Rapport au Président de la République relative à l'ordonnance 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services

NOR : ECOI1921594P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2019/11/14/ECOI1921594P/jo/texte
JORF n°0264 du 14 novembre 2019
Texte n° 11

Version initiale


  • Monsieur le Président de la République,
    La présente ordonnance est prise en application du I de l'article 201 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises qui habilite le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires pour :
    1° Transposer la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (ci-après « la Directive ») ;
    2° Assurer la compatibilité de la législation, notamment du code de la propriété intellectuelle, avec le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (ci-après « le Règlement ») ;
    3° Permettre, d'une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, d'autres codes et lois, dans leur rédaction résultant des mesures prévues au point 1 pour celles qui relèvent de la compétence de l'État et, d'autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Ces textes, désignés sous l'appellation de « Paquet Marques », invitent à une harmonisation maximale entre les législations des Etats membres, d'une part, et entre ces législations et le système de la marque de l'Union européenne administré par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), d'autre part. En effet, la coexistence des systèmes de marques cohérents au niveau national et au niveau de l'Union européenne est essentielle pour la mise en œuvre d'une politique efficace en matière de protection de la propriété intellectuelle. La complémentarité entre les deux systèmes doit être préservée afin d'offrir aux acteurs économiques le choix le plus approprié pour la protection de leurs marques. Afin de soutenir l'établissement du marché intérieur, les textes européens invitent à rapprocher les dispositions de droit matériel mais aussi les règles générales de procédure.
    Le droit français des marques résulte essentiellement de la loi n° 91-7 du 4 janvier 1991 relative aux marques de fabrique, de commerce ou de service, codifiée à droit constant par la loi n° 92-597 du 3 juillet 1992, pour former le titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle. Ces dispositions sont issues de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, elle-même codifiée à droit constant par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. Elles harmonisent les points fondamentaux du droit matériel des marques, considérés comme ayant l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur, les divergences entre les législations nationales entravant la libre circulation des produits et la libre prestation des services dans l'Union européenne.
    L'extension des rapprochements du droit matériel des marques et des règles générales de procédure par la Directive implique de modifier certaines dispositions du droit français pour le rendre conforme au nouveau système européen des marques.
    Objectifs de la transposition :
    La transposition en droit français du « Paquet Marques » a pour objectif de moderniser et de rendre plus performants les dispositifs de protection des marques, notamment en permettant de :


    - déposer de nouveaux types de marques répondant aux évolutions techniques et économiques (marques sonores ou animées dans des formats électroniques) ;
    - réduire le coût du dépôt pour les marques visant une seule classe de produits ou de services, incitant ainsi les déposants à ne viser que les classes réellement pertinentes pour leur activité et entraînant, en conséquence, une plus grande disponibilité des signes et la possibilité de coexistence entre des acteurs sur le marché ;
    - préciser le régime juridique des marques exploitées par une pluralité d'acteurs (marques collectives) ou présentant des garanties quant à certaines caractéristiques des produits ou services visés (marques de garantie) ;
    - améliorer la défense des droits des titulaires de marques et de signes distinctifs :
    - en élargissant la procédure d'opposition à d'autres droits antérieurs que la marque comme la dénomination sociale, le nom commercial, l'enseigne, le nom de domaine et le nom d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'une entité publique,
    - en créant une procédure administrative de nullité et de déchéance des marques permettant de faciliter ces actions, aujourd'hui ouvertes dans le seul cadre d'un contentieux judiciaire,
    - en renforçant la lutte contre la contrefaçon par le rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit externe et par la sanction des actes préparatoires à la contrefaçon ;


    - apurer le registre national des marques en renforçant les exigences d'usage des marques enregistrées et en facilitant la libération des marques non exploitées pour permettre à d'autres acteurs de les utiliser, ainsi qu'en simplifiant la suppression des marques portant indûment atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, à l'ordre public ou à la protection des consommateurs, par la mise en place d'une procédure administrative de nullité et de déchéance des marques au sein de l'Institut national de la propriété industrielle ;
    - renforcer la sécurité juridique des exploitants lorsque les droits de marques ont été acquis légitimement, en prévoyant qu'une action en nullité ou en contrefaçon ne peut pas prospérer si, au moment du dépôt de la marque postérieure, la marque antérieure n'était pas opposable (par exemple, parce qu'elle n'était pas exploitée ou qu'elle était elle-même susceptible d'être annulée). Une personne qui commence l'exploitation d'une marque en toute légalité (par exemple parce qu'une marque antérieure existe mais est susceptible de déchéance faute d'exploitation depuis plus de cinq ans) ne peut plus être sanctionnée par la suite (par exemple lorsque la marque antérieure commence à être exploitée après le dépôt de la marque postérieure) ;
    - organiser un partage de compétences clair entre l'Institut national de la propriété industrielle et les juridictions s'agissant des demandes en nullité ou en déchéance des marques, dans un double objectif : déjudiciariser une partie du contentieux de la nullité et de la déchéance tout en préservant l'unicité des litiges ;
    - adapter la procédure de recours contre les décisions administratives rendues par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres d'une part, et en matière de nullité ou de déchéance des marques d'autre part, afin de se rapprocher de la procédure d'appel de droit commun.


    La présente ordonnance s'attache à transposer de manière fidèle la Directive, notamment quant au choix des termes utilisés, afin d'éviter toute difficulté d'interprétation comme cela a pu être le cas suite à la loi du 4 janvier 1991.
    Elle transpose l'intégralité de la Directive, y compris l'article 45 pour lequel les États membres disposent d'un délai de transposition de sept ans après son entrée en vigueur, soit jusqu'au 14 janvier 2023.
    Présentation des articles :
    L'ordonnance comprend trois titres et seize articles.
    Le titre Ier rassemble les dispositions qui modifient les livres IV et VII du code de la propriété intellectuelle. Les titres II et III regroupent respectivement des dispositions d'application et d'adaptation outre-mer et des dispositions de coordination, transitoires et finales.


      • L'article 1er modifie les articles L. 411-1, L. 411-4 et L. 411-5 au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la propriété intellectuelle.
        L'article L. 411-1 est modifié afin de permettre à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) de connaître des demandes en nullité ou en déchéance de marques.
        L'article L. 411-4 a trait aux décisions administratives rendues par le directeur général de l'INPI et aux recours dont elles peuvent faire l'objet devant les dix cours d'appel spécialisées désignées par voie réglementaire.
        Des dispositions réglementaires d'application préciseront les modalités de formation des recours exercés à l'encontre de toutes les décisions du directeur général de l'INPI ainsi que les modalités spéciales d'examen et de jugement de ces recours. Est retenu le principe dégagé depuis plus de dix ans par la jurisprudence selon lequel les recours formés devant les cours d'appel mentionnées à l'article L. 411-4, à l'encontre des décisions du directeur général de l'INPI statuant sur la délivrance, le rejet ou le maintien des titres de propriété industrielle sont des recours en annulation : la cour d'appel annule la décision contestée ou rejette le recours et n'examine que les pièces produites et les moyens soulevés devant l'Institut. En revanche, compte tenu de l'impact très important de la décision du directeur général de l'INPI sur les droits des parties, les recours relatifs aux décisions prises en matière de nullité ou de déchéance de marques sont des recours en réformation. Est ainsi déférée à la cour la connaissance de l'entier litige, les parties pouvant produire de nouvelles pièces et soulever des moyens nouveaux.
        Pour les mêmes raisons, les recours formés contre les décisions statuant sur les demandes en nullité ou en déchéance de marques sont suspensifs, à la différence des décisions de délivrance, de rejet ou de maintien des titres de propriété industrielle.
        La procédure de recours contre les décisions administratives du directeur général de l'INPI est modifiée afin de se rapprocher de la procédure d'appel de droit commun, étant précisé que les articles du code de procédure civile relatifs à l'appel ne sont pas applicables.
        Enfin, compte tenu de l'impact que peut avoir la décision de la cour d'appel sur la politique de délivrance des titres de propriété industrielle, la possibilité déjà reconnue au directeur général de l'INPI de former un recours en cassation est maintenue, tout en étant élargie aux décisions de la cour d'appel statuant sur un recours formé contre une décision administrative en matière de nullité ou de déchéance d'une marque.
        L'article L. 411-5 relatif à la motivation des décisions du directeur général de l'INPI est complété afin d'en élargir la portée aux décisions rendues en matière de nullité ou de déchéance de marques ainsi qu'aux décisions relatives aux dessins et modèles.


      • L'article 2 modifie les intitulés du livre VII du code de la propriété intellectuelle et du titre Ier de ce livre. La distinction économique entre les marques de fabrique et les marques de commerce étant dépourvue de conséquences juridiques, la qualification de « marques de produits ou de services », empruntée au droit européen, est substituée à celle de « marques de fabrique, de commerce et de service ».
        Par ailleurs, dans un objectif d'harmonisation avec la terminologie employée par la Directive ainsi que par l'ensemble des autres textes normatifs européens et français, le mot « propriétaire » de la marque est remplacé par l'expression « titulaire » de la marque dans l'ensemble du titre Ier du livre VII.


        • Le chapitre 1er du titre Ier du livre VII, entièrement réécrit par l'article 3, délimite, d'une part, le champ d'application du droit des marques et énonce, d'autre part, les conditions de validité de l'enregistrement de la marque. Il est composé des articles L. 711-1 à L. 711-3. La présentation s'appuie sur la distinction, tirée de l'économie des textes européens, entre motifs absolus et motifs relatifs de refus d'enregistrement ou de nullité d'une marque.
          L'article L. 711-1 définit en son alinéa premier la marque, soit l'objet du droit protégé par le titre Ier du livre VII. Son deuxième alinéa transpose la suppression, par la Directive de l'exigence de représentation graphique du signe. Dorénavant, peut constituer une marque un signe apte à être représenté dans le registre national des marques dès lors que l'objet de la protection peut en être clairement et précisément déterminé. Cet assouplissement devrait permettre l'enregistrement à titre de marque de signes dits « non traditionnels », à savoir non susceptibles de représentation graphique, mais pouvant être représentés par de nouveaux moyens techniques (notamment dans des fichiers audio, vidéo ou audiovisuels).
          L'article L. 711-2 regroupe l'ensemble des conditions absolues de validité d'une marque dans une disposition unique divisée en onze points : le 1° sanctionne l'inaptitude d'un signe à constituer une marque, les 2° à 4° précisent les modalités d'appréciation du caractère distinctif de la marque et les 5° à 11° énoncent les critères de licéité du signe déposé.
          Conformément à la Directive, le 2° donne un fondement textuel à l'exigence dite de « distinctivité autonome », soit la capacité du signe à distinguer des produits ou services afin d'être perçu par le consommateur comme l'indication d'une origine commerciale. Cette condition, qui faisait défaut dans la loi du 4 janvier 1991, a été rappelée à plusieurs reprises par la Cour de justice de l'Union européenne puis consacrée par les juges français.
          Les 3° et 4° reprennent quant à eux les exclusions des signes descriptifs et devenus usuels.
          L'article rappelle également que le caractère distinctif du signe peut être acquis à la suite de l'usage qui en a été fait. Dans le cadre de la procédure d'enregistrement, le caractère distinctif doit avoir été acquis avant le dépôt de la demande afin de préserver l'égalité entre les déposants.
          Afin qu'il ne soit pas porté d'atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, le 5° exclut de la protection un signe entièrement constitué par la forme ou une autre caractéristique du produit, imposée par sa nature, nécessaire à l'obtention d'un résultat technique ou lui conférant une valeur substantielle. En effet, l'application du droit des marques ne doit pas permettre de contourner les règles propres aux brevets, aux œuvres de l'esprit ou aux dessins et modèles, notamment celles tenant à la durée légale de protection.
          Les 6° à 8° reprennent des exclusions connues du droit français : est ainsi illicite une marque interdite en application de l'article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, une marque contraire à l'ordre public ou dont l'usage est légalement interdit ainsi qu'une marque de nature à tromper le public.
          Enfin, conformément à la Directive, les 9° à 11° prévoient que ne peut être adopté à titre de marque un signe exclu en application de la législation relative aux appellations d'origine, aux indications géographiques, aux mentions traditionnelles pour les vins, aux spécialités traditionnelles garanties et aux variétés végétales antérieures, ainsi qu'un signe dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi.
          Le I de l'article L. 711-3 énumère de manière non exhaustive les droits antérieurs auxquels la marque ne doit pas porter atteinte pour être disponible.
          Sur le modèle de la Directive et du Règlement, la notion d'atteinte à une marque antérieure est précisée. Il y est notamment ajouté que ne peut être valablement enregistré un signe portant atteinte à une marque antérieure jouissant d'une renommée si l'usage du signe sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.
          Afin d'adapter le système français du droit des marques à l'évolution des pratiques commerciales, permise notamment par le développement de l'Internet, le Gouvernement a souhaité ajouter expressément le nom de domaine à l'énumération légale des droits antérieurs. L'article consacre ainsi une jurisprudence établie qui reconnaît le nom de domaine comme une antériorité opposable à une marque postérieure. De plus, le nom de domaine étant assimilable à un nom commercial utilisé en ligne, son opposabilité est subordonnée, d'une part, au rayonnement géographique du signe dont la portée ne doit pas être seulement locale et, d'autre part, à l'existence d'un risque confusion dans l'esprit du public.
          La protection contre les dénominations publiques est également renforcée. Ainsi, l'antériorité tirée de l'atteinte au nom, à l'image ou à la renommée des collectivités territoriales est étendue aux établissements publics de coopération intercommunale, déjà bénéficiaire du droit d'alerte introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Plus largement, le nom d'une entité publique pourra dorénavant constituer une antériorité opposable à une marque s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public. Il s'agit d'aligner la protection des noms publics sur celle des dénominations commerciales, les entités publiques pouvant elles aussi être victimes de détournements de leurs signes distinctifs.
          Conformément à la Directive qui s'est inspirée de l'article 6 septies de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, le III de l'article L. 711-3 introduit un droit antérieur spécifique pour contester la validité des marques dont l'enregistrement a été indûment demandé par l'agent ou le représentant du titulaire légitime. Bien que le droit français permette déjà d'en obtenir la nullité ou le transfert sur le fondement de la fraude, la Directive est allée plus loin en sanctionnant les détournements et usurpations de marques au détriment de leurs titulaires légitimes.


        • L'article 4 modifie le chapitre II du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
          Le 1° de l'article 4 modifie l'article L. 712-2 qui prévoit les exigences minimales permettant d'obtenir une date de dépôt, notamment le paiement de la redevance comme le permet la Directive, ainsi que les dispositions de l'article 5 du Traité sur le droit des marques et de l'article 5 du Traité de Singapour sur le droit des marques.
          Le 2° de l'article 4 réécrit l'article L. 712-3 prévoyant que des observations peuvent être formulées par toute personne, sans justifier d'un intérêt à agir, auprès du directeur général de l'INPI afin que soit prononcé le rejet d'une demande d'enregistrement. Il introduit des modalités particulières s'agissant des observations pouvant être formulées concernant le règlement d'usage des marques collectives ou des marques de garantie, dont la publication peut être postérieure à celle de la marque elle-même s'il n'est pas déposé concomitamment à la demande d'enregistrement de la marque.
          Les 3° à 6° de l'article 4 modifient les articles L. 712-4 et L. 712-5 et créent les articles L. 712-4-1 et L. 712-5-1 encadrant la procédure d'opposition devant l'INPI. Cette procédure administrative qui existe depuis 1991 permet au titulaire de certains droits antérieurs limitativement énumérés de s'opposer, avant la délivrance du titre, à l'enregistrement d'une demande de marque leur portant atteinte. Elle peut être formée dans un court délai de deux mois à compter de la publication de la demande d'enregistrement contestée.
          Jusqu'à présent réservée aux titulaires de marques antérieures ou aux bénéficiaires d'un droit exclusif d'exploitation, aux collectivités territoriales et aux personnes habilitées à défendre des indications géographiques, une opposition pourra désormais être engagée sur le fondement d'une dénomination sociale, d'un nom commercial, d'une enseigne, d'un nom de domaine ou du nom d'une entité publique. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), bénéficiaires du droit d'alerte en cas de dépôt d'une demande d'enregistrement de marque contenant leur dénomination mis en place à l'INPI par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, pourront former une opposition sur le fondement d'une atteinte à leur nom, leur image ou à leur renommée. Une opposition pourra également être engagée par le titulaire d'une marque protégée dans un Etat membre de l'Union de Paris et dont l'enregistrement a indûment été demandé en France par son agent ou son représentant. Ainsi, parmi les droits antérieurs, tous ceux constituant des signes distinctifs pourront être invoqués dans le cadre d'une procédure d'opposition, comme c'est le cas devant l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ou devant la plupart des offices étrangers.
          Par ailleurs, la procédure d'opposition pourra être engagée sur le fondement d'un ou plusieurs droits antérieurs, sous réserve de leur appartenance au même titulaire, réduisant en conséquence le coût global de la procédure qui, jusqu'à présent, nécessitait l'acquittement d'une redevance d'opposition pour chacun des droits antérieurs invoqués.
          L'article L. 712-5 introduit une phase d'instruction mettant un œuvre un débat contradictoire entre les parties, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Cette disposition prévoit une dérogation au point de départ du « silence vaut rejet » prévu par l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. En effet, cet article dispose que le délai au terme duquel le silence gardé par l'administration vaut rejet court à compter de la demande. Toutefois, afin de permettre le bon déroulement du débat contradictoire, le point de départ du délai est fixé à la date de fin de la phase d'instruction.
          L'article L. 712-5-1 prévoit que l'opposition est rejetée lorsque l'opposant ne peut pas justifier d'un usage sérieux de sa marque antérieure invoquée au soutien de l'opposition ou établir de justes motifs de non-usage. Cette disposition alourdit la charge de la preuve pesant sur l'opposant puisqu'il peut être amené à produire des preuves d'usage pour chacun des produits ou services invoqués à l'appui de sa demande, et non plus pour un seul comme c'est le cas actuellement. Un débat contradictoire peut avoir lieu sur la pertinence des preuves apportées. L'examen des preuves d'usage par l'Institut national de la propriété industrielle est également renforcé.
          Le 7° de l'article 4 crée l'article L. 712-6-1 relatif aux actions ouvertes au titulaire d'une marque protégée dans un Etat membre de l'Union de Paris et indûment enregistrée en France par son agent ou son représentant. Dans une telle situation, le titulaire légitime de la marque peut soit s'opposer à l'usage de la marque par son agent ou son représentant, soit demander la cession de la marque à son profit. L'agent ou le représentant du titulaire de la marque peut toutefois se défendre en rapportant la preuve de la légitimité de sa démarche au moment du dépôt. Cette disposition complète l'action en revendication prévue à l'article L. 712-6, permettant de revendiquer la propriété d'une marque déposée en fraude des droits d'un tiers ou en violation d'une obligation légale ou conventionnelle.
          Le délai de prescription de cette nouvelle action est identique à celui de l'action en revendication, à savoir cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement, sauf mauvaise foi du déposant.
          Les 8° à 10° de l'article 4 sont des articles de coordination juridique et de lisibilité du droit.


        • L'article 5 modifie le chapitre III du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
          Le 1° de l'article 5 remplace l'intitulé du chapitre « Droits conférés par l'enregistrement » par l'intitulé « Droits conférés par la marque » afin de tirer les conséquences de ce que le régime de la marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris (i.e. non enregistrée) se trouve précisé par des dispositions dudit chapitre.
          Le 2° de l'article 5 modifie l'article L. 713-1 afin de consacrer la non-rétroactivité des droits conférés par la marque. Il dispose, comme le requiert la Directive, que les droits attachés à la marque ne peuvent faire obstacle à l'exercice de droits acquis par des tiers avant la date de dépôt.
          Les 3° à 5° de l'article 5 modifient les articles L. 713-2 et L. 713-3 et créent les articles L. 713-3-1 à L. 713-3-4 qui précisent la portée des droits conférés par la marque. Le titulaire de la marque peut ainsi interdire l'usage dans la vie des affaires par un tiers non autorisé, d'une part, d'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits et services identiques à ceux couverts par la marque (double identité) et, d'autre part, d'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés (hors double identité), s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.
          La notion d'usage est ici essentielle car, conformément à la Directive, seule l'utilisation effective du signe pour désigner des produits ou services peut constituer un acte de contrefaçon, à l'exclusion donc du simple dépôt à titre de marque. Cette disposition mettra un terme à une jurisprudence fluctuante des juridictions françaises. Dorénavant, le dépôt qui, en lui-même, porterait atteinte à une marque antérieure pourra être sanctionné par une opposition à la demande d'enregistrement ou par la nullité de la marque si elle est enregistrée, et non plus par la contrefaçon.
          La Cour de justice de l'Union européenne a rappelé à plusieurs reprises que les dispositions de la Directive relatives l'étendue des droits conférés par la marque procèdent à une harmonisation complète de sorte que les marques enregistrées jouissent de la même protection dans les systèmes juridiques de tous les Etats membres (considérant 10). Cependant, la loi de transposition du 4 janvier 1991 s'était écartée de la lettre de la directive 89/104/CEE en consacrant, notamment, les notions de reproduction et d'imitation d'une marque. La transposition est ici fidèle à la lettre de la Directive et aligne complètement le droit français des marques sur celui de l'Union européenne.
          L'article L. 713-3 prohibe les atteintes portées à une marque jouissant d'une renommée, entendues de l'usage d'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, dès lors que l'usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. La renommée permet en effet d'étendre au-delà de la spécialité la protection conférée par le dépôt de la marque. L'atteinte à une marque jouissant d'une renommée est ainsi sanctionnée au titre de la contrefaçon et non plus sur le terrain de la responsabilité civile comme cela était le cas jusqu'à présent en droit français.
          L'article L. 713-3-1énumère de manière non exhaustive les usages qui peuvent être interdits par le titulaire de la marque.
          L'article L. 713-3-2 rompt avec la jurisprudence Nokia et Philips (CJUE, 1er décembre 2011, C-446/09 et C-495/09) en rétablissant la possibilité pour les autorités douanières de réaliser des retenues pour des marchandises en transit soupçonnées de contrefaçon sans qu'il soit nécessaire que le titulaire de la marque prouve qu'elles sont destinées à un Etat où leur commercialisation est interdite.
          L'article L. 713-3-3 permet de sanctionner les actes préparatoires à la contrefaçon, notamment l'apposition d'un signe identique ou similaire à la marque sur des conditionnements, des étiquettes ou plus généralement sur tout autre support sur lequel la marque peut être apposée.
          L'article L. 713-3-4 introduit la possibilité pour le titulaire de la marque d'agir à l'encontre d'un usage générique de son signe dans un dictionnaire ou une encyclopédie, afin de lutter contre la dégénérescence de ses droits. Il peut demander à l'éditeur d'indiquer que le signe reproduit est une marque enregistrée.
          Le 6° de l'article 5 apporte des modifications terminologiques à l'article L. 713-4.
          Le 7° de l'article 5 réécrit l'article L. 713-5 afin de préciser le régime de la marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la propriété intellectuelle (ci-après, « la marque notoire »), c'est-à-dire la marque non enregistrée bénéficiant d'une protection du fait de sa notoriété.
          A la suite de la modification, par la présente ordonnance, du régime de la marque jouissant d'une renommée sur lequel était aligné celui de la marque notoire, un régime ad hoc doit être créé conformément aux engagements internationaux de la France en matière de propriété industrielle, notamment eu égard aux dispositions de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et de l'article 16 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Alors que la doctrine française est partagée sur le point de savoir si la marque notoire doit jouir, dans le champ des produits ou des services pour lesquels elle est notoirement connue, de la même protection que celle conférée aux marques enregistrées (et donc bénéficier du régime de la contrefaçon), le Gouvernement estime que le système français des marques fait de l'enregistrement le seul vecteur de droits sur la marque et que la notoriété ne saurait y suppléer. Par conséquent, l'atteinte portée à une marque notoire sera désormais sanctionnée sur le seul terrain de la responsabilité civile.
          Le 8° de l'article 5 modifie substantiellement la rédaction de l'article L. 713-6. Il prévoit des limites aux droits conférés par la marque, afin d'organiser une coexistence entre les droits du titulaire de la marque et l'usage loyal de signes par des tiers, comme l'usage par une personne physique de son nom de famille ou de son adresse, l'usage d'éléments non distinctifs ou descriptifs.
          Cet article précise également que l'usage local d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, s'il a commencé avant l'enregistrement de la marque, doit pouvoir perdurer dans les limites du territoire où ils sont reconnus.
          En outre, le titulaire ne peut pas s'opposer à l'usage de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée. La condition antérieurement prévue relative à l'absence de risque de confusion sur l'origine des produits ou services marqués, non prévue par la Directive, est supprimée. L'usage d'une marque susceptible de créer une confusion sur l'origine des produits ou services pourra néanmoins être considéré comme non conforme aux usages loyaux du commerce.
          Enfin, la disposition selon laquelle le titulaire de la marque peut demander une limitation ou une interdiction de ces usages en cas d'atteinte à ses droits n'étant pas prévue par la Directive, elle est supprimée.


        • L'article 6 modifie le chapitre IV du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle.
          Le 1° de l'article 6 modifie l'article L. 714-1 afin notamment de préciser que la transmission totale de l'entreprise emporte transmission des droits attachés à la marque.
          Le 2° de l'article 6 apporte des précisions terminologiques aux articles L. 714-2, L. 714-6 et L. 714-7.
          Les 3° et 5° de l'article 6 prévoient aux articles L. 714-3 et L. 714-4 que la déclaration de nullité ou de déchéance d'une marque peut intervenir non seulement par décision de justice, mais aussi par décision prononcée par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.
          L'article 45 de la Directive impose aux Etats membres l'instauration d'une procédure administrative « rapide et efficace » permettant de demander la déchéance ou la nullité d'une marque devant l'office national. L'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle met en œuvre une telle procédure depuis 1993.
          Actuellement, moins d'une centaine d'actions en nullité et d'une soixantaine actions en déchéance sont engagées à titre principal chaque année devant les dix tribunaux de grande instance spécialisés. Les acteurs économiques peuvent être réticents à s'engager dans un contentieux judiciaire, parfois long et coûteux. Le plus souvent, les demandes en nullité ou en déchéance d'une marque sont formées à titre reconventionnel, à l'occasion d'une action en contrefaçon. Cette situation conduit au maintien de titres potentiellement nuls ou non exploités et génère une insécurité juridique pour les acteurs économiques souhaitant investir un marché en déposant une marque.
          Par conséquent, l'enjeu de cette procédure administrative en nullité et en déchéance est double : d'abord, elle permettra aux acteurs économiques de faire valoir leurs droits plus facilement, plus rapidement et à moindre coût ; ensuite, elle facilitera la disparition de marques bloquant abusivement un accès au marché en raison d'un défaut d'exploitation ou de validité ou en cas d'atteinte à l'intérêt général. La procédure administrative permettra ainsi de déjudiciariser une partie de ce contentieux technique et d'apurer le registre national des marques afin de trouver un juste équilibre entre les droits conférés et la liberté du commerce et de l'industrie.
          En outre, des motifs de nullité spécifiques aux marques collectives et de garantie sont ajoutés.
          Le 4° de l'article 6 abroge l'article L. 714-3-1 repris en substance au nouvel article L. 716-2-6.
          Le 6° de l'article 6 modifie l'article L. 714-5 afin de préciser le point de départ du délai de cinq ans pendant lequel la marque doit faire l'objet d'une exploitation sérieuse à défaut de quoi le titulaire peut être déchu de ses droits. Il précise également les conditions de certains usages valant usage sérieux, comme l'usage d'une marque collective ou de garantie par une personne habilitée ou l'usage sous forme modifiée indépendamment du fait qu'une marque ait été déposée pour cette forme modifiée (sur ce dernier point, la disposition consacre une solution jurisprudentielle reprise par la Directive - CJUE, 25 octobre 2012, Rintisch, C-553/11 ; Com. 3 juin 2014, n° 13-17.769). L'article précise que l'usage peut être le fait du titulaire ou d'un tiers autorisé, notamment un licencié.


        • L'article 7 réécrit entièrement le chapitre V du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle relatif aux marques de garantie et aux marques collectives et comprenant les articles L. 715-1 à L. 715-10.
          Dispositions relatives aux marques de garantie :
          Les articles L. 715-1 à L. 715-5 introduisent le régime de la marque de garantie, évolution de l'actuel régime de la marque collective de certification.
          La marque collective de certification est renommée en marque de garantie afin de ne pas prêter à confusion avec la notion de certification au sens du droit français.
          Le droit français désigne sous le terme de « certification » une démarche volontaire consistant en la délivrance d'une attestation de conformité à un référentiel d'un produit ou d'un service par un organisme certificateur accrédité (articles L. 641-20 à L. 641-24 du code rural et de la pêche maritime s'agissant des produits agricoles et des denrées alimentaires ; articles L. 433-1 à L. 433-11 du code de la consommation s'agissant des produits et services autres qu'agricoles, forestiers, alimentaires ou de la mer). La marque de certification ou de garantie au sens de la Directive recouvre une notion plus large puisqu'elle concerne toute marque visant à distinguer les produits ou les services pour lesquels la matière, le mode de fabrication ou de prestation, la qualité, la précision ou d'autres caractéristiques sont garantis, sans nécessairement requérir une certification de conformité. Ainsi, l'option laissée par la Directive selon laquelle les États membres peuvent prévoir que la marque de garantie ou de certification n'est enregistrée que si le demandeur est compétent pour certifier les produits et services visés par la marque n'est pas retenue car elle n'est pas conforme à la législation française.
          La création de la marque de certification ou de garantie étant une option laissée aux États membres par la Directive, celle-ci ne précise pas son régime. Il a toutefois été construit par analogie avec la marque de certification de l'Union européenne, notamment quant aux motifs de nullité et de déchéance spécifiques à cette catégorie de marques. Par ailleurs, la Directive permet de déroger à l'exigence de distinctivité concernant les signes susceptibles de désigner, dans le commerce, la provenance géographique des produits ou des services (posée à l'article L. 711-2, 3°). Cette option n'est pas retenue afin de ne pas prêter à confusion avec la protection accordée aux appellations d'origine et aux indications géographiques.
          Le contenu du règlement d'usage devant être fourni au jour du dépôt de la marque est précisé par décret en Conseil d'Etat.
          Dispositions relatives aux marques collectives :
          Les articles L. 715-6 à L. 715-10 prévoient le régime de la marque collective, jusqu'alors non défini en droit français. Conformément au considérant 35 de la Directive, son régime est aligné sur celui de la marque collective de l'Union européenne, à l'exception de la dérogation à l'exigence de distinctivité concernant les signes susceptibles de désigner, dans le commerce, la provenance géographique des produits ou des services (posée à l'article L. 711-2, 3°). Comme pour la marque de garantie, cette option n'est pas retenue afin de ne pas prêter à confusion avec la protection accordée aux appellations d'origine et aux indications géographiques.
          Le contenu du règlement d'usage devant être fourni au jour du dépôt de la marque est précisé par décret en Conseil d'Etat.


        • L'article 8 modifie substantiellement le chapitre VI du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle afin d'introduire les dispositions essentielles à la mise en place de la procédure administrative en nullité et déchéance des marques. Les 1°, 2° 5°, 8°, 11° 14° et 16° du même article restructurent ce chapitre divisé en trois sections. La première section, intitulée « Contentieux de la nullité et de la déchéance de la marque », est elle-même subdivisée en trois sous-sections. Elle comprend les articles L. 716-1 à L. 716-3-1. La deuxième section, intitulée « Contentieux de la contrefaçon », comprend les articles L. 716-4 à L 716-4-11. La troisième et dernière section, intitulée « Règles de compétence », comprend les articles L. 716-5 et L. 716-6.
          Dispositions relatives au contentieux de la nullité et de la déchéance de la marque :
          Le 3° de l'article 8 modifie l'article L. 716-1 afin de prévoir que les modalités de mise en œuvre de la procédure administrative en nullité et en déchéance des marques, notamment la procédure contradictoire entre les parties, sont définies par décret en Conseil d'Etat. A l'instar de la procédure d'opposition, il est prévu de déroger au point de départ du délai au terme duquel le « silence vaut rejet » afin de le fixer à la date de fin de la phase d'instruction, et non pas au jour de la demande.
          L'article L. 716-1-1, introduit par le 4° de l'article 8, prévoit que le directeur général de l'INPI peut mettre à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par la partie gagnante dans la limite d'un barème défini par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle. Inspiré du système existant devant l'Office européen pour la propriété intellectuelle (EUIPO), cette disposition tend à limiter les actions abusives ou dilatoires. Pour donner plein effet à cette disposition, l'article L. 716-1 attache les effets d'un jugement aux décisions du directeur général de l'Institut rendues en matière de nullité et de déchéance de marques, lesquelles constituent ainsi des titres exécutoires au sens du 6° de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
          Le 6° de l'article 8 réécrit l'article L. 716-2 qui dresse la liste des personnes habilitées à introduire une action en nullité. Il prévoit notamment que toute personne peut former, devant l'INPI, une demande en nullité fondée sur un motif absolu. L'examen d'une telle demande ne sera soumis devant l'Institut à aucune condition préalable d'intérêt à agir, cela n'étant pas prévu par la Directive, conformément à l'objectif d'apurement des registres de marques.
          Le 7° de l'article 8 introduit les articles L. 716-2-1 à L. 716-2-8 qui encadrent la procédure de nullité. Ils prévoient notamment que la nullité peut être partielle, que la demande en nullité peut être fondée sur plusieurs motifs ou droits antérieurs appartenant au même demandeur et que la décision d'annulation a un effet absolu.
          Ces dispositions prévoient également les circonstances dans lesquelles la demande en nullité peut être déclarée irrecevable. L'article L. 716-2-3 dispose que la demande en nullité est irrecevable lorsque la marque antérieure n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. L'usage doit désormais pouvoir être justifié, d'une part, dans les cinq années précédant la demande en nullité et, d'autre part, dans les cinq années précédant le dépôt de la marque contestée, si la marque invoquée était enregistrée depuis plus de cinq ans à chacune de ces dates. Cette exigence du « double usage » permet de sécuriser la situation juridique de déposants de marques qui, au jour du dépôt de leur signe, avaient pu constater l'existence de droits antérieurs non exploités, et donc non opposables. Elle renforce l'exigence de l'usage pour les titulaires de droits.
          Dans le même esprit, l'article L. 716-2-4 énonce que la demande en nullité est irrecevable lorsque la marque antérieure n'est pas valable (absence de caractère distinctif par exemple) ou n'était pas opposable au jour du dépôt de la marque seconde (la renommée ou le caractère distinctif n'avait pas encore été acquis par exemple).
          L'article L. 716-2-5 prévoit qu'une partie dont la marque est arguée de nullité pour défaut de caractère distinctif peut se défendre en démontrant que sa marque avait acquis un tel caractère préalablement à la demande en nullité.
          Les articles L. 716-2-6 et L. 716-2-7 reprennent des dispositions relatives à la prescription des actions en nullité, déjà existantes en droit français.
          Enfin, l'article L. 716-2-8 précise le régime de la forclusion par tolérance, déjà existant en droit français : le fait d'avoir toléré l'usage d'une marque postérieure pendant cinq ans emporte impossibilité d'agir en nullité pour le titulaire du droit antérieur, sauf en cas de mauvaise foi du déposant.
          Le 9° de l'article 8 crée un nouvel article L. 716-3 relatif aux règles applicables à la demande en déchéance d'une marque. Cette disposition prévoit notamment que toute personne peut introduire devant l'INPI une action en déchéance, sans avoir à justifier d'un intérêt à agir, que la déchéance peut être partielle et que la déchéance, quand elle est prononcée, prend effet à la date de la demande ou, sur requête d'une partie, à la date à laquelle est survenu le motif de déchéance. Elle prévoit également les conditions dans lesquels l'usage sérieux repris postérieurement à une période de cinq ans d'inexploitation permet de faire obstacle à la demande en déchéance.
          Le 10° de l'article 8 introduit l'article L. 716-3-1 qui prévoit les règles applicables à la preuve dans le cadre de la demande en déchéance d'une marque. Conformément au droit commun, la charge de la preuve de l'exploitation pèse sur le titulaire de la marque ; elle peut être rapportée par tous moyens.
          Dispositions relatives à la contrefaçon :
          Pour définir la contrefaçon, l'article L. 716-4, modifié par le 12° de l'article 8, reproduit en l'adaptant le libellé de l'ancien article L. 716-1.
          Le 13° de l'article 8 introduit les articles L. 716-4-1 à L. 716-4-5.
          L'article L. 716-4-1 reprend à l'identique l'ancien article L. 716-2.
          L'article L. 716-4-2 identifie les personnes habilitées à introduire une action en contrefaçon. Il est notamment ajouté que les licenciés non exclusifs ou les personnes habilitées à faire usage d'une marque de garantie ou d'une marque collective peuvent engager une action avec le consentement du titulaire, sauf mention contraire du contrat ou du règlement d'usage.
          Les articles L. 716-4-3 et L. 716-4-5 énoncent les fins de non-recevoir pouvant être soulevées par le défendeur à une action en contrefaçon. Cette action sera notamment déclarée irrecevable si le demandeur ne peut rapporter la preuve d'un usage sérieux de sa marque pendant la période de cinq ans précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée, ou s'il est établi qu'il a toléré pendant cette même période de cinq années consécutives l'usage de la marque postérieure.
          Enfin, l'article L. 716-4-4 tempère l'interdiction prévue à l'article L. 713-3-2 en permettant au déclarant ou détenteur des marchandises en transit soupçonnées de contrefaçon d'établir que le titulaire de la marque enregistrée ne peut interdire leur commercialisation dans le pays de destination finale.
          Le 15° de l'article 8 est une disposition de coordination juridique.
          Dispositions relatives aux règles de compétence :
          Le 17° de l'article 8 modifie l'article L. 716-5 afin d'énoncer les règles de répartition de compétences entre l'INPI et les juridictions s'agissant des demandes en nullité ou en déchéance de marques.
          Cette disposition prévoit que l'INPI est seul compétent pour statuer sur ces demandes formées à titre principal lorsqu'elles sont exclusivement fondées sur :


          - tous les motifs absolus ;
          - les motifs relatifs liés aux signes distinctifs (marque antérieure, dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine, nom d'une entité publique) et aux signes territoriaux (nom des collectivités territoriales et des EPCI, appellations d'origine et indications géographiques) ;
          - tous les motifs de déchéance.


          Les tribunaux de grande instance seront seuls compétents pour connaître :


          - des demandes en nullité fondées sur une atteinte à un droit antérieur tel qu'un droit d'auteur, un dessin ou modèle ou un droit de la personnalité ;
          - des demandes reconventionnelles en nullité ou en déchéance en l'absence de toute saisine antérieure de l'INPI, quel que soit le motif invoqué ;
          - de toute demande en nullité ou en déchéance, quel que soit le motif invoqué, lorsqu'une telle demande est connexe à toute autre action relevant de la compétence du tribunal (comme par exemple une action en contrefaçon, en concurrence déloyale ou en responsabilité contractuelle) ou lorsque des mesures probatoires, provisoires ou conservatoires ont été ordonnées afin de faire cesser une atteinte à un droit de marque et sont en cours d'exécution avant l'engagement d'une action au fond.


          Cette répartition claire et lisible des compétences poursuit les objectifs suivants :


          - la lisibilité du droit pour les justiciables et la préservation d'une bonne administration de la justice ;
          - l'effectivité de la transposition de l'article 45 de la directive poursuivant l'objectif de faciliter les demandes de nullité et déchéance pour libérer les registres de marques de titre qui n'ont pas à y figurer et qui bloquent l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs ;
          - la cohérence avec le système des marques de l'Union européenne qui ne peuvent être invalidées que par demandes formées devant l'EUIPO, les juridictions nationales n'étant pas compétentes, sauf par voie d'exception, dans le cadre d'une action en contrefaçon ;
          - la préservation de l'unité des litiges, les parties n'étant, par exemple, pas obligées de scinder leurs demandeurs lorsqu'elles agissant à la fois en nullité et en contrefaçon à l'encontre d'une même partie ;
          - la prévention des stratégies dilatoires afin de retarder ou s'opposer à une action en contrefaçon.


          Dispositions relatives à la retenue en douane et aux actions pénales :
          L'article 9 réorganise le chapitre VI bis du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle, intitulé « Retenue en douane et actions pénales ». Les modifications apportées se limitent à des mesures de coordination juridique ou des changements de terminologie.


        • L'article 10 modifie le chapitre VII du titre Ier du livre VII du code de la propriété intellectuelle. Il en actualise la terminologie et organise la compatibilité du code avec le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne.
          En particulier, le 4° de l'article 10 abroge l'article L. 717-3 dont les dispositions sont prévues au deuxième paragraphe de l'article 61 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 et le 7° du même article modifie l'article L. 717-6 afin de prévoir qu'une marque de l'Union européenne qui revendique valablement l'ancienneté d'une marque enregistrée en France peut constituer un droit antérieur opposable à une demande d'enregistrement de marque ou à une marque enregistrée.


    • Les articles 11 et 12 modifient le livre VIII du code de la propriété intellectuelle, dont l'intitulé est complété afin d'y ajouter les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
      Les dispositions nouvelles prévues par la présente ordonnance sont expressément étendues aux îles Wallis et Futuna tout en adoptant dans un nouvel article L. 811-1-1 une présentation plus explicite des dispositions du titre Ier du livre VII qui y sont applicables.
      En outre, les dispositions du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sont rendues applicables à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. En effet, conformément au régime d'association entre l'Union européenne et les pays et territoires d'outre-mer, ce règlement n'a pas vocation à s'y appliquer directement. Toutefois, l'État, qui est compétent pour légiférer sur ces territoires en matière de propriété industrielle, peut y rendre applicables certaines dispositions de ce règlement par mention expresse. Cette extension de la portée géographique de la marque de l'Union européenne a pour objectif d'assurer la protection la plus large possible aux titulaires de droits.


    • L'article 13 prévoit des dispositions de coordination.
      L'article 14 coordonne l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'outre-mer de l'ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet avec celles de la présente ordonnance. Par ailleurs, il étend à Wallis-et-Futuna les abrogations des articles L. 714-3-1, L. 716-16 et L. 717-3 du code de la propriété intellectuelle, prévues respectivement aux articles 5, 8 et 9 de la présente ordonnance.
      L'article 15 prévoit que l'ordonnance entre en vigueur à la date d'entrée en vigueur du décret pris pour son application et au plus tard le 15 décembre 2019, dans le but de permettre une date d'entrée en vigueur commune pour l'ensemble des dispositions.
      Les dispositions relatives à la procédure administrative de nullité et de déchéance entrent, quant à elles, en vigueur le 1er avril 2020.
      Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
      Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 347,2 Ko
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