Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2010, 09-66.319, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu que le 10 février 1998, la société Mather et Platt, aux droits de laquelle se présente la société Tyco Europe, a conclu une convention cadre d'audit global avec la société Alma Consulting Group, conseil en management d'entreprises ; que le 18 octobre 2000, ce contrat cadre a été complété par une "convention A.T. Accidents du travail" ayant pour objet "l'audit de l'entreprise signataire et l'entremise par le Groupe Alma, agréé par l'Office professionnel pour la qualification des conseils en management (OPQCM) entre l'entreprise signataire et les organismes sociaux, aux fins d'obtention d'éventuelles économies de tarification Accidents du travail ", et définissant la mission de la société d'audit dans les termes suivants : " le Groupe Alma s'engage à procéder, pour le compte de l'entreprise signataire, à l'analyse de la tarification du risque Accidents du travail. La mission du Groupe Alma consiste à faire rechercher toute imputation de coûts juridiquement infondée et, de manière générale, toute possibilité d'obtenir des économies par le biais de toute réduction de taux, notamment de la modification des taux initialement notifiés par la sécurité sociale et/ou par le biais de la modification des éléments de calcul des taux à venir. Au terme de cette étude, le Groupe Alma s'engage à entreprendre toutes démarches nécessaires en vue de l'obtention d'économies. Le Groupe Alma fera appel, à ses frais, aux services de tout expert ou praticien, et notamment de cabinets d'avocats spécialisés, aux fins d'impératifs techniques ou légaux ... si la mission met en évidence la nécessité d'effectuer des démarches contentieuses, le Groupe Alma, selon la procédure retenue, fera traiter le dossier par son service médical ou saisira l'avocat choisi par les parties et lui transmettra les documents et informations collectées, ainsi que les tableaux élaborés. L'avocat sera responsable de la procédure judiciaire. Pour sa part, le Groupe Alma, en qualité de maître d'oeuvre, veillera à ce que l'avocat réalise dans les meilleurs délais les diligences nécessaires, coordonnera l'intervention de l'avocat avec celle des experts ou praticiens intervenant sur le dossier et en rendra compte à l'entreprise signataire" ; qu'ayant des doutes sur la licéité de la mission confiée au groupe Alma en raison de sa " très forte connotation juridique ", la société Tyco Europe a dénoncé la convention ; que la société d'audit a accepté la résiliation du contrat, mais réclamé le paiement de diverses factures dont le recouvrement a été poursuivi judiciairement, le Conseil national des barreaux (CNB) et le Syndicat des conseils opérationnels en optimisation (Syncost) intervenant volontairement à l'instance ;

Sur la recevabilité du pourvoi du CNB, contestée par le Syncost et la société Alma Consulting Group :

Attendu que le Syncost soutient que le pourvoi formé par le CNB en qualité d'intervenant accessoire devant la juridiction de fond est irrecevable en l'absence de pourvoi formé par la partie principale ;

Mais attendu que l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, déclare recevable l'intervention formée, à titre principal et non accessoire, par le CNB pour réclamer qu'il soit fait injonction à la société Alma Consulting Group de cesser les pratiques litigieuses, ainsi que sa condamnation à lui payer des dommages-intérêts, élevant ainsi des prétentions à son profit ; d'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Et attendu que la société Alma Consulting Group qui, dans son mémoire du 9 novembre 2009 n'a soulevé aucune fin de non-recevoir, n'est pas recevable à en invoquer une par mémoires des 4 février et 30 juillet 2010 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, ainsi que l'arrêté du 19 décembre 2000, modifié par l'arrêté du 28 février 2001, conférant l'agrément aux consultants ou ingénieurs-conseils qui exercent leur activité dans les secteurs du conseil pour les affaires, la gestion et la sélection ou la mise à disposition de personnel ;

Attendu qu'aux termes du deuxième de ces textes, les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ;

Attendu que pour débouter le CNB de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Alma Consulting Group de cesser ses activités de consultation juridique, après avoir relevé, d'une part, qu'un agrément ministériel avait été conféré pour la pratique du droit aux consultants exerçant leurs activités dans "les secteurs du conseil pour les affaires ou la gestion et pour la sélection et la mise à disposition de personnel", estimant que la mention " finances " figurant sur les certificats de la société de conseil correspondait, comme l'avait confirmé l'organisme professionnel de qualification des conseils en management, à une activité d'audit aux fins de réduction des coûts dans le domaine des taxes et redevances, des cotisations sociales et des cotisations au titre des accidents du travail et, d'autre part, que la société Alma Consulting Group bénéficiait de la qualification OPQCM pour son activité " finances et généraliste des PME/PMI ", l'arrêt constate que la mission du consultant, se décomposant en deux temps, consistait à détecter les anomalies dans l'application de la tarification du risque "accidents du travail ", puis à délivrer des conseils en cas d'erreurs ou d'irrégularités relevées et retient que le travail de consultation juridique n'intervenait qu'une fois l'audit achevé et uniquement en cas de recours envisagés dans les affaires les plus complexes, une simple information juridique étant suffisante pour corriger les erreurs simples, et relevait ainsi directement de l'activité principale d'audit ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en amont des conseils donnés en phase contentieuse, la vérification, au regard de la réglementation en vigueur, du bien-fondé des cotisations réclamées par les organismes sociaux au titre des accidents du travail constitue elle-même une prestation à caractère juridique, peu important le niveau de complexité des problèmes posés, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à démontrer que, dans leur ensemble, les consultations juridiques offertes relevaient directement de l'activité principale de conseil en affaires, gestion et sélection ou mise à disposition de personnel en considération de laquelle l'agrément ministériel a été conféré et, partant, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

Déclare recevable le pourvoi du CNB ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le CNB de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Alma Consulting Group de cesser toute activité en violation de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, l'arrêt rendu le 5 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne le Syncost et la société Alma Consulting Group aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Conseil national des barreaux

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR, par confirmation du jugement entrepris, dit valable le contrat conclu le 18 octobre 2000 entre la SAS ALMA CONSULTING GROUP et la SAS TYCO EUROPE -MATHER & PLATT et, en conséquence, d'AVOIR débouté le CNB de ses demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la SAS ALMA CONSULTING GROUP de cesser d'exercer toute activité en violation de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et de mettre un terme à toutes les conventions passées par elle, en violation des dispositions de la loi du 31 décembre 1971,

AUX MOTIFS QUE, sur la demande en nullité du contrat conclu le 10 octobre 2000 et au regard des articles 1, 3, 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, «aux termes de l'article 4 susvisé, nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation et les avoués près les cours d'appel ; que le contrat du 18 octobre 2000 stipule que le groupe ALMA fera appel à ses frais aux services de tout expert ou praticien, notamment de cabinets d'avocats spécialisés, que si la mission met en évidence la nécessité d'effectuer des démarches contentieuses, le groupe ALMA, selon la procédure retenue, saisira l'avocat choisi par les parties qui sera responsable de la procédure judiciaire, le groupe ALMA veillant à ce que ce dernier réalise les diligences nécessaires dans les meilleurs délais tout en coordonnant son intervention et celle des experts ou praticiens ; que la société ALMA CONSULTING GROUP n'a jamais représenté ses clients devant les tribunaux, ni directement ni indirectement, puisqu'elle a fait appel aux services d'un avocat chaque fois qu'il a été nécessaire de recourir à une procédure contentieuse ; il ne peut lui être fait grief de décider, en accord avec son client tenu informé des démarches en cours, comme le démontrent les courriers adressés à la société TYCO, de recourir à une procédure contentieuse, d'interjeter appel ou de se désister, cette décision n'appartenant pas à l'avocat mais à son client auquel il doit apporter les renseignements et conseils pour lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause ; que le fait de préparer une lettre de réclamation amiable ou de demande de rectification de taux pour simplifier les démarches de son client ne constitue ni une assistance ni une représentation des parties devant les juridictions, étant précisé que la commission de recours amiable de la CPAM ne peut être considérée comme une juridiction même si les décisions qu'elle prend doivent être notifiées car elles font courir le délai de recours ; que la présence d'un médecin expert missionné par la société ALMA lors d'une réunion d'expertise ne constitue pas un atteinte au monopole de représentation des parties devant les juridictions ; il est en effet fréquent qu'une partie se fasse assister, lors des opérations d'expertise, par un technicien susceptible d'intervenir avec pertinence dans un domaine dont la spécificité échappe à l'avocat ; c'est bien le cas dans la sphère médicale ; que c'est en vain que la société TYCO soutient ne pas avoir choisi son avocat alors que la convention prévoit que ce choix est effectué d'un commun accord entre les contractants et que dans les faits elle a effectivement pu confier certaines procédures à un autre avocat en la personne de Maître Z..., sans se heurter au refus de la société ALMA CONSULTING GROUP ; la seule obligation mise à la charge de la société cliente était de ne pas engager d'actions aux mêmes fins que celles visées au contrat sans l'accord de la société ALMA, clause qui se justifiait par le mode de rémunération sur la base d'un pourcentage des économies réalisés ; qu'il ne peut davantage être déduit de la prise en charge des honoraires de l'avocat par la société ALMA CONSULTING GROUP une méconnaissance du principe d'indépendance de l'avocat qui peut être rémunéré par un mandataire du client ; aucune clause du contrat ne faisait obstacle aux relations directes entre l'avocat et son client qui disposait des coordonnées du conseil choisi ; en s'assurant que l'avocat choisi effectuait les diligences nécessaires dans les meilleurs délais, la société ALMA CONSULTING GROUP accomplissait son devoir de mandataire ce qui ne signifie pas que l'avocat perdait son indépendance au détriment de l'intérêt que son client, ni qu'il devenait un sous-traitant aux ordres de la société ALMA CONSULTING GROUP, alors que la convention prévoit que «l'avocat sera responsable de la procédure judiciaire» ; l'avocat était bien évidemment tenu de toutes ses obligations de diligences, de conseil, d'information, et devait rendre compte de son intervention à la société ALMA agissant en qualité de mandataire, sans qu'il lui soit fait interdiction de s'adresser directement au client pour lequel il intervenait ; aucune pièce du dossier ne démontre que l'avocat choisi n'avait pour interlocuteur que la seule société ALMA et ne pouvait avoir de contacts avec son client ; que ce moyen de nullité ne peut prospérer …» (arrêt attaqué p.20 et 21) ; QUE, au regard de l'article 111 du décret du 27 novembre 1991, «la société TYCO soutient que la société ALMA CONSULTING GROUP a sous traité l'exécution de ses prestations commerciales à un avocat contrevenant ainsi à l'article 111 qui dispose que la profession d'avocat est incompatible avec toutes les activités à caractère commercial ; en réalité la société ALMA CONSULTING GROUP n'a pas sous-traité ses prestations commerciales mais a confié à un avocat, comme la loi lui en fait l'obligation, le soin de poursuivre les procédures lorsque les recours amiables, considérés comme justifiés après son travail d'audit, n'ont pas abouti ; le recours à un avocat était expressément prévu par le contrat ; une telle clause n'est pas illicite et ne compromet pas l'indépendance de l'avocat choisi qui peut mener à bien sa mission dans le respect des règles déontologiques …» (p.22) ; … ;

QUE, au regard des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971, «selon l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, nul ne peut, directement ou par personne interposée, donner des consultations juridique ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui, s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66 ; les personnes mentionnées aux articles 56, 57 58 sont réputées posséder cette compétence juridique ; pour les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée mentionnée à l'article 29, elle résulte des textes les régissant ; pour chacune des activités non réglementées visées à l'article 60, elle résulte de l'agrément donné pour la pratique du droit à titre accessoire de celle-ci, par un arrêté qui fixe les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes pratiquant le droit sous l'autorité de ces organismes ; l'article 60 dispose que les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ; qu'il ressort de ces textes que pour donner des consultations juridiques, les personnes qui exercent une activité non réglementée, ce qui est le cas de la société ALMA CONSULTING GROUP, doivent justifier d'un agrément donné par la pratique du droit laquelle doit être accessoire de son activité principale et en relever directement ; la société ALMA CONSULTING GROUP fait valoir qu'elle ne délivre pas de consultations juridiques mais réalise un audit technique dont l'objectif est la réduction des coûts par la remise en cause des taux ; une simple analyse juridique des dossiers d'accidents du travail ne saurait correspondre à une consultation juridique qui excède le simple conseil ; que la consultation juridique a été ainsi définie par une réponse ministérielle du 8 juin 1992 : «La consultation est une prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis concourant par les éléments qu'il apporte à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation et donc distincte de l'information à caractère documentaire qui consiste à renseigner un interlocuteur sur l'état du droit ou de la jurisprudence relativement à un problème donné» ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu de mission daté du 20 septembre 2002 et de la lettre adressée par la société TYCO à la CPAM de Haute Garonne le 8 juin 2001 à propos du dossier de Pascal A... que le travail réalisé par la société ALMA CONSULTING GROUP, une fois la phase d'audit achevée, excède la simple information juridique et constitue une véritable consultation juridique comprenant une analyse des faits au regard des textes en vigueur et de la jurisprudence, destinée à permettre une prise de décision (par exemple : «notre service médical vous a proposé d'engager un contentieux … le mémoire que nous vous avons transmis en ce sens a été adressé par vos soins au TCI», «nous vous avons proposé de saisir la commission de recours amiable de la CPAM de Toulouse d'un recours visant à obtenir pour ces motifs – méconnaissance de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale – inopposabilité à votre entreprise des dépenses liées au sinistre» ) ; il a ainsi été proposé à la société TYCO d'adresser un recours amiable très circonstancié et comprenant une analyse juridique adaptée à chaque situation, même si pour certains dossiers, des recours types ont pu être préparés et, en cas de rejet de ce recours, d'engager une procédure contentieuse ; que ce travail correspond à la définition de la consultation juridique ; que ces consultations juridiques constituent bien l'accessoire de l'activité principale de la société ALMA CONSULTING GROUP ; en effet, l'activité principale de la société ALMA CONSULTING GROUP consiste dans l'audit opérationnel de réduction des coûts supportés par les entreprises et en l'espèce dans l'audit de la tarification du risque «accidents du travail» ; sa mission, selon les termes de la convention du 18 octobre 2000, est de faire rechercher toute imputation des coûts juridiquement infondés et de manière générale toute possibilité d'obtenir des économies par le biais de toute réduction de taux et/ou de la modification des éléments de calcul des taux à venir ; elle se déroule en plusieurs étapes : collecte d'information, planification de l'opération, expertise, production du dossier d'expertise, présentation du dossier aux instances décisionnelles du client puis suivi des actions nécessaires à l'obtention des économies ; qu'après le travail d'audit proprement dit à partir des documents produits et l'avis du service médical interne au groupe, l'auditeur adresse au client un compte rendu de mission soit concluant à l'absence d'anomalie ce qui met fin à la mission, soit présentant ses observations sur l'organisation interne du traitement de la tarification du risque accidents du travail, et proposant des actions correctives en terme de management ou de recours ; la consultation juridique n'intervient donc qu'une fois l'audit achevé et uniquement lorsque des recours sont envisagés pour les affaires les plus complexes, la simple information juridique étant suffisante pour les erreurs simples décelées par l'audit ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que les consultations juridiques effectuées par la société ALMA CONSULTING GROUP pour le compte de la société TYCO n'ont porté que sur la tarification accidents du travail de sorte qu'elles relèvent directement de l'activité principale exercée par celle-ci ; que la société ALMA CONSULTING GROUP justifie qu'elle bénéficie depuis 1991 de la qualification professionnelle OPQCM et produit aux débats l'ensemble des certificats obtenus dont le certificat de qualification professionnelle pour la période du 28 janvier 1998 à janvier 2001, valable lors de la conclusion du contrat avec la société TYCO, portant sur les activités «finances» et «généraliste PME/PMI» avec mention du code NAF 748 K ; Que selon l'arrêté du 19 décembre 2000 conférant l'agrément prévu par l'article 54-1 de la loi du 31 décembre 1971, cet agrément est conféré aux consultants qui exercent leur activité dans les secteurs «conseil pour les affaires ou la gestion» code NAF 75.IG et «sélection et mise à disposition de personnel» code NAF 74.5A ; par arrêté du 28 février 2001, le code NAF 75.IG a été remplacé par le code NAF 74.IG ; que toutefois la mention du code NAF 748 K au lieu de celle du code NAF 75IG sur le certificat de qualification n'est pas de nature à rendre celui-ci sans effet au regard des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 car, d'une part, les codes NAF et APE n'ont aucun caractère probant de l'activité principale véritable de la société et ne créent ni droits ni obligations pour les entreprises, d'autre part, en l'espèce, le code 748 K n'a été indiqué que sur l'un des certificats délivrés régulièrement depuis 1991 à la société ALMA CONSULTING GROUP ; comme le confirme l'organisme professionnel de qualification des entreprises de prestations de services intellectuels, la mention «finances» figurant sur les certificats de la société correspond à son activité d'audit et de réduction des coûts dans le domaine des taxes et redevances, des cotisations sociales et des cotisations accidents du travail ; qu'il est en conséquence établi que la société ALMA CONSULTING GROUP bénéficiait de la qualification OPCQM pour son activité «finances» et «généraliste PME/PMI» pour la période de janvier 1998 à janvier 2001 et pouvait se prévaloir des dispositions des articles 54 et 60 susvisés sans avoir à démontrer que chacun des salariés auditeurs bénéficiaient à titre personnel de cette qualification, laquelle est attachée à la personne morale, étant au surplus observé qu'en l'espèce, l'auditeur est intervenu pour la société TYCO était titulaire d'une licence en droit ; que dès lors la société ALMA CONSULTING GROUP justifie d'un agrément OPQCM pour la pratique du droit, laquelle est accessoire de son activité principale et en relève directement, elle peut donner des consultations juridiques, étant observé qu'elle verse aux débats l'attestation d'assurance responsabilité civile pour son activité de conseil en management dans les domaines suivants : finances, audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurance, audit et conseil opérationnel en vue de dégager des économies et optimiser la gestion des entreprises ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté le CNB et la société TYCO de leur demande en nullité du contrat conclu le 18 octobre 2000 …» (p.22 in fine à 25) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «ALMA justifie être titulaire d'un agrément OPQCM et ce sans discontinuité depuis 1992 ; que cette qualification dépend directement du Ministère de l'Industrie ; que si ALMA n'entre pas dans la catégorie des personnes visées à l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 dé cembre 1971, il est incontestable qu'elle bénéficie, compte tenu de sa qualification OPQCM, de la qualification requise par l'article 60 de ladite loi ; que la mission confiée par MATHER & PLATT à ALMA consiste à auditer la tarification du risque accidents du travail ; que si cette mission nécessite une connaissance juridique approfondie des règles relatives à l'application de ces taxes, elle ne se limite pas uniquement à cet aspect ; que l'auditeur doit rechercher auprès de l'entreprise toutes les sources d'économies potentielles dans le domaine concerné ; il doit examiner et collationner tous les documents et vérifier si la tarification des risques telle qu'appliquée correspond bien à la réalité des risques encourus, que ce travail est bien l'activité principale d'ALMA, puisque c'est seulement au vu de ces constatations qu'interviendra une appréciation juridique, qui est bien accessoire, au sens de l'article 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; qu'en conséquence le Tribunal dira valable le contrat conclu le 18 octobre 2000 entre ALMA et MATHER & PLATT, relatif à un audit de tarification du risque accidents du travail …» (jugement confirmé p.26) ;

ALORS D'UNE PART QUE aux termes des dispositions des articles 54 et 60 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, «nul ne peut, directement ou par personnes interposées, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut d'une compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction d'actes en matière juridique, qu'il est autorisé à pratiquer …» ; que les prestataires d'activités non réglementées bénéficiant d'un agrément donné «pour la pratique du droit à titre accessoire» peuvent seulement «dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur action principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité», ce qui exclut tout exercice du droit à titre principal ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la société MATHER & PLATT a signé avec la SAS ALMA CONSULTING GROUP une convention «d'audit global» (arrêt p.3) portant sur le coût des accidents du travail lui confiant la mission de «faire rechercher toute imputation de coûts juridiquement infondée et, de manière générale, toute possibilité d'obtenir des économies par le biais de toute réduction de taux et/ou de modification des éléments de calcul à venir» (arrêt p.24) ; que le contrat stipule que «le groupe ALMA fera appel à ses frais aux services de tout expert ou praticien, notamment de cabinets d'avocats spécialisés, que si la mission met en évidence la nécessité d'effectuer des démarches contentieuses, le groupe ALMA, selon la procédure retenue, saisira l'avocat choisi par les parties qui sera responsable de la procédure judiciaire, le groupe ALMA veillant à ce que ce dernier réalise les diligences nécessaires dans les meilleurs délais tout en coordonnant son intervention et celle des experts ou praticien» (arrêt p.20) ; que l'arrêt a encore constaté qu'il appartenait à la société ALMA CONSULTING GROUP de décider, tout en tenant ses clients informés, de recourir à une procédure contentieuse, d'interjeter appel ou de se désister (arrêt p.20 §5) et que la société ALMA GROUP CONSULTING préparait les lettres de réclamation amiable et les demandes de rectification de taux (arrêt p.21§1) et qu'enfin, concernant la rémunération de sa mission d'audit global, «il était convenu que la société Alma consulting ne facturerait sa prestation que dans l'hypothèse de l'obtention d'économie. Ses honoraires étaient fixés en pourcentage d'économie réalisée par la société Mather à hauteur de 50% jusqu'à 500.000 francs, 45% de 500.000 francs à un million et 35% au délà» (arrêt p.3) ; qu'il résulte également des constatations expresses de l'arrêt attaqué que l'activité d'audit de charges sociales exercée par la SAS ALMA CONSULTING GROUP est une activité «non réglementée» et que sa mission «excède la simple information juridique et constitue une véritable consultation juridique comprenant une analyse des faits au regard des textes en vigueur et de la jurisprudence, destinée à permettre une prise de décision…» et «correspond à la définition de consultation juridique» (arrêt attaqué p.23 et 24) ; qu'en affirmant cependant, pour refuser de constater et de sanctionner l'illicéité de cette prestation juridique, que «la consultation juridique n'intervient qu'une fois l'audit achevé et uniquement lorsque des recours sont envisagés pour les affaires les plus complexes», quand l'accomplissement par la SAS ALMA CONSULTING GROUP de sa mission globale de recherche d'imputation de coûts juridiquement infondés, aux fins de réalisation d'économies fondant son droit à rémunération, nécessitait à titre principal l'analyse juridique au cas par cas des dossiers accidents du travail de l'entreprise mandante, analyse incluant la qualification d'accident du travail et l'application de la tarification, et caractérisait une mission globale de conseil juridique en droit de la sécurité sociale, la Cour d'appel a violé les articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, ensemble l'article 1134 du code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la délivrance au professionnel exerçant une activité non réglementée de l'agrément prévu aux articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ne l'autorise en tout état de cause à donner de consultations juridiques que circonscrites à la pratique du droit accessoire au seul secteur visé dans l'agrément ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la SAS ALMA CONSULTING GROUP, entreprise d'audit exerçant une activité non réglementée, a reçu agrément dans les secteurs des activités «finances» et «généraliste PME/PMI» (code NAF 748 K), «conseil pour les affaires ou la gestion» (code NAF 75.IG devenu NAF 74.IG) et «sélection et mise à disposition de personnel» (code NAF 74.5A) ; qu'en déduisant de l'obtention de cet agrément que la SAS ALMA CONSULTING GROUP pouvait se prévaloir des dispositions des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 et délivrer des consultations juridiques, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée par le CNB (conclusions p.37), si la mission confiée à la SAS ALMA CONSULTING GROUP dans le cadre spécifique de la convention d'audit de tarification accidents du travail litigieuse ne dépassait pas largement le champ limité de l'agrément reçu, la Cour d'Appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, ensemble de l'article 1134 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR, par confirmation du jugement entrepris, dit valable le contrat conclu le 18 octobre 2000 entre la SAS ALMA CONSULTING GROUP et la SAS TYCO EUROPE -MATHER & PLATT et, en conséquence, d'AVOIR débouté le CNB de ses demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la SAS ALMA CONSULTING GROUP de cesser d'exercer toute activité en violation de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et de mettre un terme à toutes les conventions passées par elle, en violation des dispositions de la loi du 31 décembre 1971,


AUX MOTIFS QUE … «au regard de l'article L. 244-13 du code de la sécurité sociale, l'article 244-13 du code de la sécurité sociale dispose que sont nulles de plein droit et de nul effet les obligations contractées pour rémunération de leurs services envers les intermédiaires qui, moyennant émoluments convenus au préalable, offrent ou acceptent de prêter leurs services en vue d'obtenir, au profit de quiconque, le bénéfice d'une remise même partielle, sur les sommes réclamées par les organismes de sécurité sociale en exécution de dispositions légales ou réglementaires. La méconnaissance de ces dispositions est constitutive d'une infraction pénale ; que le contrat conclu entre la société TYCO et la société ALMA CONSULTING GROUP ne tend nullement à obtenir des organismes de sécurité sociale une remise des cotisations par une renonciation de ces derniers à se prévaloir partiellement ou totalement des dispositions légales, accordant ainsi une faveur au débiteur consistant en une réduction des cotisations normalement dues, mais seulement le calcul exact des sommes dues conformément aux textes en vigueur après détection des erreurs éventuellement commises tant par l'employeur que par les caisses de sécurité sociale …» (p.22)

ALORS QUE conformément aux dispositions de l'article L. 244-13 du code de la sécurité sociale, sont nulles de plein droit et de nul effet les obligations contractées pour rémunération de leurs services ou avances envers les intermédiaires qui, moyennant émoluments convenus au préalable, offrent ou acceptent de prêter leurs services en vue d'obtenir, au profit de qui conque, le bénéfice d'une remise, même partielle, sur les sommes réclamées par les organismes de sécurité sociale en exécution de dispositions légales ou réglementaires ; qu'en l'espèce, la convention d'audit de tarification accidents du travail litigieuse, qui confie à la SAS ALMA CONSULTING GROUP la mission de «faire rechercher toute imputation de coûts juridiquement infondée et, de manière générale, toute possibilité d'obtenir des économies par le biais de toute réduction de taux, notamment de la modification des taux initialement notifiés par la sécurité sociale et/ou par le biais de la modification des éléments de calcul des taux à venir» et «entreprendre toutes démarches nécessaires en vue de l'obtention d'économies», ce en contrepartie d'honoraires calculés au prorata de ces économies réalisées, institue la SAS ALMA CONSULTING GROUP comme intermédiaire entre la société mandante et la sécurité sociale pour obtenir la révision de coûts infondés ; qu'en écartant cependant les dispositions susvisées au motif «que le contrat litigieux ne tend nullement à obtenir des organismes de sécurité sociale un remise des cotisations … mais seulement le calcul exact des sommes dues conformément aux textes en vigueur avec détection d'erreurs éventuellement commises», la Cour d'Appel a violé les dispositions susvisées de l'article L. 244-13 du code de la sécurité sociale.


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