Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 septembre 2012, 11-17.630, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2011 ), que, le 28 mai 2004, la société Valmy (la société ), propriétaire d'un immeuble qu'elle désirait vendre par lots, a notifié aux époux X..., locataires d'un logement dépendant de cet immeuble, une offre de vente au visa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ; que les locataires, arguant de ce que les dispositions de l'accord collectif du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 n'avaient pas été respectées, ont assigné la bailleresse en nullité de l'offre de vente ; que M. X... est décédé en cours d'instance ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande alors, selon le moyen:

1°/ que les stipulations de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 sont applicables aux seuls locataires ayant reçu congé et non pas à ceux à qui seule une offre de vente a été faite ; que la cour d'appel, qui a appliqué néanmoins cet accord, tout en ayant relevé que les locataires n'avaient pas reçu congé, a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'aux termes de l'article 2.2 de l'accord collectif national de location de bailleurs institutionnels du 9 juin 1998, le bailleur doit informer les locataires de l'état de l'immeuble et des travaux à prévoir en leur communiquant divers diagnostics et bilans techniques, au plus tard avec l'offre de vente visée à l'article 10 de la loi du31 décembre 1975, les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques étant examinées par le bailleur et les association de locataires représentatives : que dans des conclusions restées sans réponse, la société Valmy a fait valoir que, si elle avait fait effectuer le diagnostic technique par une entreprise de son choix, elle avait également porté à la connaissance de l'association des locataires que le diagnostic n'était qu'en cours de rédaction et qu'il serait consultable au bureau de vente avant d'être adressé avec l'offre de vente, que cette information n'avait suscité aucune observation émanant de l'association, qui n'avait pas davantage demandé un complément d'investigation ou même le choix d'une autre entreprise ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen d'où il s'évinçait que les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques n'avaient suscité aucune réaction, de la part des associations de locataires, préalable à l'offre de vente, la cour d'appel qui n'a pas recherché si, dans ces conditions, la concertation et l'information n'avaient pas été complètes et suffisantes mais qui a prononcé la nullité de l'offre de vente a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

3°/ que l'article 2.2 alinéa 1er de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 dispose que les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques sont examinées entre le bailleur et les associations de locataires, ce qui n'impose pas un accord préalable sur le choix de l'entreprise chargée d'y procéder et sur sa mission, au demeurant déterminée par l'article 2.2, 3e alinéa du même accord, l'examen pouvait intervenir après la désignation du bureau d'études par le bailleur ; qu'en retenant que l'association de locataires n'avait pas été consulté, au préalable, sur les conditions de réalisation des diagnostics, le choix des bureaux d'études et leur mission, pour prononcer en conséquence la nullité de l'offre de vente que l'accord n'avait pas prévues a, en statuant ainsi, violé le texte susvisé ;

4°/ que la cour d'appel ne pouvait imposer un accord portant sur le choix de l'entreprise chargée des diagnostics et sur sa mission, tandis que celle-ci était déjà déterminée ; qu'elle a ainsi derechef violé l'article 2.2 alinéa 1er de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 ;

5°/ qu'en toute hypothèse, l'article 2.2 de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 ne stipule pas que l'irrégularité de l'offre de vente serait sanctionnée par la nullité ; qu'en prononçant néanmoins celle-ci, la cour d'appel a violé ces dispositions ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la société Valmy, le 28 mai 2004, avait avisé l'association des locataires de l'immeuble et la mairie de l'arrondissement de son intention de mettre en vente par lots l'intégralité de cet immeuble comportant plus de dix logements, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que l'accord collectif du 9 juin 1998 rendu obligatoire par le décret du 22 juillet 1999 ne concernait pas seulement la mise en oeuvre des congés pour vendre mais également la mise en oeuvre des offres de vente, en a exactement déduit que Mme X..., à laquelle avait été notifiée, le 7 décembre 2004, une offre de vente, était fondée à se prévaloir des informations prévues par cet accord ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, à bon droit, que conformément à l'article 2.2 alinéa 1er de l'accord collectif "les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques sont examinées entre le bailleur et les associations de locataires représentatives" et constaté que dans le compte-rendu de la réunion d'information des locataires du 8 juin 2004, il était spécifié pour le diagnostic technique : "il a été effectué par la société Siena Ingienerie et est actuellement en cours de rédaction, il sera adressé à chaque locataire avec l'offre de vente et sera consultable, avant, au bureau de vente dès son ouverture", la cour d'appel, qui a pu retenir que le bailleur avait présenté les diagnostics techniques comme étant réalisés et en cours de rédaction mais que l'association des locataires n'avait pas été consultée sur les modalités de leur mise en oeuvre notamment sur les conditions de leur réalisation, le choix des bureaux d'études et la mission confiée à ces derniers, a exactement déduit de ces seuls motifs, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'aucune concertation avec les locataires n'avait eu lieu sur les modalités de réalisation des diagnostics techniques et que les dispositions de l'article 2.2 alinéa 1 de l'accord du 9 juin 1998, d'ordre public, n'ayant pas été respectées, il en résultait la nullité de l'offre de vente notifiée à Mme X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Valmy aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Valmy à payer à Mme X... la somme de 2 500 € ; rejette la demande de la société Valmy ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Valmy

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nulle l'offre de vente faite par la société VALMY à Mme X..., le 7 décembre 2004 ;

AUX MOTIFS QUE, sur les accords du 9 juin 1998, Mme X... soutient que les accords collectifs du 9 juin 1998 sont applicables, et concernent les offres de vente faites sans congé pour vendre ; que selon la société VALMY, aucun congé pour vendre n'ayant été délivré aux locataires, les accords collectifs du 9 juin 1998 ne lui sont pas opposables, au regard des accords du 16 mars 2005 ; que le 28 mai 2004, la société VALMY a fait part de son intention de mettre en vente, par lots, l'intégralité de l'immeuble comportant plus de dix appartements ; que les accords collectifs du 9 juin 1998 rendus obligatoires par le décret du 22 juillet 1999 sont applicables même si seule une offre de vente sur le fondement de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 a été notifiée ; qu'en effet, la référence relative aux congés pour vendre qui figure à l'intitulé de l'accord n'en restreint pas la portée à ces seuls congés car dans son préambule, il stipule que «les organisations participant à la négociation demandent que l'accord soit étendu à tous les bailleurs mettant en vente plus de dix logements» ; en conséquence, l'accord ne concerne pas seulement la mise en oeuvre des congés pour vendre délivrés dans le cadre de l'application de la loi du 6 juillet 1989 mais également la mise en oeuvre des offres de vente notifiées en vertu de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ; que c'est donc à bon droit que Mme X... se prévaut des informations prévues par l'accord ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur le respect des accords, il est soutenu que la société VALMY n'a respecté que partiellement ses obligations résultant de l'accord collectif susvisé ; qu'il lui est notamment reproché une absence de concertation avec l'association des locataires pour la réalisation des diagnostics et bilans techniques ; que conformément à l'article 2-2 alinéa 1 des accords du 9 juin 1998, «les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques sont examinées entre le bailleur et les associations de locataires représentatives» ; que le diagnostic technique dont les modalités auront été examinées par l'association doit être communiqué aux locataires au plus tard avec l'offre de vente ; que dans le compte rendu de la réunion d'information des locataires du 8 juin 2004, il est spécifié que pour le diagnostic technique, il a été « effectué par la société SIENA INGIENERIE, et est actuellement en cours de rédaction, il sera adressé à chaque locataire avec l'offre de vente, et sera consultable avant, au bureau de vente, dès son ouverture » ; qu'en l'espèce, le bailleur a présenté les diagnostics techniques comme étant réalisés, et en cours de rédaction, mais l'association des locataires n'a pas été consultée sur les modalités de leur mise en oeuvre, notamment sur les conditions de leur réalisation, le choix des bureaux d'études et la mission confiée à ces derniers ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article 2-2 alinéa 1 des accords du 9 juin 1998 n'ayant pas été respectées et ces dernières étant d'ordre public, aucune concertation avec les locataires n'ayant eu lieu sur les modalités de réalisation des diagnostics techniques, il en résulte la nullité de l'offre de vente notifiée à Mme X... le 7 décembre 2004 ;

1°/ ALORS QUE les stipulations de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 sont applicables au seuls locataires ayant reçu congé et non pas à ceux à qui seule, une offre de vente a été faite ; que la cour d'appel, qui a appliqué néanmoins cet accord, tout en ayant relevé que les locataires n'avaient pas reçu congé, a violé le texte susvisé ;

2°/ ALORS QU'aux termes de l'article 2.2 de l'accord collectif national de location de bailleurs institutionnels du 9 juin 1998, le bailleur doit informer les locataires de l'état de l'immeuble et des travaux à prévoir en leur communiquant divers diagnostics et bilans techniques, au plus tard avec l'offre de vente visée à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques étant examinées par le bailleur et les associations de locataires représentatives ; que dans des conclusions restées sans réponse, la société VALMY a fait valoir que, si elle avait fait effectuer le diagnostic technique par une entreprise de son choix, elle avait également porté à la connaissance de l'association des locataires que le diagnostic n'était qu'en cours de rédaction et qu'il serait consultable au bureau de vente avant d'être adressé avec l'offre de vente, que cette information n'avait suscité aucune observation émanant de l'association, qui n'avait pas davantage demandé un complément d'investigation ou même le choix d'une autre entreprise ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen d'où il s'évinçait que les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques n'avaient suscité aucune réaction, de la part des associations de locataires, préalable à l'offre de vente, la cour d'appel qui n'a pas recherché si, dans ces conditions, la concertation et l'information n'avaient pas été complètes et suffisantes mais qui a prononcé la nullité de l'offre de vente a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

3°/ ALORS QUE l'article 2.2. alinéa 1er de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 dispose que les modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques sont examinées entre le bailleur et les associations de locataires, ce qui n'impose pas un accord préalable sur le choix de l'entreprise chargée d'y procéder et sur sa mission, au demeurant déterminée par l'article 2.2. 3ème alinéa du même accord, l'examen pouvait intervenir après la désignation d'un bureau d'études par le bailleur ; qu'en retenant que l'association de locataires n'avait pas été consultée, au préalable, sur les conditions de réalisation des diagnostics, le choix des bureaux d'études et leur mission, pour prononcer en conséquence la nullité de l'offre de vente, la cour d'appel qui a imposé des conditions de validité de l'offre de vente que l'accord n'avait pas prévues a, en statuant ainsi, violé le texte susvisé ;

4°/ ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait imposer un accord portant sur le choix de l'entreprise chargée des diagnostics et sur sa mission, tandis que celle-ci était déjà déterminée ; qu'elle a ainsi derechef violé l'article 2.2.alinéa 1er de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 ;

5°/ ALORS QU'en toute hypothèse, l'article 2.2 de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels du 9 juin 1998 ne stipule pas que l'irrégularité de l'offre de vente serait sanctionnée par la nullité ; qu'en prononçant néanmoins celle-ci, la cour d'appel a violé ces dispositions.

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