Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 décembre 2014, 14-12.401, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Dunkerque, 6 février 2014), que la Chambre syndicale des ouvriers portuaires de la CGT (SCOP-CGT), la Fédération nationale des ports et docks de la CGT (FNPD-CGT) et MM. X..., Y..., Z..., B... et A... ont saisi le 23 janvier 2013 le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de l'élection de la délégation unique du personnel qui s'est déroulée le 11 janvier 2013 au sein de la Compagnie générale de manutention (COGEMA) ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la FNPD-CGT, M. X..., le CSOP-CGT et M. A... font grief au jugement de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la composition du bureau de vote, non conforme au protocole d'accord préélectoral et aux principes généraux du droit électoral, entraîne nécessairement la nullité du scrutin ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord préélectoral prévoyait, conformément aux principes généraux du droit électoral, que le bureau de vote était composé des deux salariés électeurs les plus âgés et du salarié électeur le plus jeune ; que le tribunal, qui a constaté que la composition du bureau de vote n'était pas conforme au protocole et était irrégulière, mais qui a néanmoins refusé d'annuler le scrutin par des motifs inopérants, a violé les articles L. 2314-23 du code du travail, R. 42 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

2°/ que l'absence de président désigné dans les bureaux de vote, en violation des principes généraux du droit électoral, constitue, en raison de l'importance de ses attributions, une irrégularité qui porte atteinte au déroulement normal des opérations électorales et compromet dans son ensemble la loyauté du scrutin ; alors que les exposants soutenaient qu'il résultait des procès-verbaux de l'élection qu'aucun président du bureau de vote n'avait été désigné, le tribunal a retenu qu'il est « erroné de soutenir que le président du bureau de vote ne serait pas désigné puisque le protocole préélectoral prévoit que la présidence appartient au plus âgé de ses membres » ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher si les procès-verbaux de l'élection faisaient mention de la désignation d'un président du bureau de vote, et que celui-ci aurait exercé ses fonctions, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2314-23 du code du travail, R. 42 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

3°/ que la circonstance que le président du bureau n'ait pas constaté publiquement et mentionné au procès-verbal les heures d'ouverture et de clôture du scrutin contrairement aux prescriptions de l'article R. 57 du code électoral, est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant des principes généraux du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections ; que le tribunal a retenu que « les membres du bureau de vote ont pu, après avoir constaté que le modèle-type de procès-verbal élaboré par le ministère du travail ne prévoyait aucune rubrique à ce sujet, rédiger un document annexe précisant les jour, date et heures d'ouverture et de fermeture du scrutin qui, loin de contrevenir aux principes généraux du droit électoral, a précisément pour objet d'en assurer l'effectivité » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors qu'il résulte des constatations du tribunal, d'une part, que les mentions ne figuraient pas sur les procès-verbaux des élections, mais sur un document annexe, et d'autre part, que ces mentions n'émanaient pas du président, mais des membres du bureau, le tribunal a violé les articles L. 2314-23 du code du travail, R. 57 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

4°/ que l'employeur étant tenu d'établir la liste électorale, il lui appartient, en cas de contestation, de fournir les éléments nécessaires au contrôle de sa régularité ; que le tribunal a rejeté la contestation des exposants en retenant qu'ils ne précisaient pas « en s'appuyant notamment sur les listes d'émargement dont elles auraient pu solliciter la production, le nombre d'ouvriers dockers occasionnels embauchés par la COGEMA qui ont effectivement participé au scrutin » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors qu'il appartenait à l'employeur de fournir les éléments nécessaires au contrôle de la régularité des listes, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'à moins qu'elles soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ; qu'ayant retenu que le plus âgé des membres du bureau de vote en était nécessairement le président, conformément aux dispositions du protocole préélectoral, et constaté que, ni l'irrégularité de la composition d'un bureau de vote ayant seulement un président et un assesseur, non plus que l'éventuelle irrégularité ayant consisté à laisser voter les ouvriers dockers occasionnels, n'avaient eu d'incidence sur le résultat du scrutin, le tribunal, en l'état des contestations dont il était saisi et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, que si l'absence de mention des heures d'ouverture et de clôture du scrutin contrairement aux prescriptions de l'article R. 57 du code électoral est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant des principes généraux du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections, cette mention peut être effectuée sur un document annexé au procès-verbal et établi concomitamment ; que le tribunal a décidé à bon droit que les membres du bureau de vote ont pu, après avoir constaté que le modèle-type de procès-verbal élaboré par le ministère du travail ne prévoyait aucune rubrique à ce sujet, rédiger un document annexe précisant les jour, date et heures d'ouverture et de fermeture du scrutin ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la Fédération FNPD-CGT, le syndicat CSOP-CGT et MM. X... et A....

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande tendant à voir annuler les élections du premier collège de la délégation unique du personnel de la société COGEMA ;

AUX MOTIFS QUE la CSOP-CGT, la FNPD-CGT et David X... soutiennent que les procès-verbaux des élections ne mentionnent pas l'heure d'ouverture et de fermeture des scrutins ; que la composition du bureau de vote est irrégulière ; que la désignation de son président n'est pas précisée ; que ces irrégularités violent à la fois les dispositions des articles R. 42 et R. 57 du Code électoral et les principes généraux du droit électoral et que des ouvriers dockers occasionnels ont par ailleurs été autorisés à participer aux divers scrutins alors qu'ils ne justifiaient pas de l'ancienneté de trois mois exigée à l'article L. 2314-15 du Code du travail ; les membres du bureau de vote ont pu, après avoir constaté que le modèle-type de procès-verbal élaboré par le ministère du travail ne prévoyait aucune rubrique à ce sujet, rédiger un document annexe précisant les jour, date et heures d'ouverture et de fermeture du scrutin qui, loin de contrevenir aux principes généraux du droit électoral, a précisément pour objet d'en assurer l'effectivité ; la disposition, maladroitement rédigée, du protocole préélectoral prévoyant que le bureau de vote est composé " au maximum de trois électeurs, les deux électeurs les plus âgés et de l'électeur le plus jeune de chaque collège " a pour objet d'interdire la présence de plus de deux assesseurs mais n'a pas entendu permettre la constitution d'un bureau de vote composé d'un nombre d'assesseur inférieur à deux ; la constitution d'un bureau de vote comprenant seulement un président et un assesseur est dès lors irrégulière ; cette irrégularité formelle n'est toutefois pas de nature à entraîner l'annulation des opérations électorales dès lors que le dépouillement lui-même n'est pas contesté et que les résultats n'auraient donc pas été modifiés par la présence d'un membre supplémentaire du bureau de vote ; il est par ailleurs erroné de soutenir que le président du bureau de vote ne serait pas désigné puisque le protocole préélectoral prévoit que la présidence appartient au plus âgé de ses membres ;

ALORS QUE la composition du bureau de vote, non conforme au protocole d'accord préélectoral et aux principes généraux du droit électoral, entraîne nécessairement la nullité du scrutin ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord préélectoral prévoyait, conformément aux principes généraux du droit électoral, que le bureau de vote était composé des deux salariés électeurs les plus âgés et du salarié électeur le plus jeune ;

que le tribunal, qui a constaté que la composition du bureau de vote n'était pas conforme au protocole et était irrégulière, mais qui a néanmoins refusé d'annuler le scrutin par des motifs inopérants, a violé les articles L 2314-23 du code du travail, R 42 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

Et ALORS QUE l'absence de président désigné dans les bureaux de vote, en violation des principes généraux du droit électoral, constitue, en raison de l'importance de ses attributions, une irrégularité qui porte atteinte au déroulement normal des opérations électorales et compromet dans son ensemble la loyauté du scrutin ; alors que les exposants soutenaient qu'il résultait des procès-verbaux de l'élection qu'aucun président du bureau de vote n'avait été désigné, le tribunal a retenu qu'il est « erroné de soutenir que le président du bureau de vote ne serait pas désigné puisque le protocole préélectoral prévoit que la présidence appartient au plus âgé de ses membres » ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher si les procès-verbaux de l'élection faisaient mention de la désignation d'un président du bureau de vote, et que celui-ci aurait exercé ses fonctions, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 2314-23 du code du travail, R 42 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

ALORS en outre QUE la circonstance que le président du bureau n'ait pas constaté publiquement et mentionné au procès-verbal les heures d'ouverture et de clôture du scrutin contrairement aux prescriptions de l'article R. 57 du code électoral, est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant des principes généraux du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections ; que le tribunal a retenu que « les membres du bureau de vote ont pu, après avoir constaté que le modèle-type de procès-verbal élaboré par le ministère du travail ne prévoyait aucune rubrique à ce sujet, rédiger un document annexe précisant les jour, date et heures d'ouverture et de fermeture du scrutin qui, loin de contrevenir aux principes généraux du droit électoral, a précisément pour objet d'en assurer l'effectivité » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors qu'il résulte des constatations du tribunal, d'une part, que les mentions ne figuraient pas sur les procès-verbaux des élections, mais sur un document annexe, et d'autre part, que ces mentions n'émanaient pas du président, mais des membres du bureau, le tribunal a violé les articles L 2314-23 du code du travail, R 57 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

Et AUX MOTIFS QUE la critique de la participation des ouvriers dockers occasionnels au scrutin n'est enfin pas fondée dans la mesure où l'accord relatif aux conditions de recours à l'emploi d'ouvriers dockers occasionnels sur le port de Dunkerque signé entre le syndicat professionnel des entrepreneurs maritimes du port de Dunkerque (S. P. E. M) et la CSOPMI-CNTPA le 16 novembre 2012, qui a pour objet à compter du 1er janvier 2013 de regrouper les ouvriers dockers occasionnels au sein d'une structure à laquelle les entreprises de manutention peuvent faire appel en cas de besoin, a mis fin pour ces entreprises au recours au contrat de travail intérimaire ; depuis cette date, les ouvriers dockers occasionnels présents dans l'une des cinq entreprises de manutention du Port bénéficient tous d'un contrat de travail à durée déterminée et interviennent directement comme salariés des entreprises de manutention ; même si leur présence est, par nature, temporaire, ils sont soumis à la même convention nationale de la manutention, bénéficient, conformément aux dispositions expressément adoptées le 16 novembre 2012, des mêmes oeuvres sociales, des mêmes conditions de rémunération, des mêmes équipements spécifiques fournis par l'entreprise de manutention et de la même mutuelle ; ils partagent ainsi des conditions de travail au moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs et apparaissent donc intégrés, de manière étroite et permanente, à la communauté de travail de l'entreprise où ils officient ; la disposition de l'accord précité prévoyant la participation des ouvriers dockers occasionnels aux élections professionnelles de l'entreprise où ils sont employés et précisant que les périodes de travail prises en compte pour le calcul de l'ancienneté de trois mois comprennent tant les périodes de travail effectuées en tant que salarié que les périodes de travail effectuées précédemment en tant qu'intérimaire, disposition reprise au protocole préélectoral signé par la CSOP-CGT représentée par David X..., n'apparaît donc pas, dans ces conditions, illicite ; si la COGEMA ne démontre pas, contrats de travail à l'appui, que les ouvriers dockers occasionnels qu'elle emploie avaient tous, au jour du scrutin, une ancienneté de service dans l'entreprise au moins égale à trois mois, les parties demanderesses ne précisent pas davantage, en s'appuyant notamment sur les listes d'émargement dont elles auraient pu solliciter la production, le nombre d'ouvriers dockers occasionnels embauchés par la COGEMA qui ont effectivement participé au scrutin, de sorte qu'il n'est pas prouvé que l'irrégularité invoquée, à la supposer établie, a faussé le résultat des élections ; la demande d'annulation sera dès lors rejetée ;

ALORS QUE l'employeur étant tenu d'établir la liste électorale, il lui appartient, en cas de contestation, de fournir les éléments nécessaires au contrôle de sa régularité ; que le tribunal a rejeté la contestation des exposants en retenant qu'ils ne précisaient pas « en s'appuyant notamment sur les listes d'émargement dont elles auraient pu solliciter la production, le nombre d'ouvriers dockers occasionnels embauchés par la COGEMA qui ont effectivement participé au scrutin » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors qu'il appartenait à l'employeur de fournir les éléments nécessaires au contrôle de la régularité des listes, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO02393
Retourner en haut de la page