Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-12.018, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 6 janvier 1995 en qualité d'officier pilote de ligne par la société Corsair ; qu'il a été confirmé commandant de bord sur Boeing 747-300 et 747-400 ; qu'à la suite d'un arrêt de travail du 31 octobre 2006 au 30 juin 2007, le salarié a subi un examen médical qui a conclu, le 12 avril 2007, à son inaptitude, laquelle a été confirmée par le médecin de la Direction générale de l'aviation civile ; que des avis d'inaptitude définitive au poste de personnel navigant et à une aptitude à un poste de reclassement au sol ont été émis les 2 et 16 juillet 2007 ; que le 31 juillet 2007, l'employeur a proposé au salarié un reclassement sur un poste de « responsable programme » ; que le salarié, qui a refusé ce poste, a été licencié le 6 septembre 2007 pour inaptitude et refus de la proposition de reclassement ; que contestant ce licenciement et soutenant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Attendu que ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ; qu'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'inaptitude et de l'impossibilité du reclassement ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse l'arrêt retient que le salarié, qui ne conteste pas l'adéquation du poste de "responsable programme" proposé par l'employeur, mais se borne à revendiquer deux autres postes dont il prétend qu'ils lui convenaient parfaitement, ne fait valoir aucun moyen au soutien de l'inobservation prétendue de son obligation de reclassement par l'employeur, pas plus qu'il ne démontre que celui-ci aurait été déloyal et non sérieux dans la proposition de reclassement formulée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 423-1 du code de l'aviation civile ;

Attendu, selon ce texte, que le contrat de travail d'un membre du personnel navigant professionnel doit notamment préciser l'indemnité de licenciement qui sera allouée, sauf en cas de faute grave, au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de complément d'indemnité de licenciement, l'arrêt retient que, l'article L. 423-1 du code de l'aviation civile ne précisant pas que la pension à jouissance immédiate en cause se réfère exclusivement à la pension de retraite du régime général de la sécurité sociale, le salarié qui perçoit, au moment de son licenciement, une pension de retraite du régime complémentaire ne peut prétendre au paiement de l'indemnité de licenciement autre que des articles L. 423-1 et R. 423-1 du code de l'aviation civile ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat de travail du salarié résultait d'un licenciement et non de sa mise à la retraite, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Corsair aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Corsair à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS PROPRES QUE monsieur Jean X... a été engagé le 6 janvier 1995 en qualité d'officier pilote de ligne par la compagnie aérienne Corsair, devenue depuis Corsair Fly ; qu'il a été confirmé commandant de bord sur Boeing 747-300 et 747-400 ; que son salaire mensuel brut s'est élevé en dernier lieu à 11.475,75 € ; que monsieur X... a été en arrêt de travail pour maladie du 31 octobre 2006 au 30 juin 2007 ; que l'examen médical pratiqué au centre d'expertise du personnel navigant a conclu à son inaptitude le 12 avril 2007, avis confirmé par le médecin de la DGAC ; que les avis des 2 et 16 juillet 2007 ont conclu à l'inaptitude définitive de monsieur X... au poste de personnel navigant et à son aptitude à un poste de reclassement au sol ; que par courrier en date du 31 juillet 2007, la Sa Corsair a proposé à monsieur X... un poste de « responsable programme » avec un descriptif précis du contenu de cette fonction rétribuée d'un salaire brut mensuel de 3.743 € ; que par courrier du 15 août 2007, monsieur X... a refusé le poste ainsi proposé ; que convoqué le 21 août 2007 à un entretien préalable fixé au 3 septembre suivant, monsieur X... a été licencié par courrier du 6 septembre 2007 pour inaptitude et refus de la proposition de reclassement (cf. arrêt p. 2 § 1 à 7) ; qu'il ressort de l'article L. 2226-2 du code du travail que c'est à l'employeur d'apporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié ; qu'en outre, la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'enfin, la sanction de la violation de l'obligation de reclassement ne peut donner lieu qu'au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que monsieur X... considère que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif qu'en lui proposant le seul poste de responsable programme le 31 juillet 2007, Corsair n'a pas sérieusement tenté de le reclasser au sol au sein de la compagnie, alors que deux autres postes, alors vacants d'« ingénieur études opérations » et de « responsable technique escales » lui convenaient parfaitement ; qu'il ajoute que l'employeur n'a pas procédé aux recherches exigées à l'intérieur du groupe Tui auquel il appartient ; que monsieur X... qui ne conteste pas l'adéquation du poste de « responsable programme » proposé par l'employeur mais se borne à revendiquer deux autres postes dont il prétend qu'ils lui convenaient parfaitement, ne fait valoir aucun moyen pertinent au soutien de l'inobservation prétendue de son obligation de reclassement par l'employeur, pas plus qu'il ne démontre que celui-ci aurait été déloyal et non sérieux dans la proposition de reclassement formulée ; qu'il s'ensuit qu'est fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par l'employeur, à la suite du refus par monsieur X... du poste de reclassement proposé, dans le cadre d'une recherche de reclassement qui a été réalisée, contrairement à ce que soutient le salarié, dans l'ensemble du groupe Tui auquel appartient la Sa Corsair, ainsi que cela ressort des éléments versés aux débats, notamment les échanges de mails, non sérieusement contestés par le salarié ; que monsieur X... ne peut donc qu'être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (cf. arrêt p. 3 § 1 à 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'inaptitude définitive aux postes PNT délivrée par le médecin du travail, en date du 16 juillet 2007 après un arrêt maladie d'origine non professionnelle ; que cet avis laisse entendre que monsieur X... pouvait être reclassé dans son entreprise mais sur un poste au sol ainsi d'ailleurs que cela apparaissait sur le premier avis du médecin du travail, délivré le 2 juillet 2008 ; que la compagnie Corsair Fly a proposé par courrier recommandé avec avis de réception du 31 juillet un poste en tout point conforme à l'avis du médecin du travail rappelé ci-dessus, proposition accompagnée de la fiche de poste ; que monsieur X... par courrier du 15 août 2007 refuse sans ambiguïté le poste proposé sans faire pour autant de demande ni commentaires à son employeur ; que dès lors, peu importe que d'autres postes auraient pu être proposés, que monsieur X... qui a refusé ce reclassement sans aucune argumentation ni ouverture de discussions, a fait connaître par là même qu'il refusait en fait tout poste au sol ; qu'ainsi la société Corsair Fly a valablement pris acte de ce refus et s'est trouvé contrainte de prononcer le licenciement (cf. jugement p. 6) ;

1) ALORS QU'il appartient à l'employeur du salarié licencié pour inaptitude d'établir qu'il a satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en retenant dès lors, pour débouter monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts, qu'il ne faisait valoir aucun moyen pertinent au soutien de l'inobservation prétendue de son obligation de reclassement par l'employeur et ne démontrait pas que celui-ci aurait été déloyal et non sérieux dans la proposition de reclassement formulée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1226-2 du code du travail et 1315 du code civil ;

2) ALORS QUE le refus par le salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation ; qu'il appartient à l'employeur d'établir qu'il ne dispose d'aucun autre poste compatible avec l'inaptitude du salarié ; qu'en déclarant fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par la société Corsair du seul fait du refus par monsieur X... de l'unique poste de reclassement proposé, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;

3) ALORS QU'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé au motif de l'impossibilité de reclassement ; que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié qui a refusé le poste de « responsable programme » proposé, sans en contester l'adéquation, se borne à revendiquer deux autres postes dont il prétend qu'ils lui convenaient parfaitement ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la société Corsair de tirer les conséquences de ce refus, soit en proposant d'autres postes à monsieur X..., soit en le licenciant après avoir établi l'impossibilité de le reclasser, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;

4) ALORS QU'en déclarant le licenciement de monsieur X... fondé sur une cause réelle et sérieuse sans caractériser l'impossibilité pour l'employeur de reclasser le salarié, notamment sur les postes d'« ingénieur études opérations » ou de « responsable technique escales » dont le salarié soutenait qu'ils lui convenaient et étaient conformes aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1226-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS QUE par ailleurs, se prévalant de l'article R. 423-1 du code de l'aviation civile, monsieur X... soutient que ne pouvant prétendre, au moment de son licenciement, à une retraite CNAV à taux plein, il aurait dû percevoir une indemnité de licenciement égale à 108.324 € (12 fois le salaire mensuel minimum garanti) et non pas seulement celle versée par la Sa Corsair d'un montant de 16.659,08 € en application des dispositions du code du travail ; que la Sa Corsair conteste le droit de monsieur X... à la pension réclamée au motif que percevant à taux plein sa retraite complémentaire, le texte dont il se prévaut ne lui ouvre pas droit à l'indemnité réclamée ; que l'article R. 423-1 précité dispose que l'indemnité de licenciement qui est allouée, en application de l'article L. 423-1 du code de l'aviation civile sauf faute grave au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate, est calculée sur la base d'un mois de salaire par année de service ; que le texte ne précisant pas que la pension à jouissance immédiate en cause se réfère exclusivement à la pension de retraite du régime général de la sécurité sociale, il convient d'en déduire que le salarié qui perçoit, au moment de son licenciement, une pension de retraite du régime complémentaire, ne peut prétendre au paiement d'indemnité de licenciement des articles L. 423-1 et R. 423-1 du code de l'aviation civile ; qu'il s'en déduit, qu'en l'espèce, où il n'est pas contesté que monsieur X..., au moment de son licenciement, remplissait toutes les conditions pour et percevait sa retraite complémentaire à taux plein, ne pouvait prétendre, en outre, à percevoir une indemnité de licenciement autre que celle prévue par le droit commun ; qu'il convient en conséquence de débouter monsieur X... de sa demande de ce chef ;

1) ALORS QUE selon l'article R. 423-1 du code de l'aviation civile, l'indemnité de licenciement allouée en application de l'article L. 423-1, sauf faute grave, au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate est calculée pour les sections A, B et C sur la base d'un mois de salaire mensuel minimum garanti par année de service dans l'entreprise ; que le droit à pension à jouissance immédiate s'entend de la pension de retraite versée par le régime général de la sécurité sociale ; qu'en décidant au contraire que le pilote qui perçoit au moment de son licenciement une pension de retraite complémentaire ne peut prétendre à cette indemnité, la cour d'appel a violé les articles R. 423-1 et L. 423-1 du code de l'aviation civile ;

2) ALORS QUE l'article R. 423-1 du code de l'aviation civile prévoit que le contrat de travail doit obligatoirement préciser l'indemnité de licenciement qui sera allouée, sauf en cas de faute grave, au personnel licencié sans droit à pension à jouissance immédiate ; qu'en s'abstenant de rechercher si le contrat de monsieur X... comportait cette stipulation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 423-1 et L. 423-1 du code de l'aviation civile.

ECLI:FR:CCASS:2013:SO01159
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