Décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles

Dernière mise à jour des données de ce texte : 01 janvier 2019

NOR : JUSC1428131D

JORF n°0051 du 1 mars 2015

Version en vigueur au 29 mars 2024


Le Premier ministre,
Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, modifiée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, et notamment le 3° du I de son article 21 ;
Vu la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ;
Vu l'avis du comité technique des services judiciaires en date du 25 novembre 2014 ;
Vu l'avis du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en date du 9 décembre 2014 ;
Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,
Décrète :


      • Les séances du Tribunal des conflits sont fixées par le président pour l'année civile.


      • Le secrétariat du Tribunal des conflits est assuré par le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat.
        Le secrétariat des séances est assuré par le secrétaire du contentieux ou, avec l'accord du président du Tribunal des conflits, par un des agents de la section du contentieux qu'il délègue.


      • La procédure devant le Tribunal des conflits est écrite.


      • Dès l'enregistrement de l'affaire, le secrétaire invite les parties et le ministre intéressé à présenter leurs observations dans le délai d'un mois.
        En cas d'élévation de conflit, ce délai est ramené à quinze jours.
        Dans les cas visés aux chapitres V et VI, ce délai est porté à deux mois.
        Les délais prévus aux trois alinéas précédents peuvent être réduits par décision du président du Tribunal des conflits en raison de l'urgence.
        Dans les cas prévus à l'article 17, le président peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction.


      • Les parties sont représentées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
        L'Etat est dispensé du ministère d'avocat. Les mémoires, lorsqu'ils ne sont pas présentés par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, doivent être signés par le ministre intéressé ou par le fonctionnaire ayant reçu délégation à cet effet.
        L'Etat est représenté par le ministre dont relève l'administration concernée.


      • Toute personne y ayant intérêt peut intervenir, à titre accessoire, devant le Tribunal des conflits.


      • Les mémoires sont déposés ou adressés au secrétariat qui les notifie aux parties et aux ministres intéressés.
        Les parties, par l'intermédiaire de leurs conseils, et le ministre intéressé ou le fonctionnaire ayant reçu délégation à cet effet, peuvent prendre personnellement connaissance des pièces produites au secrétariat du Tribunal des conflits.


      • Lorsque l'affaire est en état, le président fixe la séance à laquelle elle sera appelée et désigne le rapporteur.
        Lorsque l'affaire est inscrite au rôle, les parties et les ministres intéressés en sont avisés cinq jours au moins avant la séance.


      • Après étude de l'affaire par le rapporteur, le dossier est transmis au rapporteur public désigné par le président.
        Pour chaque affaire, le rapporteur public appartient à la juridiction suprême autre que celle du rapporteur.


      • A l'audience publique, le rapporteur expose les données de l'affaire ainsi que la position des parties et des ministres intéressés, sans faire connaître son avis.
        Après le rapport, les avocats représentant les parties peuvent présenter des observations orales.
        Le rapporteur public est ensuite entendu dans ses conclusions.
        Les avocats peuvent présenter de brèves observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public.


      • Le président veille à l'ordre de l'audience. Tout ce qu'il ordonne pour l'assurer doit être immédiatement exécuté.


      • Les décisions du Tribunal des conflits portent en tête la mention suivante : « Au nom du peuple français, le Tribunal des conflits ».
        Elles contiennent les noms et l'analyse des conclusions des parties et des ministres intéressés ainsi que le visa des pièces principales et des dispositions dont elles font application. Mention y est faite que le rapporteur, le rapporteur public et, s'il y a lieu, les avocats représentant les parties ont été entendus.
        La minute est signée par le président, le rapporteur et le secrétaire.


      • Les décisions sont notifiées par le secrétaire du Tribunal des conflits aux parties, au ministre et aux juridictions intéressées ainsi que, le cas échéant, au représentant de l'Etat ayant élevé le conflit.


      • Les décisions du Tribunal des conflits peuvent faire l'objet d'un recours en interprétation et en rectification.
        Elles ne sont pas susceptibles d'opposition.
        Elles ne peuvent pas faire l'objet d'une tierce opposition, sauf lorsque le tribunal statue au fond.


      • En cas de partage égal des voix, le président réunit le Tribunal des conflits dans la même formation qui procède à une nouvelle délibération à la prochaine séance.


      • Dans le cas prévu à l'article 6 de la loi du 24 mai 1872 susvisée, le président ordonne la réouverture des débats et renvoie l'affaire à une prochaine séance, dans la formation élargie prévue à cet article.
        Le secrétaire du tribunal en avise les parties et les ministres intéressés et les invite à présenter de nouvelles observations s'ils l'estiment utile.
        Lors de l'audience, il est procédé comme il est dit à l'article 10.


      • Le président du Tribunal des conflits peut, par ordonnance prise conjointement avec le membre du tribunal le plus ancien appartenant à l'autre ordre de juridiction, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur une affaire, rejeter les requêtes manifestement irrecevables et corriger les erreurs purement matérielles affectant les décisions rendues.
        Après avis donné aux parties, il peut, dans les mêmes formes, régler les questions de compétence soumises au tribunal dont la solution s'impose avec évidence.


      • Le conflit peut être élevé tant qu'il n'a pas été statué sur la compétence par une décision passée en force de chose jugée.


      • Dans le cas prévu à l'article 13 de la loi du 24 mai 1872 susvisée, le préfet adresse au greffe de la juridiction saisie un déclinatoire de compétence. A peine d'irrecevabilité, ce déclinatoire doit être motivé.
        Les parties en sont informées par le greffe et sont invitées à faire connaître leurs observations écrites dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification du greffe.
        Le greffe communique l'affaire au ministère public afin qu'il puisse faire connaître son avis dans le même délai. Dès réception, le greffe porte cet avis à la connaissance du préfet et des parties par lettre remise contre signature.
        Le délai prévu aux alinéas précédents peut être réduit par le président de la juridiction saisie, en cas d'urgence.


      • La juridiction statue sans délai, selon les règles de procédure qui lui sont applicables, sur le déclinatoire de compétence.


      • Le greffe adresse sans délai copie du jugement rendu sur la compétence au préfet et aux parties par lettre remise contre signature. Le ministère public en est avisé.


      • Si ce jugement a rejeté le déclinatoire, le préfet peut élever le conflit par arrêté dans les quinze jours suivant la réception du jugement. Le conflit peut également être élevé si le tribunal a, avant expiration de ce délai, passé outre et jugé au fond.
        Si le jugement a admis le déclinatoire et si une partie fait appel du jugement, le préfet peut saisir la juridiction d'appel d'un nouveau déclinatoire et, en cas de rejet de celui-ci, élever le conflit dans les mêmes conditions qu'en première instance.


      • L'arrêté de conflit vise le jugement ou l'arrêt rejetant le déclinatoire. A peine d'irrecevabilité, cet arrêté est motivé.


      • L'arrêté de conflit, accompagné des pièces qui y sont visées, est remis contre signature par le préfet au greffe de la juridiction.


      • Si l'arrêté de conflit n'est pas parvenu au greffe dans le délai mentionné au premier alinéa de l'article 22, le conflit ne peut plus être élevé devant la juridiction saisie de l'affaire.


      • Dès la réception de l'arrêté de conflit au greffe de la juridiction dans le délai mentionné à la première phrase de l'article 22, la juridiction sursoit à statuer.


      • L'arrêté du préfet et les pièces qui y sont visées sont déposés pendant quinze jours au greffe. Celui-ci avise les parties ou leurs avocats qu'ils peuvent en prendre connaissance et remettre, dans le même délai, leurs observations sur la question de compétence assorties des pièces de nature à les soutenir. Ces observations et ces pièces sont versées au dossier.


      • A l'expiration du délai mentionné à l'article précédent, le greffe transmet au secrétariat du Tribunal des conflits l'arrêté de conflit, le déclinatoire, l'avis du ministère public, le jugement rejetant le déclinatoire et, le cas échéant, les observations des parties ainsi que les pièces utiles.


      • Le Tribunal des conflits statue sur le conflit positif dans le délai de trois mois à compter de la réception du dossier à son secrétariat.
        En cas de nécessité ou s'il a été fait application de l'article 16, ce délai peut être prorogé par son président, dans la limite de deux mois. La juridiction en est avisée par le secrétariat.


      • Si la juridiction devant laquelle le conflit a été élevé n'a pas reçu notification de la décision du Tribunal des conflits un mois après l'expiration du délai mentionné à l'article précédent, elle peut procéder au jugement de l'affaire.


      • Dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, les pouvoirs dévolus au préfet par le présent chapitre sont exercés par le représentant de l'Etat.

      • Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif décline la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, elle renvoie les parties à saisir la juridiction compétente de l'autre ordre de juridiction. Toutefois, lorsque la juridiction est saisie d'un contentieux relatif à l'admission à l'aide sociale tel que défini par le code de l'action sociale et des familles ou par le code de la sécurité sociale, elle transmet le dossier de la procédure, sans préjuger de la recevabilité de la demande, à la juridiction de l'autre ordre de juridiction qu'elle estime compétente par une ordonnance qui n'est susceptible d'aucun recours.

        Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal.


        Conformément au III de l'article 14 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, ces dispositions sont applicables sur tout le territoire de la République.


      • La juridiction saisie en second lieu transmet sa décision et les conclusions des parties ainsi que, s'il y a lieu, celles du ministère public au secrétariat du Tribunal des conflits.


      • Si le Tribunal des conflits estime que la juridiction qui a prononcé le renvoi n'est pas compétente pour connaître de l'action ou de l'exception ayant donné lieu à ce renvoi, il déclare nuls et non avenus, sauf la décision de renvoi elle-même, l'ensemble des jugements et actes de procédure auxquels cette action ou exception a donné lieu devant la juridiction qui a prononcé le renvoi ainsi que devant toutes autres juridictions du même ordre.
        S'il estime que la juridiction de l'autre ordre a rendu à tort sur le même litige ou la même exception, entre les mêmes parties, un jugement d'incompétence, le Tribunal des conflits déclare nul et non avenu le jugement de la juridiction qui a décliné à tort sa compétence et renvoie l'examen du litige ou de l'exception à cette juridiction.


      • Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence.
        La juridiction saisie transmet sa décision et les mémoires ou conclusions des parties au Tribunal des conflits.
        L'instance est suspendue jusqu'à la décision du Tribunal des conflits.


      • Dans les cas prévus au présent chapitre, le Tribunal des conflits se prononce dans les trois mois à compter de la réception du dossier à son secrétariat. En cas de nécessité ou s'il a été fait application de l'article 16, ce délai peut être prorogé par son président, dans la limite de deux mois.


      • Lorsque les juridictions de chacun des deux ordres se sont irrévocablement déclarées incompétentes sur la même question, sans que la dernière qui a statué n'ait renvoyé le litige au Tribunal des conflits, les parties intéressées peuvent le saisir d'une requête aux fins de désignation de la juridiction compétente.
        La requête expose les données de fait et de droit ainsi que l'objet du litige et est accompagnée de la copie des décisions intervenues.


      • Le recours devant le Tribunal des conflits est introduit dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions d'incompétence est devenue irrévocable.


      • Dans le cas prévu à l'article 15 de la loi du 24 mai 1872 susvisée, la partie qui y a intérêt saisit le Tribunal des conflits.


      • Le recours devant le Tribunal des conflits est introduit dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions statuant au fond est devenue irrévocable.


      • Le Tribunal des conflits ordonne, s'il y a lieu, les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


      • Le Tribunal des conflits juge au fond. Il statue également sur les dépens des instances poursuivies devant les deux ordres de juridiction et, le cas échéant, devant lui.

      • Dans le cas prévu à l'article 16 de la loi du 24 mai 1872 susvisée, la partie qui entend obtenir réparation doit préalablement saisir le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une réclamation.
        En application du 3° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant plus de deux mois sur la réclamation vaut décision de rejet. A l'expiration de ce délai, la partie intéressée peut saisir le Tribunal des conflits.
        En cas de décision explicite de rejet, la requête doit être présentée dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de cette décision. Ce délai n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.


      • Le Tribunal des conflits statue sur la réparation, après avoir ordonné, s'il y a lieu, les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


Fait le 27 février 2015.


Manuel Valls
Par le Premier ministre :


La garde des sceaux, ministre de la justice,
Christiane Taubira

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