Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 novembre 2012, 10-24.581, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 30 juin 2010), que Marie-Louise X... et Alexandre Y... sont respectivement décédés en 1992 et 2002, laissant pour leur succéder leurs quatre enfants : Suzanne épouse B..., Denise épouse Z..., Marcel et Renée ; que, sur assignation des époux Z..., le tribunal de grande instance, par jugement du 19 septembre 2007, a notamment ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de ces successions ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Renée Y... fait grief à l'arrêt de la condamner à rapporter à la succession de son père la somme de 50 000 euros correspondant à des retraits d'espèces sur deux des comptes de celui-ci ;

Attendu qu'après avoir relevé, d'une part, que l'expertise comptable ordonnée établissait qu'entre 1992 et 2002, le montant total des espèces retirées sur le compte CCP et le livret A d'Alexandre Y... s'élevait à la somme globale de 72 746, 38 euros, d'autre part, que Mme Renée Y..., bénéficiaire d'une procuration sur le livret A de son père et cotitulaire du compte joint CCP alimenté seulement par les revenus de celui-ci, admettait avoir procédé à des retraits d'espèces pour le compte de ce dernier, la cour d'appel, en a, à bon droit, déduit qu'il lui incombait de rendre compte de l'utilisation de ces fonds et a souverainement estimé, au vu des éléments fournis par l'expert et déduction faite des dépenses estimées pour les besoins du défunt, que Mme Renée Y... devait rapporter à la succession la somme de 50 000 euros dont elle ne justifiait pas de l'emploi au profit de son père ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés :

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Renée Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Renée Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Renée Y... à rapporter à la succession de son père la somme de 50. 000 € et d'avoir dit qu'elle sera privée de sa part sur cette somme en application des peines du recel ;

AUX MOTIFS QUE l'expert a constaté :

-79 retraits sur le compte CCP du 16 août 1995 au 9 janvier 2002 pour un total de 156 500 F, correspondant à une moyenne globale de 1 981 F et à une moyenne mensuelle de 3 069 F, dont 7 retraits égaux ou supérieurs à 5 000 F en 1999 et 2000,
-183 retraits sur le compte Livret A du 21 mai 1992 au 9 janvier 2002 pour un total de 389 884, 98 F, constitués majoritairement de retraits de 1 000 F, 1 500 F et 2 000 F et, à hauteur de 142 736, 69 F, de retraits supérieurs à 5 000 F, dont une partie s'élevant à 62 700 F a été reversée sur le compte CCP.
Il a constaté, après prise en compte des recettes en espèces, que le montant net des retraits en espèces s'élevait à 155 500 F pour le compte CCP et à 321 685 F pour le compte Livret A, soit la somme totale de 477 185 F (72 746, 38 €).
Les documents communiqués ne lui ont pas permis de déterminer les destinataires de ces fonds, dont il a estimé que l'on pouvait déduire les salaires et charges sociales de l'aide ménagère, d'un montant total de 24 731 F (3 770 €), pour lesquels aucun règlement par chèque n'a été retrouvé, soit un solde de 452 454 F (68 976, 17 €).
Que Mme Renée Y... soutient qu'elle n'a pas géré les comptes de son père mais reconnaît avoir effectué des retraits ;
Que le tribunal a considéré à bon droit qu'elle avait l'obligation de rendre compte, dans les limites de temps fixées par l'arrêt du 2 juillet 2008 et que si, en raison des liens de parenté et du fait qu'elle hébergeait son père, elle peut apporter cette preuve par tous moyens, elle n'est pas dispensée de rendre compte ;
Que la cour est en mesure de considérer que Mme Renée Y... ne justifie pas de l'emploi, dans l'intérêt de son père, des fonds retirés en espèces à hauteur de 50. 000 €

ALORS QU'il résulte de l'article 1993 du code civil que le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et faire raison de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration ; que le titulaire d'une procuration n'est pas tenu de rendre compte de la gestion du mandant ainsi que des opérations effectuées par lui ou par d'autres personnes et qu'il appartient au mandant ou à ses héritiers de prouver que les opérations dont ils demandent compte ont été effectuées par le mandataire, si bien qu'en mettant à la charge du titulaire d'une procuration l'obligation de rendre compte de l'intégralité des retraits opérés sur les comptes bancaires du mandant, sans avoir préalablement constaté que les héritiers du mandant avaient établi que la totalité de ces retraits avaient été effectués par le mandataire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1993 et 1315 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Madame Renée Y... coupable de recel successoral,

AUX MOTIFS que l'importance des prélèvements opérés sur les comptes bancaires, qui n'ont été découverts par les cohéritiers qu'au terme de recherches personnelles caractérise l'intention de Mme Renée Y... de dissimuler cette partie de l'actif successoral et de chercher à rompre l'égalité du partage ;

ALORS QUE l'intention frauduleuse, élément constitutif du délit civil de recel, ne peut être déduite de la seule omission de rendre compte de l'exécution d'un mandat confié par le de cujus, si bien qu'en déduisant l'intention frauduleuse de Madame Renée Y... du seul fait de " l'importance des prélèvements ", dont elle a fixé le montant dans la même décision, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 applicable en la cause.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Renée Y... à payer à Monsieur A... la somme de 1. 500 € à titre de dommages intérêts ;

AUX MOTIFS que si Mme Renée Y... explique qu'il lui a paru légitime de l'attraire dans la cause dans la mesure où il pouvait participer à la manifestation de la vérité, elle laisse également clairement entendre qu'il a outrepassé ses fonctions, indiquant notamment en page 17, sans aucun début de preuve, qu'il effectuait régulièrement des retraits pour le compte de son père ;

ALORS, D'UNE PART, QUE Mme Renée Y... indiquait qu'" au fil des années, Monsieur A... est devenu un ami de Monsieur Alexandre Y... … qu'il effectuait des retraits pour le compte de Monsieur Y... père auquel il apportait régulièrement des fonds à son domicile … se rendait au domicile de Monsieur Y... pour remplir ses déclarations de revenus et ce sur plusieurs années ", si bien qu'en retenant que, par ce rappel de liens amicaux et de services rendus, Mme Renée Y... laissait clairement entendre que Monsieur A... avait outrepassé ses fonctions, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de Madame Renée Y..., violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, que le rappel par Madame Renée Y... des services amicaux rendus à son père par Monsieur A... ne caractérise pas une faute, si bien qu'en condamnant Madame Renée Y... à payer des dommages intérêts à Monsieur A... sur ce seul fondement, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

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