Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 9 mars 2005, 04-81.535, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 20 février 2004, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Pierre X... du chef d'importations sans déclaration de marchandises prohibées ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre le 20 janvier 1994 et le 13 mars 1996, la société Delta, dirigée par Pierre X..., a importé des tee-shirts en provenance du Bangladesh ; que des certificats d'origine "Form A" délivrés par les autorités compétentes de ce pays ont permis à la société Delta de bénéficier de l'exemption des droits de douane à l'importation dans le cadre du système des préférences généralisées accordée par la Communauté européenne à certains pays en voie de développement ;

Qu'une enquête menée par la Commission européenne ayant conclu que les tee-shirts en cause ne pouvaient pas bénéficier du régime préférentiel car ils avaient été fabriqués à partir de fils "vraisemblablement importés d'Inde" les certificats Form A ont été "retirés"; que Pierre X... a été poursuivi pour importations sans déclaration de marchandises prohibées, la société Delta étant citée en qualité de solidairement responsable ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 38, 369, 414, 423, 424, 425, 426, 427, 432 bis, 437 alinéa 1, 438, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ainsi que la société Delta ;

"aux motifs que malgré une mission au Bangladesh de 3 semaines, les fonctionnaires de la Communauté ne sont arrivés qu'à une conclusion dubitative sur la vérification de l'origine des matières premières, soit "que les fils étaient vraisemblablement importés d'Inde" ; que l'Administration s'abstient de dire en quoi constitueraient les diligences requises en cette matière par l'importateur, que les conclusions dubitatives de la mission de contrôle n'ont pas permis d'établir formellement que les matières premières utilisées provenaient d'un autre pays que le Bangladesh ;

que la société Delta et son dirigeant ont rempli toutes les obligations mises à leur charge ; qu'ils ont respecté toutes les procédures imposées par le régime douanier préférentiel ; qu'ils ne disposaient pas des moyens leur permettant de déterminer que le fil n'avaît pas été fabriqué au Bangladesh ; que cette éventuelle irrégularité n'était pas raisonnablement décelable ; que rien ne permet de mettre en cause la bonne foi de la société Delta et de son dirigeant ; qu'il a été reconnu que les autorités du Bangladesh avaient manqué à leurs obligations ; que l'avis officiel au Journal officiel des Communautés européennes sur les doutes quant à la validité des certificats n'a été publié qu'au cours du 1er semestre 1997 ; qu'outre les certificats, les marchandises étaient accompagnées d'un certificat d'origine de la chambre de commerce du Bangladesh et d'une licence d'exportation visée par l'organisme officiel de l'Etat exportateur ; qu'il n'est apporté aucune preuve de la vérification sur place par la mission de contrôle de l'usine des sociétés exportatrices qui disposent d'une filature ;

"alors qu'il incombe au prévenu qui, sous le couvert de faux certificats, a frauduleusement bénéficié d'un régime préférentiel de prouver, pour écarter sa responsabilité pénale, qu'il a agi sous l'empire d'une erreur invincible ; que, selon la cour d'appel, cette preuve résulterait de ce que l'enquête entreprise par la commission européenne auprès des autorités du Bangladesh aurait conclu à l'existence d'un doute quant à l'origine des matières premières ; que de ce fait même, c'est à tort que la cour d'appel a déchargé de sa responsabilité pénale le prévenu qui devait en sa qualité d'opérateur spécialisé s'assurer avant d'acquérir le produit qu'aucun doute ne subsistait quant à l'origine des matières premières et des conditions de l'ouvraison au Bangladesh , que la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, dans ses conclusions d'appel, la demanderesse avait expressément fait valoir qu'en sa qualité de professionnel averti intervenant dans un secteur sensible, en termes de concurrence avec l'industrie textile nationale, le prévenu se devait de mettre en oeuvre toutes mesures utiles pour s'assurer de l'origine des matières premières utilisées par les entreprises avec lesquelles il traitait en vue de l'importation massive de tee-shirts, qu'elle ajoutait que pourtant il s'est bien gardé de visiter l'unité de production de chacun de ses vendeurs ; qu'en déclarant, dès lors, que la demanderesse se serait abstenue de dire en quoi constitueraient les diligences requises en cette matière pour l'importateur, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et par là même d'une violation de l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour relaxer Pierre X... en raison de sa bonne foi, l'arrêt relève qu'il a rempli toutes les obligations mises à sa charge dans le cadre de l'importation des tee-shirts en régime préférentiel et qu'à l'évidence il ne disposait pas des moyens lui permettant de déterminer que le fil utilisé au Bangladesh n'avait pas été fabriqué dans ce pays à partir de matières premières produites sur place ; que les juges ajoutent que la mission de contrôle n'est d'ailleurs parvenue elle-même, après un séjour de trois semaines sur place, qu'à une conclusion dubitative et que les certificats ont été retirés pour des motifs étrangers au prévenu ou à sa société ou aux sociétés exportatrices, co-contractantes du prévenu ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 38, 369, 414, 423, 424, 425, 426, 427, 432 bis, 437 alinéa 1, 438, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ainsi que la société Delta et refusé de les condamner au paiement des droits éludés ;

"aux motifs que malgré une mission au Bangladesh de 3 semaines, les fonctionnaires de la Communauté ne sont arrivés qu'à une conclusion dubitative sur la vérification de l'origine des matières premières, soit "que les fils étaient vraisemblablement importés d'Inde" ; que l'Administration s'abstient de dire en quoi constitueraient les diligences requises en cette matière par l'importateur, que les conclusions dubitatives de la mission de contrôle n'ont pas permis d'établir formellement que les matières premières utilisées provenaient d'un autre pays que le Bangladesh ;

que la société Delta et son dirigeant ont rempli toutes les obligations mises à leur charge, qu'ils ont respecté toutes les procédures imposées par le régime douanier préférentiel ; qu'ils ne disposaient pas des moyens leur permettant de déterminer que le fil n'avait pas été fabriqué au Bangladesh ; que cette éventuelle irrégularité n'était pas raisonnablement décelable ; que rien ne permet de mettre en cause la bonne foi de la société Delta et de son dirigeant ; qu'il a été reconnu que les autorités du Bangladesh avaient manqué à leurs obligations ; que l'avis officiel au Journal officiel des Communautés européennes sur les doutes quant à la validité des certificats n'a été publié qu'au cours du 1er semestre 1997 ; qu'outre les certificats, les marchandises étaient accompagnées d"un certificat d'origine de la chambre de commerce du Bangladesh et d'une licence d'exportation visée par l'organisme officiel de l'Etat exportateur, qu'il n'est apporté aucune preuve de la vérification sur place par la mission de contrôle de l'usine des sociétés exportatrices qui disposent d'une filature ;

"alors que la relaxe pour cause de bonne foi ne dispense pas le redevable du paiement des droits fraudés ; qu'en refusant de condamner le prévenu et la société Delta au paiement des droits éludés motifs pris de ce qu'ils seraient de bonne foi, la cour d'appel a violé les articles 369-4 et 377 bis du Code des douanes ;

"alors qu'en tout état de cause, selon l'article 220 2 b du Code des douanes communautaire, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori lorsque le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ; que la remise des droits à l'importation, aux termes de l'article 236-2 du Code des douanes communautaire est accordée sur demande déposée auprès du bureau des douanes concerné avant l'expiration d'un délai de 3 ans à compter de la date de la communication desdits droits à débiteur ; que la demanderesse, en se fondant sur ces dispositions, avait fait valoir que ni le prévenu ni sa société n'avaient déposé aucune demande de remise de droits dans le délai légal expirant le 10 février 2002, soit 3 ans après le procès-verbal de notification d'infraction du 10 février 1999 de sorte qu'ils n'étaient plus recevables à solliciter une telle remise ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour débouter l'administration des Douanes de sa demande en paiement des droits éludés, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état et dès lors que les conditions de forme et de délai invoquées ne sont prévues à l'article 236 du Code des douanes communautaire que pour l'exercice, par l'autorité douanière, de la faculté qui lui est reconnue d'accorder ou non, sur demande ou d'office, la remise des droits à l'importation et ne sont pas opposables à la juridiction saisie, qui a plénitude de compétence pour en apprécier le bien-fondé au regard des seules dispositions de l'article 220.2.b du Code des douanes communautaire, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mme Thin, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, Mmes Salmeron, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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