Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-24.182, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'association Aides ménagères rémoises (AMR) en qualité d'aide ménagère, par un contrat à durée déterminée du 14 janvier 2000, auquel a succédé un contrat à durée indéterminée du 1er juin 2000 ; que le 26 mai 2010, elle a été élue déléguée du personnel suppléante ; que le 6 juillet 2011, elle a été déclarée définitivement inapte à son poste ; que le 27 juillet 2011, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, sans que l'employeur ait préalablement sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins notamment d'obtenir l'annulation de son licenciement et le paiement de différentes sommes ;

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer certaines sommes à la salariée alors, selon le moyen, que le salarié protégé licencié sans autorisation qui refuse l'annulation du licenciement et la réintégration proposées par l'employeur ne peut se prévaloir de la nullité dudit licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme X... avait refusé que l'AMR annule le licenciement prononcé sans autorisation et la réintègre ; qu'en l'autorisant cependant à se prévaloir de la nullité de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5 et L. 2421-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le salarié dont le licenciement est nul peut refuser la réintégration proposée par l'employeur sans qu'il en résulte renonciation à se prévaloir de la nullité de la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 2411-5 et L. 2314-27 du code du travail ;

Attendu que le délégué du personnel qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges, retient que son mandat devait s'achever le 25 mai 2014 et que la période de protection attachée à ce mandat persistant jusqu'au 25 novembre 2014, le licenciement était intervenu quarante mois avant la fin de la période de protection ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Aides ménagères rémoises à payer à Mme X... une indemnité de 39 102 euros au titre de la violation de son statut protecteur, l'arrêt rendu le 3 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association Aides ménagères rémoises.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement du 27 juillet 2010, et condamné l'association AIDES MENAGES REMOISES à payer à Madame X... les sommes de 39.102 € au titre de la violation de son statut protecteur, 11.730,60 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite, 1.955,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 195,51 € à titre de congés payés sur préavis, et 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant de la nullité du licenciement et de ses conséquences c'est la confirmation totale du jugement qui s'impose, sauf à y ajouter les congés payés sur préavis ; qu'en effet il est constant que cette rupture a été mise en oeuvre sans respecter le statut protecteur d'ordre public d'une salariée déléguée du personnel, ce qui rend irréductiblement nul ce licenciement, les premiers juges en ayant tiré les exactes conséquences indemnitaires, d'abord en calculant parfaitement le montant forfaitaire insusceptible de réduction des salaires dûs jusqu'à la fin de la période de protection, puis compte tenu de l'âge, de l'ancienneté, de la situation de Madame X... en fixant des dommages-intérêts réparant intégralement le préjudice consécutif à la rupture ; que le conseil de prud'hommes a aussi exactement décidé que la nullité du licenciement soumettait l'employeur à l'obligation de payer le préavis, doublé du fait du handicap de l'intéressée, mais par contre celle-ci relève avec pertinence que c'est sans fondement que les congés-payés ont été exclus sur ce préavis ; que le jugement sera réformé en ce sens ; que l'AMR soutient vainement ne pas encourir la nullité du licenciement et ses conséquences aux motifs que Madame X... aurait expressément accepté la procédure de licenciement malgré l'irrégularité dont elle était affectée, et elle en veut pour preuve le témoignage de Madame Y... déléguée du personnel qui assistait l'intimée lors de la remise du solde de tout compte le 04 août 2011 et qui relate que cette dernière, parfaitement éclairée, avait fait connaître sa volonté d'acquiescer à ladite procédure ; que l'intimée réplique exactement à cette argumentation que c'est bien une prétendue renonciation aux droits tenus du statut protecteur que l'AMR entend lui opposer, alors que rien de tel n'est établi de manière non équivoque; qu'ainsi aucun acte n'a été signé en ce sens par la salariée, et c'est de manière insuffisamment circonstanciée que le témoin relate l'entretien, s'abstenant notamment de préciser en quels termes Madame X... a été informée de l'étendue de ses droits ; qu'au surplus le bref délai dans lequel Madame X... a introduit la présente action suffit à exclure toute manifestation non équivoque de volonté; qu'il peut seulement être déduit du tout que Madame X... - ce qui était son droit - a refusé que l'AMR annule le licenciement, la réintègre et effectue une procédure régulière ; qu'elle était donc parfaitement recevable et bien fondée en son action ; que de tous ces chefs la confirmation du jugement s'impose;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Vu L l'article L2411-1 du code du travail, qui dispose que le délégué du personnel bénéficie de la protection contre le licenciement ; Vu l'article L2411-5 du même code, qui dispose que « le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail », et que «cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel .... » ; Vu le procès verbal des élections de la délégation unique du personnel du scrutin du 26 mai 2010, sur lequel il apparaît que Madame X... a été élue suppléante, pour un mandat d'une durée de quatre ans ; que le mandat de Madame X... devait s'achever le 25 mai 2014, que la période de protection liée à ce mandat persistait jusqu'au 25 novembre 2014, et que son licenciement est intervenu le 27 juillet 2011, soit 40 mois avant la fin de la période de protection ; Vu le salaire mensuel brut de Madame X... de 977;55 euros à la rupture de son contrat de travail, le conseil dit et juge que Madame X... recevra une indemnité de 39.102 euros au titre de la violation de son statut protecteur ; Sur la demande d'indemnité pour licenciement illicite: Le Conseil ayant ainsi jugé que le licenciement de Madame X... l'avait été en violation de son statut protecteur, en application de l'article L1235-3 du code du travail, fixe à 11.730,60 euros l'indemnité pour licenciement illicite ;

1. ALORS QUE le salarié protégé licencié sans autorisation qui refuse l'annulation du licenciement et la réintégration proposées par l'employeur ne peut se prévaloir de la nullité dudit licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Madame X... avait refusé que l'AMR annule le licenciement prononcé sans autorisation et la réintègre ; qu'en l'autorisant cependant à se prévaloir de la nullité de son licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5 et L. 2421-3 du code du travail ;

2. ALORS en tout état de cause QUE le salarié protégé a le droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, une indemnité forfaitaire égale au montant de sa rémunération pendant la période comprise entre son éviction et l'expiration de la période de protection dans la limite de deux ans, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel, augmentée de 6 mois ; qu'en accordant à la salariée une indemnité courant jusqu'à la fin de la période de protection, correspondant à 40 mois, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-5, L. 2421-3, ensemble l'article L. 423-16 (devenu L. 2314-26) du Code du travail dans sa version issue de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 et l'article 96-VIII de ladite loi.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00700
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