Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 octobre 2014, 13-23.657, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que Louis X... est décédé le 18 décembre 2003, laissant pour lui succéder son fils, M. Marc X..., et en l'état d'un testament instituant légataire de la quotité disponible, sa concubine, Liliane Y... veuve Z..., aux droits de laquelle se trouvent ses enfants, M. Gérard Z... et Mme Corinne A..., qu'un jugement a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Louis X... et débouté M. Marc X... de sa demande tendant à voir qualifier de donation déguisée l'achat en indivision d'un immeuble par son père et Liliane Z..., et de celle tendant à contester la validité de la reconnaissance de dettes, rédigée par son père en faveur de Liliane Z... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer valable la reconnaissance de dette établie par Louis X... au profit de Liliane Z... le 10 octobre 1996, alors, selon le moyen, que constitue un pacte sur succession future prohibé toute stipulation ayant pour objet d'attribuer, en dehors des cas limitativement énumérés par la loi, un droit privatif éventuel sur tout ou partie d'une succession non ouverte ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la reconnaissance de dette litigieuse mentionne : « Ces deux sommes, si elles ne sont pas remboursées à mon décès, le seront par mes héritiers et seront indexées sur l'indice du coût de la vie depuis la date de départ des dits prêts » ; qu'il s'évince de cette mention qu'elle avait pour objet de conférer à Liliane Z..., légataire de la quotité disponible, un droit éventuel à remboursement sur une partie de la succession non ouverte de Louis X... ; qu'en refusant de déduire de la mention de la reconnaissance de dette litigieuse, que l'acte litigieux constitue un pacte sur succession future, la cour d'appel a violé l'article 1130 du code civil ;

Mais attendu que ne constitue pas un pacte sur succession future prohibé la convention qui fait naître au profit de son bénéficiaire un droit actuel de créance qui s'exercera contre la succession du débiteur ; que la cour d'appel ayant constaté que, selon l'acte litigieux, Louis X... avait reconnu devoir deux sommes d'argent payables à sa mort s'il ne les avait pas remboursées avant, il en résulte que cette convention avait conféré à Liliane Z..., non un droit éventuel, mais un droit actuel de créance, seule son exécution pouvant être différée au décès de Louis X..., de sorte qu'elle ne constituait pas un pacte sur succession future ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Boulloche et celle de 1 500 euros au Crédit lyonnais, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré valable la reconnaissance de dette établie par Monsieur Louis X... au profit de Madame Liliane Z... le 10 octobre 1996 et reprise dans son testament du 11 février 1998 et dit que la somme de 47. 100 francs soit 7. 165, 70 euros viendra au passif de la succession de Monsieur Louis X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la cour doit trancher sur la validité de la reconnaissance de dette litigieuse et, éventuellement sur ses effets ; que cette reconnaissance de dette consiste un original daté du 10octobre 1996, reprenant une copie du 24 septembre 1987 ; que l'acte en original daté du 10 octobre 1996 est un document entièrement manuscrit ainsi libellé : « Je soussigné Monsieur Louis Marie Joseph Pierre X..., né le 17 juillet 1923 à Imphy (Nièvre), déclare par la présente que, ne retrouvant pas l'original de la reconnaissance de dette du 24 septembre 1987, dont photocopie ci-jointe, je renouvelle celle-ci à savoir : 1) que je reconnais devoir à Madame Z... Liliane née Y... la somme de quarante mille francs (40. 000 F) avancée par elle pour mettre de solder le prix d'achat de l'appartement acheté en indivise et sis à Nice... 2) et que je reconnais, par la présente, lui devoir la somme de sept mille cent francs (7100 F) qu'elle m'a prêté, pour pouvoir effectuer une grosse réparation sur la voiture R 21 TXE immatriculée.... Ces deux sommes, si elles ne sont pas remboursées à mon décès, le seront par mes héritiers et seront indexées sur l'indice du coût de la vie depuis la date de départ des dits prêts » ; qu'il n'est pas contesté que cet acte ait été écrit, daté et signé de la main de M. Louis X... ; que les sommes dues figurent en toutes lettres et en chiffres écrits de la main de M. Louis X... ; qu'aucune cause de nullité n'affecte cette reconnaissance de dette ; que rien ne permet de dire que cette reconnaissance de dette correspondrait à une dette fictive ; que la seule question est de savoir si les sommes dues, soit 40. 000 F et 7. 100 F ont été ou non remboursées par M. Louis X... ; que dans son testament olographe du 11 février 1998, M. Louis X... dispose : « je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à l'exception des dettes que j'ai en l'étude de Maître B...... » ; qu'or les reconnaissances de dette, copie du 24 septembre 1987 et original du l0 octobre 1996 avaient été déposées chez M° B..., notaire à Nice. C'est à ces dettes en l'étude de M° B... que fait référence M. Louis X... dans son testament, ce qui signifie qu'à la date du testament, le 11 février 1998, il ne les avait pas remboursées et ce qui laisse entendre, puisque mention y figure dans son testament, qu'il entend que les sommes correspondantes soient prises sur l'actif successoral après sa mort ; que le jugement sera confirmé sur la prise en compte des sommes visées à cette reconnaissance de dette dans la succession ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le 10 octobre 1996, Monsieur Louis X... a établi une reconnaissance de dette de 40, 000 francs à l'égard de Madame Liliane Z..., somme ayant servi à solder le crédit vendeur contracté pour l'acquisition de l'appartement..., somme objet d'une précédente reconnaissance de dette déjà établie le 24 septembre 1987, et d'une somme de 7. 100 francs, somme prêtée afin de financer des réparations sur son véhicule ; que ces reconnaissances de dettes ont été reprises par Monsieur Louis X... dans son testament du 11 février 1998 ; que Monsieur Marc X... n'établit pas que ces sommes aient été remboursées à Madame Liliane Z... par Monsieur Louis X..., la seule disparité des revenus allégués entre eux étant insuffisante à démontrer ce remboursement, en l'absence de quittances de remboursement ; que cette somme viendra donc au passif de la succession de Monsieur Louis X... et à l'actif de celle de Madame Liliane Z... ».

ALORS QUE constitue un pacte sur succession future prohibé toute stipulation ayant pour objet d'attribuer, en dehors des cas limitativement énumérés par la loi, un droit privatif éventuel sur tout ou partie d'une succession non ouverte ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la reconnaissance de dette litigieuse mentionne : « Ces deux sommes, si elles ne sont pas remboursées à mon décès, le seront par mes héritiers et seront indexées sur l'indice du coût de la vie depuis la date de départ des dits prêts » ; qu'il s'évince de cette mention qu'elle avait pour objet de conférer à Liliane Z..., légataire de la quotité disponible, un droit éventuel à remboursement sur une partie de la succession non ouverte de Louis X... ; qu'en refusant de déduire de la mention de la reconnaissance de dette litigieuse, que l'acte litigieux constitue un pacte sur succession future, la cour d'appel a violé l'article 1130 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR débouté Monsieur Marc X... de sa demande tendant à voir qualifier de donation indirecte l'achat en indivision par Monsieur Louis X... et Madame Liliane Z... d'un appartement sis... à Nice,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « par acte authentique reçu le 26 novembre 1981 par Me René D..., notaire à Nice, M. Louis X... et Mme Liliane Y... veuve Z... ont acquis un appartement sis à Nice,..., constituant le lot n° 33, constitué par un appartement au rez-de-chaussée composé d'un hall, de 4 pièces cuisine, salle de bains, wc, ainsi que le lot n° 10 constitué par une cave au sous-sol de l'immeuble et le lot n° 612 consistant en un emplacement de parking extérieur ; que le prix de vente de ce bien était de 422. 500 F ; que l'acte précise que, sur ce prix, la somme de 160. 500 F a été payée comptant par les acquéreurs par la comptabilité du notaire et que le solde, soit 262. 000 F serait payé le 15 avril 1982 au plus tard avec intérêts ; que l'acte précise que les acquéreurs, M. X... et Mme Z... sont acquéreurs à concurrence de moitié indivise pour chacun d'eux ; que l'acte précisant que les acquéreurs, M. Louis X... et Mme Liliane Z..., sont chacun indivisaire pour moitié, cette mention laisse présumer, jusqu'à preuve contraire qu'ils ont payé et paient chacun la moitié du prix, correspondant à ses droits dans l'indivision ; que le simple fait que M. Louis X... avait vendu le 6 novembre 1981 un bien immobilier propre pour 354. 300 F ne signifie pas forcément qu'il ait payé plus que sa part dans l'acquisition du 26 novembre 1981 avec Mme Liliane Z..., alors que cet argent a pu être en tout ou partie utilisé à d'autres fins que celle de l'acquisition d'un autre appartement ; qu'au contraire, dans la reconnaissance de dette citée plus haut, M. Louis X... a reconnu que Mme Liliane Z... lui avait avancé 40. 000 F pour payer sa part dans l'appartement de Nice ; que M. Marc X... n'apporte pas la preuve que le financement de l'acquisition a été fait uniquement avec des fonds de M. Louis X... ; que la simple disparité de revenus respectifs de M. Louis X... et de Mme Liliane Z... est insuffisante pour établir l'origine du financement ; qu'aucun élément n'est apporté par M. Marc X... et une expertise n'a pas à être ordonnée dans ces conditions ; que le jugement sera confirmé sur le débouté de la demande concernant la prétendue donation déguisée relative à l'appartement ».

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur Marc X... se prévaut du caractère immoral ou illicite des donations consenties par Monsieur Louis X... à Madame Liliane Y... Veuve Z... ; que, concernant l'acquisition de l'appartement de la..., il estime que cet achat prétendument indivis a été fait dans un but de fraude fiscale, afin d'éviter le paiement de droits de succession élevés ; que, cependant, comme relevé antérieurement, Monsieur Marc X... n'apporte aucun commencement de preuve du fait que le bien n'ait pas été acquis et financé par moitié par Monsieur Louis X... et Madame Liliane Y... Veuve Z..., ainsi qu'indiqué à l'acte authentique ; qu'en conséquence, en l'état du dossier, force est de constater qu'il n'est pas établi que Monsieur Louis X... ait financé la totalité du prix de cette acquisition, et ait donc réglé le prix de la part indivise acquise « paradâmes » Liliane Y... Veuve Z... ; qu'il n'établit donc pas l'existence d'une donation indirecte, et encore moins l'existence d'une volonté de fraude fiscale, étant observé que Monsieur Louis X... et Madame Liliane Y... Veuve Z... s'ils voulaient échapper au paiement de droits de succession élevés auraient eu la possibilité de conclure un Pacte civil de solidarité ».

ALORS QUE les héritiers réservataires sont admis à faire la preuve d'une donation déguisée de nature à porter atteinte à leur réserve par tous moyens et même à l'aide de présomptions ; que la cour d'appel a constaté que Louis X... avait vendu le 6 novembre 1981 un bien immobilier propre pour 354. 300 F, soit près seulement 21 jours avant l'acquisition du 26 novembre 1981 de l'appartement situé avenue Henry Dunant à Nice, pour un prix de 422. 500 F ; qu'elle a encore relevé la disparité de revenus respectifs de Louis X... et de Liliane Z... ; qu'elle a enfin relevé, que, dans son testament, Louis X..., avait écrit : « Comme la loi ne m'autorise pas à déshériter mon fils Marc C..., né le 22 juillet 1951, je lègue la quotité disponible à Madame Z... Liliane », ce qui marquait l'intention libérale dont Louis X... était animé envers Liliane Z... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en l'état de ces constatations d'où se déduisait que l'acquisition du 26 novembre 1981 était une donation déguisée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 931 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:C101231
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