Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 7 janvier 2004, 03-82.337, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER - POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 6 mars 2003, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-3 du Code pénal, L. 621-43 et L. 621-46 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable d'abandon de famille et l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 18 mois et à des réparations civiles ;

"aux motifs que, c'est à tort que le prévenu se prévaut de l'absence de déclaration de la créance de Fabienne Y..., épouse Z..., pour se soustraire à ses obligations, s'agissant d'échéances à échoir d'une obligation personnelle qu'il lui incombait de payer sur ses revenus propres ; qu'en constatant que le prévenu était soumis à une procédure de redressement judiciaire et donc non dessaisi de ses pouvoirs, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la loi ; qu'au surplus, il résulte du dossier et des débats que le prévenu percevait à l'époque des faits une rémunération de 8 000 francs, somme qui lui permettait de s'acquitter de son obligation alimentaire ; et, adoptés du premier juge, que la créance de pension alimentaire, à laquelle le législateur confère habituellement, tant en procédure que pour les règles de fond, un statut particulier, est par essence, révisable à tout moment et ne naît que progressivement dans le temps en fonction de l'état de besoin du créancier ; que dès lors, il convient de considérer que les arrérages postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure de redressement n'ont pas leur origine antérieurement audit jugement et ne sont pas soumis à la déclaration de créance prévue à l'article 50 de la loi de 1985 ; qu'il peut être considéré qu'eu égard au caractère purement alimentaire de cette créance, révisable à tout moment en fonction des besoins des enfants du couple, il n'était pas nécessaire à Fabienne Y..., épouse Z..., de déclarer les arrérages à venir ; que l'ordonnance de rejet rendue en janvier 2002 par le tribunal de commerce de Belfort est donc sans conséquence sur l'existence des droits qui demeurent indépendamment de toute déclaration et qui peuvent en conséquence faire l'objet d'une procédure de recouvrement simplifiée ;

"alors qu'une créance alimentaire naît au jour du jugement qui en consacre le principe et en fixe le montant et, faute d'avoir été déclarée dans les délais prévus par la loi, est éteinte et ne peut servir de base à des poursuites pour abandon d'enfant ;

qu'ainsi en déclarant que le délit était constitué, nonobstant l'ordonnance du 14 janvier 2002 du juge commissaire rejetant en totalité la créance alimentaire de Fabienne Y..., épouse Z..., car cette créance ne naît qu'à la date des échéances à échoir, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un jugement du 29 mars 1994 a prononcé le divorce de Philippe X... et Fabienne Y... et mis à la charge du premier une pension alimentaire pour l'entretien de leurs deux filles mineures ; que, le 23 janvier 2001, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire simplifiée à l'encontre de Philippe X..., qui s'est achevée, le 23 octobre 2001, par l'homologation d'un plan de redressement et d'apurement du passif ; que, postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, la pension alimentaire étant restée impayée pendant plus de deux mois, Fabienne Y... a déclaré sa créance au redressement judiciaire mais celle-ci a été rejetée par une ordonnance du juge commissaire du 14 janvier 2002 ;

Attendu que, pour déclarer le demandeur coupable d'abandon de famille commis entre le mois de juin et le mois de décembre 2001 et le condamner à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, l'arrêt prononce par motifs propres et adoptés reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas la censure ;

Qu'en effet, la créance née de la pension alimentaire, qui présente un caractère alimentaire, n'a pas à être déclarée au passif du débiteur soumis à une procédure collective et échappe ainsi à l'extinction, faute de déclaration, édictée par l'article L. 621-46 du Code de commerce ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-3 et 227-3 du Code pénal, L. 621-43 et L. 621-46 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable d'abandon de famille et l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 18 mois et à des réparations civiles ;

"aux motifs que le prévenu ne saurait davantage se retrancher derrière l'avis du représentant des créanciers qui n'est pas constitutif de l'erreur de droit qui peut exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale ;

"alors que la lettre de Me A... du 19 octobre 2001 indiquant que Fabienne Y..., épouse Z..., était dépourvue de tout droit à réclamer le paiement des pensions alimentaires du fait de la suspension de poursuites et qu'il fallait s'opposer à ses demandes, a nécessairement provoqué chez Philippe X... une erreur de droit quant à l'exigibilité des pensions alimentaires qu'il ne pouvait éviter ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour rejeter l'argumentation du prévenu qui invoquait une lettre du représentant des créanciers lui enjoignant de cesser de payer la pension alimentaire et lui refuser le bénéfice des dispositions de l'article 122-3 du Code pénal, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de ce texte, dès lors qu'elle a, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, retenu que Philippe X... ne justifiait pas avoir cru, par une erreur sur le droit qu'il n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement refuser de payer la pension alimentaire dont il était débiteur ;

Qu'en effet, ne saurait constituer une telle erreur, un simple avis donné par un professionnel du droit ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mmes Koering-Joulin, Palisse conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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