Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 23 septembre 2014, 13-17.347, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 décembre 2012), que la société civile immobilière Arzigenat (la SCI) a pour gérant M. X...et pour associés celui-ci ainsi que sa soeur et sa mère ; que par acte du 19 janvier 2005, la société Caisse méditerranéenne de financement (la Caisse) a consenti à M. X..., pour les besoins de l'activité commerciale qu'il exerçait à titre personnel, un prêt d'un montant de 350 000 euros ; que par le même acte, la SCI a affecté hypothécairement, en garantie du remboursement de ce prêt, le bien immobilier lui appartenant ; que le 17 novembre 2004, les associés avaient décidé, à l'unanimité, de modifier l'objet social afin d'y inclure la faculté pour la SCI de se porter caution solidaire en faveur d'un associé et de conférer toutes garanties sur les immeubles sociaux ; que M. X...ayant fait l'objet d'une procédure collective, la Caisse a, sur le fondement de l'acte du 19 janvier 2005, fait délivrer à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière ;

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la sûreté souscrite par la SCI, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est valable l'affectation hypothécaire consentie par une société civile immobilière en garantie de la dette d'un tiers dès lors que la conclusion d'un tel acte entre directement dans son objet social statutaire ; qu'en jugeant que l'affectation hypothécaire consentie à la Camefi par la SCI Arzigenat en garantie de la dette de M. X...était nulle aux motifs inopérants que cette affectation serait « contraire à l'intérêt social » (arrêt, p. 5, in fine), cependant qu'elle constatait elle-même « que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistrée le 10 janvier 2005, les associés de la SCI Arzigenat avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X...», la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1849 du code civil ;

2°/ qu'un acte qui entre dans l'objet social statutaire d'une société civile immobilière est conforme à l'intérêt social de cette société ; qu'en jugeant que l'affectation hypothécaire consentie à la Camefi par la SCI Arzigenat en garantie de la dette de M. X...était nulle aux motifs inopérants que cette affectation serait « contraire à l'intérêt social », cependant qu'elle constatait elle-même « que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistrée le 10 janvier 2005, les associés de la SCI Arzigenat avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X...», ce dont il résultait qu'entrant dans l'objet social statutaire valablement défini par les associés, l'affectation hypothécaire litigieuse était nécessairement conforme à l'intérêt social de cette société, la cour d'appel a violé les articles 1832, 1833 et 1849 du code civil ;

3°/ que les tiers sont fondés à se prévaloir de l'objet social de la société tel qu'il est défini par les statuts ; qu'en jugeant que l'affectation hypothécaire consentie à la Camefi par la SCI Arzigenat en garantie de la dette de M. X...était nulle aux motifs que cette affectation serait « contraire à l'intérêt social », cependant qu'elle constatait elle-même « que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistrée le 10 janvier 2005, les associés de la SCI Arzigenat avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X...», ce dont il résultait que l'établissement de crédit était fondé à se prévaloir de cet objet social, seul opposable aux tiers à la société, nonobstant toute contrariété à l'intérêt social, la cour d'appel a violé l'article 1849 du code civil ;

Mais attendu que n'est pas valide la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; qu'il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire ; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble donné en garantie du prêt consenti par la Caisse à M. X...constituait le seul bien de la SCI, de sorte que cette dernière, qui ne tirait aucun avantage de son engagement, mettait en jeu son existence même, la cour d'appel a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Caisse méditerranéenne de financement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Arzigenat ;

rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Caisse méditerranéenne de financement.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé nul l'engagement de caution hypothécaire souscrit par la SCI ARZIGENAT, d'AVOIR jugée nulle la procédure de saisie immobilière et d'AVOIR ordonné la publication à la conservation des hypothèques du jugement en marge du commandement de payer aux frais de la société CAMEFI ;

AUX MOTIFS QUE selon les statuts signés le 18 juin 2004, enregistrés le 21 juin 2004, la société civile particulière SCI ARZIGENAT au capital de 1. 000 € en 100 parts a été constituée entre Gérard X... (1/ 4 du capital), gérant statutaire, sa jeune soeur (1/ 4 du capital) et leur mère (1/ 2 du capital) avec pour objet « pour son propre compte exclusivement, la gestion d'un patrimoine mobilier et immobilier, apporté ou acquis par elle, la mise à disposition gratuite des biens appartenant à la société aux associés, et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement à son objet, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société » ; que son siège est fixé à Monaco, 64 boulevard du Jardin exotique, « Le Bel Air », qui est un appartement où Gérard X...et sa mère ont leur domicile ; que par acte notarié du 19 janvier 2005, la SCI dont le capital était alors de 451. 000 € en 45. 100 parts s'est constituée caution solidaire simplement hypothécaire des obligations contractées par Gérard X..., emprunteur sur douze ans d'une somme de 350. 000 € au taux nominal de 4, 750 %, sur un villa située à SOSPEL, 35 rue de lot de la source, domaine de la source ; que cette villa avait été apportée en pleine propriété à la SCI par acte sous seing privé du 6 août 2004 enregistré le 30 août 2004 consenti pour une évaluation de 450. 000 € par les trois associés qui en étaient propriétaires indivis à la suite du décès d'Armand X...père en 1981 ; que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistré le 10 janvier 2005, les associés de la SCI ARZIGENAT avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X..., associé, à l'égard de la CAMEFI à la garantie du remboursement d'un emprunt de 350. 000 € et d'affecter et d'hypothéquer en premier rang la propriété sociale de SOSPEL ; que le procès-verbal de l'assemblée fait ressortir que selon les explications fournies à l'assemblée par Gérard X..., l'ensemble des délibérations inscrites à l'ordre du jour concernant l'emprunt qu'il doit prochainement contracter, destiné à la restructuration du fonds de roulement de son activité personnelle, et répondent à une demande de la CAMEFI que la société se porte caution et affecte en hypothèque l'immeuble social ; qu'il est clair que l'engagement de caution, qui n'entrait pas initialement dans l'objet de la société, n'y a été incorporé que pour les besoins de l'obtention par Gérard X...de l'emprunt litigieux et en même temps que la décision de constituer la société caution hypothécaire de cet emprunt ; que cette extension de l'objet social de la société n'apporte rien d'autre que de pure forme à l'engagement pris par la société, et que c'est donc en vain que la CAMEFI prétend trouver dans le fait que l'acte entrait dans l'objet social de la SCI un élément péremptoire de validité du cautionnement au regard de l'intérêt social qu'elle prétend assimiler à l'objet social ; qu'il en ressort tout aussi clairement que la communauté d'intérêt qui a commandé ces opérations résidait dans la seule existence de liens familiaux entre les associés, en d'autres termes un solidarité purement familiale, au regard de l'objectif poursuivi par l'un deux, Gérard X..., qui était ainsi que l'a relevé l'expert Z...de tenter de sauver une entreprise qui était son seul moyen d'existence ; que la situation n'est pas conséquent par autre que celle d'un cautionnement résultant du consentement unanime des associés ; qu'en droit, le consentement unanime que les associés ont pu lui donner n'est pas de nature, si cet acte est contraire à l'intérêt social, à lui ôter son caractère ; que le premier juge a exactement, et par des motifs que la Cour adopte, caractérisé en la circonstance en quoi le cautionnement solidaire donné avec affectation hypothécaire de l'unique bien de la société était contraire à l'intérêt social ; que l'appelante n'est pas fondée à prétendre discuter cette contrariété à l'intérêt social tant elle est manifeste là où il est jugé qu'à la date de cet engagement et depuis le 1er juillet 2004, l'entreprise de Gérard X...se trouvait en état de cessation des paiements ; que c'est en faisant abstraction de données essentielles résultant du rapport de l'expert-comptable Madame Z...mandatée par le gouvernement monégasque dont Gérard X...demandait le concours au début de l'année 2005 en vue d'obtenir des délais de paiement auprès de ses créanciers institutionnels, que l'appelante prétend y trouver la preuve qu'à la date de l'acte la situation de l'exploitation n'aurait pas été irrémédiablement compromise ; que si cet expert considérait en effet au terme de ses analyses que l'entreprise pouvait être considérée comme viable compte tenu de ses qualités propres, et apte à rembourser ses dettes sous le bénéfice de l'octroi de délais, elle précisait bien que sa situation était très fragile et qu'elle restait à la merci, outre des créanciers non signataires des plans de remboursement proposés, d'une mauvaise année en matière de chiffre d'affaires, ou de mauvais payeurs, en d'autres termes qu'elle était hors d'état de faire face au moindre aléa ; que l'intimée fait en outre justement observer que les plans élaborés par l'expert ne prennent pas en compte les charges de remboursement de l'emprunt litigieux de 350. 000 € ; que de plus, l'expert relevait que pendant la période d'absence prolongée de Gérard X..., immobilisé pendant plusieurs mois des suites d'un accident de la route, le banque de l'entreprise, le CREDIT MUTUEL, avait laisser « filer » le découvert de MONABAT bien au-delà du découvert initialement autorisé jusqu'à un point qui n'aurait jamais dû être aussi important, ce qui avait été particulièrement dommageable à l'entreprise qui avait dû débourser des intérêts sur découvert très importants qui avaient augmenté d'autant le déficit de l'entreprise ; que par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par les parties, c'est à bon droit et par une juste appréciation des faits de la cause que le premier qui en est vainement critiqué a prononcé la nullité de l'engagement et par voie de conséquence de la procédure de saisie immobilière ;

ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QUE la SCI monégasque ARZIGENAT a été constituée le 18 juin 2004 entre Désirée Y...-X...et ses deux enfants, Gérard et Nathalie X..., Gérard X...ayant été nommé gérant pour une durée indéterminée ; qu'elle avait pour objet social la gestion pour propre compte exclusivement d'un patrimoine mobilier et immobilier, apporté ou acquis par elle et la mise à disposition gratuite des biens appartenant à la société aux associés ; que le bien visé est constitué par celui saisi par la société demanderesse ; qu'en effet, sur convocation de Gérard X..., les associés se sont réunis en assemblée générale extraordinaire le 17 novembre 2004, avec pour ordre du jour l'extension de l'objet social de la SCI afin de permettre à celle-ci de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé en l'espèce lui-même dans le cadre d'un prêt à souscrire à hauteur de 350. 000 € ; qu'il est rappelé que la société CAMEFI a demandé qu'en garantie, la société affecte en hypothèque l'immeuble social possédé à Sospel ; qu'à l'unanimité des associés il a été ainsi adopté un ajout à l'article 2 des statuts relatifs à l'objet social permettant à « la société de se porter caution solidaire et indivisible en faveur d'un associé et conférer toutes garanties ses immeubles sociaux » ; que la SCI a ainsi en sa qualité de caution hypothécaire affecté en garantie son bien, en cas de non remboursement par Gérard X...de son emprunt, le bien immobilier de la SCI ; que cette dernière sollicite la nullité de son engagement au motif qu'il serait contraire à l'intérêt social ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'immeuble donné en garantie constitue le seul bien de la SCI ; que celle-ci ne tirait aucun avantage de l'acte souscrit mais s'exposait à perdre l'unique objet de son patrimoine, et mettait donc en jeu son existence même ; que dès lors, l'acte de caution souscrit même conforme à l'objet social, même voté à l'unanimité des associés, et même en présence d'une communauté d'intérêts entre la personne cautionnée et la société caution, étant contraire à l'intérêt social de la société, doit être jugé nul ; que par voie de conséquence, cette nullité prive la saisie immobilière de tout titre exécutoire, ce qui entraîne également sa nullité pour défaut de réunion des conditions exigées par l'article 2191 du Code civil ;

1° ALORS QU'est valable l'affectation hypothécaire consentie par une société civile immobilière en garantie de la dette d'un tiers dès lors que la conclusion d'un tel acte entre directement dans son objet social statutaire ; qu'en jugeant que l'affectation hypothécaire consentie à la CAMEFI par la SCI ARZIGENAT en garantie de la dette de Monsieur Gérard X...était nulle aux motifs inopérants que cette affectation serait « contraire à l'intérêt social » (arrêt, p. 5, in fine), cependant qu'elle constatait elle-même « que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistrée le 10 janvier 2005, les associés de la SCI ARZIGENAT avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X...» (arrêt, p. 5, § 5), la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1849 du Code civil ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, un acte qui entre dans l'objet social statutaire d'une société civile immobilière est conforme à l'intérêt social de cette société ; qu'en jugeant que l'affectation hypothécaire consentie à la CAMEFI par la SCI ARZIGENAT en garantie de la dette de Monsieur Gérard X...était nulle aux motifs inopérants que cette affectation serait « contraire à l'intérêt social » (arrêt, p. 5, in fine), cependant qu'elle constatait elle-même « que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistrée le 10 janvier 2005, les associés de la SCI ARZIGENAT avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X... » (arrêt, p. 5, § 5) ce dont il résultait qu'entrant dans l'objet social statutaire valablement défini par les associés, l'affectation hypothécaire litigieuse était nécessairement conforme à l'intérêt social de cette société, la Cour d'appel a violé les articles 1832, 1833 et 1849 du Code civil ;

3° ALORS QU'en toute hypothèse, les tiers sont fondés à se prévaloir de l'objet social de la société tel qu'il est défini par les statuts ; qu'en jugeant que l'affectation hypothécaire consentie à la CAMEFI par la SCI ARZIGENAT en garantie de la dette de Monsieur Gérard X...était nulle aux motifs que cette affectation serait « contraire à l'intérêt social » (arrêt, p. 5, in fine), cependant qu'elle constatait elle-même « que par assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 2004 enregistrée le 10 janvier 2005, les associés de la SCI ARZIGENAT avaient à l'unanimité décidé d'étendre l'objet social à l'effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire d'un associé, et de constituer la société caution solidaire et invisible de Gérard X... » (arrêt, p. 5, § 5) ce dont il résultait que l'établissement de crédit était fondé à se prévaloir de cet objet social, seul opposable aux tiers à la société, nonobstant toute contrariété à l'intérêt social, la Cour d'appel a violé l'article 1849 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00811
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