Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2013, 12-20.074, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Mips France en qualité d'ingénieur commercial selon contrat du 14 avril 2003 comportant une clause de non-concurrence qui lui faisait interdiction de travailler en cette qualité pour une entreprise concurrente pendant une durée d'un an ; que le 7 septembre 2009, il a démissionné ; que le 17 septembre 2009, l'employeur a rappelé au salarié son obligation de non-concurrence ; que l'intéressé, dispensé de son préavis à compter du 23 octobre 2009, a été engagé le 2 novembre 2009 en qualité de directeur France par la société Vision4Health, concurrente de la société Mips France ; qu'après avoir informé le salarié le 5 novembre 2009 de la « suspension » du paiement de l'indemnité contractuelle en raison de l'inexécution de ses obligations, la société Mips France a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir, notamment, le paiement d'une indemnité pour violation de la clause de non-concurrence ; que le salarié a formé des demandes reconventionnelles ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'employeur une somme à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une clause de non-concurrence qui apporte une restriction au principe de la liberté du travail est d'interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions ; qu'ayant relevé que la clause de non-concurrence litigieuse interdisait à M. X... de travailler en qualité d'ingénieur commercial pour une entreprise concurrente et en jugeant pourtant que M. X... avait violé cette clause en acceptant la fonction de directeur au sein de la société Vision4Health, au motif que ces deux fonctions avaient en commun un « caractère commercial », la cour d'appel qui, en assimilant la fonction interdite d'ingénieur commercial à celle de directeur, a procédé à une interprétation très élargie de la fonction interdite d'ingénieur commercial et partant de la clause de non-concurrence, a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement son activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle et lui permettre de conserver son niveau de rémunération ; que M. X... a fait valoir qu'il avait acquis une importante expertise au sein du secteur particulier des progiciels servant aux automates de diagnostic en biologie médicale au cours des cinq années précédant son embauche au sein de la société Mips France ce qui avait conditionné son recrutement et sa réussite professionnelle dans ce secteur qu'il connaissait particulièrement ; qu'en considérant que sa formation et son expérience ne limitaient pas au secteur des logiciels et de l'informatique à destination des laboratoires médicaux du fait qu'il détenait des diplômes en biologie et en informatique sans s'expliquer sur sa forte expérience exclusivement dans le domaine très pointu de l'informatique appliquée à la biologie qui ne lui permettait de faire valoir ses talents et de maintenir son niveau de rémunération que dans ce domaine très pointu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le salarié est libéré de son obligation de non-concurrence dès lors que l'employeur ne lui verse pas la contrepartie financière prévue par le contrat dès son départ effectif de l'entreprise ; qu'ayant constaté que M. X... qui avait quitté la société Mips France le 23 octobre 2009 -date à laquelle il a été dispensé d'effectuer son préavis et s'est donc trouvé soumis à l'interdiction de concurrence-, n'avait toujours pas reçu l'indemnité qui lui était due le 31 octobre 2009, ce dont il ressort qu'il était libéré dès cette date de cette interdiction en raison de l'inexécution par la société Mips France de son obligation, et en décidant le contraire au motif inopérant qu'il ne s'agirait pas d'un manquement d'une gravité suffisante, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

4°/ que seul le préjudice invoqué par celui qui s'en prévaut peut donner lieu à réparation ; que le juge ne peut, sans méconnaître les termes du litige, indemniser un préjudice qui ne lui pas été demandé de réparer ; qu'en l'espèce, la société Mips France a sollicité le paiement d'une somme de 235 599 euros à titre de violation de la clause de non-concurrence correspondant à la perte du contrat Centre hospitalier de Guéret (223 525 euros), à l'indemnité compensatrice de préavis (10 976 euros) et aux congés payés y afférents (1 097 euros) ; que la société Mips France ne s'est prévalu d'aucun autre préjudice ; qu'ayant écarté toute faute de M. X... à l'origine de ces préjudices en retenant que « la société Mips France n'est pas fondée à demander la restitution des sommes versées au titre du préavis » et qu'« il n'est pas démontré que l'attribution du marché à la société Vision4Health soit le résultat des prospections initiales de M. X..., » et que « pas plus la société Mips France ne démontre que c'est par la faute du salarié qu'elle n'a pas répondu à cet appel d'offres », et en condamnant cependant M. X... au motif que « le manquement de M. X... à la clause de non-concurrence a causé nécessairement un préjudice à l'entreprise, qui, au regard du chiffre d'affaires apporté par celui-ci, sera réparé par l'allocation d'une somme de 120 000 euros », c'est-à-dire au titre de la réparation d'un préjudice que la société Mips France n'a jamais allégué, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que de plus et en tout état de cause la violation de la clause de non-concurrence par le salarié ne cause pas nécessairement un préjudice à l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier de justifier de l'existence et de l'étendue de ce préjudice lequel ne peut être constitué que d'un manque à gagner ou d'une perte subie après la rupture du contrat en lien avec le non-respect de cette clause ; qu'en jugeant le contraire et en considérant que la société Mips France aurait subi un préjudice « au regard du chiffre d'affaires apporté par M. X... », c'est-à-dire en fonction de la performance réalisée par l'exposant au cours de l'exécution de son contrat, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé le préjudice qu'aurait subi la société Mips France après la rupture du contrat du fait de l'interdiction de concurrence, a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel qui a examiné les nouvelles fonctions exercées par l'intéressé, sans s'arrêter à leur dénomination ni étendre le champ d'application de la clause au-delà de ses prévisions, a relevé qu'elles étaient de même nature et correspondaient à celles exercées par le salarié à titre d'ingénieur commercial ; qu'ayant par ailleurs retenu que le salarié disposant d'une expérience professionnelle et d'une formation qui ne le limitaient pas au secteur de l'informatique des laboratoires médicaux, elle a pu déduire de ses constatations que la clause n'avait pas pour effet d'empêcher le salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a constaté qu'il ne s'était écoulé que quelques jours entre le départ du salarié de l'entreprise, à la suite de la dispense d'exécution du préavis, et la décision de l'employeur de ne pas verser la contrepartie financière, a pu en déduire que ce délai ne suffisait pas à libérer le salarié de son obligation, qu'il avait aussitôt méconnue en passant au service d'une entreprise concurrente ;

Attendu, enfin, que sous le couvert de méconnaissance de l'objet du litige et violation de la loi, le moyen en ses deux dernières branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine du préjudice subi par l'employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'indemnités au titre des temps de déplacement, l'arrêt retient que selon l'article L. 212-4 du code du travail, devenu L. 3121-4, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et n'a pas à être indemnisé ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions du salarié qui soutenait que ce temps de déplacement dépassait le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du salarié en paiement d'indemnités au titre des temps de déplacement, l'arrêt rendu le 28 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. X... à payer à la société Mips France la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ;

AUX MOTIFS QU'il est acquis que M. X... a été engagé dès le 2 novembre 2009 par la SAS Vision4 Health en qualité de «directeur France » et qu'il a représenté cette société Mips France étant mentionné par erreur dès le 4 novembre 2009 au salon des Journées Internationales de Biologie au CNIT à PARIS, en tenant son stand et en distribuant des cartes de visite mentionnant sa qualité ainsi que des brochures de présentation des produits de l'entreprise ; qu'il n'est pas contesté que la société Vision4Health est une entreprise directement concurrente de la société Mips France ; que le démarchage de la clientèle attesté par l'activité déployée au salon des Journées Internationales de Biologie démontre suffisamment que les fonctions de « Directeur » étaient des fonctions commerciales étant relevé que M. X... ne fournit aucun document de nature à démentir cette analyse ; que la clause de non-concurrence, prévue par l'article 12 du contrat de travail, est ainsi libellée : « Monsieur X... s'engage donc à ne pas travailler en qualité d'ingénieur commercial pour une entreprise concurrente et à ne pas créer directement ou indirectement, par personne interposée d'entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à la Société MIPS. Cet engagement est limité au territoire français métropolitain et étendu aux Départements et Territoires d'Outre- Mer. La durée de cet engagement de non concurrence est limitée à une année à compter de la rupture du contrat de travail » ; que M. X... invoque le principe d'interprétation stricte des clauses de non concurrence et soutient que, seule la fonction d'ingénieur commercial lui étant interdite, il n'a pas violé la clause en cause en acceptant un autre emploi au sein d'une société concurrente ; qu'il résulte de l'annexe au contrat de travail du 30 septembre 2005 que ses missions en qualité de responsable des ventes étaient les suivantes : l'organisation d'une force commerciale en France, la recherche de prospects en France, la réponse aux cahiers des charges, l'introduction de nouveaux produits en France et la définition des objectifs commerciaux de l'équipe commerciale et qu'au- delà de la nouvelle dénomination de son emploi, il conservait des fonctions d'ingénieur commercial auxquelles s'ajoutait la responsabilité de la force de vente ; que M. X... reconnaît d'autre part dans ses écritures que, jusqu'au mois de novembre 2005, l'équipe commerciale était composée de deux personnes, une commerciale ayant un secteur géographique limité et lui-même dont le secteur couvrait le reste de la France ; qu'ensuite, il avait été le seul commercial de l'entreprise jusqu'en mars 2006, date à laquelle un deuxième commercial avait été recruté ; que l'équipe s'était étoffée d'un troisième commercial à compter du mois d'octobre 2007, ce qui confirme que sa promotion en qualité de responsable des ventes n'a pas modifié fondamentalement les fonctions exercées et qu'il avait conservé des fonctions d'ingénierie commerciale faisant de lui, ainsi que l'affirme l'employeur, l'interface privilégiée et visible de la clientèle Mips France ; qu'il en résulte qu'en prenant des fonctions à caractère commercial au sein de la société Vision4Health, M. X... a violé la clause de non concurrence ; ; que M. X... se prétend fondé à opposer l'exception d'inexécution au motif qu'il n'a pas payé la contrepartie financière de la clause de non concurrence ; ; qu'il ne saurait se déduire de l'abstention de l'employeur de payer la contrepartie financière de la clause de non concurrence dès le 31 octobre, alors que le salarié avait quitté l'entreprise le 23, la volonté de le libérer de son obligation de non concurrence ; que pas plus, cette abstention de quelques jours ne constitue un manquement d'une gravité suffisante pour autoriser le salarié à se considérer comme délié ou dispensé de son obligation ; que M. X... fait valoir encore que l'étendue géographique de la clause de non-concurrence lui interdit de travailler, sauf à s'expatrier, dans le secteur dans lequel il a été formé ; que son curriculum-vitae fait apparaître qu'il est titulaire d'un DUT en analyses biologiques et biochimiques et d'une licence en informatique maintenance et commerce en biologie et qu'il a été attaché commercial médico-pharmaceutique en 1998 et ingénieur commercial gaz du sang de 1999 à 2000 ce dont il résulte que sa formation et son expérience ne le limitent pas au secteur des logiciels et de l'informatique à destination des laboratoires médicaux ; qu'il convient en conséquence de dire que la clause de non concurrence est valable ; que la société Mips France réclame à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence la somme de 235.599,47 euros constituée une part de la partie dispensée du préavis (du 23 octobre au 7 décembre 2009) et d'autre part de la valeur du marché du CH de GUERET attribué à la société Vision 4health pour un montant de 223.525,70 euros ; que la société Mips France n'est pas fondée à demander la restitution des sommes versées au titre du préavis en l'absence de notification au salarié de la rupture du préavis pour faute grave ; que s'il est établi que le CH de GUERET faisait partie des clients prospectés par M. X... pour le compte de la société Mips France au cours de l'année 2009 et que celui-ci a été informé à la veille de son départ de l'entreprise que la date butoir de réponse à l'appel d'offre de ce client était fixée au 9 décembre 2009, il n'est pas démontré que l'attribution du marché à la société Vision4health soit le résultat des prospections initiales de M X... ; que pas plus la société Mips France ne démontre que c'est par la faute du salarié qu'elle n'a pas répondu à cet appel d'offres ; que néanmoins, le manquement de M X... à la clause de non concurrence a causé nécessairement un préjudice à l'entreprise qui, au regard du chiffre d'affaires apporté par celui-ci, sera réparé par l'allocation d'une somme de 120.000 euros ;

1°- ALORS QU'une clause de non-concurrence qui apporte une restriction au principe de la liberté du travail est d'interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions ; qu'ayant relevé que la clause de nonconcurrence litigieuse interdisait à M. X... de travailler en qualité d'ingénieur commercial pour une entreprise concurrente et en jugeant pourtant que M. X... avait violé cette clause en acceptant la fonction de directeur au sein de la société Vision4Health, au motif que ces deux fonctions avaient en commun un « caractère commercial », la Cour d'appel qui, en assimilant la fonction interdite d'ingénieur commercial à celle de directeur, a procédé à une interprétation très élargie de la fonction interdite d'ingénieur commercial et partant de la clause de non-concurrence, a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, l'article L.1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

2°- ALORS QUE la clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement son activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle et lui permettre de conserver son niveau de rémunération ; que M. X... a fait valoir qu'il avait acquis une importante expertise au sein du secteur particulier des progiciels servant aux automates de diagnostic en biologie médicale au cours des cinq années précédant son embauche au sein de la société Mips France ce qui avait conditionné son recrutement et sa réussite professionnelle dans ce secteur qu'il connaissait particulièrement ; qu'en considérant que sa formation et son expérience ne limitaient pas au secteur des logiciels et de l'informatique à destination des laboratoires médicaux du fait qu'il détenait des diplômes en biologie et en informatique sans s'expliquer sur sa forte expérience exclusivement dans le domaine très pointu de l'informatique appliquée à la biologie qui ne lui permettait de faire valoir ses talents et de maintenir son niveau de rémunération que dans ce domaine très pointu, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1221-1 du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ;

3° ALORS QUE le salarié est libéré de son obligation de non-concurrence dès lors que l'employeur ne lui verse pas la contrepartie financière prévue par le contrat dès son départ effectif de l'entreprise ; qu'ayant constaté que M. X... qui avait quitté la société Mips France le 23 octobre 2009 - date à laquelle il a été dispensé d'effectuer son préavis et s'est donc trouvé soumis à l'interdiction de concurrence-, n'avait toujours pas reçu l'indemnité qui lui était due le 31 octobre 2009, ce dont il ressort qu'il était libéré dès cette date de cette interdiction en raison de l'inexécution par la société Mips France de son obligation, et en décidant le contraire au motif inopérant qu'il ne s'agirait pas d'un manquement d'une gravité suffisante, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, l'article L.1221-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

4°- ALORS QUE seul le préjudice invoqué par celui qui s'en prévaut peut donner lieu à réparation ; que le juge ne peut, sans méconnaître les termes du litige, indemniser un préjudice qui ne lui pas été demandé de réparer ; qu'en l'espèce, la société Mips France a sollicité le paiement d'une somme de 235.599 euros à titre de violation de la clause de non-concurrence correspondant à la perte du contrat Centre Hospitalier de Guéret (223.525 euros), à l'indemnité compensatrice de préavis (10.976 euros) et aux congés payés y afférents (1.097 euros) ; que la société Mips France ne s'est prévalu d'aucun autre préjudice ; qu'ayant écarté toute faute de M. X... à l'origine de ces préjudices en retenant que « la société Mips France n'est pas fondée à demander la restitution des sommes versées au titre du préavis » et qu' « il n'est pas démontré que l'attribution du marché à la société Vision4Health soit le résultat des prospections initiales de M. X..., » et que « pas plus la société Mips France ne démontre que c'est par la faute du salarié qu'elle n'a pas répondu à cet appel d'offres », et en condamnant cependant M. X... au motif que «le manquement de M. X... à la clause de non-concurrence a causé nécessairement un préjudice à l'entreprise, qui, au regard du chiffre d'affaires apporté par celui-ci, sera réparé par l'allocation d'une somme de 120.000 euros », c'est à dire au titre de la réparation d'un préjudice que la société Mips France n'a jamais allégué, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5° - ALORS de plus et en tout état de cause que la violation de la clause de non-concurrence par le salarié ne cause pas nécessairement un préjudice à l'employeur ; qu'il appartient à ce dernier de justifier de l'existence et de l'étendue de ce préjudice lequel ne peut être constitué que d'un manque à gagner ou d'une perte subie après la rupture du contrat en lien avec le non-respect de cette clause ; qu'en jugeant le contraire et en considérant que la société Mips France aurait subi un préjudice « au regard du chiffre d'affaires apporté par M. X... », c'est à dire en fonction de la performance réalisée par l'exposant au cours de l'exécution de son contrat, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé le préjudice qu'aurait subi la société Mips France après la rupture du contrat du fait de l'interdiction de concurrence, a violé l'article 1147 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la société Mips France au titre de rappel pour heures supplémentaires des années 2005 à 2009 à la somme de 189 783,77 euros outre les congés payé afférents et au titre de repos compensateur pour la période de 2005 à 2008 à la somme de 101 685,70 euros outre les congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU'aucune convention de forfait n'ayant été régularisée entre les parties, M. X... relevait du régime légal des 35 heures ; que M. X... étaye sa demande d'heures supplémentaires par les relevés provenant d'un outil informatique interne à l'entreprise intitulé MIA et recensant l'ensemble des heures accomplies par chaque salarié au cours de l'année en détaillant le temps consacré à chaque tâche ainsi qu'aux déplacements et les temps de repos, d'absences et de congés payés ; qu'il déduit du travail comptabilisé par année, les heures légales de travail sur la base de 1547 h ainsi que les heures de récupération et considère que le solde constitue des heures supplémentaires qu'il divise par 48 semaines travaillées permettant d'obtenir le nombre d'heures supplémentaires hebdomadaires ; qu'il calcule leur rémunération sur la base du taux horaire équivalent au brut annuel divisé par 12 et par 151h67, majoré de 25% pour les 8 premières heures et de 50% pour les suivantes ; qu'il produit en outre les comptes rendus de réunions de délégués du personnel qui démontrent que l'ensemble des salariés accomplissait un grand nombre d'heures supplémentaires qui n'ont été rémunérées qu'avec beaucoup de retard et dans le cadre de transactions individuelles postérieurement à son départ de l'entreprise ; que l'employeur soutient que les décomptes MIA prennent en compte les temps de congés, de jours fériés, de jours de repos compensateur, d'arrêts maladie et de déplacement qui ne correspondent pas à du temps de travail effectif et que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires retenu par le salarié ne correspond pas au seuil légal ; qu'en outre le logiciel MIA ne constitue pas un outil de contrôle du temps de travail des salariés et que les temps comptabilisés par M. X..., notamment lorsqu'il était en congés ou en séminaire, sont manifestement inexacts ; qu'il résulte de l'article L.3122-4 du code du travail que la durée légale annualisée du travail est de 1 607 et non pas de 1.547 comme retenu par M. X... dans ses décomptes ; que les heures de récupération doivent venir en déduction du temps de travail effectué ; que les jours de congés payés, déjà décomptés du temps de travail annuel, n'ont pas à être déduits du seuil de déclenchement des heures supplémentaires ; que les heures d'absence autres doivent être déduites du seuil de déclenchement des heures supplémentaires ; que selon l'article L.212-4 du code du travail, devenu L.3121-4, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ; qu'il en résulte que le temps de déplacement domicile-lieu d'exécution du travail autre que le lieu habituel n'est pas du temps de travail, qu'il se situe dans ou en dehors de l'horaire de travail et qu'il excède ou non le temps de trajet habituel ; que la part prise sur l'horaire de travail ne doit donc pas être comptabilisée dans le calcul des heures supplémentaires ; que contrairement à ce que soutient M. X..., les dispositions de l'accord collectif du 22 juin 1999 relatives à la durée du travail ne sauraient être considérées comme dérogeant aux dispositions relatives au temps de déplacement issues de la loi du 18 janvier 2005, le simple rappel de la définition légale du temps de travail effectif ne pouvant pas s'interpréter comme exprimant la volonté de déroger aux dispositions légales en matière de temps de déplacement professionnel ; que par contre, le temps de déplacement en clientèle pendant les heures de travail constitue un temps de travail effectif qui doit être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires ; qu'il résulte d'autre part des pièces versées aux débats que, ainsi que le soutient l'employeur, le logiciel MIA est un outil de gestion qui a pour objectif non pas de contrôler le temps de travail des salariés mais de fournir une indication des tâches qu'ils effectuent, ce à des fins de gestion interne à savoir le suivi des projets, l'étude de leur rentabilité, le tracé de l'avancement des prestations permettant la facturation; que ce sont les salariés eux-mêmes qui saisissent la nature des tâches effectuées au fil de la journée et le temps passé à chacune d'elle ainsi que le temps de trajet, ce sans aucun contrôle de l'employeur dont les seules exigences sont que le programme soit renseigné au jour le jour et de façon complète ; qu'ainsi les relevés MIA ne comportent aucune indication sur les horaires de début et de fin de journée du salarié ni sur ses amplitudes horaires ; que compte tenu du fonctionnement et de l'objet de l'outil MIA, ces relevés ne sauraient être considérés comme reflétant avec une parfaite exactitude le temps de travail du salarié ; que néanmoins, l'employeur n'a jamais critiqué, au cours de la relation contractuelle, le temps comptabilisé sur ces relevés ; que ces éléments permettent à la cour de chiffrer les heures supplémentaires effectuées par M. X... entre 2005 et 2009 ainsi qu'il suit :

2005 : 815 heures, soit sur 48 semaines travaillées, une moyenne de 16,98 heures par semaine ; que la rémunération des heures à 25% s'établit à 8 x 48 x 29,56 euros = 11.351,04 euros et celle des heures à 50% à 431 x 35,47 euros = 15.287,57 euros soit au total 26.638,61 euros ;

2006 : 1000 heures, soit une moyenne de 20,83 heures par semaine ; que la rémunération des heures à 25% s'établit à 8 x 48 x 35,71 euros = 13.712,64 euros ; la rémunération des heures à 50% s'établit à 616 x 42,85 euros = 26.395,60 euros soit un total de 40.108,24 euros ;

2007: 1015 heures, soit une moyenne de 21,14 heures par semaine ; que la rémunération des heures à 25% s'établit à 8 x 48 x 42,72= 16.404,48 euros ;
que la rémunération des heures à 50% s'établit à 631 x 51,27 = 32.351,37 euros
soit un total de 48.755,85 euros ;

2008 : 1145 heures, soit une moyenne de 23,85 heures supplémentaires par semaine ; que la rémunération des heures à 25% s'établit à 8 x 48 x 51,56 = 19.800 euros ; la rémunération des heures à 50% s'établit à 761 x 61,87 euros = 47.083,07 euros soit un total de 66.883,07 euros.

2009 : 198 heures soit une moyenne de 5,82 heures sur les 34 semaines de travail d'où une rémunération à 25% soit 180 x 41,10 euros = 7.398 euros ;

que M. X... est en conséquence fondé à prétendre à un rappel de salaire pour la période 2005/2009 de 189.783,77 euros outre 18.978,37 euros au titre des congés payés

ET AUX MOTIFS QUE sur le repos compensateur, en cas de dépassement du contingent annuel de 220 heures, les heures supplémentaires ouvrent droit à un repos compensateur (devenu contrepartie obligatoire en repos depuis la loi du 20 août 2008) de 100% et à un dédommagement équivalent lorsque ce repos n'a pas pu être pris du fait de l'employeur ; que le rappel de repos compensateur ouvre droit à congés payés ; que le salarié est en conséquence fondé à réclamer les sommes suivantes:
- pour 2005: (815 - 220) x 23,65 =14.071,75 euros,
- pour 2006 : (1000 - 220) x 28,57 = 22.284,60 euros,
- pour 2007: (1015 - 220) x 34,18= 27.173,10 euros,
- pour 2008 ; (1145 - 220) x 41,25= 38.156,25 euros,
soit un rappel de salaire de 101.685,70 euros outre 10.168,57 euros au titre des congés payés afférents ;

ALORS QU'ayant relevé d'une part que M. X... avait fondé ses demandes d'heures supplémentaires et de repos compensateurs sur les relevés informatiques MIA qui comptabilisent les temps de travail de chaque salarié et d'autre part que la société Mips France n'avait jamais critiqué le temps comptabilisé sur ces mêmes relevés et en réduisant cependant le montant des demandes de M. X... au motif que « ces relevés ne sauraient être considérés comme reflétant avec une parfaite exactitude le temps de travail du salarié » sans autre explication permettant de dire que les demandes de M. X... n'auraient pas été justifiées à la hauteur des sommes demandées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence de compensation des temps de trajets ou subsidiairement à titre de salaires ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L.212-4 du code du travail, devenu L.3121-4, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et n'a pas à être indemnisé ;

ALORS QUE selon l'article L.3121-4 tel qu'issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le temps de déplacement professionnel qui dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière ; qu'en l'espèce, M. X... a fait valoir qu'en plus de son trajet habituel domicile-société Mips France, il avait effectué de très nombreux déplacements professionnels pour se rendre chez des clients ce qui représentait 2831 heures ; qu'en se bornant à rappeler les dispositions de l'alinéa 1 de l'article L.3121-4 du code du travail sans répondre aux conclusions de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande tendant à voir requalifier sa démission en une prise d'acte de rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de l'AVOIR débouté de ses demandes d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'en l'espèce, la lettre de démission de M. X... ne comporte aucune réserve ; que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un différend individuel sur le paiement des heures supplémentaires antérieur ou contemporain de sa démission ; que le grief contenu dans son courrier du 17 septembre n'a été invoqué qu'en réponse au courrier de l'employeur lui rappelant son obligation de non concurrence et ne saurait, dans ce contexte, être considéré comme révélateur de circonstances rendant la démission équivoque ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de requalifier la démission de M. X... en prise d'acte ;

ALORS QUE la démission a un caractère équivoque et doit s'analyser en une prise d'acte de rupture laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que le salarié invoque comme raison principale à sa démission le non-paiement de ses salaires et qu'il s'en était déjà plaint antérieurement à l'employeur ; qu'en l'espèce, M. X... a soutenu (conclusions p.17, derniers §), en versant au débat les éléments de preuve, qu'il s'était plaint par mail du 1er juin 2007 de l'absence de paiement de ses heures supplémentaires, qu'il avait adressé avec les autres commerciaux une pétition en mars 2009 pour réclamer le paiement de celles-ci, qu'ainsi sa lettre de démission du 7 septembre complétée par son courrier du 17 septembre suivant par lequel il précisait que la principale raison de sa démission était l'absence de paiement de ses heures supplémentaires devait être requalifiée en une prise d'acte de rupture et analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en refusant de faire droit à cette demande aux motifs que « le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un différend individuel sur le paiement des heures supplémentaires antérieur ou contemporain de sa démission » et que « le grief contenu dans son courrier du 17 septembre n'a été invoqué qu'en réponse à un courrier de l'employeur lui rappelant l'obligation de nonconcurrence » sans examiner les pièces de l'exposant et sans s'expliquer sur ses conclusions qui faisait état d'un litige antérieur à sa démission relatif au paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande en paiement d'une somme de 62.743,08 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que selon l'article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; qu'en l'espèce, l'intention de l'employeur de dissimuler le nombre d'heures effectuées par le salarié n'est pas caractérisée ;

ALORS QUE M. X... a fait valoir que la société Mips France était informée depuis plusieurs années de l'accomplissement de ses heures supplémentaires qu'elle avait toujours refusé de payer, qu'elle en avait eu connaissance par l'outil informatique MIA qui retraçait le temps de travail des salariés et lui permettait d'établir la facturation , que lui-même s'en était plaint par mail du 1er juin 2007 et par pétition du 27 mars 2009, que les délégués du personnel avaient systématiquement évoqué le non-paiement de ces heures au cours des réunions avec l'employeur ; qu'en rejetant cependant la demande de M. X... en paiement de l'indemnité forfaitaire au titre d'un travail dissimulé sans rechercher si les circonstances précitées ne révélaient pas la volonté de la société Mips France de dissimuler une partie du temps de travail en ne mentionnant pas les heures supplémentaires sur son bulletin de salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.8221-1et L.8221-5 et L.8223-1 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01969
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