreprises de portage salarial. Celles-ci exercent à titre exclusif leur activité et doivent se déclarer à l'autorité administrative et souscrire une garantie financière. Elles doivent par ailleurs mettre en place pour chaque salarié porté un compte d'activité permettant de détailler les sommes qu'elles reçoivent de l'entreprise cliente et qu'elles versent au salarié porté ou aux organismes en charge du recouvrement des contributions sociales et fiscales. Sont enfin précisées leurs obligations au regard de la médecine du travail et les modalités de décompte de leurs effectifs.
Le titre II (article 3) définit les conditions particulières de prise en compte des salariés portés en matière d'éligibilité et d'électorat des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise.
Le titre III (articles 4 et 5) prévoit les conditions d'effectifs et d'ancienneté spécifiques aux salariés des entreprises de portage salarial pour l'application des dispositifs de participation et d'épargne salariale.
Le titre IV (article 6) prévoit la possibilité pour le comité d'entreprise de l'entreprise ayant recours au portage salarial de saisir l'inspection du travail en cas de recours abusif à ce type de prestations, selon une procédure similaire à celle relative au recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée et au travail temporaire.
Le titre V comporte d'abord un article de coordination (article 7) qui supprime la possibilité pour les entreprises de portage salarial de déroger à l'interdiction de prêt illicite de main-d'œuvre. En effet, le portage salarial exercé dans le cadre légal désormais défini par la présente ordonnance ne peut en aucun cas être assimilé à une opération de prêt de main-d'œuvre.
L'article 8 autorise un accord de branche étendu à prévoir l'adaptation du niveau et de la répartition de la contribution des employeurs au titre de leur participation au financement de la formation professionnelle continue.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.Liens relatifs
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial