Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 2 octobre 2012, 11-17.098, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 145-28, L. 145-29 dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 et L. 145-30 du code de commerce ;

Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que, jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ; qu'en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre ; qu'en cas de non-remise des clés à la date fixée et après mise en demeure, le séquestre retient 1 % par jour de retard sur le montant de l'indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa seule quittance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 mars 2010) que M. X..., propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail aux époux Y..., a, après avoir séquestré l'indemnité d'éviction due à ces derniers en exécution d'un jugement du 5 décembre 2006, assorti de l'exécution provisoire, mis en demeure les preneurs de libérer les lieux pour le 30 juin 2007 ; que ceux-ci ont pratiqué une saisie-attribution le 9 juillet 2008 sur un compte appartenant à M. X... ; que ce dernier les a assignés en nullité de cette saisie, en soutenant que l'indemnité d'éviction n'était plus due ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que M. X... a mis en demeure les époux Y... de restituer les lieux au plus tard le 30 juin 2007 indiquant que passé ce délai, il serait fait application des dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce, que les clés du local ont été remises par les preneurs le 24 octobre 2008 soit largement plus de cent jours après le 30 juin 2007, que le jugement du 5 décembre 2006, fixant l'indemnité d'éviction, était assorti de l'exécution provisoire, dont les époux Y... n'avaient pas sollicité l'arrêt, ce qui aurait eu pour effet d'empêcher l'application des dispositions de l'article L. 145-30 du code de commerce dont ils avaient pourtant connaissance ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que ce n'est que par arrêt du 7 janvier 2008, devenu définitif, que la cour d'appel avait confirmé le montant de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 22 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. X... à payer à M. et Mme Y... la somme de 275 euros et la somme de 2 500 euros à la SCP Le Bret Desaché ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour les époux Y....

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé l'annulation de la saisie-attribution pratiquée par les époux Y....

- AU MOTIF QUE L'article 145-30 du code de commerce pose qu'en cas de non remise des clés à la date fixée et après mise en demeure, le séquestre retient 1 % par jour de retard sur le montant de l'indemnité (d'éviction) et restitue cette retenue au bailleur sur sa seule quittance ; que le 13 juin 2007, Monsieur X... a mis en demeure les consorts Y... de restituer les lieux au plus tard le 30 juin 2007 indiquant que passé ce délai, il sera fait application des dispositions de l'article L 145-30 du code de commerce. Il est constant que les époux Y... ont remis les clés du local le 24 octobre 2008 soit largement plus de 100 jours après le 30 juin 2007. C'est à bon droit que le premier juge a relevé que la décision par laquelle le juge des référés a dénié sa compétence du fait de l'existence d'une contestation sérieuse n'a aucune autorité de chose jugée quant à cette contestation et qu'il appartient au juge de l'exécution d'apprécier la validité de la mesure d'exécution forcée. Si l'arrêt du 7 janvier 2008 est devenu définitif rien ne démontre qu'une partie ait soulevé implicitement ou explicitement la possible disparition de l'indemnité d'éviction étant relevé que les écritures des parties ont été prises avant cette éventuelle disparition soit les 27 avril 2007 et 15 juin 2007. Les époux Y... n'ont pas estimé nécessaire de conclure de nouveau après la délivrance de la mise en demeure qui précisait pourtant ce risque de disparition. De ce fait ce premier moyen doit être écarté. Si Monsieur X... n'a ordonné la consignation que de la somme de 10.939 € sur les 17.750 € dus, à supposer que le raisonnement tenu par le premier juge ne soit pas pertinent, il convient de rappeler que le jugement du 5 décembre 2006 était assorti de l'exécution provisoire et qu'il avait aussi fixé le montant de l'indemnité d'occupation. Du fait de cette exécution provisoire et des règles de la compensation, Monsieur X... était fondé à ne séquestrer que la somme qu'il devait effectivement soit l'indemnité d'éviction qu'il devait moins l'indemnité d'occupation qui lui était due au jour de la remise des fonds au séquestre. Ce second moyen doit aussi être écarté. Si le jugement du 5 décembre 2006 est assorti d'une éventuelle erreur matérielle en ce qui concerne la somme mise à la charge de Monsieur X..., il faut constater que cette erreur est sans conséquence puisque Monsieur X... a consigné sous diverses déductions la somme de 17.750 € et que cette somme a été confirmée par un arrêt de la présente Cour. Au surplus c'est avec pertinence que le Premier juge a constaté que dans le cadre de la procédure devant la Cour d'appel, les époux Y... n'ont pas sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire ce qui aurait eu pour effet d'empêcher l'application des dispositions de l'article L 145-30 du code de commerce dont ils avaient pourtant connaissance. De ce fait la décision déférée doit être confirmée.

- ALORS QUE aux termes de l'article L 145-30 du code de commerce combiné avec l'article L 145-58 du même code, tant que l'indemnité d'éviction n'est pas définitivement fixée et que le locataire n'a pas quitté les lieux, le propriétaire peut revenir sur son offre ; que la pénalité de 1% par jour de retard due par le locataire ne peut commencer à courir tant que n'a pas été fixée par une décision passée en force de chose jugée le montant de l'indemnité d'éviction, peu important que les premiers juges aient assorti le versement de l'indemnité d'éviction par eux évaluée de l'exécution provisoire ; qu'en énonçant que le 13 juin 2007, Monsieur X... avait mis en demeure les consorts Y... de restituer les lieux au plus tard le 30 juin 2007 indiquant que passé ce délai, il sera fait application des dispositions de l'article L145-30 du code de commerce et que les époux Y... avaient remis les clés du local le 24 octobre 2008 soit largement plus de 100 jours après le 30 juin 2007 de telle sorte que l'indemnité d'éviction avait été anéantie tout en constatant que ce n'était que par un arrêt du 7 janvier 2008, devenu définitif, que la cour de BORDEAUX avait confirmé le montant de l'indemnité d'éviction et réduit le montant de l'indemnité d'occupation, peu important que le jugement du 5 décembre 2006 ait été assortie de l'exécution provisoire, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 145-28, L. 145-29 et L. 145-30 du Code de commerce.

Retourner en haut de la page