Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 décembre 2008, 07-43.283, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mai 2007), que M. X..., engagé en qualité de stagiaire le 3 janvier 1983 par la société Gémo services aux droits de laquelle vient la société Vétir puis en qualité de directeur de magasin à compter du 1er janvier 1984 et affecté au magasin de Grasse à partir de juin 1997, a été convoqué le 26 mai 2005 pour recueillir ses explications sur des accusations de "harcèlement moral envers les employées et de discrimination raciale à l'égard de la clientèle" portées par plusieurs employées ou anciennes employées du magasin Gémo de Grasse à son encontre ; que soulignant la mauvaise gestion du personnel, l'employeur a informé le salarié par courrier recommandé du 2 juin 2005 de sa mutation au magasin Gémo de Cosne-sur-Loire à compter du 8 août 2005 en application de la clause de mobilité géographique prévue à son contrat de travail ; que suite à son refus de mutation le 10 juin 2005, le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le 1er juillet 2005 ; que contestant le bien fondé de la mesure prise à son encontre et réclamant le paiement d'indemnités de rupture et de congés payés, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société Vétir fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir ordonné la remise du bulletin de salaire de juin 2005 rectifié, de bulletins de salaire correspondant aux trois mois de préavis, de certificat de travail et de l'attestation Assedic rectifiés en conformité avec l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes du courrier du 2 juin 2005, elle décidait de muter son salarié, directeur de magasin, ayant fait le constat de quatorze démissions en 18 mois caractérisant une gestion défaillante du personnel d'une part, de problèmes relationnels rencontrés avec le directeur régional d'autre part, le tout faisant suite à des accusations, déniées par l'intéressé mais effectivement portées contre lui, de harcèlement et de discrimination; qu'elle précisait enfin que le salarié prendrait la direction d'un autre magasin dont le chiffre d'affaires était plus élevé, dont la baisse d'activité était moins importante et qui ne connaissait aucun problème de personnel ; qu'il en résultait qu'elle avait muté son salarié dans l'intérêt de l'entreprise en l'état de difficultés relationnelles rencontrées avec le personnel de l'entreprise et entravant le bon fonctionnement du magasin dont il assurait la direction ; qu'en affirmant qu'il résultait des raisons de la mutation telles qu'invoquées dans la lettre du 2 juin 2005, qu'elle aurait "sanctionné" le salarié et, partant, fait une utilisation abusive de la clause de mobilité géographique sans respect de la procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la mutation décidée en application d'une clause de mobilité n'est pas abusive du seul fait qu'elle a été décidée pour un motif disciplinaire; qu'il appartient au juge, le cas échéant, de vérifier si le comportement reproché au salarié lui était ou non imputable et justifiait son déplacement; qu'en déduisant l'usage abusif de la clause de mobilité de ce qu'elle aurait imposé au salarié une mutation venant le sanctionner, sans constater que les problèmes de personnel rencontrés par le salarié (démissions nombreuses, accusations diverses, mésentente) n'étaient pas de son fait, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 122-43 du code du travail ;

3°/ que le non-respect de la procédure disciplinaire constitue, le cas échéant, une irrégularité de procédure mais ne rend pas la mutation abusive ; qu'en déduisant l'usage abusif de la clause de mobilité de ce que l'employeur aurait muté le salarié sans respecter la procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 122-43 du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la mutation du salarié avait été décidée par l'employeur pour mauvaise gestion par le salarié du personnel faisant suite à des accusations de harcèlement moral envers ses employés et de discrimination raciale à l'égard de la clientèle, faisant ainsi ressortir un comportement du salarié relevant d'une sanction disciplinaire, la cour d'appel a pu en déduire que l'employeur avait fait un usage abusif de la clause de mobilité et que le refus du salarié de sa mutation qui n'était pas fautif rendait son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vétir aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vétir à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Vétir.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société VETIR à payer au salarié un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et d'AVOIR ordonné la remise par l'employeur du bulletin de salaire de juin 2005 rectifié, de bulletins de salaire correspondant aux trois mois de préavis, du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC rectifiés en conformité avec l'arrêt,

AUX MOTIFS QUE la SARL GEMO SERVICES a entendu Monsieur Robert X... le mai 2005 sur « certaines accusations graves portées contre (lui et son épouse) susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement moral envers les employées et de discrimination raciale à l'égard de la clientèle », après lui avoir indiqué dans son courrier de convocation du 19 mai 2005 qu'elle « pourrait être conduite à engager une procédure de licenciement à l'issue de l'entretien » ; que l'employeur a notifié, par lettre recommandée du 2 juin 2005, au salarié sa mutation à Cosne sur Loire après lui avoir rappelé le déroulement de l'entretien du 26 mai 2005 : demande d'explications sur les courriers reçus du personnel du magasin GEMO de Grasse « relatant des comportements qualifiables de harcèlement moral envers ce personnel et de discrimination raciale à l'égard de la clientèle », négation par le salarié des faits décrits dans ces courriers, explications du salarié rapportées par l'employeur, celui-ci aurait notamment expliqué « avoir été contraint par Monsieur Y..., directeur régional, d'adopter une attitude plus exigeante envers le personnel » ; que l'employeur a par ailleurs souligné dans le même courrier qu'« au-delà des problèmes relationnels invoqués par Monsieur Y..., il ne pouvait plus tolérer le turn-over de personnel anormalement élevé sur les 18 mois… illustration d'une évidente mauvaise gestion de personnel » ; que la SARL GEMO SERVICES a elle-même précisé que « pour toutes ces raisons… », elle a décidé de la mutation du salarié ; que l'employeur a donc imposé au salarié une mutation venant sanctionner sa « mauvaise gestion du personnel » et faisant suite à des accusations de harcèlement moral, et ce sans respecter la procédure disciplinaire ; qu'il s'agit là d'une utilisation abusive de la clause de mobilité géographique, de sorte que le refus de mutation du salarié n'est pas fautif ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de dire le licenciement de Monsieur Robert X... dénué de cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QU'aux termes d'un courrier du 2 juin 2005, l'employeur décidait de muter son salarié , directeur de magasin, ayant fait le constat de 14 démissions en 18 mois caractérisant une gestion défaillante du personnel d'une part, de problèmes relationnels rencontrés avec le directeur régional d'autre part, le tout faisant suite à des accusations, déniées par l'intéressé mais effectivement portées contre lui, de harcèlement et de discrimination ; que l'employeur précisait enfin que le salarié prendrait la direction d'un autre magasin dont le chiffre d'affaires était plus élevé, dont la baisse d'activité était moins importante et qui ne connaissait aucun problème de personnel ; qu'il en résultait que l'employeur avait muté son salarié dans l'intérêt de l'entreprise en l'état de difficultés relationnelles rencontrées avec le personnel de l'entreprise et entravant le bon fonctionnement du magasin dont il assurait la direction ; qu'en affirmant qu'il résultait des raisons de la mutation telles qu'invoquées dans la lettre du 2 juin 2005 que l'employeur aurait « sanctionné » le salarié et, partant, fait une utilisation abusive de la clause de mobilité géographique sans respect de la procédure disciplinaire, la Cour d'appel à violé l'article 1134 du Code civil.

2. ALORS subsidiairement QUE la mutation décidée en application d'une clause de mobilité n'est pas abusive du seul fait qu'elle a été décidée pour un motif disciplinaire ; qu'il appartient au juge, le cas échéant, de vérifier si le comportement reproché au salarié lui était ou non imputable et justifiait son déplacement ; qu'en déduisant l'usage abusif de la clause de mobilité de ce que l'employeur aurait imposé au salarié une mutation venant le sanctionner, sans constater que les problèmes de personnel rencontrés par le salarié (démissions nombreuses, accusations diverses, mésentente) n'étaient pas de son fait, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 122-43 du Code du travail.

3. ET ALORS en outre QUE le non-respect de la procédure disciplinaire constitue, le cas échéant, une irrégularité de procédure mais ne rend pas la mutation abusive ; qu'en déduisant l'usage abusif de la clause de mobilité de ce que l'employeur aurait muté le salarié sans respecter la procédure disciplinaire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 122-43 du Code du travail.
Retourner en haut de la page