Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 février 1986, 85-91.357, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par :

- X... Bruno,

contre un arrêt de la Cour d'appel de Douai, 4e Chambre, en date du 7 février 1985 qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 20 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles et a ordonné la publication de la décision ;

LA COUR

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 janvier 1978, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... du chef de publicité mensongère ;

" alors que les faits relevés ne caractérisent pas les éléments constitutifs du délit prévu par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 " ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X..., président-directeur général de la Société Arbat, constructeur de maisons individuelles, a fait paraître une plaquette publicitaire dans laquelle il assurait que les dimensions imposées par le maître de l'ouvrage seraient réalisées ", que le prix serait ferme et définitif, que le délai de construction serait " court et précis ", enfin que " toutes les formalités, études, permis de construire, demandes de prêts, etc., étaient incluses dans le prix " ; que sur la foi de cette publicité, les époux Y... ont, le 26 novembre 1977, conclu avec la société un contrat de construction d'une maison livrable dans le délai de 7 mois au prix de 431 000 francs ; que peu après le début des travaux, un litige s'est élevé entre les parties ; que, sur plainte desdits époux, la Direction de la concurrence et de la consommation a, le 24 juin 1981, dressé procès-verbal contre X..., pour publicité de nature à induire en erreur ; que renvoyé devant la juridiction correctionnelle par le juge d'instruction, X... a été déclaré coupable dudit délit et condamné à indemniser les parties civiles ;

Attendu que pour statuer ainsi, les juges ont retenu que contrairement aux assertions formulées dans le document publicitaire incriminé, les caractéristiques de la maison construite pour le compte des époux Y... n'étaient pas, en dehors des modifications demandées par ceux-ci, conformes à celles qui avaient été annoncées, que des suppléments de prix avaient été exigés pour des travaux pourtant prévus au devis, que le chantier, ouvert en 1978, n'était pas achevé en 1984, en raison de retards dont certains étaient imputables à X..., enfin que la carence du prévenu avait contraint les époux précités à rechercher eux-mêmes les aides financières nécessaires ;

Attendu qu'en cet état, la Cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments le délit prévu par l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 dès lors qu'il découlait de ses constatations que la publicité incriminée contenait des indications inexactes sur le prix des services offerts et la portée des engagements de l'annonceur ; qu'il n'importe que le contrat individuel de construction passé par les plaignants ait stipulé à la charge du constructeur des obligations réduites par rapport aux engagements figurant dans la publicité, dès lors que celle-ci avait précisément pour but d'attirer la clientèle en vue de l'amener à conclure de tels contrats ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, de l'article 10 du même Code dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 décembre 1980 et de l'article 1382 du Code civil ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile des époux Y...- Z..., leur a accordé une indemnité provisionnelle de 10 000 francs et a désigné M. A..., expert comptable, avec pour mission de rechercher tous les éléments permettant de déterminer l'étendue de leur préjudice ;

" alors, d'une part, que l'exercice de l'action civile est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; que X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, par la diffusion d'une plaquette publicitaire, commis le délit de publicité de nature à induire en erreur ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'information ouverte le 28 septembre 1981 à l'encontre du demandeur a eu pour base un procès-verbal de la direction de la concurrence et de la consommation en date du 24 juin 1981 ; que ce procès-verbal comporte en annexe IV le contrat de construction signé le 26 novembre 1977 par les époux Y...-Z... ; que ce contrat stipule en toutes lettres que la publicité ne peut en aucune manière être réputée contractuelle et servir de référence ; que, dès lors, ainsi que le soutenait le Ministère public devant la Cour, au moment de la signature du contrat, les époux Y... étaient parfaitement au courant de tous les éléments contenus dans le contrat ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt que les préjudices invoqués par les époux Y... proviennent pour partie de la distorsion entre les affirmations contenues dans la plaquette publicitaire et les stipulations du contrat de construction librement signé par eux et pour partie de l'exécution par la Société ARBAT de ses obligations contractuelles non comprises dans la poursuite ; qu'il faut en déduire que c'est à tort que l'arrêt attaqué a énoncé que le dommage allégué par les époux Y...-Z... était en relation directe avec l'infraction reprochée à X... et a déclaré recevable leur constitution de partie civile ;

Alors, d'autre part, que l'éventuel délit de publicité de nature à induire en erreur commis par le demandeur a nécessairement pris fin à l'égard des époux Y... le jour de la signature du contrat de construction avec la Société Arbat écartant toute référence à la publicité, c'est-à-dire le 26 novembre 1977, et que par voie de conséquence - contrairement à ce qu'a jugé l'arrêt attaqué qui a estimé que la prescription de trois ans ne court qu'à compter de l'achèvement des travaux - l'action civile soumise au régime antérieur à la loi du 23 décembre 1980 était prescrite le 27 novembre 1980 " ;

Attendu qu'après avoir décidé que le délai de prescription de l'action publique n'avait pu commencer à courir tant que les victimes n'avaient pas été en mesure de constater le défaut de conformité entre ce qui était promis et ce qui était réalisé, les juges ont fait l'exacte application de l'article 10 du Code de procédure pénale en recevant l'action civile intentée accessoirement aux poursuites pénales en vue de la réparation des dommages causés par l'infraction ;

Attendu en outre que s'il est vrai que les parties civiles ne sauraient invoquer l'existence d'un préjudice en relation avec la publicité incriminée dans la mesure où certains des avantages qui y étaient mis en valeur étaient expressément écartés par le contrat librement conclu par elles, il résulte des motifs du jugement adoptés par la Cour qu'il n'en a été ainsi qu'en ce qui concerne la promesse de mise en place d'un financement à laquelle le contrat a substitué une simple obligation de renseignement ; qu'en revanche, sur les autres points, il n'importe que le contrat ait stipulé que la publicité " ne pouvait être réputée contractuelle " dès lors qu'il ne faisait que confirmer les engagements pris par l'annonceur et qu'ainsi les parties civiles n'avaient pu être, dès la signature du contrat, éclairées sur le caractère fallacieux des promesses initialement faites ;

Que dès lors ce moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 265 du nouveau Code de procédure civile, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a donné mission a l'expert-comptable de rechercher tous les éléments permettant de déterminer l'étendue exacte du préjudice subi par les époux Y...-Z..., parties civiles ;

" alors qu'aux termes de l'article 265 du nouveau Code de procédure civile, la décision qui ordonne une expertise doit énoncer les chefs de la mission de l'expert et que l'arrêt, qui ne s'est pas expliqué sur les dommages subis par les parties civiles résultant directement de l'infraction poursuivie, ne met pas l'expert en mesure de remplir sa mission ; "

Attendu qu'après avoir rappelé les divers chefs de préjudice invoqués par la partie civile, la juridiction du second degré a chargé l'expert de rechercher les éléments permettant de déterminer l'étendue du dommage ;

Attendu que contrairement à ce que prétend le demandeur, cette disposition de l'arrêt définit suffisamment la mission de l'expert pour mettre celui-ci en mesure de l'accomplir ;

D'où il suit que ce moyen doit lui aussi être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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