Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 mars 2015, 13-26.258, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 août 2013), statuant en matière de référé, que, dans le cadre de l'exploitation des fréquences hertziennes dites de la 4G ou Long Term Evolution (LTE), le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail Rive Défense de la société SFR a assigné cette dernière afin que le juge constate l'existence d'un trouble manifestement illicite, qu'il ordonne à l'employeur de le consulter sur le projet d'introduction de cette nouvelle technologie et qu'il élabore un plan d'adaptation et le consulte sur ce plan ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société SFR fait grief à l'arrêt de la condamner à payer par provision une réparation de 5 000 euros au CHSCT SFR Rive Défense, alors, selon le moyen :

1°/ que la reconnaissance par le juge de la personnalité morale d'un groupement a pour seul effet de lui permettre d'agir en justice mais non de lui conférer un patrimoine non prévu par la loi ; qu'en particulier, si le CHSCT peut agir en justice pour faire respecter par l'employeur les prérogatives à lui attribuées par le code du travail, il ne peut prétendre au versement d'une somme d'argent ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 4612-1 du code du travail, 808 et 809 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en tout état de cause, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant alloué une provision au CHSCT SFR Rive Défense, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'entreprise ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de travail, et qui est doté dans ce but de la personnalité morale, est en droit de poursuivre contre l'employeur la réparation d'un dommage que lui cause l'atteinte portée par ce dernier à ses prérogatives ; que le moyen sans objet en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SFR aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société SFR

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le CHSCT SFR RIVE DEFENSE n'avait pas été consulté dans les formes et conditions des articles L. 4612-8 à L. 4612-10 du Code du travail dans le périmètre du site RIVE DEFENSE, dit qu'il s'ensuivait un trouble manifestement illicite qu'il y avait lieu de faire cesser, ordonné à la société SFR RIVE DEFENSE d'informer et consulter le CHSCT SFR RIVE DEFENSE sur les conséquences de l'introduction de la 4G/LTE sur les conditions d'hygiène et de sécurité ou sur les conditions de travail et notamment sur toute transformation importante de postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produits ou de l'organisation du travail, sur les conséquences de ce projet ou de cette introduction sur la santé, la sécurité des travailleurs, ordonné à la société SFR RIVE DEFENSE d'établir un plan d'adaptation à l'occasion de la mise en oeuvre de mutations technologiques importantes et rapides prévues à l'article L. 2323-14 du Code du travail et de le soumettre pour consultation au CHSCT, condamné la société SFR RIVE DEFENSE à payer par provision une réparation de 5.000 € au CHSCT - SFR RIVE DEFENSE, et mis à la charge de la société SFR RIVE DEFENSE les frais de défense du CHSCT SFR RIVE DEFENSE évalués à 20.349,94 € pour la première instance et l'appel,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les parties sont en désaccord sur le point de savoir si l'introduction de la 4G/LTE est de nature à emporter des modifications importantes dans l'entreprise et si elle constitue une mutation technologique importante et rapide nécessitant la mise en place d'un plan d'adaptation. Sur les dispositions de l'article L 4612-8 du code du travail : Dans une section intitulée consultations obligatoires, cet article est ainsi rédigé : "Le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail et notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail avant toute modification des cadences liées ou non à la rémunération du travail. " Pour considérer qu'était bien caractérisée en l'espèce une importante modification des conditions de travail, le premier juge s'est essentiellement fondé sur l'extrait d'un rapport d'expertise déposé dans le cadre de la consultation du comité central d'entreprise sur le plan de réduction du personnel et sur le contenu de communications de la société SFR sur l'introduction de la 4G. La société SFR Rive Défense soutient qu'en réalité, seuls les postes de 5 chefs de projet ont été modifiés et que des élus du CHSCT auraient eux aussi voulu être désignés pour ces nouvelles fonctions. La réaction du CHSCT est liée à la frustration d'une ou deux personnes. Il n'est pas caractérisé une modification importante des conditions de travail. De même, elle critique très vivement les éléments retenus par l'expert dans son rapport fait à la demande du comité central d'entreprise en estimant que cet expert est totalement sorti de son rôle, la société SFR envisageant de déposer plainte contre lui. La société SFR Rive Défense ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que l'introduction de la 4G n'affectant qu'un nombre très limité de postes de travail, il s'en déduit naturellement qu'il ne s'agit pas d'un projet de modification entraînant une consultation obligatoire du CHSCT. Elle reproche aux intimés également de faire un amalgame entre le plan de réduction des effectifs rendu nécessaire par une baisse brutale du chiffre d'affaires et l'introduction de la 4G. En réalité, il ressort notamment d'un communiqué adressé par le président de SFR à l'ensemble de ses collaborateurs que lui même faisait un lien entre ces deux évolutions en écrivant : "Vous avez tous constaté depuis plusieurs mois, que le marché des télécommunications fixe et mobile en France connaissait une mutation sans précédent. De nouvelles offres et une concurrence renforcée ont conduit à une baisse brutale de notre chiffre d'affaires et une dégradation durable de notre compétitivité. Tout ceci alors que nous connaissons une révolution technologique structurante avec l'arrivée de la 4G." Il ressort tant de ce texte que des efforts financiers importants qu'a consentis SFR pour avoir le droit d'exploiter des fréquences hertziennes permettant la mise en oeuvre de la 4G et que des espoirs de développement qui sont mis dans l'ensemble de l'entreprise sur l'introduction de la 4G qu'il s'agit manifestement d'une modification qui sera importante dans les conditions de travail de l'entreprise. L'employeur devant exécuter ses obligations de bonne foi, il ne peut se borner à dire que seuls quelques postes de chefs de projet sont atteints alors qu'il subordonne l'avenir et la prospérité de son entreprise à la mise en ouvre de la 4G. A l'évidence, cette nouvelle application qui impacte des postes de chefs de projet mais également des postes de salariés de SFR chargés de la surveillance des sites et de la bonne réalisation par les sous traitants des adaptations nécessaires aux installations actuelles et qui dans sa phase finale, aura une incidence importante sur d'autres secteurs d'activité tels les commerciaux, rend indispensable la mise en oeuvre des informations et des consultations du CHSCT, dans le cadre des dispositions de l'article 4612-8 du code du travail. En ce sens, le premier juge a avec raison que le défaut d'information et de consultation du CHSCT SFR Rive Défense constituait un trouble manifestement illicite qu'il importait de faire cesser en ordonnant cette consultation. Sur les articles L. 2323-14 et L. 4612-10 du code du travail : aux termes des dispositions combinées de ces deux textes, il ressort que lorsque l'employeur envisage de mettre en oeuvre des mutations technologiques importantes et rapides, il doit faire un plan d'adaptation sur lequel le CHSCT est consulté. Sur ce point, le premier juge n'a pas explicitement statué estimant qu'il ne pouvait être dissocié du point précédemment évoqué. SFR conteste formellement être astreinte à cette obligation car elle insiste sur le fait que la 4G n'est nullement une nouvelle technologie mais n'est qu'un développement des normes 2G et 3G déjà connues et que SFR n'étant pas chargée de l'installation des fibres nouvelles ou des nouveaux boîtiers sur sites, et n'assurant pas en direct la fabrication d'appareils, n'a pas à considérer la 4G comme une nouvelle technologie; elle fait valoir en outre qu'elle n'a eu à donner à ses chefs de projet que deux jours de formation et qu'elle se trouve dans l'incapacité de faire un plan d'adaptation. Cependant, comme le fait remarquer le CHSCT SFR Rive Défense, c'est le président de SFR lui même qui a défini la 4G comme une" évolution technologique structurante." Par ailleurs, le CHSCT SFR Rive Défense produit des extraits d'articles de presse ou de vulgarisation scientifique qui présentent la 4G comme une nouvelle technologie. L'annonce faite dans la presse de ce que" SFR allumera la 4G à la Défense le 29 janvier 2013" et l'importance de cet événement démontrent qu'au delà des écritures prises pour cette procédure, l'entreprise estime que la 4G est également une nouvelle technologie. Dès lors que SFR ne conteste pas vouloir que le développement de la 4G soit rapide, elle doit se conformer aux dispositions des articles susvisés et soumettre à la consultation du CHSCT un plan de réadaptation. Il n'appartient pas à la Cour de décider du contenu de ce plan mais il revient à la société SFR Rive Défense de présenter dans ce document, les efforts de formation qui ont déjà été faits, puisque de l'aveu même de SFR, les chefs de projet ont eu une formation sur deux jours et ceux qui devront être mis en oeuvre auprès des diverses catégories de personnels qui à plus ou moins long terme seront impactés par la mise en oeuvre de la 4G. L'ordonnance de référé qui a fait obligation à la société SFR Rive Défense de commencer l'information et la consultation du CHSCT SFR Rive Défense sur la mise en oeuvre de la 4G/LTE afin de faire cesser un trouble manifestement illicite sera donc confirmée. Il sera précisé que ces obligations ne peuvent concerner que les salariés directement placés sous la subordination de la société SFR Rive Défense, sans qu'elle soit tenue des mêmes obligations vis à vis des salariés des entreprises sous-traitantes, sauf à ce que soit caractérisée une situation de co-emploi qui n'est pas alléguée en l'espèce. En revanche, il est ressorti clairement des écritures déposées en cause d'appel par le CHSCT SFR Rive Défense et d'un courrier dont copie a été adressée à la Cour que les élus, soucieux de l'intérêt et du développement de l'entreprise, ne demandent pas que la mise en oeuvre de la 4G soit suspendue du fait de la procédure de consultation. Il y a lieu de faire droit à leurs observations et de faire injonction à la société SFR :
- de consulter le CHSCT SFR Opérateur Rive défense sur les conséquences de l'introduction de la 4G/LTE sur les conditions d'hygiène et de sécurité ou sur les conditions de travail et notamment sur toute transformation importante de poste de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produits ou de l'organisation du travail sur les conséquences de ce projet ou de cette introduction sur la santé, la sécurité des travailleurs,
- d'établir un plan d'adaptation à l'occasion de la mise en oeuvre de mutations technologiques importantes et rapides prévues à l'article L 2223 -14 du code du travail et de le soumettre pour consultation au CHSCT.
Sur la provision allouée au CHSCT SFR Rive Défense : Le premier juge, estimant avec raison que le CHSCT SFR Rive Défense avait subi un préjudice du fait du refus de la société de l'informer et de le consulter, a fixé une provision de 5 000 euros à titre indemnitaire. SFR soutient que le CHSCT SFR Rive Défense n'ayant pas la personnalité morale aux termes de la loi, ne peut recevoir de sommes d'argent à titre indemnitaire. Cependant, le CHSCT est effectivement doté de la personnalité juridique qui lui permet d'ester en justice et de recevoir des dons ou des indemnités. En l'espèce, il est manifeste qu'il a personnellement subi un préjudice causé par la société SFR Rive Défense du fait du non respect de ses attributions et c'est de manière adaptée que le premier juge lui a alloué une provision à titre indemnitaire de 5 000 euros. L'ordonnance sera confirmée sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L4612-8 du code du travail dispose que "le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant foule transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l 'outillage, d'un changement de produit (...)" ; que la société SFR RIVE DEFENSE qui fait part à ses salariés d'une réorganisation "de SFR" en rapport avec une mutation "sans précédent" qu'elle veut "accélérer" face à "une révolution technologique structurante avec l'arrivée de la 4G et de la fibre" a dans le même temps estimé que pour autant les conditions de l'article L 4612-8 du code du travail ne sont pas réunies; qu'elle estime que n'existe pas dans ce projet de réorganisation un "aménagement important modifiant les conditions de travail" "en ce que aucune réorganisation du service n'a été mise en oeuvre par l'effet de la 4G" et qu'il n'en est résulté "aucune modification des conditions de travail" ; qu'elle soutient ainsi que si le passage à la 4G est une chose "importante" il s'agit d'une "importance commerciale et stratégique" qui n'est pas pour autant une "importance modifiant les conditions de travail" ; que le texte de l'article L 4612-8 du code du travail attribue l'adjectif "important" à "toute décision d'aménagement"; que l'importance que le législateur mentionne dans cette disposition du code du travail caractérise l'aménagement en soi décidé par l'entreprise; qu'il suit de là qu'il n'est pas discuté par les parties que la décision en cause dans l'instance se rapporte effectivement à un aménagement important ; que cette importance de l'aménagement que reconnaît expressément la défenderesse serait-ce pour l'attribuer à une "importance commerciale et stratégique" est reflétée et confirmée sans qu'elle puisse dès lors encourir la critique de la société SFR RIVE DEFENSE dans les considérations exprimées par l'expert Sextant Conseil qui tient à souligner l'incidence en tant que "la toile de fond" qu'exerce sur l'objet principal de sa consultation qui est le projet de réorganisation de SFR , "La 4G" ; qu'avant de s'interroger sur l'éventualité et/ou l'allégation d'une "modification des conditions du travail" générée par le projet de mise en place de la 4G il y a lieu encore de constater que les parties ne divergent pas quant à considérer le passage de la technique de la 3G à celle de la 4G comme le "changement de produit" qu'en l'occurrence la société SFR RIVE DEFENSE qualifie même de "révolution technologique structurante qui est également l'un des termes retenus par l'article L 4612-8 du code du travail comme l'une des considérations sinon conditions de son application ; que la défenderesse mentionne une révolution technologique "structurante" adossée à "une mutation sans précédent", "une concurrence renforcée" et "une dégradation durable de (sa) compétitivité"; que si la défenderesse s'abstient d'indiquer précisément la nature des structures affectées la juridiction observe cependant qu'elle est suivie d'un important paragraphe - le plus long de son communiqué à l'adresse dé ses "(...) collaborateurs"- qui évoque aussitôt la situation de l'emploi dans l'entreprise : "J'ai décidé que notre réorganisation ne provoquerait aucun départ contraint", "permettre selon les cas de choisir un repositionnement interne ou un projet externe qui pourra être mis en oeuvre dans le cadre d'un plan de départs volontaires" et l'assurance exprimée in fine que "Nous veillerons à garantir l'intérêt de tous les salariés concernés avec des mesures d'accompagnement au moins équivalentes à celles qui avaient été proposées en 2008 (à discuter) avec les partenaires sociaux .. " , toutes remarques que ne démentent pas les mots d'introduction de la présentation d'un projet "exigeant pour tous"; que ces termes expriment de manière claire que l'entreprise SFR RIVE DEFENSE en dépit du fait qu'elle s'en défende et assure d'une "décision" qui y mettrait obstacle, considère que l'introduction de la technique révolutionnaire de la 4G induit par nature des modifications des conditions de travail et en tout cas "des départs" quand bien même "non-contraints"; que ce n'est pas parce qu'elle "décide" de sa propre initiative d'y mettre obstacle que son projet échappe en soi, ex-post, à créer un effet de modification des conditions du travail qu'en dernier ressort son communiqué reconnaît expressément alors que ce que prescrit en termes de temporalité l'article L 4612-8 du code du travail se situe exactement ''avant toute décision d'aménagement"; que la défenderesse ne saurait échapper à cette contrainte de la loi qui impose la consultation préalable à la mise en place d'un projet en brûlant les étapes pour tenter de démontrer par l'expérience forcée a posteriori l'innocuité de celui-ci ; qu'il suit de ces motifs que le demandeur est bien fondé à demander que soit reconnu qu'il n'a pas été consulté dans les formes et conditions des articles L4612-8 à L 4612-10 du code du travail dans le-périmètre du site RIVE DEFENSE et de constater qu'il s'ensuit à son égard un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser en l'espèce par une remise en état, ce pourquoi elle est enjointe d'informer-consulter sur les conséquences de l'introduction de la 4G/LTE sur les conditions d 'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, sur les conséquences de ce projet ou de cette introduction sur la santé et la sécurité des travailleurs, sur le plan d'adaptation établi lors de la mise en oeuvre des mutations technologiques importantes et rapides prévues à l'article L 2323-14 du code du travail; que le CHSCT - SFR RIVE DEFENSE demande que sur le fondement cumulé des articles 808 du code de procédure civile, L 4612-8 à L 4612-10 du code du travail et 4 alinéa 2 du code de procédure pénale lui soit allouée une provision de 5 000 ¿ sur la réparation de son préjudice découlant de le violation de son droit à être informé-consulté par la société SFR RIVE DEFENSE ; qu'au soutien de se demande de ce chef il allègue qu'il a vainement demandé à maintes reprises les 13 novembre et 21 décembre 2012 à la société SFR RIVE DEFENSE d'être informé-consulté; que la défenderesse demande de prononcer le rejet de la demande au motif que la violation des dispositions de l'article L 4612-8 du code du travail n'est pas démontrée ; qu'au contraire de ce que prétend la défenderesse le Juge des référés a constaté se fondant en cela sur les propres allégations de celle-ci que l'infraction aux prescriptions de l'article L 4612-8 du code du travail est avérée; que sa contestation n'est pas sérieuse d'où il suit qu'il y a lieu de faire droit à la demande du CHSCT - SFR RIVE DEFENSE et de condamner la société SFR RIVE DEFENSE à lui payer par provision une somme de 5 000 € ;

1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans le communiqué adressé à ses collaborateurs le 28 novembre 2012, le président de SFR, en indiquant « Vous avez tous constaté depuis plusieurs mois, que le marché des télécommunications fixe et mobile en France connaissait une mutation sans précédent. De nouvelles offres et une concurrence renforcée ont conduit à une baisse brutale de notre chiffre d'affaires et à une dégradation durable de notre compétitivité. Tout ceci alors que nous connaissons une révolution technologique structurante avec l'arrivée de la 4G » ne faisait aucun lien entre la baisse brutale du chiffre d'affaires, justifiant le plan de réduction d'effectifs, et l'arrivée de la 4G, se bornant à constater la concomitance des deux événements ; qu'en affirmant qu'il ressortait de ce communiqué que le président de SFR lui-même faisait un lien entre ces deux évolutions, la cour d'appel a dénaturé cette pièce, et violé le principe susvisé ;

2. ALORS de même QUE dans ce communiqué, le président de SFR n'explique pas la nécessité de la réorganisation et du plan de départs volontaires annoncés par l'arrivée de la 4G, mentionnée comme un simple événement concomitant, mais aux « nouvelles offres » et à la « concurrence renforcée » ayant « conduit à une baisse brutale de notre chiffre d'affaires et à une dégradation durable de notre compétitivité » ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que les termes de ce communiqué exprimaient de manière claire que l'entreprise considère que l'introduction de la technique révolutionnaire de la 4G induit par nature des modifications des conditions de travail et en tout cas des départs même non contraints, la cour d'appel a derechef dénaturé ce document et méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

3. ALORS QUE selon l'article L. 4612-8 du Code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; qu'il en résulte que la consultation du CHSCT n'est pas nécessaire en l'absence de répercussions importantes sur les conditions de travail des salariés en termes d'horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition ; que l'importance commerciale stratégique d'un projet pour l'entreprise n'implique pas qu'il s'agisse d'une décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au sens du texte susvisé ; qu'en affirmant, par motifs propres, qu'il ressortait des efforts financiers importants consentis par SFR pour avoir le droit d'exploiter des fréquences hertziennes permettant la mise en oeuvre de la 4G et des espoirs de développement mis dans l'ensemble de l'entreprise sur l'introduction de la 4G qu'il s'agissait manifestement d'une modification qui sera importante dans les conditions de travail de l'entreprise et que l'employeur ne peut se borner à dire que seuls quelques postes de chefs de projet sont atteints alors qu'il subordonne l'avenir et la prospérité de son entreprise à la mise en oeuvre de la 4G, et en se fondant, par motifs adoptés, sur l'importance commerciale et stratégique du passage à la 4G reconnue par la société SFR pour en déduire la nécessité d'une consultation du CHSCT SFR RIVE DEFENSE sur le fondement de l'article L. 4612-8 du Code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé concrètement l'incidence significative sur les conditions de travail des salariés qu'aurait le déploiement de la 4G, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

4. ALORS QU'en affirmant péremptoirement qu'à l'évidence cette nouvelle application qui impacte des postes de chefs de projet mais également des postes de salariés de SFR chargés de la surveillance des sites et de la bonne réalisation par les sous-traitants des adaptations nécessaires aux installations actuelles et qui dans sa phase finale, aura une incidence importante sur d'autres secteurs d'activité tels les commerciaux, rend indispensable la mise en oeuvre des informations et des consultations du CHSCT, dans le cadre des dispositions de l'article 4612-8 du Code du travail, sans préciser d'où elle tirait ces énonciations ni en quoi concrètement les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés seraient modifiées de façon significative, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation pure et simple et derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 4612-8 du Code du travail, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

5. ALORS QU'il résulte de l'article L. 4612-8 du Code du travail qu'un changement de produit ne donne lieu à consultation obligatoire du CHSCT que s'il est à l'origine d'une transformation importante des postes de travail ; qu'en retenant par motifs adoptés que « les parties ne divergent pas quant à considérer le passage de la technique de la 3G à celle de la 4G comme le "changement de produit" qui est également l'un des termes retenus par l'article L. 4612-8 du code du travail comme l'une des considérations sinon conditions de son application », sans à aucun moment constater que ce passage à la 4G aurait pour conséquence une transformation importante des postes de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

6. ALORS QU'il résulte des articles L. 4612-10 et L. 2323-14 du Code du travail que l'établissement d'un plan d'adaptation et la consultation du CHSCT sur celui-ci n'est obligatoire qu'autant que des mutations technologiques importantes et rapides doivent être mises en oeuvre dans l'entreprise elle-même ; qu'en retenant que la société SFR devait consulter le CHSCT SFR RIVE DEFENSE sur le fondement de l'article L. 4612-10 du Code du travail, au prétexte que l'entreprise estime elle-même que la 4G est une nouvelle technologie et que dès lors qu'elle ne conteste pas vouloir son développement rapide, elle doit se conformer aux dispositions des articles susvisés et soumettre à la consultation du CHSCT un plan d'adaptation, quand cette nouvelle technologie devait être mise à la disposition de la clientèle et non utilisée par les salariés de la société SFR, l'installation des matériels nécessaires à sa mise en oeuvre étant effectuée par des prestataires extérieurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

7. ALORS QU'il résulte des articles L. 4612-9 et L. 2323-13 du Code du travail que la consultation du CHSCT n'est obligatoire qu'en cas de projet important d'introduction de nouvelles technologies dans l'entreprise ; qu'à supposer qu'elle ait retenu que le CHSCT aurait dû être consulté sur le fondement de l'article L. 4612-9 du Code du travail, quand la nouvelle technologie litigieuse n'était pas destinée à être introduite dans l'entreprise ni utilisée par les salariés de la société SFR mais était mise à la disposition de la clientèle, la cour d'appel a alors violé les textes susvisés, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

8. ALORS QU'il résulte des articles L. 4612-9 et L. 2323-13 du Code du travail que la consultation du CHSCT n'est obligatoire qu'en cas de projet important d'introduction de nouvelles technologies susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail ; qu'à supposer qu'elle ait retenu que le CHSCT aurait dû être consulté sur le fondement de l'article L. 4612-9 du Code du travail sur le projet de déploiement de la 4G, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile, faute d'avoir caractérisé les conséquences que le projet était susceptible d'avoir sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SFR RIVE DEFENSE à payer par provision une réparation de 5.000 € au CHSCT SFR RIVE DEFENSE,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la provision allouée au CHSCT SFR Rive Défense : Le premier juge, estimant avec raison que le CHSCT SFR Rive Défense avait subi un préjudice du fait du refus de la société de l'informer et de le consulter, a fixé une provision de 5 000 euros à titre indemnitaire. SFR soutient que le CHSCT SFR Rive Défense n'ayant pas la personnalité morale aux termes de la loi, ne peut recevoir de sommes d'argent à titre indemnitaire. Cependant, le CHSCT est effectivement doté de la personnalité juridique qui lui permet d'ester en justice et de recevoir des dons ou des indemnités. En l'espèce, il est manifeste qu'il a personnellement subi un préjudice causé par la société SFR Rive Défense du fait du non respect de ses attributions et c'est de manière adaptée que le premier juge lui a alloué une provision à titre indemnitaire de 5 000 euros. L'ordonnance sera confirmée sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le CHSCT - SFR RIVE DEFENSE demande que sur le fondement cumulé des articles 808 du code de procédure civile, L 4612-8 à L 4612-10 du code du travail et 4 alinéa 2 du code de procédure pénale lui soit allouée une provision de 5 000 € sur la réparation de son préjudice découlant de le violation de son droit à être informé-consulté par la société SFR RIVE DEFENSE ; qu'au soutien de se demande de ce chef il allègue qu'il a vainement demandé à maintes reprises les 13 novembre et 21 décembre 2012 à la société SFR RIVE DEFENSE d'être informé-consulté; que la défenderesse demande de prononcer le rejet de la demande au motif que la violation des dispositions de l'article L 4612-8 du code du travail n'est pas démontrée ; qu'au contraire de ce que prétend la défenderesse le Juge des référés a constaté se fondant en cela sur les propres allégations de celle-ci que l'infraction aux prescriptions de l'article L 4612-8 du code du travail est avérée; que sa contestation n'est pas sérieuse d'où il suit qu'il y a lieu de faire droit à la demande du CHSCT - SFR RIVE DEFENSE et de condamner la société SFR RIVE DEFENSE à lui payer par provision une somme de 5 000 € » ;

1. ALORS QUE la reconnaissance par le juge de la personnalité morale d'un groupement a pour seul effet de lui permettre d'agir en justice mais non de lui conférer un patrimoine non prévu par la loi ; qu'en particulier, si le CHSCT peut agir en justice pour faire respecter par l'employeur les prérogatives à lui attribuées par le Code du travail, il ne peut prétendre au versement d'une somme d'argent ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 4612-1 du Code du travail, 808 et 809 du Code de procédure civile ;

2. ALORS en tout état de cause QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant alloué une provision au CHSCT SFR RIVE DEFENSE, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00361
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