Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mai 2015, 14-13.744, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 1134 du code civil et L. 235-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'aux termes d'un protocole d'accord du 27 avril 2006, les associés de la société à responsabilité limitée Chronotec ont autorisé M. X..., gérant démissionnaire de cette société, à constituer une autre entreprise dans le même secteur d'activité à compter du 1er mai 2006 ; que M. X... a ultérieurement créé la société Codif, concurrente de la société Chronotec ; que soutenant que ce protocole d'accord, en ce qu'il autorisait M. X... à constituer une entreprise concurrente, nécessitait pour sa validité la convocation d'une assemblée spécialement réunie pour modifier les statuts, la société Chronotec a assigné M. X... et la société Codif aux fins de cessation de l'activité exercée illicitement par cette dernière ;

Attendu que pour annuler le protocole d'accord en ce qu'il autorisait M. X... à exercer une activité concurrente de celle de la société Chronotec, l'arrêt constate que les statuts de cette société ne prévoient que la consultation écrite des associés pour les décisions autres que celles prises par l'assemblée ; qu'il retient que, même si lors de la signature du protocole d'accord, le capital de la société Chronotec était détenu dans sa totalité par les trois signataires de ce protocole, l'autorisation donnée à M. X... de constituer une société concurrente en violation des statuts et de l'intérêt social ne saurait valoir ni modification des statuts ni dérogation ponctuelle à ces derniers ; qu'il ajoute qu'aucune ratification de ce protocole quant à la levée de l'interdiction de concurrence n'est par la suite intervenue en assemblée ou au terme d'une consultation écrite organisée dans les formes réglementaires ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les associés d'une société à responsabilité limitée peuvent déroger à une clause des statuts et s'en affranchir par l'établissement d'actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions déposées le 7 septembre 2012, l'arrêt rendu le 18 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Chronotec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Codif la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Codif.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le protocole d'accord du 27 avril 2006 en ce qu'il autorisait M. X... à exercer une activité concurrente de celle de la société Chronotec dans le département où elle était installée et dit qu'en conséquence de cette nullité, la société CODIF avait exercé son activité de manière illicite pendant cinq ans à compter du départ de M. X... de la société Chronotec au détriment de cette dernière ;

Aux motifs que les décisions des associés autres que celles relatives à l'approbation des comptes et rapports annuels pouvaient résulter d'une consultation écrite ou du consentement unanime des associés exprimé dans un acte ; qu'un acte répondant à ces conditions n'était cependant valable que si les statuts le prévoyaient ; que les statuts n'autorisaient que la consultation écrite dans les formes de l'article 40 du décret du 23 mars 1967 devenu l'article R. 223-22 du code de commerce ; que même si, lors de la signature du protocole du 27 avril 2006, le capital social de la société Chronotec était détenu dans sa totalité par les trois signataires, l'autorisation donnée à M. X... de constituer une société concurrente en violation des statuts et de l'intérêt social était en conséquence nulle en application de l'article L. 235-1 du code de commerce et ne saurait valoir ni modification des statuts ni dérogation ponctuelle à ces derniers ; qu'aucune ratification de ce protocole quant à la levée de l'interdiction de concurrence n'étant ensuite intervenue en assemblée générale ou au terme d'une consultation écrite organisée dans les formes réglementaires, le jugement attaqué devait être infirmé ;

Alors 1°) que l'article 26 des statuts de la société Chronotec stipulait que les décisions collectives, à l'exception de l'assemblée annuelle, résultaient de la réunion générale ou d'un vote par écrit ; qu'en énonçant que les statuts n'autorisaient que la consultation écrite dans les formes de l'article R. 223-22 du code de commerce, la cour d'appel a dénaturé les statuts de la société Chronotec, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Alors 2°) que les parties peuvent toujours déroger à une clause des statuts et s'en affranchir par l'établissement d'actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent ; qu'en ayant considéré que le protocole d'accord du 27 avril 2006 ne pouvait valoir ni modification des statuts ni même dérogation ponctuelle à ces derniers en dehors d'une ratification en assemblée générale ou au terme d'une consultation écrite organisée dans les formes réglementaires, après avoir pourtant constaté qu'il avait été signé par les détenteurs de la totalité du capital social, la cour d'appel a violé l'article L. 235-1 du code de commerce ;

Alors 3°) que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme l'y invitaient les écritures de la société CODIF (p. 3) et la motivation du tribunal, si les différents signataires du protocole ayant expressément donné l'autorisation à M. X... de créer et gérer une entreprise dans le même secteur d'activité que la société Chronotec, ne pouvaient, sans une mauvaise foi certaine, invoquer aujourd'hui la nullité de ce protocole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00440
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