Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 janvier 2015, 13-24.921, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Raymond X...et Marguerite Y..., son épouse, sont respectivement décédés le 8 mars 1999 et le 10 janvier 1988 en laissant pour leur succéder leurs quatre enfants, Yvette, épouse Z..., Colette, épouse A..., Jacqueline et René ; que des difficultés se sont élevées dans les opérations de liquidation et partage pour l'évaluation du rapport dû par M. René X...d'une donation déguisée du 21 août 1959, de la somme à prendre en considération pour le calcul de la réduction éventuelle d'une donation préciputaire du 7 décembre 1989 que lui avait consentie Raymond X..., ainsi que de divers éléments de l'actif successoral ;

Sur les trois derniers moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la première branche du premier moyen :

Vu l'article 860, alinéa premier, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable en la cause ;

Attendu, selon ce texte, que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ;

Attendu que, pour fixer, en vue de son rapport, la valeur de l'immeuble objet de la donation déguisée du 21 août 1959, l'arrêt retient qu'il y a lieu d'actualiser à la date la plus proche du partage la valeur retenue par l'expert le 20 juillet 2009, lequel, après avoir évalué l'immeuble dans son état à la date de l'expertise, a minoré cette valeur pour tenir compte des travaux réalisés par M. René X..., au vu des factures produites par celui-ci, prenant ainsi en compte l'état de l'immeuble avant travaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher la valeur que le bien aurait eue à l'époque du partage dans l'état où il se trouvait, en 1959, au moment de la donation, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux travaux réalisés par le donataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article 922, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable en la cause ;

Attendu, selon ce texte, que, pour déterminer s'il y a lieu à réduction, les biens dont il a été disposé par donation entre vifs, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, doivent être réunis fictivement à la masse de tous les biens existant au décès, après en avoir déduit les dettes ;

Attendu que, pour fixer, en vue d'une éventuelle réduction, la valeur de l'immeuble objet de la donation préciputaire du 7 décembre 1989, l'arrêt retient que l'expert a réduit la valeur du bien, d'abord appréciée à la date de son expertise le 20 juillet 2009, pour tenir compte de tous les travaux réalisés depuis la donation, prenant ainsi en considération l'état de l'immeuble à la date de la donation, et que, pour prendre en compte sa valeur au jour de l'ouverture de la succession, le 8 mars 1999, cette estimation doit être révisée en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction entre cette date et le 20 juillet 2009 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher la valeur que le bien aurait eue à l'ouverture de la succession dans l'état où il se trouvait, en 1989, au moment de la donation, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux travaux réalisés par le donataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant, à réactualiser du rapport dû par M. René X...à la succession de son père au titre de la donation résultant de l'acte du 21 août 1959 et en ce qu'il a fixé la valeur à réactualiser à prendre en compte pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve au titre la donation préciputaire du 7 décembre 1989, l'arrêt rendu le 12 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne Mmes Z...et A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...et Mmes Jacqueline, Murielle et Jocelyne X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 79 000 € le rapport dû par M. René X...à la succession de son père au titre de la donation du 21 août 1959, devant être actualisé à la date la plus proche du partage en fonction de l'indice du coût de la construction depuis le 20 juillet 2009 ;

Aux motifs que par cet acte, Raymond X...a acquis une propriété immobilière à Gonvillars pour le compte de son fils René mineur ; que l'arrêt du 6 septembre 2006 a définitivement jugé que l'acte devait être requalifié en donation ; que M. René X...doit rapporter à la succession de son père le bien donné ; que selon l'article 960 du code civil, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; que l'expert judiciaire a évalué à 79 000 € le bien donné d'après son état supposé lors de son acquisition en 1959 ; que M. René X...conteste cette valeur en soutenant qu'en 1959 le bien en ruine avait été acquis pour 200 000 anciens francs soit 2 000 nouveaux francs ; qu'il produit une estimation d'une agence immobilière selon laquelle la valeur de l'immeuble serait de 45 000 à 50 000 € ; que l'expert judiciaire après avoir évalué l'immeuble dans son état à la date de l'expertise, a minoré cette valeur pour tenir compte des travaux réalisés par M. René X..., au vu des factures produites par celui-ci ; qu'il a ainsi pris en considération l'état de l'immeuble avant travaux, à la date de la donation ; que M. René X...n'a formé aucun dire à l'expert et ne justifie pas avoir fait dans l'immeuble d'autres travaux que ceux pris en compte par l'expert ; que l'évaluation non contradictoire produite par M. René X...ne saurait prévaloir sur celle motivée dans le détail de l'expert judiciaire ; que le montant du rapport sera fixé à la valeur retenue par l'expert, devant être actualisée, à la date du partage en fonction de l'indice du coût de la construction depuis le 20 juillet 2009 ;

Alors 1°) que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; qu'après avoir évalué l'immeuble dans son état à la date de l'expertise, la cour d'appel, qui s'est bornée à déduire de cette valeur les travaux réalisés par M. René X..., au lieu de rechercher quelle était la valeur du bien dans l'état de ruine qui était le sien en 1959, a violé l'article 860 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

Alors 2°) que le juge qui dénature les conclusions d'une partie méconnaît les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que M. René X..., pour s'opposer à l'évaluation de l'expert fixée à 79 000 €, produisait une estimation d'une agence immobilière selon laquelle la valeur de l'immeuble serait de 45 000 à 50 000 € ; qu'en statuant ainsi, cependant que M. X...avait rappelé que l'évaluation de l'agence immobilière produite tenait compte des travaux qu'il avait entrepris et qu'à l'époque le bien étant en ruine il y avait lieu de retenir un montant de 3 418 €, la cour d'appel a dénaturé tant les termes que la portée des conclusions des consorts X...et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que, pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve héréditaire, le notaire liquidateur devrait prendre en compte les biens immobiliers ayant fait l'objet de la donation du 7 décembre 1989 consentie par Raymond X...à son fils René en appliquant à la valeur de 129 844 € estimée au 20 juillet 2009, de la variation de l'indice entre les 8 mars 1999 et 20 juillet 2009 ;

Aux motifs que la donation préciputaire peut être réduite en cas d'atteinte à la réserve héréditaire ; que selon l'article 922 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à la loi du 23 juin 2006, le calcul de la réduction éventuelle doit être fait en prenant en considération la valeur du bien donné à l'ouverture de la succession, d'après son état à l'époque de la donation ; que l'expert B...a estimé cette valeur à 129 844 € ; que M. René X...conteste l'évaluation en prétendant attestations à l'appui que l'immeuble était en ruine à l'époque de la donation ; que toutefois l'expert après avoir évalué l'immeuble bâti à 193 000 € dans son état à l'époque de l'expertise, a ramené l'estimation à 67 249 € en tenant compte des travaux effectués depuis la donation, parvenant à 129 844 € en ajoutant à la valeur de l'immeuble bâti celles d'un terrain à bâtir et d'autres parcelles ayant fait l'objet de la donation ; que la valeur de 129 844 € a été arrêtée à la date de l'expertise (20 juillet 2009) alors que selon l'article 922 il convient de prendre en compte la valeur à l'ouverture de la succession (8 mars 1999) ; qu'ainsi le notaire liquidateur devra, pour le calcul d'une éventuelle réduction de la donation, prendre en considération la valeur, au 8 mars 1999, des biens donnés, en révisant l'estimation de l'expert judiciaire en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction entre les 8 mars 1999 et 20 juillet 2009 ;

Alors que le calcul de la réduction éventuelle doit être fait en prenant en considération la valeur du bien donné à l'ouverture de la succession, d'après son état à l'époque de la donation ; que la cour d'appel qui, après avoir évalué l'immeuble dans son état à l'époque de l'expertise, a seulement déduit des travaux effectués depuis la donation, en révisant l'estimation de l'expert judiciaire en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction entre l'ouverture de la succession et la date de l'expertise, sans évaluer directement le bien donné à l'ouverture de la succession, d'après son état à l'époque de la donation, a violé l'article 922 dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 162 300 € la valeur des biens immobiliers ayant fait l'objet de la dation en paiement du 27 février 1985 en faveur de M. René X..., à réintégrer à l'actif de la succession de Raymond X..., cette valeur devant être actualisée à la date la plus proche possible du partage ;

Aux motifs que par acte du 27 février 1985, M. Raymond X...a cédé à son fils René une maison d'habitation en paiement partiel de sa créance de salaire différé ; que cet acte a été annulé par arrêt du 3 septembre 2009 et le bien doit être réintégré dans l'actif successoral ; que l'expert judiciaire a évalué la maison et ses dépendances à 162 300 € ; que M. René X...conteste cette valeur au motif essentiellement que l'expert n'a pas tenu compte du mauvais état de l'immeuble ; mais qu'ayant interdit à l'expert de pénétrer dans l'immeuble, il ne saurait lui reprocher d'avoir surestimé l'état d'entretien ; qu'au surplus l'expert a tenu compte de l'absence d'isolation et de chauffage central, a évalué l'immeuble au vu de son emplacement, aspect extérieur et des indications précises données par les appelantes, validé son estimation par comparaison avec les prix de plusieurs ventes pouvant servir de références ; que M. René X...ne produit pas d'élément de nature à faire douter de la justesse de l'estimation faite, se bornant à actualiser le prix convenu dans l'acte du 27 février 1985 ; que l'immeuble devra être réintégré à l'actif successoral pour 162 300 €, valeur devant être actualisée à la date du partage selon variation de l'indice du coût de la construction depuis l'expertise du 2 août 2012 ;

Alors qu'en ne répondant pas aux conclusions des consorts X...faisant valoir que, « loin des quelques lacunes sans gravité » évoquées par l'expert judiciaire, la toiture du bâtiment principal était à refaire, à certains endroits sur le point de s'effondrer, engendrant de très nombreuses infiltrations d'eau (p. 10), et que la toiture du « bâtiment indépendant » était entièrement à reprendre et le bâtiment voué à la destruction (p. 12), ce qui était de nature à exclure que le bien évalué par le notaire à 200 000 F dans l'acte de cession du 27 février 1985, puisse, compte tenu de l'état du bien à l'époque, être évalué à 162 300 €, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 50 485, 50 € le montant arrêté au 30 juin 2012 de l'indemnité d'occupation due par M. René X...à l'indivision successorale ;

Aux motifs que le montant de l'indemnité d'occupation est cohérent avec la valeur vénale du bien à 162 300 € ;

Alors que la cassation à intervenir sur le troisième moyen s'étendra, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, au présent chef de dispositif.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la valeur des terrains dépendant de la communauté des époux Henry Y...apportés au GFA de la Côte à 91 213 € pour le cas où le bail consenti par le GFA sur ces terrains serait déclaré nul ou inopposable à Mmes Z...et A... et à 72 820 € dans le cas contraire ;

Aux motifs que l'expert a estimé les terrains apportés au GFA à 91 213 € en valeur libre d'occupation et 72 820 € en présence d'un bail ; que M. René X...conteste cette valeur ; que du fait de l'absence d'éléments produits au soutien de sa critique, les valeurs déterminées par l'expert peuvent être retenues ;

Alors qu'en ayant approuvé les valeurs de l'expert, sans aucunement apprécier ni la pertinence de celles-ci ni le travail de l'expert et en se bornant uniquement à relever l'absence d'éléments produits par M. René X...au soutien de sa critique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:C100004
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