Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 juin 2014, 12-29.063, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 octobre 2012), que M. X... a été engagé le 21 mai 1986 par la société Votre bureau, en qualité de VRP, qu'un contrat écrit a été établi le 30 juillet 1999 suivi de plusieurs avenants relatifs à la rémunération ; que l'employeur lui a notifié le 28 octobre 2005 une baisse de son taux de commissionnement ; que le 25 mars 2009, le salarié a dénoncé une modification du contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que par jugement du 25 janvier 2012, M. Y... a été désigné mandataire liquidateur de la société ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de clientèle et de rappel de salaire fixe et de rappel de commissions sur fournitures et ordre pris, alors, selon le moyen :

1°/ que la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur est prononcée lorsque sont retenus à sa charge un ou plusieurs manquements suffisamment graves pour la justifier ; qu'en subordonnant le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire du salarié à la démonstration d'un manquement rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1184 du code civil ;

2°/ que le défaut de paiement d'un élément de rémunération peut être utilement invoqué à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail quand bien même le salarié ne demande pas le rappel de salaire correspondant ; qu'en tenant pour inopérant, du point de vue de la résiliation du contrat de travail, le moyen pris du défaut de paiement de certaines commissions dès lors que le salarié n'avait pas formulé, en parallèle, une demande de rappel à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;

3°/ que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en considérant qu'à défaut d'avoir signé le projet d'avenant que lui avait soumis l'employeur au titre de la période postérieure au 1er juin 2001, le salarié n'était pas en droit d'obtenir le maintien de ses conditions de rémunération qui lui étaient applicables jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en considérant que la baisse du montant de l'avance sur commission versée mensuellement au salarié ne constituait pas une modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que la stipulation contractuelle qui enferme dans un délai de deux mois suivant la réception du bulletin de paie la réclamation que le salarié peut formuler au titre du montant de ses commissions ne peut avoir pour effet d'interdire à ce dernier de demander en justice, jusqu'à l'expiration du délai de prescription, le paiement des commissions qui ne lui ont pas été versées et de se prévaloir de ce défaut de paiement à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; que, dès lors, en se fondant sur l'inobservation du délai de réclamation contractuel pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et L. 3245-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;

6°/ qu'en déboutant le salarié de l'ensemble de la réclamation qu'il avait formulée au titre du rappel de commissions sur les ordres pris après avoir relevé que, sur ce point, l'employeur s'était engagé, le 8 juillet 2009, à lui verser une somme globale de 387,98 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;

7°/ que la modification unilatérale par l'employeur du mode de rémunération du salarié justifie, à elle seule, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire après avoir relevé que l'employeur avait, à compter du 1er novembre 2005, unilatéralement baissé son taux de commission sur la vente de photocopieurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la créance de salaire résultant de la modification unilatérale du contrat de travail représentait une faible partie de la rémunération, a pu décider que ce manquement de l'employeur n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail ; que, sans être tenue de faire droit à une demande fondée sur une offre amiable et sans encourir les griefs du moyen, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. X... de ses demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, d'indemnité de clientèle et de rappel de salaire fixe et de rappel de commissions sur fournitures et ordre pris ;
AUX MOTIFS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par le salarié en cas de manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite de leurs relations et que la résiliation prononcée dans ces conditions produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (...) que si le salarié prétend ne pas avoir été réglé sur quelques affaires de janvier à mai 2010, il ne formule pour autant aucun rappel à ce titre après que l'employeur ait répondu point par point dans ses conclusions d'appel, de sorte que le moyen est inopérant ; que la convention de rémunération du 30 juillet 1999 à effet du 1er juin 1999 et l'avenant n° 1 à effet du 1er juin 2000, signés chacun pour une année, précisent par ailleurs « au cas où un nouvel avenant ne serait pas signé pour l'exercice suivant, le mode de rémunération applicable antérieurement à la convention de rémunération sera remis en vigueur » ; qu'il s'en suit qu'à défaut pour M. X... d'avoir signé l'avenant n° 2 à effet du 1er juin 2001, fixant son taux de commissions pour les fournitures à 12 %, les autres conditions de rémunération étant maintenues, il ne peut se prévaloir de l'application de l'avenant à effet du 1er juin 2000, seules les conditions de rémunérations antérieures au 1er juin 1999 trouvant à s'appliquer en application de l'article 1134 du code civil ; qu'au titre de ces conditions antérieures, il n'est ni démontré ni soutenu par le salarié qu'il bénéficiait d'une rémunération fixe garantie, d'un commissionnement sur les consommables vendus par lui et d'une avance sur commission garantie ; que M. X... ne conteste pas plus l'affirmation de l'employeur selon laquelle, avant la convention de rémunération il était commissionné sur les affaires réalisées en machines et mobiliers à raison de 33 % de la marge ; qu'en réalité la seule garantie à laquelle il peut prétendre est celle prévue par l'article 5 de l'accord du 3 octobre 1975 sur les VRP, soit une rémunération qui ne peut être inférieure à 520 fois le taux horaire du SMIC, ce qui a été le cas au moins depuis l'année 2001 ; que le salarié n'est donc pas fondé à prétendre à un rappel de commission sur les fournitures vendues par lui après 31 mai 2001, de sorte qu'il sera débouté de cette demande à compter de 2005 pour la période non prescrite ; qu'il n'est pas plus fondé dans sa demande nouvelle en fixation d'une créance de 40.246,53 euros congés payés inclus, au titre d'un salaire fixe qui n'existe pas ; que le changement des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l'employeur et que le refus du salarié de s'y soumettre constitue un motif de licenciement le cas échéant pour faute grave s'il est établi que ce dernier a. entendu se soustraire délibérément au pouvoir hiérarchique de l'employeur ; qu'en revanche la modification du contrat de travail requiert l'accord du salarié ; qu'à défaut pour le salarié de démontrer qu'avant le 1er juin 1999, il bénéficiait d'une avance mensuelle sur commission garantie, la baisse de cette avance de 1.677 euros brut mensuel en 2008 à 1.321,05 euros notifiée le 18 mars 2009, ne constitue pas une modification du contrat de travail, alors que l'avance doit être proportionnée au chiffre d'affaires, lequel connaissait une chute de 185.022 euros au 31 mai 2008 à 125.684 euros au 31 mai 2009 et que le solde de commissions était négatif depuis juin 2008 ; que constitue, par contre, une modification du contrat de travail la baisse substantielle du taux de commission notifiée à M. X... le 28 octobre 2005, à compter du 1er novembre 2005, de 33 % à 25 % sur la vente des photocopieurs ; qu'il n'est justifié d'aucun accord du salarié sur point, l'absence de protestation à la réception de ses commissions mensuelles et du calcul des dites commissions ne pouvant constituer un tel accord ; que l'article L. 321-1-2 du code du travail, alors en vigueur, dispose « A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée » ; que dans la mesure où l'employeur n'a pas précisé au salarié qu'il disposait d'un mois pour prononcer sur modification « proposée », il ne peut se prévaloir ni d'un refus ni d'une acceptation du salarié ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que le taux de commission de 33 % devait continuer à s'appliquer sur la vente des photocopieurs et a fait droit à la demande de rappel de salaire au titre de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux de 33 % pour la période de 2005 à août 2009, pour la somme de 4.801,96 euros non autrement discutée ; qu'à cette créance sera ajoutée la demande nouvelle d'indemnité de congés payés afférents de 480,96 euros ; que le 23 novembre 1998 les parties ont convenu par écrit que serait désormais joint au bulletin de paie un état nominatif des affaires réalisées client par client, avec la marge dégagée et le taux de marge, ainsi qu'un tableau annuel cumulant ces données mois par mois, afin de permettre au salarié de contrôler que toutes ses ventes sont correctement enregistrées et que les montants sont conformes ; qu'il y est précisé « il vous appartient en conséquence de vérifier l'exactitude des données et de nous informer, par écrit et dans un délai de deux mois de toute erreur ou omission. Passé ce délai de deux mois aucune réclamation ne pourra être prise en compte qu'elle qu'en soit la nature. Cette mesure est destinée à permettre de régler rapidement les éventuels litiges tant sur le plan de votre rémunération que sur le plan des erreurs envers vos clients qui ne sauraient admettre une régularisation tardive dans la facturation » ; qu'il s'en suit que la marge servant d'assiette de calcul de la commission s'entend de cette résultant des commandes facturées et réglées par le client et que les parties ont contractuellement réduit à deux mois le délai de réclamation ; que le salarié n'est donc pas foncé à prétendre au paiement d'un rappel de commission de 917,50 euros correspondant à une annulation de commande total ou partiel, à un onduleur qu'il ne conteste pas avoir offert au client Liger L et à des ventes datant de 2006 et 2007, voire 2008 qui pour certaines ne sont pas étayées par des bons de commande, quand bien même l'employeur s'est engagé le 8 juillet 2009, dans un souci d'apaisement, à lui verser la somme globale de 387,98 euros sur les affaires listées en annexe ; que pour autant dans la mesure où le rappel de commissions sur cinq années de 4.801,96 euros au titre des photocopieurs vendus représente une faible partie de la rémunération constituée aussi par les commissions sur le mobilier de bureau et le matériel bureautique (scanner, caisse enregistreuse¿) ressortant à 115.397 euros pour la même période et que le salarié a demandé pour la première fois et sans le détailler ni le chiffrer le rappel de ses commissions le 25 mars 2009, à près de 61 ans, bien qu'il lui appartient de vérifier l'exactitude des données qui lui étaient communiquées et de faire une réclamation dans les deux mois de cette communication, le manquement de l'employeur concernant la modification du taux de marge sur les photocopieurs ne rendait pas impossible la poursuite de leurs relations ;
ALORS, 1°), QUE la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur est prononcée lorsque sont retenus à sa charge un ou plusieurs manquements suffisamment graves pour la justifier ; qu'en subordonnant le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire du salarié à la démonstration d'un manquement rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1184 du code civil ;
ALORS, 2°), QUE le défaut de paiement d'un élément de rémunération peut être utilement invoqué à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail quand bien même le salarié ne demande pas le rappel de salaire correspondant ; qu'en tenant pour inopérant, du point de vue de la résiliation du contrat de travail, le moyen pris du défaut de paiement de certaines commissions dès lors que le salarié n'avait pas formulé, en parallèle, une demande de rappel à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;

ALORS, 3°), QUE le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en considérant qu'à défaut d'avoir signé le projet d'avenant que lui avait soumis l'employeur au titre de la période postérieure au 1er juin 2001, le salarié n'était pas en droit d'obtenir le maintien de ses conditions de rémunération qui lui étaient applicables jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS, 4°), QUE le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord ; qu'en considérant que la baisse du montant de l'avance sur commission versée mensuellement au salarié ne constituait pas une modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, 5°), QUE la stipulation contractuelle qui enferme dans un délai de deux mois suivant la réception du bulletin de paie la réclamation que le salarié peut formuler au titre du montant de ses commissions ne peut avoir pour effet d'interdire à ce dernier de demander en justice, jusqu'à l'expiration du délai de prescription, le paiement des commissions qui ne lui ont pas été versées et de se prévaloir de ce défaut de paiement à l'appui d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; que, dès lors, en se fondant sur l'inobservation du délai de réclamation contractuel pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et L. 3245-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;
ALORS, 6°), QU'en déboutant le salarié de l'ensemble de la réclamation qu'il avait formulée au titre du rappel de commissions sur les ordres pris après avoir relevé que, sur ce point, l'employeur s'était engagé, le 8 juillet 2009, à lui verser une somme globale de 387,98 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS, 7°), QUE la modification unilatérale par l'employeur du mode de rémunération du salarié justifie, à elle seule, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire après avoir relevé que l'employeur avait, à compter du 1er novembre 2005, unilatéralement baissé son taux de commission sur la vente de photocopieurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO01167
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