Avis n° 412235 du 18 octobre 2017

Version initiale


  • ECLI:FR:CECHR:2017:412235.20171018


    Le Conseil d'Etat (section du contentieux, 8e et 3e chambres réunies),
    Sur le rapport de la 8e chambre de la section du contentieux,
    Vu la procédure suivante :
    Par un jugement n° 1604433 du 21 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SNC Metz Vannes Ferté Hendaye Invest Hôtel tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission départementale des impôts directs locaux de Moselle du 29 juin 2015 portant délimitation des secteurs d'évaluation et fixation des nouveaux tarifs applicables dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
    Par un arrêt n° 16NC02766 du 6 juillet 2017, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur la requête de la société rejetant sa demande, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
    1°) Les dispositions du VII de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 prévoient le dessaisissement de la commission départementale des impôts directs locaux (CDIDL) en cas de dépassement du délai de trente jours qui lui est assigné pour statuer sur les désaccords dont elle est saisie, et indiquent qu'à défaut de réponse dans un délai de trente jours les commissions communales et intercommunales sont réputées donner un avis favorable. En revanche, elles ne précisent pas les conséquences qu'il y aurait lieu de tirer du non-respect des autres délais régissant la saisine et l'intervention des commissions. Le non-respect de ces délais, et en particulier, du délai de deux mois dont dispose la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP), peut-il constituer un vice affectant la procédure concourant à la détermination des paramètres départementaux d'évaluation des valeurs locatives ?
    2°) Dans l'affirmative, ce vice de procédure est-il, dans le cadre du contentieux de l'excès de pouvoir soulevé par la procédure de révision des valeurs locatives, constitutif d'une irrégularité de nature à entacher d'illégalité la décision de la CDIDL, adoptant les paramètres départementaux concernant la délimitation des secteurs d'évaluation et la fixation de la grille tarifaire, dans la mesure où il aurait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou aurait privé le requérant intéressé d'une garantie ?
    Des observations, enregistrées le 25 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ont été présentées par le ministre de l'action et des comptes publics.
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu :


    - la loi n° 2010-1658 modifiée de finances rectificative pour 2010, notamment son article 34 ;
    - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
    - le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;


    Après avoir entendu en séance publique :


    - le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,
    - les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.


    Rend l'avis suivant :
    1. Aux termes du VII de l'article 34 de loi de finances rectificative pour 2010 dans sa version applicable à la décision contestée : « VII. - A. - 1. La commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels prévue au VIII dispose d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle lui sont remis les avant-projets élaborés par l'administration fiscale pour établir des projets de : / a) Délimitation des secteurs d'évaluation prévus au A du IV ; /b) Tarifs déterminés en application du B du même IV ; /c) Définition des parcelles auxquelles s'applique le coefficient de localisation mentionné au même B./ 2. A l'expiration du délai de deux mois mentionné au 1, l'administration fiscale transmet les projets établis par la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels ou, à défaut, les avant-projets mentionnés au même 1 : / a) Aux commissions intercommunales des impôts directs prévues à l'article 1650 A du code général des impôts pour les établissements publics de coopération intercommunale soumis au régime fiscal prévu à l'article 1609 nonies C du même code ; /b) Aux commissions communales des impôts directs prévues à l'article 1650 dudit code pour les communes isolées et les communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunale mentionné au II de l'article 1379-0 bis du même code n'ayant pas opté pour le régime fiscal prévu à l'article 1609 nonies C dudit code. / La situation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale est appréciée au 1er janvier de l'année au cours de laquelle les commissions intercommunales et communales sont saisies. / 3. A compter de la réception de ces projets ou de ces avant-projets, les commissions communales et intercommunales disposent d'un délai de trente jours pour transmettre leur avis à la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels. Cet avis est réputé favorable si la commission ne s'est pas prononcée dans ce délai. / S'il y a accord entre les commissions communales et intercommunales consultées et la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, cette dernière arrête les secteurs d'évaluation, les tarifs applicables et les coefficients de localisation. Ces décisions sont publiées et notifiées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / 4. En cas de désaccord persistant pendant plus d'un mois après réception des avis mentionnés au premier alinéa du 3 entre la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels et l'une des commissions communales et intercommunales consultées, ou lorsque la décision prévue au second alinéa du même 3 n'est pas conforme aux projets approuvés par les commissions communales et intercommunales consultées, l'administration fiscale saisit sans délai la commission départementale des impôts directs locaux. (…) / B. - Lorsqu'elle est saisie en application du 4 du A, la commission départementale des impôts directs locaux statue dans un délai de trente jours. A défaut de décision dans ce délai, les secteurs d'évaluation, les tarifs et les coefficients de localisation sont arrêtés par le représentant de l'Etat dans le département (…) ».
    2. Il résulte des termes du A du VII que la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) dispose d'un délai de deux mois pour établir, à partir des avant-projets remis par l'administration, les projets portant sur la délimitation des secteurs d'évaluation, sur les grilles tarifaires et sur la définition des parcelles auxquelles s'appliquent le coefficient de localisation. Dans l'hypothèse où l'administration transmettrait ces avant-projets aux commissions visées au 2 du VII de cet article sans attendre que la CDVLLP ait établi ses projets et avant l'expiration du délai que les dispositions précitées lui accordent pour le faire, cette irrégularité vicierait la procédure de détermination des paramètres départementaux d'évaluation des valeurs locatives.
    3. De même, la CDVLLP ne peut, à peine d'entacher la procédure d'irrégularité, arrêter les secteurs d'évaluation ainsi que les tarifs applicables et définir les parcelles auxquelles s'applique le coefficient de localisation, sans attendre que les commissions communales et intercommunales n'aient rendu leurs avis dans le délai mentionné au 3 du VII dont celles-ci disposent pour le faire, ou, dans le cas où au moins un de ces avis exprime un désaccord, sans avoir au préalable cherché à le régler dans le délai d'un mois prévu au 4 du VII.
    4. Il suit de là que la méconnaissance de ces délais aurait pour effet d'empêcher ces dernières de remplir leur rôle, en méconnaissance des dispositions législatives précitées. En conséquence, une telle irrégularité serait susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise et entacherait alors d'illégalité la décision de la CDIDL adoptant les paramètres départementaux d'évaluation des valeurs locatives.
    5. En revanche, dans l'hypothèse où l'administration laisserait un délai supplémentaire à la CDVLLP pour établir ses projets ainsi que dans celles où la CDVLLP laisserait aux commissions communales et intercommunales un délai supplémentaire pour se prononcer ou dépasserait le délai d'un mois qui lui est donné pour régler les désaccords, ces délais, dès lors qu'ils seraient raisonnables, n'entacheraient pas la procédure d'irrégularité.
    6. Par ailleurs, si l'administration doit saisir sans délai la commission départementale des impôts directs locaux, ces dispositions n'ont pas pour objet ou pour effet d'imposer un délai à l'expiration duquel la commission ne pourrait plus être saisie.
    Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nancy, à la SNC Metz Vannes Ferté Hendaye Invest Hôtel et au ministre de l'action et des comptes publics. Il sera publié au Journal officiel de la République française.

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