Chambre de l'application des peines du TSA de St Pierre, Chambre sociale, 9 juillet 2008, 07/00004

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Tribunal Supérieur d'Appel
de
Saint-Pierre et Miquelon


No 4 RG 2007
TSA Civ no 21 / 2008
EXPEDITION


Audience publique du 9 juillet 2008 du Tribunal Supérieur d'Appel de Saint-Pierre et Miquelon.

Sur appel le 16 avril 2007 d'un jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Saint-Pierre et Miquelon le 15 mars 2007, signifié le 21 mars 2007,

Parties en cause devant le Tribunal Supérieur d'Appel :

Monsieur Arnaud X...
Demeurant...
...
...
Ayant pour avocat Maître Gautier GISSEROT, (Cabinet LAFARGE)
Avocat au Barreau de Paris
Et auprès des juridictions de Saint-Pierre et Miquelon

APPELANT, d'une part,

Et

La Société DERRIBLE INDUSTRIUM
Dont le siège social est sis 2 rue Boursaint
à Saint-Pierre BP no 4248
97500 – Saint-Pierre et Miquelon
Inscrite au RCS sous le No 435 221 692 ;
Ayant pour avocat Maître Patrick TABET,
Avocat au barreau de Paris
et auprès des juridictions de Saint-Pierre et Miquelon.

INTIMEE d'autre part,

Composition du Tribunal Supérieur d'Appel :

Présidente : Madame Claudine LESCOFFIT ;

Assesseurs :
- lors des débats et du délibéré :
Monsieur Joseph BEAUPERTUIS et Monsieur Jean-Claude BOISSEL ;
- lors du prononcé de l'arrêt :
Madame Isabelle DUMAS-POIRIER et Monsieur Louis QUEDINET ;

Greffier : Monsieur Claude L'ESPAGNOL aux débats et Monsieur Nicolas GOURMELON (ff) au prononcé de l'arrêt.



Rappel des faits, de la procédure et des prétentions des parties en première instance.

Monsieur Arnaud X... a été embauché par contrat écrit à durée déterminée par la société DERRIBLE INDUSTRIUM le 19 février 2004 en qualité de technico-commercial moyennant une rémunération brute mensuelle de 1. 554, 62 € uros. A compter du 19 août 2004, les parties ont poursuivi leurs relations de travail dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 28 février 2005, Monsieur X... a été prié par l'employeur de quitter l'établissement, ce dernier lui reprochant un vol de chambres à air, et le 4 mars 2005, le salarié était convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé le 14 mars 2005 ;

Les 2 et 4 mars 2005, l'employeur déposait plaintes pour vols à l'encontre de Monsieur X..., mais ces plaintes étaient classées sans suite par le parquet le 29 mars 2005 ;

Le 18 mars 2005, la société DERRIBLE INDUSTRIUM procédait par courrier du même jour au licenciement pour faute grave de Monsieur Arnaud X... ;

Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2005, la société DERRIBLE INDUSTRIUM faisait citer Monsieur X... devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre et Miquelon pour dire et juger celui-ci coupable de l'infraction de vol de quatre chambres à air, constituée le 26 février 2005 et d'une infraction de vol de pièces automobiles commise le 2 mars 2005. Le tribunal correctionnel a, par jugement du 11 avril 2006, relaxé Monsieur X... du chef de vol de pièces mécaniques mais l'a déclaré coupable du vol des chambres à air tout en le dispensant de peine ;

Sur appel de Monsieur X..., le tribunal supérieur d'appel, par arrêt du 21 juin 2006, a confirmé le premier jugement en ce qu'il a relaxé le prévenu du vol de pièces mécaniques mais a relaxé également Monsieur X... du chef de vol de chambres à air ;

Dans ses écritures en date du 19 octobre 2006, Monsieur X... ayant été déclaré non coupable par le juge pénal, des faits qui lui étaient reprochés par son employeur, a estimé avoir fait l'objet d'un licenciement abusif ; il a demandé des dommages et intérêts à hauteur de 9. 327, 72 € uros pour rupture abusive et le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférent d'un montant total de 1. 710, 08 € uros. Estimant humiliante et dégradante l'attitude de l'employeur à son égard, Monsieur X... ajoute une demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 15. 000 € uros ;

Enfin, Monsieur X... demande à bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et demande à ce titre une indemnité d'un montant de 5. 000 € uros ;

Dans ses écritures du 11 janvier 2007, la société DERRIBLE INDUSTRIUM maintient que le Conseil de Prud'hommes n'est aucunement lié par la relaxe prononcée par le juge pénal, que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont de nature différente de ceux ayant fait l'objet de la procédure pénale et que les faits reprochés à Monsieur X... sont bien établis ;

La société demande l'entier débouté de son adversaire et sa condamnation à lui payer la somme de 2. 000 € uros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement du 15 mars 2007.

Le Conseil de Prud'hommes après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, a :

Condamné la société DERRIBLE INDUSTRIUM à payer à Monsieur Arnaud X... une somme de 1. 554, 62 € uros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et une somme de 155, 46 € uros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés dus pour la période de préavis ;

Condamné également la société DERRIBLE INDUSTRIUM aux entiers dépens de l'instance ;

Débouté Monsieur Arnaud X... du surplus de ses demandes ;

L'appel.

Monsieur Arnaud X... a fait appel le 16 avril 2007 du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Pierre et Miquelon le 15 mars 2007, signifié le 21 mars 2007.

Le 13 juin 2007, le tribunal supérieur d'appel a renvoyé l'affaire au 17 octobre 2007 ; elle a été ensuite renvoyée au 9 janvier 2008 puis au 13 mars 2008 ; un nouveau renvoi a été fixé au 12 juin 2008, date de l'audience de conclusions et de plaidoiries.

Déroulement des débats.

A l'audience publique du 12 juin 2008, la présidente a constaté que Monsieur Arnaud X..., comparant en personne est assisté de Maître GISSEROT, la société DERRIBLE INDUSTRIUM est représentée par Maître TABET ;

Ont été entendus :
La présidente en son rapport,
Monsieur X... en ses explications,
Maître GISSEROT, avocat de Monsieur X..., appelant en sa plaidoirie,
Maître TABET, avocat de la Société DERRIBLE INDUSTRIUM, non comparante ;

Les prétentions des parties en cause d'appel.

- Les demandes de Monsieur X..., appelant :

Il est demandé au tribunal supérieur d'appel de :

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a condamné la société DERRIBLE INDUSTRIUM à payer à Monsieur X... la somme de 1. 554, 22 € uros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 155, 46 € uros à titre d'indemnités de congés payés y afférent ainsi qu'aux dépens ;

- Infirmer le jugement rendu pour le surplus et statuant à nouveau :

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur X... est dépourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamner la société DERRIBLE INDUSTRIUM à verser à Monsieur X... :

- La somme de 9. 327, 72 € uros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
- La somme de 15. 000 € uros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- La somme de 5. 000 € uros à titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Et aux entiers dépens ;

- Les demandes de la société DERRIBLE INDUSTRIUM, intimée :

Il est demandé au tribunal supérieur d'appel de :


- Confirmer le jugement du 15 mars 2007 en ce qu'il déclare justifier le licenciement opéré ;

- Constater que les faits à l'origine du licenciement opéré sont constitutifs d'une faute grave privative de préavis ;

- Débouter Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes ;

Subsidiairement :
- Dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et dans cette hypothèse subsidiaire, confirmer le jugement du 15 mars 2007 ;

Dans tous les cas :
- Condamner Monsieur X... à verser à la société DERRIBLE INDUSTRIUM la somme de 5. 000 € uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Discussion et décision.

Sur la forme :

L'appel de Monsieur X... est intervenu dans les forme et délais de la loi ; il est donc déclaré recevable ;

- Sur le fond :

Monsieur X... a été engagé par la société DERRIBLE INDUSTRIUM par contrat de travail à durée déterminée signé le 19 février 2004 pour une durée de 6 mois, renouvelable ;

Sur le motif du licenciement :

Par courrier en date du 18 mars 2005, la société DERRIBLE INDUSTRIUM lui a notifié son licenciement :

- pour avoir prélevé le 26 février 2005 quatre chambres à air sans autorisation, et en août 2004, pour avoir pris l'initiative d'aider un collègue à emporter du câble électrique ;

- pour avoir en décembre 2004 déposé divers articles de Noël dans des sacs à proximité de la sortie de service, sans passage à la caisse et sans facturation ;

- pour avoir commandé des accessoires automobiles dont le montant n'a pu être facturé sur son « compte-employé », ce compte ayant été fermé pour cause de retard de paiement ; les accessoires ont été emportés le 4 mars 2005 sans les payer et sans les facturer ;

L'employeur tient ces agissements comme constitutifs d'une faute grave et estime que les faits du 26 février et du 4 mars 2005 mettent en cause la bonne marche de la société ; pour lui, la faute justifie le licenciement sans indemnité de préavis et sans indemnité de licenciement ;

Le tribunal constate que ces trois faits n'ont pas reçu de qualification pénale ; les plaintes de l'employeur des 2 et 4 mars 2005 à l'encontre de son salarié ayant été classées sans suite le 29 mars 2005, la société a fait citer Monsieur X... devant le tribunal correctionnel qui le relaxait le 11 avril 2006 du chef de vol de pièces mécaniques, le vol des chambres à air ayant donné lieu à une relaxe en appel le 21 juin 2006 ;

Le tribunal constatera que par application du principe de l'autorité de la chose jugée, les vols des quatre chambres à air et des accessoires automobiles ne sont pas constitués et que ni le vol de câble électrique, ni l'intention frauduleuse portant sur des articles de Noël ne sont établis ; en conséquence il considèrera que les faits reprochés à Monsieur X... ne sont pas constitutifs d'une faute grave, en tout cas susceptibles de fonder un licenciement pour faute ;

Le tribunal considèrera que le prétendu vol de quatre chambres à air d'un montant unitaire évalué à 7 € uros ne saurait mettre en cause la bonne marche de la société de l'importance de DERRIBLE INDUSTRIUM, pas plus que le retard du salarié à payer le solde de son « compte – employé », soit 76 € uros ;

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, invoquant la faute grave résultant de motifs inexacts, le salarié ayant été relaxé pour deux chefs, les deux autres n'étant pas établis, le tribunal jugera que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur le préjudice matériel de Monsieur X... :

Monsieur X... ayant moins de deux ans d'ancienneté ne peut prétendre bénéficier de l'indemnité légale de licenciement (article L. 122-9 du code du travail, L. 1234-9 nouveau) ; toutefois, il peut bénéficier d'une indemnité prévue en application de l'alinéa 2 de l'article L. 122-14-5 du code du travail (L. 1235-5 nouveau) en cas de licenciement abusif, l'indemnité est alors calculée en fonction du préjudice subi ; Monsieur X... a occupé son emploi entre le 18 février 2004 et le 18 mars 2005, soit 13 mois ; le tribunal fixera l'indemnité de licenciement à la somme de 4. 500 € uros ;

De plus, le tribunal accordera à Monsieur X... comme en première instance la somme de 1. 554, 62 € uros au titre de l'indemnité de préavis ainsi qu'aux congés payés y afférent, soit 155, 46 € uros ;

Sur le préjudice moral :

La société DERRIBLE INDUSTRIUM a cru devoir engager des procédures judiciaires en vue de licencier Monsieur X..., procédures qui se sont révélées inopérantes quant à cet objet ; le salarié a subi ces procédures qui, dans le cadre géographique et économique de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon ont pu lui porter préjudice ; ses nombreuses recherches d'emplois en témoignent ;

Le tribunal condamnera la société DERRIBLE INDUSTRIUM à verser au titre de dommages et intérêts la somme de 1. 500 € uros ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'est pas inéquitable d'accorder à Monsieur X... la somme de 2. 000 € uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de mettre à la charge de la société DERRIBLE INDUSTRIUM les entiers dépens de l'instance et de l'appel ;


PAR CES MOTIFS


Le Tribunal Supérieur d'Appel après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

- Sur la forme :

Déclare recevable l'appel formé par Monsieur Arnaud X... ;

- Sur le fond :

Infirmant partiellement le jugement du 15 mars 2007 et statuant à nouveau :

Dit que la Société DERRIBLE INDUSTRIUM a prononcé un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne ladite société à verser à Monsieur X... :
- la somme de 4. 500 € uros (quatre mille cinq cents € uros) au titre du préjudice au sens de l'alinea 2 de l'article L. 122-14-5 du code du travail (L. 1235-5 nouveau) ;
- la somme de 1. 500 € uros (mille cinq cents € uros) au titre du préjudice moral,
- et la somme de 2. 000 € uros (deux mille € uros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement du 15 mars 2007 en ce qu'il a condamné la société DERRIBLE INDUSTRIUM à payer à Monsieur X... la somme de 1. 554, 62 € uros (mille cinq cent cinquante quatre € uros et soixante deux centimes) au titre de l'indemnité de préavis et la somme de 155, 62 € uros (cent cinquante cinq € uros et quarante six centimes) au titre des congés payés afférents ;

Ordonne conformément aux dispositions de l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du code du travail (L. 1235-4 nouveau), à la société DERRIBLE INDUSTRIUM de rembourser à l'UNEDIC, établissement de Saint-Pierre et Miquelon, les indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage ;

Déboute Monsieur X... du surplus de ses demandes ;

Condamne la société DERRIBLE INDUSTRIUM aux entiers dépens de l'instance et de l'appel ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe du tribunal supérieur d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Claudine LESCOFFIT, présidente et par Nicolas GOURMELON, Greffier (ff), auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier (ff), La Présidente,

Signé : N. GOURMELON Signé : C. LESCOFFIT



Pour expédition conforme,
Le Greffier,
N. GOURMELON
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