Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 avril 2010, 09-40.069, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1235-9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 3 février 2003 par la société Manutention consignation transit (MCT) en qualité de responsable de l'agence de transit aérien de l'aéroport de Saint Denis de la Réunion, M. X... a été licencié pour faute grave le 8 décembre 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre notamment de la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si le fait, attesté, pour le salarié d'avoir parfois menacé ses subordonnés de sanctions s'ils entendaient se conformer strictement aux règles de sécurité est malvenu, de tels propos tenus sous le coup de la colère, ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que constitue une faute grave le fait pour le responsable d'une agence de transit aérien de menacer de sanctions les agents placés sous son autorité qui se conformeraient aux règles de sécurité applicables dans l'enceinte de l'aéroport , la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Manutention consignation transit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Manutention consignation transit.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en conséquence d'AVOIR condamné la Société MANUTENTION CONSIGNATION TRANSIT (MCT) à lui verser les sommes de 9.099 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 18.200 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 1.547,68 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ;

AUX MOTIFS QUE « le premier grief porte sur un "non respect délibéré des règles d'exploitation et de sécurité applicables pour l'accès aux zones sécurisées édictées par la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion", notamment le port d'une chasuble fluorescente pour accéder aux magasins et aires de dépôt temporaires (MADT) dont le caractère obligatoire avait été clairement indiqué lors d'une réunion organisée en avril 2005 et d'une formation en mai 2005 et rappelé par voie d'affichage, ainsi que dans un courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 octobre 2005 émanant de la CCIR ; que Philippe X... reconnaît être entré une fois sans cette chasuble en zone MADT qui se situe dans le secteur C (fret) pour effectuer un contrôle de marchandises en compagnie d'agents des douanes mais nie avoir incité ses subordonnés à s'affranchir de cette obligation ; que ce fait, que l'appelante qualifie, avec excès, de "très grave incident", s'est produit le 7 octobre 2005 et a entraîné un échange de correspondance qui s'est achevé par une lettre de la CCIR en date du 26 octobre 2005 attirant l'attention du destinataire sur les conséquences que le non respect de cette règle pourrait avoir (refus d'accès au MADT, retrait de son titre d'accès par les services de l'Etat) ; que l'intimé conteste surtout le caractère obligatoire du port de ce vêtement résultant du règlement édicté par la CCIR, concessionnaire de l'aéroport de Saint Denis au motif que seul l'Etat peut fixer les règles et modalités d'accès aux différentes zones de l'aérodrome en vertu de l'article 14 du décret n° 97-547 du 29 mai 1997 et que l'arrêté préfectoral n°3944 du 29 novembre 2 004 relatif aux mesures de police applicables sur les terrains de l'aérodrome de Saint Denis n'impose le port permanent de ce vêtement que dans le secteur de sûreté A et les secteurs fonctionnels TRA (aire de trafic) et MAN (aire de manoeuvre), ce qui est exact ; que l'intimé observe justement que le port d'un gilet ou d'une chasuble fluorescente répond à la nécessité d'être perçu et identifié lorsqu'on se trouve sur la piste à proximité des manoeuvres des avions ou des véhicules mais ne présente pas d'utilité dans les autres cas ; que l'arrêté précité distingue la zone publique de l'aérodrome de la zone réservée (comprenant des secteurs de sûreté et des secteurs fonctionnels), l'accès à celle ci étant soumis à des règles particulières et à la possession de titres spéciaux (le secteur C fait partie des secteurs de sûreté); le personnel des sociétés transitaires n'y était donc pas systématiquement astreint au port de la chasuble ; que si le fait, attesté par plusieurs d'entre eux, que Philippe X... ait parfois menacé ses subordonnés de sanctions s'ils entendaient se conformer strictement à cette prescription est malvenu, de tels propos, tenus sous le coup de la colère, ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement» ;

ALORS, D'UNE PART, QU' en matière de sécurité au travail, l'employeur est seul juge, dans le cadre de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, des mesures qui doivent être imposées aux salariés pour garantir leur sécurité, compte tenu de la spécificité de l'activité de l'entreprise et des contraintes auxquelles sont exposés les salariés ; qu'en l'espèce, le règlement intérieur de l'entreprise, dont le salarié reconnaissait avoir pris connaissance et auquel il avait été spécialement sensibilisé, prévoyait que le port de la chasuble fluorescente était obligatoire dans zone dite «MADT» pour des raisons de sécurité ; qu'en estimant qu'un manquement à l'obligation du port de la chasuble ne pouvait être reproché à M. X..., aux motifs inopérants que cette obligation ne serait pas inscrite dans une norme étatique, la cour a violé les articles L.1321-1, L.1321-3, L.1331-1, L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail ;

QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QU' en matière de sécurité au travail, l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat, qui lui impose de mettre en oeuvre les mesures de sécurité adéquates en fonction des conditions de travail des salariés sont exposés afin de prévenir les risques d'accident ; qu'il entre ainsi dans les prérogatives de l'employeur exerçant une activité de dédouanement de fret aéroportuaire d'imposer le port d'une chasuble fluorescente pour les salariés devant évoluant dans une zone aéroportuaire, sans que le respect de cette obligation soit conditionné par la démonstration d'un danger immédiat et permanent ; qu'en jugeant que le refus de Monsieur X... de se soumettre à cette disposition du règlement intérieur ne présentait pas un caractère fautif, la cour d'appel a violé les articles L.1221-1, L.1321-1, L.1321-3, L.1331-1, L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail, ensemble les articles L.4121-1 et L.4122-1 du même Code, interprétés à la lumière de la directive CEE n°89/391 du 12 juin 1989 concernant l a mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU' en dispensant Monsieur X... de faire respecter et de respecter lui-même cette consigne de sécurité, sans indiquer en quoi l'exigence du respect de cette consigne ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, la cour d'appel a également privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1121-1, L.1321-1, L.1331-1, L.4121-1 et L.4122-1 du Code du Travail ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le fait pour un salarié qui occupe le poste de responsable d'agence de menacer les salariés placés sous son autorité de sanctions s'ils entendaient se conformer aux règles de sécurité en vigueur dans l'entreprise, constitue une faute grave quel que soit le contexte dans lequel de tels ordres ont été donnés ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, et a ainsi violé les articles L.1221-1, L.1321-1, L.1321-3, L.1331-1, L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 et L.4122-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 8 décembre 2005 reprochait au salarié d'avoir sciemment dissimulé à la connaissance de sa hiérarchie un courrier de l'entreprise concessionnaire de l'aéroport (CCIR) menaçant du retrait du titre d'accès en raison du non respect des règles de sécurité ; qu'en s'abstenant d'examiner ce grief qui constituait un motif distinct de celui tiré du non port de la chasuble, la cour d'appel a violé l'articles L.1232-6 du code du travail.

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