Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 14 janvier 2010, 08-21.556, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de l'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à compter de laquelle elle prévoit de prendre sa décision ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé entre 1949 et 1981 par la Société européenne des produits réfractaires SEPR (la société), a déposé, le 11 mai 2004 une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical du 29 mars 2004 visant une insuffisance respiratoire résultant d'une pneumoconiose ; que la caisse a pris en charge cette affection au titre du tableau n° 25 des maladies professionnelles ; que la société a exercé un recours contre cette décision ;

Attendu que pour dire la prise en charge de la maladie professionnelle de M. X... par la caisse opposable à la société, l'arrêt retient que celle-ci ne peut pas reprocher à la caisse de ne pas lui avoir donné connaissance de l'avis et du rapport du médecin-conseil au motif qu'ils sont couverts par le secret médical et ne peuvent donc s'analyser comme des certificats médicaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'avis du médecin-conseil transmis au service administratif de la caisse et portant sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, constitue un élément susceptible de faire grief à l'employeur qui doit figurer au dossier constitué par la caisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse ; la condamne à payer à la Société européenne des produits réfractaires la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Société européenne des produits réfractaires

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur X... par la CPAM du VAUCLUSE était opposable à la société SEPR ;

AUX MOTIFS QUE Sur l'inopposabilité de la décision de prise en charge :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article R. 441 - 14 du Code de la sécurité sociale que le respect du principe contradictoire ne s'impose pas à tous les stades de la procédure d'instruction des déclarations de maladie professionnelle, mais simplement par la seule mise à disposition du dossier avant la prise de décision de la caisse ; Attendu que l'article R. 441 - 13 du même code énumère les pièces que doit comprendre le dossier constitué par la caisse primaire ; que cette énumération ne comporte pas d'autres pièces et notamment l'intégralité des pièces médicales ainsi qu'allégué par l'employeur, mais seulement les certificats médicaux non couverts par le secret médical ; que la SEPR ne peut donc reprocher à la caisse de ne pas lui avoir donné connaissance de l'avis et du rapport du médecin conseil ainsi que des examens radiographiques et tomodensitométriques, s'agissant de documents contenant des informations qui participent au diagnostic du malade et sont couverts comme tels par le secret médical et ne peuvent donc s'analyser comme des certificats médicaux ; Attendu qu'en outre depuis l'origine la SEPR a eu, en raison de la transmission du certificat médical initial, connaissance de la nature de la maladie revendiquée par son salarié et qui n'a pas changé ; Attendu enfin que la caisse a informé l'employeur par lettre du 10 janvier 2005 qu'il pouvait consulter le dossier pendant 10 jours, que ce délai a été respecté, la SEPR ayant été informée le 3 février 2005 de la décision de prise, en charge, sans avoir mis à profit la faculté de communication du dossier qui lui était offerte et sans justifier d'une impossibilité de déplacement ; qu'elle a donc été mise en mesure de contester la décision de la caisse ; Attendu que dès lors le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté le recours ;

AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE Attendu qu'il il convient de constater que la Caisse, en l'absence de réserves de l'employeur, a établi une reconnaissance de prise en charge de principe de la maladie professionnelle de Mr X... conformément aux dispositions de l'article R 441-11 du Code de la Sécurité Sociale ; Qu'ainsi, les éléments du dossier sont, par l'employeur quérables et non portables, Attendu cependant, qu'il y a lieu de noter que: le 14 mai 2004, la Caisse a réceptionné la déclaration de maladie professionnelle et en a adressé une photocopie, à l'employeur, le 14 juin 2004, elle a adressé un questionnaire à l'employeur et à la victime, Que l'employeur a répondu le 30 juillet 2004, Que la Caisse a notifié le 05/08/2004 à l'assuré et à l'employeur le recours au délai complémentaire d'instruction du dossier prévu par l'article R 441-10 du Code de la Sécurité Sociale ; le 21 octobre 2004, la consultation possible du dossier avant prise de décision était adressée aux deux parties, le 29 octobre 2004, le refus de prise en charge en attente de l'avis médical, notifié aux deux parties, le 10 janvier 2005, à réception de l'avis du médecin conseil (acceptant la prise en charge de la maladie professionnelle), les Services ont adressé aux deux parties la lettre les informant de la consultation possible du dossier avant prise en charge de décision, le 03 février 2005, la décision de la Caisse, d'accepter le caractère professionnel de la maladie professionnelle. Attendu que par ailleurs, les textes ne précisent pas que l'avis du service médical soit joint à la notification de prise en charge et que certains documents médicaux sont couverts par le secret médical et non communicables à l'employeur ; Attendu qu'ainsi, la Société SEPR ne peut pas affirmer qu'elle ne possédait pas assez de moyens pour assurer la défense de ses intérêts ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les dispositions du Code de la sécurité sociale relatives à la procédure d'instruction du caractère professionnel des accidents et maladies valent autorisation au sens de l'article 226-14 du Code pénal ; que l'avis du médecin conseil constitue un éléments susceptible de lui faire grief devant figurer au dossier constitué par la CPAM et mis à la disposition de l'employeur qui en fait la demande ; de sorte que viole les articles 226-14 du Code pénal, R. 441-11 et R. 441-13 du Code de la sécurité sociale, la Cour d'appel qui, pour écarter le grief de tiré de l'absence de l'avis du médecin conseil au dossier constitué par la CPAM du VAUCLUSE et mis à la disposition du représentant de l'employeur venu le consulter, considère que cet avis est couvert par le secret médical ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte des conclusions concordantes de la société SEPR et de la CPAM du VAUCLUSE que l'employeur avait, après avoir été informé de la clôture de l'instruction, envoyé un représentant consulter le dossier constitué par la Caisse ; qu'il était produit aux débats une liste des pièces qui avaient alors pu être consultées par le représentant de la SEPR et qui se limitaient à la déclaration de maladie professionnelle et au certificat médical initial ; qu'en jugeant néanmoins que la société SEPR n'avait pas «mis à profit la faculté de communication du dossier qui lui était offerte», la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4, 5 et 7 du Code de procédure civile.






SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SEPR de l'ensemble des demandes et de lui avoir déclaré la prise en charge de la maladie professionnelle du tableau 25 opposable ;

AUX MOTIFS QUE : Attendu que Monsieur X..., employé par la SA SEPR d'août 1949 a juillet 1951, puis de juin 1959 à juillet 1981, a déclaré une maladie professionnelle inscrite au tableau n°25 A concernant les formes de silicose chronique dont la pneumoconiose, mentionnées comme pouvant résulter de travaux exposant à l'inhalation de poussières renfermant de la silice cristalline ; Attendu que la victime bénéficie de la présomption d'imputabilité, le certificat médical initial du médecin traitant diagnostiquant une pneumoconiose, après réalisation d'un scanner thoracique, ainsi que prescrit par le tableau n°25A ;

ALORS QUE la Cour d'appel qui statue essentiellement sur l'exposition au risque, laisse dépourvues de toute réponse les conclusions de la société SEPR selon lesquelles le tableau 25 définit la maladie professionnelle comme une "silicose chronique : pneumoconiose caractérisée par les lésions interstitielles micronodulaires ou nodulaires bilatérales révélées par des examens radiographiques ou tomodensitométriques ou par des constatations anatomopathologiques lorsqu'elles existent ; ces signes ou ces constatations s'accompagnent ou non de troubles fonctionnels respiratoires" ce qu'il était impossible de vérifier faute de production de l'avis du médecin conseil et du scanner ; qu'en se bornant à affirmer, en réponse à ces écritures, que le certificat du médecin traitant diagnostiquant en termes génériques "une pneumoconiose", sans préciser la nature de celle-ci, et l'existence affirmée d'un scanner thoracique justifieraient le jeu de la présomption d'imputabilité, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS D'AUTRE PART, que la société SEPR avait rappelé (conclusions p.12) que selon un certificat médical du Docteur Y..., le demandeur à la reconnaissance de la maladie professionnelle du tableau 25 avait été fumeur et se trouvait atteint d'un cancer de sorte qu'il était nécessaire, en présence de cet état pathologique préexistant de rechercher l'origine exacte de la silicose invoquée; qu'en s'abstenant de le faire la Cour d'Appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.461-1 et du tableau 25 susvisé.


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