Cour de Cassation, Chambre sociale, du 17 janvier 1996, 92-42.031, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X..., engagé le 19 janvier 1970, en qualité d'ouvrier, par la Société industrielle de levure Fala, a été victime d'un accident du travail le 13 février 1986 et en arrêt de travail jusqu'au 4 octobre 1987 ; que le 5 octobre 1987 l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à son licenciement puis licencié par lettre du 26 octobre 1987, pour faute lourde, en invoquant des faits commis avant la suspension du contrat de travail mais dont il avait eu connaissance, au cours de cette suspension, le 24 février 1986 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 16 mars 1992) d'avoir déclaré le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné au paiement d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen, que le délai de prescription de 2 mois prévu par les dispositions de l'article L. 122-44 du Code du travail est suspendu pendant la période de suspension du contrat de travail prévue par l'article L. 122-32-1 du même Code, dès lors que les faits invoqués à l'appui du licenciement ont été commis antérieurement à la période de suspension et qu'ils n'ont été révélés à l'employeur qu'au cours de cette période ; qu'après avoir constaté que les malversations commises par le salarié antérieurement à son accident du travail n'avaient été découvertes qu'au cours de la période de suspension du contrat de travail qui s'en est suivie la cour d'appel, qui, au lieu de rechercher si les malversations précitées constituaient un motif réel et sérieux de licenciement, a considéré que les faits étaient prescrits à l'issue de la période de suspension, lorsque l'employeur a engagé la procédure de licenciement, a violé par fausse application les dispositions de l'article L. 122-44 du Code du travail, et, par refus d'application, celles des articles L. 122-32-1 et L. 122-32-2 du même Code ; alors, en outre et subsidiairement, que l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail au cours de la période de suspension du contrat, qu'à la condition que les fautes invoquées caractérisent l'existence d'une faute grave ; qu'en se bornant à constater, de manière inopérante, que l'employeur avait, dans la lettre de licenciement invoqué l'existence d'une faute lourde, sans rechercher si les détournements commis par le salarié caractérisaient l'existence d'une faute grave ayant rendu impossible la poursuite du contrat de travail, y compris pendant la durée du délai de préavis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 122-32-2 du Code du travail ; alors, enfin, qu'un employeur ne peut valablement convoquer un salarié à un entretien préalable à un licenciement lorsque celui-ci n'a pas la possibilité de s'y rendre ; qu'en se bornant à affirmer, par un motif d'ordre général, que l'employeur aurait pu convoquer le salarié à un entretien préalable pendant la période de suspension, sans rechercher si le salarié avait, malgré l'accident de travail dont il était victime, la possibilité de se rendre à l'entreprise pour un entretien, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 122-14 du Code du travail ;

Mais attendu qu'une procédure de licenciement, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, peut être engagée au cours des périodes de suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle ; que, dès lors, le délai de prescription de 2 mois prévu à l'article L. 122-44 du Code du travail pour engager une procédure disciplinaire n'est pas suspendu ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail ;

D'où il suit que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait eu connaissance des faits fautifs reprochés au salarié le 24 février 1986 et n'avait engagé la procédure de licenciement que le 5 octobre 1987, soit après l'expiration du délai de 2 mois, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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