Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 mai 2012, 11-18.038, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a confié un mandat de vente exclusif relatif à un appartement de deux pièces situé à Morzine à la société l'Immobilière des Hauts-Forts (la société), le prix prévu étant de 129 581 euros net vendeur ; que ce mandat a été signé par le représentant de la société le 17 décembre 2003 et par la mandante le 16 mars 2004 ; que, dès le 27 décembre 2003, la société a obtenu la signature, par les consorts Y..., d'un document intitulé "avant-contrat de vente" aux conditions fixées par le mandat; que Mme X... a signé ce document le 16 mars 2004 puis a refusé de régulariser la convention par acte authentique ; que les consorts Y... l'ayant assignée pour obtenir la réalisation forcée de l'opération, une transaction, portant sur la vente de l'appartement au prix mentionné par le mandat, est intervenue entre ces parties le 23 novembre 2006 ; que Mme X... a ensuite assigné la société en paiement de dommages-intérêts en invoquant la nullité du mandat et la sous-évaluation manifeste du bien ; que la cour d'appel a annulé le mandat et condamné la société à restituer la commission ;

Attendu que pour rejeter les autres demandes de Mme X... l'arrêt retient que la nullité du mandat a pour effet de "gommer le devoir de conseil inhérent au contexte contractuel" et qu'il n'est pas caractérisé de faute de l'agent immobilier de nature à engager sa responsabilité délictuelle ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, ayant participé à la rédaction de la promesse de vente, la société, consultée par Mme X..., s'était acquittée du devoir de conseil dont elle était tenue envers elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en ses dispositions autres que celles relatives à la nullité du mandat et à la condamnation de la société l'Immobilière des Hauts-Forts à payer à Mme X... la somme de 6 098 euros en restitution de la commission, l'arrêt rendu le 15 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société l'Immobilière des Hauts-Forts aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société l'Immobilière des Hauts-Forts, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Françoise X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame Françoise X... tendant à ce que l'agence l'IMMOBILIERE DES HAUTS FORTS soit condamnée à lui payer la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE Françoise X... a consenti à vendre aux Consorts Y... au prix figurant au mandat nul et porté à l'acte de cession dont elle ne prétend pas qu'il est vil et auquel elle a ainsi adhéré ; qu'est donc inutile à la solution du litige la prescription d'une expertise tendant à déterminer la valeur vénale de l'appartement cédé au moment où il l'a été et il n'y a pas lieu de rechercher si, ainsi que le prétend l'appelante, l'agence a violé son obligation d'information quant à la justesse du prix étant observé que l'absence de mandat ici retenu ou encore sa nullité a pour effet de gommer le devoir de conseil inhérent à un contexte contractuel ; qu'en tout état de cause n'est pas caractérisé au passif de l'agence une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle ; que l'appelante a en outre acquitté ses charges normales de copropriété jusqu'à la date de la cession qui a été différée de son fait ; qu'elle est déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l'agence à lui payer la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE le professionnel responsable de la nullité d'un contrat doit répondre des dommages que son exécution a provoqués ; qu'en affirmant que l'agence immobilière n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle, bien qu'elle ait constaté que la vente préjudiciable à Madame X... avait été conclue à la suite de l'intervention de l'agence, qui agissait en vertu d'un contrat nul pour méconnaître les exigence de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972, de sorte qu'elle devait répondre du dommage causé par son intervention effectuée en violation des règles d'ordre public gouvernant son activité, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QUE le professionnel de l'immobilier est débiteur d'un devoir de conseil à l'égard des parties à l'acte auquel il prête son concours ; qu'en retenant que l'absence de mandat valable déchargeait la société l'IMMOBILIERE DES HAUTS FORTS de tout devoir de conseil, quand l'agence immobilière, consultée par Madame X..., avait concouru à la conclusion d'un avant-contrat de vente et participé à la rédaction de l'acte, ce dont il résultait que le professionnel de l'immobilier était tenu de conseiller la venderesse, nonobstant la nullité du mandat, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3°) ALORS QUE le professionnel de l'immobilier est débiteur d'un devoir de conseil à l'égard des parties à l'acte auquel il prête son concours ; qu'en se bornant à relever, pour débouter Madame X... de sa demande en indemnisation dirigée à l'encontre de la société l'IMMOBILIERE DES HAUTS FORTS, que celle-ci n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'agence immobilière n'avait pas manqué à son devoir de conseil en n'attirant pas l'attention de la venderesse sur l'insuffisance du prix de vente de son bien, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé l'article 1382 du Code civil ;

4°) ALORS QUE le professionnel de l'immobilier est débiteur d'un devoir de conseil à l'égard des parties à l'acte auquel il prête son concours ; qu'en retenant, pour débouter Madame X... de sa demande en indemnisation dirigée à l'encontre de l'agence immobilière, qu'elle avait consenti à vendre son bien au prix, figurant au mandat nul, auquel elle avait ainsi adhéré, quand il appartenait au professionnel de l'immobilier par l'entremise duquel la vente avait été conclue de conseiller la venderesse sur ce prix de vente, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 1382 du Code civil.

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