Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2013, 12-20.687, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y... estimant que le logiciel « l'assistant financier », destiné aux petites et moyennes entreprises (PME), commercialisé par la société Microsoft corporation (Microsoft) dans la version française de la suite « Office édition PME », reproduisait le logiciel dénommé « l'analyse mensuelle » qu'ils avaient conçu et développé avant d'en confier la commercialisation à la société La Solution Douce, ont assigné, au vu du rapport de l'expert désigné en référé, la société Microsoft en contrefaçon de leurs droits d'auteur ;

Sur le premier moyen, pris en ses sept branches, tel qu'annexé au présent arrêt :

Attend que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables à agir en contrefaçon au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve de l'originalité du logiciel « Analyse Mensuelle » ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que le rapport d'expertise qui se bornait à étudier les langages de programmation mis en oeuvre, et évoquait les algorithmes et les fonctionnalités du programme, non protégés par le droit d'auteur, constate que les intéressés n'avaient fourni aucun élément de nature à justifier de l'originalité des composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes ou l'organigramme, ou du matériel de conception préparatoire ; que, la cour d'appel, en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que MM. Y... et X... n'établissaient pas qu'ils étaient titulaires de droits d'auteur, justifiant ainsi, par ces seuls motifs, légalement sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter MM. Y... et X... de leur action en concurrence déloyale, l'arrêt retient que la société Microsoft ne savait pas qu'ils n'avaient pas donné leur autorisation pour l'utilisation de leur logiciel ; qu'en statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale suppose seulement l'existence d'une faute, sans requérir un élément intentionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté MM. Y... et X... de leur action en concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 20 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Microsoft corporation aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Microsoft et la condamne à verser à MM. Y... et X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour MM. Y... et X....

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui avait déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action engagée par MM Y... et X... contre la société MICROSOFT CORPORATION,

Aux motifs qu'« il résulte des articles L. 112-1 et L. 112-2 (13°) du code de la propriété intellectuelle qu'un logiciel, y compris le matériel de conception préparatoire, est protégeable par le droit d'auteur à condition d'être original ; il est de principe qu'un logiciel est original s'il porte la marque de l'apport intellectuel de son auteur ; la directive (CE) n° 91/ 250 du 14 mai 1991 énonce également, dans son article 1er, paragraphe 3, qu'un programme d'ordinateur est protégé s'il est original, en ce qu'il est la création intellectuelle propre à son auteur ;
il appartient dès lors à l'auteur d'un logiciel, réclamant le bénéfice de la protection par le droit d'auteur, de rapporter la preuve de l'originalité de celui-ci ;
le logiciel « ANALYSE MENSUELLE » conçu par MM. Y... et X..., dont la version 1. 95 dite « grand public » date de début 1998, est un logiciel d'analyse comptable par les flux financiers, spécialement destinée aux petites et moyennes entreprises, dont l'objet est de communiquer aux chefs d'entreprises concernés une information de gestion actualisée, sans attendre l'établissement des bilans et comptes annexes, annuels ;
il sert à éditer un tableau mensuel des flux financiers (marge commerciale, valeur ajoutée, résultat brut d'exploitation, besoin en fonds de roulement, trésorerie...), ainsi que des graphiques, un rapport de gestion et des tableaux, bilans, comptes de résultats, analyse de la capacité d'autofinancement et ratios financiers ; ces outils d'analyse financière diffèrent, selon MM. Y... et X..., du tableau des flux financiers conçu par M. De Z..., concepteur d'un modèle d'analyse financière appliqué à la gestion des entreprises, qui est établi à partir des documents produits en fin d'année par les entreprises et qui consiste en l'analyse des flux sur plusieurs exercices ; ils permettent également de déterminer la marge commerciale, la variation de la TVA, l'évolution des comptes courants d'associés et des emprunts souscrits et remboursés, à la différence du tableau de M. De Z... ;
les appelants ne contestent pas que ne sont pas protégés par le droit d'auteur les fonctionnalités, les algorithmes, les interfaces et les langages, programmation, qui constituent des éléments à l'origine de la conception même du logiciel et ne présentent donc pas un caractère d'originalité suffisant ; ils soutiennent que l'originalité du logiciel « ANALYSE MENSUELLE » réside dans le traitement de l'information comptable, qui : a nécessité de nombreuses heures de travail et plus de 2000 lignes de programmation pour l'édition des différents tableaux de gestion, de graphiques et d'un rapport de synthèse, avec notamment la création de barres de menus spécifiques, de routines d'importation et de balances et la confection automatique de tableaux de bord ;
la Société MICROSOFT fait grief au premier juge d'avoir considéré le logiciel « ANALYSE MENSUELLE » comme original, alors qu'il était dans l'incapacité matérielle de le faire, et souligne que la nouveauté du logiciel, invoquée par MM. Y... et X... selon lesquels aucun autre logiciel d'analyse par les flux financiers destiné aux PME n'avait été développé antérieurement, ne saurait être confondue avec l'originalité d'un tel logiciel, conditionnant sa protection par le droit d'auteur ;
dans le cadre des opérations d'expertise, il a été remis à Mme A..., à l'exclusion de toute autre élément technique, trois disquettes, hors leur emballage d'origine, des versions successives du logiciel « ANALYSE MENSUELLE » 1. 05, 1. 05 mac et 1. 95-2/ 2 (une sur deux), portant la mention © copyright 1990 ¿ La Solution Douce ;
l'expert a indiqué que la première version 1. 05 du logiciel « ANALYSE MENSUELLE », datant de 1990, constitue l'application du mémoire d'expert-comptable soutenu en juin 1989 par M. X... sur l'analyse mensuelle par la technique des flux (« Prévision et diagnostic permanent de la fonction financière ¿ Approche informatisée ») et s'est ensuite livré à une étude comparative de la version 1. 95 du logiciel « ANALYSE MENSUELLE » avec le logiciel « Assistant Financier » intégré à la version française 2. 0 de la suite « Office 97 édition PME » ;
Madame A... a ainsi décrit les routines (d'interfaçage, de calcul, de balance) utilisées, avec leurs algorithmes et leurs codages, ainsi que la macro-instruction « importation d'une balance », dont elle a précisé qu'elle correspondait à des fonctionnalités originales (sic) ;
hormis un document comparatif des fonctionnalités du logiciel « ANALYSE MENSUELLE » et du tableau pluriannuel des flux financiers de M. De Z... et un rapport d'activité établi à titre d'exemple, MM. Y... et X... n'ont fourni aucun élément de nature à justifier de l'originalité des composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes ou l'organigramme, ou du matériel de conception préparatoire ; le rapport d'expertise, qui se borne à étudier les langages de programmation mis en oeuvre, ne contient pas davantage d'éléments permettant de reconnaître au logiciel son originalité ; Madame A... évoque notamment les algorithmes et les fonctionnalités du programme, non protégés par le droit d'auteur, sans préciser, s'agissant de la macro-instruction « importation d'une balance », en quoi celle-ci serait originale ;
le caractère innovant du programme informatique conçu par MM. Y... et X..., visant à doter les chefs d'entreprise d'un outil de gestion prévisionnelle à court terme, adapté aux PME, n'est pas en soi suffisant à caractériser la condition d'originalité exigée ;
MM. Y... et X... sont ainsi défaillants à rapporter la preuve, qui leur incombe, du caractère original et donc protégeable au titre du droit d'auteur, du logiciel « ANALYSE MENSUELLE » (arrêt p. 8 et 9) ;

1°) Alors qu'il appartient à celui qui conteste la protection d'un logiciel d'établir l'absence d'originalité de celui-ci ; qu'en déboutant MM Y... et PELEAZ de leur action en contrefaçon du logiciel « ANALYSE MENSUELLE », aux motifs qu'il appartient à l'auteur d'un logiciel de rapporter la preuve de l'originalité de celui-ci, la Cour d'Appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;

2°) Alors qu'est original le logiciel pour lequel son auteur a fait preuve d'un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante ; qu'en décidant que le logiciel créé par MM Y... et X... n'était pas original aux motifs, d'une part, que « MM. Y... et X... n'ont fourni aucun élément de nature à justifier de l'originalité des composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes ou l'organigramme, ou du matériel de conception préparatoire », d'autre part, que « le rapport d'expertise, qui se borne à étudier les langages de programmation mis en oeuvre, ne contient pas davantage d'éléments permettant de reconnaître au logiciel son originalité ; Madame A... évoque notamment les algorithmes et les fonctionnalités du programme, non protégés par le droit d'auteur, sans préciser, s'agissant de la macro-instruction « importation d'une balance », en quoi celle-ci serait originale », et aux motifs également que le caractère innovant n'est pas en soi suffisant à démontrer l'originalité exigée, motifs qui n'étaient pas de nature à établir que les composantes du logiciel auraient résulté d'une logique automatique et contraignante, et n'auraient dès lors pas été originaux, la Cour d'Appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

3°) Alors que le juge doit s'expliquer sur les conclusions invoquant l'originalité du logiciel ; que dans leurs écritures d'appel, MM Y... et X... ont justifié de l'originalité de leur logiciel en se fondant sur ses nombreuses fonctionnalités et le fait qu'il a nécessité plus de 2000 lignes de programmation pour obtenir un retraitement de l'information financière, automatiser la confection des tableaux et accélérer la production ; qu'en décidant que la preuve de l'originalité du logiciel n'était pas rapportée, sans répondre précisément aux conclusions d'appel de MM Y... et X... sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) Alors que le juge ne peut entacher sa décision d'une contrariété entre les motifs et le dispositif ; qu'en l'espèce, le tribunal avait déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l'action engagée par MM Y... et X..., après avoir admis que le logiciel qu'ils avaient créé était original ; que pour rejeter l'action de ces derniers, la cour s'est fondée sur l'absence d'originalité du logiciel ANALYSE MENSUELLE ; qu'en décidant néanmoins de confirmer le jugement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés du jugement, qu'« afin de pouvoir efficacement agir en contrefaçon, Monsieur Jacques Y... et Monsieur Jean-Claude X... doivent démontrer qu'ils possèdent les droits d'auteur du logiciel Analyse Mensuelle. Les articles L111-1 et L331-1 du Code de la propriété intellectuelle exigent en effet que le demandeur à l'action en contrefaçon soit titulaire des droits d'auteur sur l'oeuvre et il est admis que l'auteur qui a cédé ses droits d'exploitation ne puisse plus agir en contrefaçon.
Le droit moral, c'est à dire la conception même du logiciel n'est pas contesté par la société MICROSOFT CORPORATION qui soutient que ce sont les droits d'exploitation de ce logiciel qui ont été cédés à la société la Solution Douce laquelle les lui a cédé à son tour par contrat conclu en novembre 1997.
Il ressort de l'analyse de ce contrat que son objet était de développer, de délivrer le produit, de céder tous les droits de propriété intellectuelle sur le produit à l'exclusion de ceux relatifs aux filtres d'importation et de concéder une licence non exclusive, irrévocable, perpétuelle et mondiale en vue de l'exploitation et de l'utilisation des filtres d'importation.
Il est indiqué que le produit consiste en un logiciel financier qui constitue un ajout au programme Excel intégré au produit Microsoft Office 97 SBR v 2, 0 et revêtant les Spécifications Produit visées à l'annexe 1 du contrat.
Ces spécifications ne permettent pas de manière certaine de déterminer quel logiciel a réellement été cédé par la société la Solution Douce : Gestion Prévisionnelle comme le soutiennent Monsieur Jacques Y... et Monsieur Jean-Claude X... ou Analyse Mensuelle comme le soutient la société MICROSOFT CORPORATION.
Le logiciel Gestion Prévisionnelle apparaît avoir été adapté à Excel antérieurement à la signature du contrat, la notice de ce logiciel faisant état d'une compatibilité Excel et d'un copyright « La solution Douce 1986-1992 ».
A contrario, les demandeurs reconnaissent avoir adapté, à la même période que la signature du contrat, le logiciel Analyse Mensuelle pour le rendre compatible avec Excel. Ces derniers reconnaissent également avoir eu connaissance des relations entre la société la Solution Douce et MICROSOFT, Monsieur Y... s'étant même rendu à Madrid chez MICROSOFT au moment de la traduction en Espagnol du logiciel Assistant Financier, voyage financé par la société la Solution Douce.
Par ailleurs, les disquettes du logiciel Analyse Mensuelle supportent la mention et le logo de la société la Solution Douce ainsi que la mention copyright 1990. De même, la notice du logiciel, si elle indique bien les noms des demandeurs en leur qualité non contestée de co-auteurs du logiciel reprend le nom, le logo et les coordonnées de la société la Solution Douce, tout comme les mentions « copyright 1988-1994 » et « tout droits de reproduction réservés ». Enfin, la page de démarrage du logiciel indique la société la Solution Douce et mentionne « copyright 1990-1995 licence d'utilisation n° 300 994 ».
Ces indications ne sont pas contestées, et il apparaît vraisemblable que Monsieur Jacques Y... et Monsieur Jean-Claude X... aient cédés les droits d'exploitation du logiciel qu'ils ont conçu, dénommé Analyse Mensuelle.
Cela permettrait d'expliquer pourquoi ils ont procédé à l'adaptation de ce logiciel à Excel sans conclure aucun contrat avec la société MICROSOFT CORPORATION et pourquoi ils ont attendu 3 ans pour agir à son encontre.
Il sera en effet rappelé que les demandeurs ont rompu toutes relations professionnelles avec la société la Solution Douce en juin 1998 et qu'est versé aux débats un contrat rédigé par la société la Solution Douce et faxé à Monsieur Y..., certes non signé mais produit par les demandeurs, en date du 24 juin 1998, et par lequel il est expressément prévu les modalités de rupture de ces relations professionnelles.
Il est fait état dans ce document de la qualité de co-auteurs de Messieurs Y... et X... du logiciel Analyse Mensuelle « qui a (cependant) été distribué par la société la Solution Douce jusqu'au 30 juin 1998 ». Ce contrat prévoit dans son article 1er le rachat par Monsieur X... de la clientèle du logiciel Analyse Mensuelle à la solution douce, ce qui porterait à croire que la société la Solution Douce a bien été titulaire des droits d'exploitation de ce logiciel pendant la période où la société MICROSOFT CORPORATION l'a commercialisé via l'Assistant Financier.
En conséquence, il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Jacques Y... et Monsieur Jean-Claude X... ne rapportent pas la preuve qu'ils détiennent les droits d'exploitation du logiciel Analyse Mensuelle et que tout semble indiquer au contraire, que ces droits ont bien fait l'objet d'une cession au profit de la société la Solution Douce.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'action en contrefaçon engagée par Monsieur Jacques Y... et Monsieur Jean-Claude X... à l'encontre de la société MICROSOFT CORPORATION sera déclarée irrecevable.
De même, les demandeurs ne sauraient agir à l'encontre de la société MICROSOFT CORPORATION en concurrence déloyale alors même qu'ils ne démontrent pas détenir les droits d'exploitation du logiciel Analyse Mensuelle » (jug. p. 8 & 9) ;

5°) Alors que les motifs d'une décision de justice ne peuvent être hypothétiques ou dubitatifs ; qu'en l'espèce, pour décider que MM Y... et X... n'avaient pas qualité pour agir, le tribunal a retenu qu'« il apparaît vraisemblable que Monsieur Jacques Y... et Monsieur Jean-Claude X... aient cédés les droits d'exploitation du logiciel qu'ils ont conçu, dénommé Analyse Mensuelle. Cela permettrait d'expliquer pourquoi ils ont procédé à l'adaptation de ce logiciel à Excel sans conclure aucun contrat avec la société MICROSOFT CORPORATION et pourquoi ils ont attendu 3 ans pour agir à son encontre », qu'un contrat daté du 24 juin 1998 non signé « prévoit dans son article 1er le rachat par Monsieur X... de la clientèle du logiciel Analyse Mensuelle à la solution douce, ce qui porterait à croire que la société la Solution Douce a bien été titulaire des droits d'exploitation de ce logiciel pendant la période où la société MICROSOFT CORPORATION l'a commercialisé via l'Assistant Financier », et que « tout semble indiquer (¿) que ces droits ont bien fait l'objet d'une cession au profit de la société la Solution Douce » ; qu'en statuant par de tels motifs hypothétiques, la Cour a violé les articles 455 du code de procédure civile et L. 131-3, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle ;

6°) Alors que c'est à la partie qui invoque l'existence d'une cession de droits d'en rapporter la preuve ; que le titulaire d'un droit sur un logiciel ne peut établir l'absence de cession de ses droits ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a retenu que MM Y... et X... ne rapportent pas la preuve qu'ils détiennent les droits d'exploitation du logiciel « Analyse Mensuelle » et que tout semble indiquer que ces droits ont été cédés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

7°) Alors que le contrat de licence n'emporte pas cession de droits ; qu'en déclarant MM X... et Y... irrecevables à agir en contrefaçon du logiciel dont ils étaient l'auteur, aux motifs qu'ils en avaient cédé les droits d'exploitation, ce qui n'emportait pas une cession des droits d'auteur, la Cour d'Appel a violé l'article L. 131-3 du Code de propriété intellectuelle.

Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté MM Y... et X... de leur action en concurrence déloyale formée contre la société MICROSOFT CORPORATION,

Aux motifs qu'à titre subsidiaire, Messieurs Y... et X... invoquent à l'encontre de la société Microsoft l'existence d'actes de concurrence déloyale, engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; ils soutiennent, en page 22 de leurs conclusions d'appel, que l'utilisation d'un programme informatique, sans l'autorisation du concepteur et sans rémunération concomitante, constitue une concurrence déloyale et une atteinte manifeste aux droits de celui-ci ;
en l'occurrence, la société La Solution Douce a livré à la société Microsoft le logiciel financier destiné à version française de la suite « Office édition PME » en vertu d'un contrat signé le 25 novembre 1997 entre les parties ; il résulte à cet égard des conclusions de l'expert que le logiciel « Assistant Financier » ainsi livré n'est que l'adaptation du logiciel « ANALYSE MENSUELLE » aux fonctionnalités de « Office 97 » ; Madame A... a d'ailleurs relevé l'indication du nom de Messieurs Y... et X... dans les écrans de présentation de l'une des lignes de macro ;
pour autant, rien ne permet d'affirmer que la société Microsoft a exploité le logiciel « Assistant Financier », qu'elle a intégré à la version française 2. 0 de la suite « Office 97 édition PME », en sachant que les concepteurs du programme n'avaient pas donné leur autorisation à son utilisation ;
la société Microsoft a d'abord obtenu que la société La Solution Douce lui garantisse qu'elle était bien titulaire des droits sur le logiciel concerné, puisqu'il est prévu, dans le contrat du 25 novembre 1997, que La Solution Douce garantit que le produit, les Filtres d'Importation et la (les) marque (s) de LSD ainsi que tout produit ou service fourni par LSD en application du présent contrat ne portent pas atteinte à un quelconque droit de propriété intellectuelle, brevet, marque, secret commercial ou tout autre droit privatif détenu par un tiers et qu'aucune autorisation ou licence complémentaire d'un tiers est ou sera nécessaire pour permettre à MS d'exercer ses droits en application du présent contrat (article 9) ;
il s'avère ensuite, ainsi que l'indique l'expert en page 25 de son rapport, que Messieurs Y... et X..., qui ont eux-mêmes adapté leur logiciel aux fonctionnalités de « Office 97 », tandis que la société La Solution Douce développait la routine d'importation (filtre importation des journaux), n'ignoraient pas l'existence de relations entre la société La Solution Douce et la société Microsoft, Monsieur Y... s'étant notamment rendu à Madrid, dans les locaux de Microsoft, au moment de la traduction en espagnol du logiciel « Assistant Financier » ;
enfin, la suite « Office 97 édition PME » a cessé d'être commercialisée en France en 2000, avant que MM. Y... et X... ne se plaignent auprès de la société Microsoft France, par courrier du 13 février 2001, de l'édition du logiciel « Assistant Financier », constituant une copie non autorisée de leur logiciel ;
il ne peut dès lors être reproché à la Société MICROSOFT d'avoir commercialisé ce logiciel en dépit de l'absence d'autorisation des concepteurs ou, ayant appris le désaccord de ces derniers, d'avoir poursuivi son exploitation commerciale ; aucune faute n'est caractérisée à son encontre de nature à mettre en jeu sa responsabilité délictuelle à raison d'actes de concurrence déloyale (arrêt p. 10 à 11) ;

Alors que la caractérisation de la faute de concurrence déloyale n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel ; que pour débouter MM Y... et X... de leur action en concurrence déloyale, la Cour d'appel a retenu que la Société MICROSOFT ne savait pas qu'ils n'avaient pas donné leur autorisation pour l'utilisation de leur logiciel ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'Appel, qui a subordonné l'existence d'une concurrence déloyale fautive à la preuve d'un élément intentionnel, a violé l'article 1382 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2013:C101294
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