Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mars 2014, 13-10.021, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... employée depuis le 1er novembre 1975 en qualité de secrétaire par M. Y..., qui dirige un cabinet d'assurances MMA, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir sa condamnation à lui payer des sommes à titre de primes diverses et de rappels de salaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de confirmer, par substitution de motifs, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes l'ayant déboutée de sa demande de rappel de primes, alors, selon le moyen :

1°/ que la convention collective signée le 2 juin 2003, se substituant à la précédente convention collective laissait intacte la structure de la rémunération antérieurement appliquée par les parties au contrat de travail ; qu'il était expressément prévu que la structure de la rémunération pouvait être modifiée par accord négocié des parties ; qu'en affirmant que les primes antérieures avaient été supprimées par la nouvelle convention collective quand celle-ci se bornait à fixer un minimum conventionnel à la rémunération et laissait les parties libres de négocier une nouvelle structure de la rémunération, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 31 et 34 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances ;

2°/ qu'en vertu de l'article 61 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances signée le 2 juin 2003 prévoyant le maintien des avantages acquis par le salarié antérieurement à sa date de signature, le salarié en fonction à cette date doit continuer à bénéficier des différentes primes qui lui sont versées conformément au régime antérieur ; qu'en l'espèce, les primes de treizième mois, d'ancienneté et de vacances constituaient des avantages acquis à Mme X... antérieurement à la convention collective nouvellement signée, peu important l'origine contractuelle ou conventionnelle de ces avantages ; qu'en considérant que la signature de la nouvelle convention collective faisait perdre à la salariée le bénéfice de ces avantages, la cour d'appel a violé l'article 61 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la structure de la rémunération dont bénéficiait la salariée ne résultant que de dispositions conventionnelles, modifiées par la nouvelle convention conclue le 2 juin 2003, sans qu'un avantage individuel ait été acquis à ce titre, la cour d'appel qui a vérifié que le montant de la rémunération n'avait pas subi de réduction a retenu à bon droit que la clause contenue à l'article 61 de cette convention ne permettait pas à l'intéressée de prétendre au maintien de la structure de la rémunération antérieure ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 16 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire, l'arrêt retient que Mme X... prétend à sa requalification en classe 4 de la convention collective, que pour s'opposer à cette demande l'employeur soutient que sa salariée n'a pas contesté la classification dont elle a fait l'objet dans le délai de deux mois, conventionnellement fixé, qu'en
effet il ne résulte pas des pièces versées aux débats ni des écritures de l'appelante que celle-ci, avant la présente instance, ait contesté dans le délai de deux mois à compter de la notification de sa reclassification qu'elle ne conteste pas, celle retenue par l'employeur, ni saisi la commission paritaire professionnelle de conciliation et/ou d'interprétation tel que prévu par les dispositions conventionnelles de l'article 16 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de contestation par la salariée de sa classification dans les formes et délais prévus par la convention collective et de saisine de la commission paritaire de conciliation ne pouvait valoir renonciation de la salariée à contester judiciairement sa nouvelle classification professionnelle et la priver du droit de soumettre cette contestation à une juridiction, la cour d'appel à qui il appartenait de déterminer, au regard des fonctions réellement exercées par la salariée, si la nouvelle classification qui lui était attribuée par l'employeur était conforme aux dispositions conventionnelles, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la demande relative à la classification et au rappel de salaire correspondant et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé, par substitution de motifs, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims, d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de rappels de prime, de l'AVOIR condamnée à payer à son employeur la somme de 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE « - sur les demandes en paiement de rappel de primes Il est constant que Maria X... a été embauchée à compter du 1er novembre 1975 par le cabinet d'assurances MMA dirigé par Hubert Y... sans que soit établi de contrat écrit.
La rémunération et la structure de cette rémunération, comme en attestent les bulletins de salaires versés aux débats résultent de la stricte application de la convention collective du personnel des agences générales d'assurances, en sa rédaction alors applicable.
Il est également constant que le 2 juin 2003 a été signée une nouvelle convention collective qui s'est expressément substituée à la précédente, sont se prévaut Maria X....
L'arrêté d'extension du 9 décembre 20003 rendait applicable le 1er jour du mois suivant la publication de l'arrêté d'extension la convention collective.
L'arrêté d'extension a été publié le 18 décembre 2003.
La convention collective devenait applicable le 1er janvier 2004.
L'article 57 de cette convention collective désormais applicable laissait aux agences générales d'assurances, un délai de 12 mois à compter de la date d'effet de la convention pour se mettre en conformité.
Conformément à ces dispositions, Hubert Y... a pu, sans que sa salariée ne puisse lui en faire grief, se mettre en conformité avec cette nouvelle convention collective à compter du 1er janvier 2005.
La convention collecte du 23 mars 1994, en son titre III énonçait qu'à la rémunération minimale s'ajoutaient des primes d'ancienneté, de savoir-faire pour les salariés de la catégorie A, de prime de 13ème mois et de prime de vacances. Aces dispositions s'est conventionnellement substituée la rémunération effective que définit l'article 31 de la nouvelle convention collective du 2 juin 2003.
Cette rémunération effective inclut notamment le salaire de base, les primes et gratifications exceptionnelles et les heures supplémentaires.
Au soutien de sa demande, Maria X... fait valoir que faisant fi de ses avantages individuels acquis, son employeur a, sans son accord, modifié son contrat de travail.
Il convient de rappeler que la convention collective est en principe d'application automatique et impérative.
Une modification de la règle conventionnelle s'applique au contrat de travail, sans que le salarié ne puisse utilement se prévaloir d'une modification de son contrat de travail.
En l'espèce, en l'absence de contrat écrit liant les parties, la structure de la rémunération versée à Maria X... résulte des dispositions conventionnelles.
La modification de cette structure, telle que visée par l'article 31 de la nouvelle convention collective s'impose au salarié, sans que Maria X... ne puisse invoquer une modification de son contrat de travail.
Pour prétendre au paiement de rappel de primes, Maria X... invoque le bénéfice des dispositions de l'article 61 de la nouvelle convention collective, prévoyant le maintien des avantages individuels acquis.
Il n'est pas contesté qu'au jour de la signature de la nouvelle convention collective, Maria X... bénéficiait d'une prime d'ancienneté, d'une prime de vacances et d'une prime de 13ème mois, qui constituait autant de droit ouverts au profit de la salariée.
En revanche, le mode de calcul de ces primes ne constituent pas des avantages individuels acquis.
Dès lors que la rémunération de Maria X... était déterminée par des dispositions conventionnelles et non contractuelles, celle-ci ne peut soutenir que son employeur a modifié, sans son accord, une clause contractuelle.
Aux termes de l'article 31 de la convention collective désormais applicable, la rémunération effective d'un salarié comprend notamment :
- Le salaire de base
- Des heures supplémentaires
- Des primes et gratifications récurrentes
- Des peines et gratifications exceptionnelles.
Il ressort de l'examen des bulletins de salaires versés aux débats que postérieurement au 1er janvier 2005, ceux-ci mentionnent les « appointements » et les heures supplémentaires, sans mentionner comme précédemment la prime d'ancienneté et la prime de 13ème mois.
Il importe dès lors de s'assurer que la rémunération de la salariée n'a pas été minorée.
L'examen comparatif de ses bulletins de salaires (avant et après application de la nouvelle convention collective) permet de s'assurer que la salariée a vu sa rémunération progresser au fil des ans, pour une somme (hors heures supplémentaires) supérieure aux minima annuels bruts déterminés pour l'application de la convention collective du 2 juin 2003.
La décision déférée sera donc confirmée, qui a débouté Maria X... en ses demandes en paiement de rappel de primes » ;

1°) ALORS QUE la convention collective signée le 2 juin 2003, se substituant à la précédente convention collective laissait intacte la structure de la rémunération antérieurement appliquée par les parties au contrat de travail ; qu'il était expressément prévu que la structure de la rémunération pouvait être modifiée par accord négocié des parties ; qu'en affirmant que les primes antérieures avaient été supprimées par la nouvelle convention collective quand celle-ci se bornait à fixer un minimum conventionnel à la rémunération et laissait les parties libres de négocier une nouvelle structure de la rémunération, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 31 et 34 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances ;

2°) ALORS QU'en vertu de l'article 61 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances signée le 2 juin 2003 prévoyant le maintien des avantages acquis par le salarié antérieurement à sa date de signature, le salarié en fonction à cette date doit continuer à bénéficier des différentes primes qui lui sont versées conformément au régime antérieur ; qu'en l'espèce, les primes de treizième mois, d'ancienneté et de vacances constituaient des avantages acquis à Madame X... antérieurement à la convention collective nouvellement signée, peu important l'origine contractuelle ou conventionnelle de ces avantages ; qu'en considérant que la signature de la nouvelle convention collective faisait perdre à la salariée le bénéfice de ces avantages, la Cour d'appel a violé l'article 61 de la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances, ensemble l'article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé par substitution de motifs le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims, d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de rappels de salaires, de l'AVOIR condamnée à payer à son employeur la somme de 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE « - sur les demandes en paiement de rappel de salaires Maria X... prétend à sa requalification en classe 4 de la convention collective.
Pour s'opposer à cette demande, l'employeur soutient que sa salariée n'a pas contesté la classification dont elle a fait l'objet dans le délai de 2 mois, conventionnellement fixé.
En effet, il ne résulte pas des pièces versées aux débats ni écritures de l'appelante que celle-ci, avant la présenté instance ait contesté, dans le délai de 2 mois à compter de la notification de sa reclassification qu'elle ne conteste pas, celle retenue par l'employeur, ni saisi la commission paritaire professionnelle de conciliation et/ou d'interprétation tel que prévu par les dispositions conventionnelles de l'article 16.
La décision déférée sera confirmée qui a débouté Maria X... en ce chef de demande » ;
ALORS QUE le droit d'un salarié de contester judiciairement sa classification professionnelle n'est pas subordonné au respect de la procédure conventionnelle de contestation de celle-ci ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, sans examiner au fond la situation réelle de la salariée au regard de ses activités effectives, a rejeté sa demande de reclassification sur le seul fondement du non-respect de la procédure conventionnelle ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 16 de la convention collective nationale des agences générales d'assurances, et l'article 1134 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00587
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