Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 04/05/2015, 378198, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 22 avril 2014, 30 septembre 2014, 13 novembre 2014 et 3 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Vaincre l'autisme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction interministérielle n° DGCS/SD3B/DGOS/SDR4/DGESCO/CNSA/2014/52 du 13 février 2014 relative à la mise en oeuvre des plans régionaux d'action, des créations de places et des unités d'enseignement prévus par le 3ème plan autisme (2013-2017) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;





Considérant ce qui suit :

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche :

1. L'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief.

2. L'instruction attaquée, adressée par le ministre de l'éducation nationale et le ministre des affaires sociales et de la santé aux recteurs d'académie et aux directeurs généraux des agences régionales de santé, établit le contenu minimal des plans d'actions régionaux relatifs à l'autisme et aux autres troubles envahissants du développement. Elle encadre la procédure d'appel à projets spécifique en vue de la création de places nouvelles en établissements ou services médico-sociaux en fixant notamment les éléments constitutifs du cahier des charges de ces appels à projets et les critères de sélection et de notation des candidatures. Enfin, elle précise la procédure de création et les modalités de fonctionnement des unités d'enseignement en école maternelle. Ainsi, elle comporte des dispositions impératives à caractère général et fait grief. La fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche tirée de ce que l'instruction attaquée ne ferait, dans son intégralité, pas grief doit, par suite, être écartée.

Sur la légalité externe de l'instruction attaquée :

3. La directrice générale de la cohésion sociale, le directeur général de l'offre de soins et le directeur général de l'enseignement scolaire, régulièrement nommés par décrets publiés au Journal officiel de la République française, avaient compétence, en vertu du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, pour signer l'instruction attaquée, les deux premiers au nom du ministre des affaires sociales et de la santé, le troisième au nom du ministre de l'éducation nationale. Par ailleurs, la circonstance que le directeur de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ait également signé, à titre superfétatoire, l'instruction attaquée n'entache pas celle-ci d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ses signataires doit être écarté.

Sur la légalité interne de l'instruction attaquée :

4. En premier lieu, l'association requérante soutient que les ministres auraient méconnu le principe d'une prise en charge pluridisciplinaire des enfants atteints d'autisme et d'autres troubles envahissants du développement, découlant notamment de l'article L. 112-1 du code de l'éducation, en reconnaissant une place prépondérante aux structures psychiatriques dans le suivi de ces enfants. Toutefois, l'instruction attaquée, qui se borne à souligner la nécessité d'une mobilisation de l'ensemble des acteurs responsables de la prise en charge de l'autisme et des autres troubles envahissants du développement, aussi bien les structures de psychiatrie que tous les autres intervenants, n'a ni pour objet, ni pour effet de méconnaître le principe d'une prise en charge pluridisciplinaire résultant des articles L. 112-1 du code de l'éducation nationale et L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 112-1 du code de l'éducation : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. / Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans l'un des établissements mentionnés à l'article L. 351-1, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. (...) ". Aux termes de l'article L. 351-1 du même code : " Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires (...), si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. (...) / L'enseignement est également assuré par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation lorsque la situation de l'enfant ou de l'adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé nécessite un séjour dans un établissement de santé ou un établissement médico-social. (...) ". Aux termes de l'article D. 351-17 du même code : " Afin d'assurer la scolarisation et la continuité des parcours de formation des enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant qui nécessite un séjour dans un établissement de santé ou un établissement médico-social, une unité d'enseignement peut être créée au sein des établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou des établissements mentionnés au livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, accueillant des enfants ou des adolescents qui ne peuvent effectuer leur scolarité à temps plein dans une école ou un établissement scolaire ". Et aux termes de l'article D. 351-18 du même code : " (...) L'unité d'enseignement est organisée selon les modalités suivantes : / 1° Soit dans les locaux d'un établissement scolaire ; / 2° Soit dans les locaux d'un établissement ou d'un service médico-social ; / 3° Soit dans les locaux des deux établissements ou services ".

6. Les enfants atteints d'autisme et d'autres troubles envahissants du développement sont, en application des dispositions combinées des articles L. 112-1 et L. 351-1 du code de l'éducation, scolarisés en milieu ordinaire ou, si leurs besoins et difficultés spécifiques le nécessitent, au sein de structures spécialisées, parmi lesquelles les établissements ou services médico-sociaux, et ce par décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, prise après avis de l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées et en lien avec les parents. En vertu de l'article D. 351-17 du même code, la scolarisation dans des établissements de santé ou des établissements ou services médico-sociaux des enfants souffrant d'autisme ou d'autres troubles envahissants du développement a lieu au sein d'unités d'enseignement, qui sont gérées par l'établissement de santé ou l'établissement ou service médico-social auquel elles sont rattachées, alors même qu'elles peuvent, en application de l'article D. 351-18 du même code, être situées dans les locaux d'un établissement scolaire.

7. D'une part, il résulte des dispositions combinées des articles D. 351-17 et D. 351-18 du code de l'éducation que les unités d'enseignement, quelle que soit leur implantation, doivent être gérées par des établissements de santé ou des établissements ou services médico-sociaux. Dès lors, le moyen tiré de ce que les ministres auraient méconnu l'obligation impartie à l'Etat de mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés, découlant de l'article L. 112-1 du code de l'éducation, en confiant la gestion des unités d'enseignement créées au sein d'écoles maternelles à des établissements ou services médico-sociaux doit être écarté.

8. D'autre part, si l'association requérante soutient que de telles structures sont inadaptées pour des enfants âgés de trois à six ans, pour lesquels il serait impossible de parler de troubles sévères justifiant une scolarisation spécifique, et que l'orientation des enfants souffrant d'un syndrome autistique par les maisons départementales des personnes handicapées est inadaptée, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres, en prévoyant la création d'unités d'enseignement au sein d'écoles maternelles, auraient entaché l'instruction attaquée d'erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit, par suite, être écarté.

9. Enfin, l'association requérante ne peut utilement soutenir que l'instruction attaquée méconnaîtrait la résolution du comité des ministres du Conseil de l'Europe du 5 février 2014, laquelle est dépourvue de valeur normative. En tout état de cause, la circonstance que l'instruction attaquée définisse les éléments constitutifs des appels à projets spécifiques en vue de la création de places nouvelles de prise en charge d'enfants atteints d'autisme ou d'autres troubles envahissants du développement au sein d'établissements existants ne fait pas par elle-même obstacle à la mise en place d'autres structures, à titre expérimental, proposant d'autres méthodes de traitement.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, la requête de l'association Vaincre l'autisme doit être rejetée. Les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Vaincre l'autisme est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Vaincre l'autisme, à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

ECLI:FR:CESSR:2015:378198.20150504
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