Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure

Version en vigueur depuis le 30 août 2002

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Annexe I

Version en vigueur depuis le 30 août 2002

I. - Achever la mise en application des dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995

Un certain nombre de dispositions de la loi précitée, notamment parmi celles relatives à la prévention de l'insécurité, n'ont toujours pas été mises en oeuvre, faute de textes en précisant les modalités d'application.

Il s'agit des articles suivants :

- article 11 relatif aux études préalables à la réalisation des projets d'aménagement des équipements collectifs et des programmes de construction ;

- articles 14 et 15 relatifs aux dispositifs techniques de prévention et de constatation des infractions au code de la route. S'agissant plus particulièrement de l'article 15, la France prendra une initiative pour faire aboutir ce dossier qui relève désormais de la réglementation européenne.

Par ailleurs, les articles 1er et 23-1 de la loi du 21 janvier 1995 seront rendus applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Mayotte.

II. - Donner aux services de sécurité intérieure les moyens juridiques nouveaux dont ils ont besoin pour lutter plus efficacement contre certaines formes de criminalité et de délinquance

Au cours des dernières années, la délinquance a augmenté d'une manière inacceptable. Elle a également changé de nature en devenant toujours plus violente, plus mobile, plus organisée. C'est ainsi que le droit élémentaire de nos concitoyens à la sûreté est trop souvent bafoué.

Le trafic de produits stupéfiants, quant à lui, a continué à se développer et à s'étendre à de nouvelles substances. Il a contribué à la montée en puissance dans certains quartiers de l'économie souterraine, à l'exaspération de leurs habitants et à un grand nombre de dommages sociaux et sanitaires.

Enfin, l'implication de mineurs de plus en plus nombreux dans la commission d'infractions graves ne peut qu'inquiéter.

Sans préjudice des dispositions contenues dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice, les présentes orientations prévoient de mettre à la disposition des forces de sécurité intérieure les nouveaux moyens juridiques nécessaires à l'accomplissement de leur mission, à savoir rétablir et garantir la sécurité des Français dans le respect des lois.

Pour ce faire, les dispositions nouvelles permettront :

1° De rétablir l'autorité des agents de l'Etat dans l'exercice de leurs missions et d'améliorer leur efficacité dans l'identification et l'incrimination des auteurs des faits dont ils ont connaissance ;

2° De mieux assurer les devoirs que l'Etat a à l'égard de tous ceux qui souhaitent apporter leur aide au travail des enquêteurs, en protégeant notamment les témoins et victimes de tout risque de représailles ;

3° De moderniser notre droit afin de mieux appréhender certaines formes nouvelles de délinquance, causes de graves dommages à notre société et mal supportées par nos concitoyens.

1. Mesures tendant à restaurer l'autorité et la capacité des agents de l'Etat à agir

L'Etat se doit de renforcer la protection et la crédibilité de ceux qui travaillent dans des conditions souvent difficiles au service de la communauté. L'importance de la mission assignée aux forces de sécurité suppose que celles-ci ne soient pas distraites de leur mission par d'autres tâches. Elle suppose aussi que la protection de tous les personnels soit assurée plus efficacement et en toute circonstance, notamment lorsque des agents doivent assurer la garde de détenus présentant un caractère particulier de dangerosité.

De trop nombreux délinquants sont recherchés sans succès dans le cadre d'une enquête, d'une instruction ou pour exécuter une peine. Il paraît évident que la crédibilité de notre système répressif dépend notamment de notre capacité à faire exécuter ses décisions. C'est pourquoi la mission de rechercher activement les criminels et délinquants en fuite sera confiée à un office central. De nouvelles dispositions de procédure pénale seront mises en place afin de lui permettre d'exécuter ses missions. De plus, les moyens consacrés à l'exécution et au suivi des mesures de reconduite à la frontière seront renforcés.

Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectifs de faciliter et de simplifier les modalités des enquêtes judiciaires, d'élargir la compétence territoriale des officiers de police judiciaire et de sanctionner plus sévèrement les violences, menaces et outrages envers les dépositaires de l'autorité publique.

Enfin, les sanctions pénales pour non-respect des arrêtés municipaux seront aggravées.

2. Mesures tendant au renforcement de l'efficacité des investigations policières

L'augmentation de la délinquance comme son changement de nature nécessitent d'alléger un certain nombre de contraintes procédurales. Afin de pouvoir réagir dans les meilleurs délais et sur tout le territoire, face à une délinquance de plus en plus violente et de plus en plus organisée, il convient d'étendre les capacités d'action des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, de simplifier les procédures et de faciliter le travail des enquêteurs.

a) Faciliter le travail des enquêteurs.

Les dispositions suivantes seront proposées :

1° Afin de faciliter la recherche de preuves en matière de violences urbaines, des dotations de caméras vidéo seront prévues dans les zones sensibles ;

2° Un trop grand nombre d'enquêtes judiciaires est paralysé par l'incapacité des institutions publiques ou privées (établissements financiers, opérateurs de téléphonie, administrations...) à répondre dans des délais raisonnables aux réquisitions effectuées par les officiers de police judiciaire à la demande de l'autorité judiciaire. Le plus souvent, la raison invoquée par les personnes requises pour justifier ce retard est la difficulté d'extraire, de traiter et de faire parvenir les renseignements demandés au service de police ou de gendarmerie requérant. C'est pourquoi il sera élaboré un texte permettant aux officiers de police judiciaire, agissant dans le cadre d'une enquête judiciaire, sur autorisation d'un magistrat, d'accéder directement à des fichiers informatiques et de saisir à distance par la voie télématique ou informatique les renseignements qui paraîtraient nécessaires à la manifestation de la vérité ;

3° Dans le but d'augmenter les moyens mis à disposition des services d'enquête et d'éviter le gaspillage des deniers de l'Etat, un cadre juridique permettant l'utilisation des biens saisis appartenant directement ou indirectement aux auteurs de certaines infractions sera mis en place sous le contrôle de l'autorité judiciaire qui pourra, en cas de condamnation définitive, attribuer définitivement l'objet saisi à l'administration qui a mené l'enquête ou, en cas de déclaration d'innocence, décider de procéder à la restitution et à l'indemnisation du propriétaire.

Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif de donner plus d'efficacité aux investigations des officiers de police judiciaire, notamment pendant la phase de flagrant délit et d'enquête préliminaire.

b) Lutter contre les formes nouvelles de délinquance et améliorer le taux d'élucidation des enquêtes.

Des dispositions seront proposées dans les domaines suivants :

- les textes nécessaires seront adoptés dans le but d'autoriser sous contrôle judiciaire l'emploi des techniques les plus modernes indispensables à l'interception des messages et à la mise en place de dispositifs de surveillance élaborés rendus nécessaires en raison du recours de plus en plus systématique des délinquants aux possibilités de brouillage de leurs échanges ou au camouflage de leurs rencontres ;

- le rôle de la police technique et scientifique sera étendu et développé notamment pour permettre de découvrir les responsables des faits de petite et moyenne délinquance. C'est pourquoi, afin d'augmenter l'utilité du fichier automatisé des empreintes digitales dans l'élucidation des enquêtes, celui-ci sera étendu aux empreintes palmaires ;

- afin de favoriser l'échange de renseignements, les possibilités d'accès réciproque des policiers et des gendarmes aux fichiers mis en place de manière spécifique par le ministère de l'intérieur ou le ministère de la défense seront améliorées ;

- dans chaque département, des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie seront désignés afin de veiller à ce que la sécurité des témoins soit préservée avant et après le jugement des procédures dans lesquelles ils seront intervenus.

Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif d'étendre le champ d'application des livraisons surveillées et des infiltrations.

3. Mesures tendant à mieux prendre en compte les formes nouvelles de criminalité

Certains types de comportements apparus depuis quelques années dans notre pays sont de moins en moins supportés par nos concitoyens. Le développement de l'utilisation des téléphones portables a entraîné une augmentation très importante des vols dits "à l'arraché". L'ouverture de nos frontières a facilité le vol de véhicules. L'utilisation d'enfants dans le cadre de la mendicité, le racolage en nombre dans des lieux paisibles d'habitation, la commission d'infractions sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool se sont malheureusement généralisés.

La violence routière et ses conséquences dramatiques se développent également à nouveau de manière inacceptable.

Plusieurs moyens devront être développés afin d'enrayer la progression de ces phénomènes.

C'est ainsi que :

- le développement de la téléphonie mobile a été assorti d'une augmentation très importante du vol et du trafic de téléphones portables. Les discussions entamées avec les opérateurs et les constructeurs n'ont pas permis en l'état d'aboutir à la mise en place des dispositifs techniques permettant de bloquer l'usage des téléphones volés. C'est pourquoi il appartiendra au Gouvernement de prendre si besoin est, les mesures nécessaires pour obtenir à bref délai ce résultat ;

- le dispositif permettant la localisation des véhicules volés reste une nécessité du fait de l'augmentation de ce type de délinquance. Sa mise en place sera opérée dans les meilleurs délais en partenariat avec les constructeurs, les compagnies d'assurances ou les opérateurs conventionnés ;

- les infractions commises avec l'utilisation d'armes se développent. L'usage et la détention d'armes par des personnes malhonnêtes ou qui ne peuvent pour diverses raisons en détenir favorisent le climat d'insécurité. C'est pourquoi la législation actuelle, souvent obscure et ancienne, sera actualisée. Un fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition ou de détention d'armes sera mis en place. Des propositions d'amnistie seront faites aux détenteurs irréguliers d'armes qui les remettront aux autorités. Une obligation d'information sera expressément prévue afin de permettre aux personnels soumis au secret professionnel d'informer les autorités qu'une personne dangereuse pour elle-même ou la société détient une arme ;

- l'explosion du trafic portant sur les drogues synthétiques demande une adaptation de notre dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants. C'est pourquoi les objectifs de la Mission nationale de contrôle des précurseurs chimiques (MNCPC) seront précisés et étendus à la lutte contre le commerce illicite des produits précurseurs des drogues ;

- le développement de la violence routière relève d'un traitement insuffisant et trop complexe de ce type de délinquance. L'amélioration du dispositif réglementaire sera entreprise afin d'augmenter le déploiement des moyens automatiques de constatation des infractions et d'accélérer leur traitement pénal ;

- l'abandon d'une politique dynamique de lutte contre l'usage de certaines drogues a conduit à brouiller le message sur la nocivité de celles-ci. Une politique ambitieuse de prévention sera menée dans ce domaine. Des actions coordonnées avec l'autorité judiciaire seront par ailleurs menées notamment pour enrayer l'usage de stupéfiants chez les mineurs ;

- la délinquance des mineurs, outre une prise en compte judiciaire que le Gouvernement veut plus rapide et plus effective, demande de nouvelles réponses en termes de prévention et d'action. C'est pourquoi les permanences de nuit des brigades des mineurs et de protection sociale de la police nationale seront étendues dans les quartiers sensibles ;

- afin de lutter contre l'absentéisme scolaire qui contribue à faciliter le passage à la délinquance, les sanctions encourues par les parents qui ne respectent pas l'obligation scolaire seront aggravées. Il en sera de même pour les responsables de lieux publics qui accueillent les mineurs pendant les horaires scolaires ou pour les personnes qui les emploient ou les rémunèrent illégalement pendant ces mêmes horaires. A cet égard, le partenariat entre les services de l'éducation nationale, l'institution judiciaire et les forces dépendant du ministère de la sécurité intérieure sera étendu et développé ;

- afin de lutter contre la violence, sous toutes ses formes, qui se développe de façon préoccupante en milieu scolaire, des dispositions devront être prises.

Il s'agira de mettre les établissements à l'abri des actes violents perpétrés en leur sein, notamment par des individus extérieurs.

A cette fin, lorsqu'il aura été constaté que la réalité ou le risque de violences est avéré, les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie recevront instruction d'être particulièrement disponibles aux demandes des proviseurs et des principaux.

Les maires et les préfets seront tenus informés de ces dispositions dont il sera rendu compte aux autorités académiques.

D'autre part, des directives précises seront adressées aux chefs d'établissement, définissant le cadre nouveau dans lequel pourront s'inscrire les règlements intérieurs aux fins de mieux prévenir et réprimer les dérives multiquotidiennes du comportement de certains élèves qui nuisent gravement au déroulement serein de la scolarité et à la meilleure réussite de tous les élèves ;

- afin de mieux protéger les femmes victimes de violences conjugales ainsi que leurs enfants, les centres d'accueil seront développés ;

- dans le cadre de la lutte contre le développement du proxénétisme, les auteurs de racolage actif ou de racolage passif feront l'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ;

- dans le cadre de la lutte contre l'usage de drogues, les individus coupables d'organiser ou de participer à l'organisation de trafics de drogues feront l'objet de mesures systématiques d'éloignement et d'un retrait définitif de tout titre de séjour lorsqu'ils seront de nationalité étrangère ;

- afin de stigmatiser leurs auteurs et d'indiquer clairement que la consommation d'alcool ou de drogue ne peut en aucun cas être présentée comme excuse par l'auteur d'une infraction, il sera proposé par le Gouvernement de créer une circonstance aggravant la sanction pénale encourue chaque fois qu'une infraction sera commise sous l'effet de l'alcool ou de produits stupéfiants.

Pour faire face notamment aux difficultés liées à l'accueil des gens du voyage et afin de mieux protéger la propriété de chacun, le Gouvernement proposera de sanctionner plus efficacement le refus d'obtempérer aux injonctions formulées à l'encontre de groupes de personnes occupant illégalement la propriété d'autrui, qu'elle soit publique ou privée. Outre des sanctions financières, il pourra être prévu, à titre complémentaire, la confiscation des véhicules ayant servi à commettre l'infraction.

Par ailleurs, le Gouvernement se fixe pour objectif de mieux réprimer des comportements qui affectent particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens et se sont multipliés au cours des dernières années, tels que la mendicité agressive et les regroupements dans les parties communes des immeubles ainsi que le défaut de permis de conduire et le refus d'obtempérer.

Enfin, le Gouvernement se fixe pour objectif de prévenir les nuisances liées aux rave parties, en utilisant tous les moyens que lui offre l'arsenal légal, afin que ne se renouvellent pas des comportements qui ont porté préjudice à certaines zones rurales de notre pays.

Un projet de loi traduisant les orientations mentionnées ci-dessus qui nécessitent des dispositions d'ordre législatif sera déposé dès l'automne 2002.


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