Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 décembre 2015, 15-13.305, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à la SCI du Colisée Beaulieu du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X..., ès qualités, M. et Mme Y..., la société Normbat et Mme Z..., ès qualités ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 octobre 2013), que par acte notarié du 27 janvier 2004, la SCI du Colisée Beaulieu (la SCI) a vendu une maison individuelle en l'état futur d'achèvement à M. et Mme Y... ; que les travaux ont été réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de la SCI, le lot "gros oeuvre" étant confié à la société CMCR et le lot "charpente" à la société Normbat ; que la SCI a souscrit, dans le cadre de cette opération de construction, un contrat d'assurance incluant diverses garanties auprès de la société Generali assurances IARD (la société Generali) ; que se plaignant de désordres apparus après la livraison de l'immeuble, M. et Mme Y... ont assigné en réparation de leurs préjudices la SCI, les sociétés CMCR et Normbat, placées depuis en liquidation judiciaire, ainsi que la société Generali, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société CMCR et d'assureur dommages-ouvrage ; que la SCI a réclamé l'exécution des garanties souscrites auprès de la société Generali et invoqué subsidiairement un manquement du mandataire de l'assureur à son devoir de conseil ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie à l'encontre de la société Generali, alors, selon le moyen :

1°/ que l'assureur est tenu d'un devoir d'information et de conseil envers son assuré, même professionnel ; qu'à ce titre, l'assureur doit éclairer l'assuré sur l'adéquation du contrat souscrit à ses besoins ; que pour écarter la faute de l'assureur, les juges ont décidé qu'« il appartenait à la SCI, professionnelle de la construction, de vérifier que les contrats d'assurance souscrits par elle correspondaient effectivement à ses besoins » ; que ce faisant, les juges du fond ont violé, par refus d'application, l'article 1147 du code civil ;

2°/ que l'assureur est tenu d'un devoir d'information et de conseil envers son assuré, même professionnel ; qu'à ce titre, l'assureur doit s'enquérir quant aux besoins de l'assuré aux fins de lui fournir une assurance adaptée ; que cette obligation s'impose de plus fort dès lors que l'assuré est tenu par la loi de souscrire une police d'assurance ; qu'en relevant que la SCI aurait dû informer l'assureur de ce qu'elle interviendrait sur le chantier, quand il appartenait à l'assureur de s'informer des besoins de l'assuré tenu de souscrire une police au titre de l'article L. 241-1 du code des assurances, les juges du fond ont, à nouveau, violé, par refus d'application, l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en retenant qu'il n'était pas établi que la SCI ait informé l'assureur de ce qu'elle interviendrait sur le chantier, quand il appartenait à l'assureur d'établir qu'il s'était lui-même informé des besoins de l'assuré, les juges ont inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la SCI était une professionnelle de la construction ; qu'elle avait souscrit une garantie constructeur non réalisateur dont la définition impliquait qu'elle ne participe pas directement à l'acte de construire et qu'il ne résultait d'aucun élément du dossier qu'elle ait informé l'agent d'assurance de ce qu'elle interviendrait sur le chantier en qualité de maître d'oeuvre, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu'il ne pouvait être reproché à l'assureur ou à son mandataire d'avoir manqué à son obligation de conseil en ne l'avertissant pas qu'elle ne serait pas garantie au titre d'une telle activité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI du Colisée Beaulieu aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI du Colisée Beaulieu, la condamne à payer à la société Generali assurances IARD la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la SCI du Colisée Beaulieu

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, confirmant le jugement de Tribunal de grande instance de CAEN du 22 juin 2011, rejeté l'appel en garantie de la SCI du COLISEE BEAULIEU à l'encontre de la société GENERALI ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. En l'espèce, le seul document faisant état des relations contractuelles entre la SCI et la compagnie GENERALI consiste en une note de couverture du 17 novembre 2003, laquelle stipule l'existence des garanties suivantes : « dommages-ouvrage, garantie de bon fonctionnement, CNR, TRC, RC maître d'ouvrage », et ce moyennant une prime de 79.521 euros. Il n'est pas discuté que la garantie CNR signifie « constructeur non réalisateur », TRC « tous risques chantier » et RC « responsabilité civile ». Or, un constructeur non réalisateur ne participe pas directement à l'acte de construire, ce qui n'est pas le cas de la SCI qui a effectué, ce qu'elle ne conteste pas, la maîtrise d'oeuvre de réalisation du chantier. Traditionnellement, la garantie TRC couvre les événements accidentels pouvant endommager la construction, et la responsabilité civile du maître d'ouvrage les dommages pouvant être causés aux tiers. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Quant à la garantie de bon fonctionnement, elle est prévue, comme le précise la note de couverture, par l'article 1792-3 du Code civil et concerne uniquement les éléments d'équipement pour une durée de deux ans. Aucune pièce de nature contractuelle ne laisse donc présumer que la SCI a souscrit, en sa qualité de maître d'oeuvre de la construction, une quelconque garantie d'assurance décennale auprès de la société GENERALI. L'importance de la prime n'est pas en soi révélatrice d'une volonté des parties de garantir la maîtrise d'oeuvre, étant précisé que cette prime incluait l'assurance dommages-ouvrage, et ce pour l'ensemble de la résidence, soit « 25 logements avec garage et un immeuble de 12 logements locatifs ». Quant au manquement allégué de l'agent de la compagnie GENERALI à son obligation de conseil, il ne résulte d'aucun élément du dossier que la SCI ait informé celui-ci de ce qu'elle interviendrait sur le chantier en qualité de maître d'oeuvre. De surcroît, il appartenait à la SCI, professionnelle de la construction, de vérifier que les contrats d'assurances souscrits par elle correspondaient effectivement à ses besoins. Aucune faute ne peut donc être reprochée à l'assureur ou à son mandataire. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de garantie présentée par la SCI. » ;

ALORS QUE, premièrement, l'assureur est tenu d'un devoir d'information et de conseil envers son assuré, même professionnel ; qu'à ce titre, l'assureur doit éclairer l'assuré sur l'adéquation du contrat souscrit à ses besoins ; que pour écarter la faute de l'assureur, les juges ont décidé qu'« il appartenait à la SCI, professionnelle de la construction, de vérifier que les contrats d'assurances souscrits par elle correspondaient effectivement à ses besoins » ; que ce faisant, les juges du fond ont violé, par refus d'application, l'article 1147 du Code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'assureur est tenu d'un devoir d'information et de conseil envers son assuré, même professionnel ; qu'à ce titre, l'assureur doit s'enquérir quant aux besoins de l'assuré aux fins de lui fournir une assurance adaptée ; que cette obligation s'impose de plus fort dès lors que l'assuré est tenu par la loi de souscrire une police d'assurances ; qu'en relevant que la SCI du COLISEE BEAULIEU aurait dû informer l'assureur de ce qu'elle interviendrait sur le chantier, quand il appartenait à l'assureur de s'informer des besoins de l'assuré tenu de souscrire une police au titre de l'article L. 241-1 du Code des assurances, les juges du fond ont, à nouveau, violé, par refus d'application, l'article 1147 du Code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, en retenant qu'il n'était pas établi que la SCI ait informé l'assureur de ce qu'elle interviendrait sur le chantier, quand il appartenait à l'assureur d'établir qu'il s'était lui-même informé des besoins de l'assuré, les juges ont inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:C201671
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