CAA de LYON, 1ère Chambre - formation à 5, 14/05/2014, 13LY01523, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistré le 14 juin 2013, présentée pour M. C...F...domicilié..., M. I...G...domicilié..., M. H...E...domicilié..., M. D...E...domicilié applicables dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent chapitre et l'association Carton Rouge dont le siège est 62 rue Carnot BP 316 à Décines-Charpieu (69154) demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202036 et n° 1204001 du 10 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d'annulation en premier lieu de l'arrêté en date du 23 janvier 2012 par lequel le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique le projet de création du parking des Panettes pour la desserte du Grand Stade à Décines-Charpieu, sur les communes de Meyzieu et de Pusignan, par la Communauté urbaine de Lyon (Grand Lyon), et emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme communautaire sur la commune de Meyzieu et, en second lieu, de l'arrêté du préfet du Rhône du 30 mars 2012 déclarant cessibles au profit du Grand Lyon des parcelles de terrain nécessaires à la réalisation de ce projet ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du Grand Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que leur requête est recevable ; que, s'agissant de la légalité externe, en premier lieu, l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique et l'avis public d'ouverture d'enquête ne respectent pas les 6°, 8° et 9° de l'article R. 123-13 du code de l'environnement ni l'article R. 123-14 de ce code ni d'ailleurs la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 ; qu'il appartient à la Cour d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur la portée des règles communautaires méconnues et les conséquences à en tirer ; que la participation du public, du fait en particulier de l'absence de mention sur la présence d'une étude d'impact, a été influencée par la publicité irrégulière ; que, en deuxième lieu, faute de mention de la déclaration d'intérêt général, l'article R. 123-6 du code de l'environnement a été méconnu ; que la commission d'enquête s'est sentie irrégulièrement liée par la déclaration d'intérêt général qui a bien eu une influence déterminante sur l'enquête ; que le tribunal n'a pas répondu sur ce point ; qu'en troisième lieu, l'article L. 123-9 du code de l'environnement a été violé faute pour le public d'être informé de la déclaration d'intérêt général ; que le tribunal a laissé sans réponse la branche du moyen tirée de ce que la commission d'enquête n'a pas demandé à compléter le dossier sur l'élément essentiel qui a fondé sa décision ; que les conclusions de la commission d'enquête ne sont pas motivées ; que le jugement est contradictoire sur ce point ; qu'en quatrième lieu, l'opération a été conduite sur la commune voisine ; qu'en cinquième lieu, l'avis de la commission est défavorable ; qu'au surplus, il est inexact et a induit en erreur les conseillers communautaires ; que le jugement est, à cet égard, insuffisamment motivé ; que, en sixième lieu, faute d'étude d'impact de l'ensemble du projet, l'article R. 122-3 du code de l'environnement a été méconnu ; qu'elle ne comporte rien sur le prolongement, pourtant envisagé, de la ligne T2/T3 ; que l'étude n'envisage pas non plus les conséquences des constructions connexes au stade ; que l'étude d'impact a totalement négligé l'impact de l'urbanisation pour environ 380 000 m2 de surface hors oeuvre nette ; qu'en septième lieu, le processus décisionnel est irrégulier dès lors que le président du Grand Lyon s'est engagé sans avoir reçu mandat de son conseil, avant toute consultation du public, et sans l'avoir fait valider préalablement pas son conseil ; que le jugement méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour n'avoir pas statué sur la régularité du protocole d'accord de 2008 ; que toutes les décisions prises l'ont été pour la mise en oeuvre du protocole ; que l'intérêt général ayant été prononcé par la déclaration d'intérêt général, le préfet comme le Grand Lyon étaient liés ; qu'en huitième lieu, la commission nationale du débat public n'a pas été saisie en violation de l'article L. 121-1 du code de l'environnement alors que le projet est celui d'une vaste opération d'aménagement ou d'équipement au sens de cette disposition ; que, compte tenu du changement de circonstances, un nouvel avis était nécessaire ; qu'en neuvième lieu, le rapport de la commission d'enquête et la motivation de son avis sont insuffisants ; que sur le plan de la légalité interne, en premier lieu, plusieurs révisions ont été mises irrégulièrement en oeuvre pour la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme du Grand Lyon, les communes concernées n'ayant pu se prononcer sur l'opportunité du Grand Stade et ces révisions procédant d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, faute d'être consultées, les communes concernées n'ont pu s'exprimer sur la révision du plan local d'urbanisme intégrée dans la déclaration d'utilité publique et la mise en conformité du plan local d'urbanisme ; que le Grand Lyon a, de ce point de vue, commis un détournement de procédure ; que la mise en conformité rendue nécessaire par le projet litigieux aurait du être intégrée à la révision du plan local d'urbanisme justifiée par le Grand Stade ; qu'en deuxième lieu, il y a incompatibilité avec le plan de déplacements urbains qui ne prévoyait pas l'accès litigieux, lequel va entraîner un déficit d'exploitation pour le Grand Lyon ; que le moyen peut être utilement invoqué à l'encontre des actes litigieux ; qu'en troisième lieu, la déclaration d'intérêt général prise par arrêté du 23 mai 2011 est illégale ; que la procédure suivie pour son adoption est irrégulière ; qu'il est imprécis ; que seule la ligue française de football pouvait en être bénéficiaire ; qu'il va au-delà des prescriptions législatives ; qu'il méconnait la réglementation européenne sur les aides d'Etat ; que le projet est sans intérêt général ; qu'aucune déclaration d'intérêt général n'a été prise pour le projet ; qu'en quatrième lieu, l'OL Groupe, entreprise commerciale, a bénéficié d'aide économiques irrégulières, alors que sont en principe interdites les aides d'Etat, pour la réalisation de son projet de Grand Stade et des accès ; que le principe de l'interdiction de verser des aides non notifiées à la commission a été méconnu ; qu'il y a également violation des lois " Buffet ", pourtant dérogatoires du droit communautaire ; que la dérogation prévue à l'article 28 de la loi 22 juillet 2009 n'a pas été autorisée par la commission et la déclaration d'intérêt général ne présente pas un caractère définitif ; qu'il n'appartient pas à un tribunal de vérifier si l'opération en cause est de nature à affecter les échanges entre Etats membres ou à menacer de fausser la concurrence ; que les aides apportées à l'OL sont des aides d'Etat ; qu'en l'espèce les travaux sont prévus pour l'avantage exclusif du stade et ne sont pas antérieurs au projet ; qu'en cinquième lieu, le projet n'est pas d'utilité publique ; qu'il n'y a aucun intérêt public à satisfaire des spectateurs de football, lesquels ne demandent pas majoritairement un grand stade à Décines ; que son implantation et la réalisation de voies de desserte ne répondent à aucun intérêt public ; que l'importance des investissements publics est disproportionnée ; que la seule déclaration d'intérêt général ne permet pas de définir l'intérêt général de l'opération ; qu'il n'y avait nul besoin d'un nouveau stade compte tenu en particulier de celui de Gerland, moyennant le cas échéant quelques travaux ; que la création d'emplois est surestimée et excessivement en retrait par rapport au coût du projet ; que ce projet, par l'importance des déplacements automobiles, va générer des atteintes à l'environnement ; que seule une fraction minime de spectateurs sera acheminée par transports en commun ; qu'aucune comparaison n'a été effectuée avec le stade de Gerland, d'une capacité de près de 43 000 places et bien desservi par les transports en commun ; que l'arrêté de déclaration d'intérêt général est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il n'y a pas d'intérêt général à réaliser un stade privé qui ne présente aucun avantage économique ; qu'en dernier lieu, les modifications apportées au plan local d'urbanisme n'ont pas un caractère limité ;
Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2013, présenté pour la Communauté urbaine de Lyon (Grand Lyon) qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle expose que l'enquête publique, ouverte par arrêté du 20 mai 2011, s'est déroulée du 14 juin au 18 juillet 2011 ; que s'agissant de la légalité externe, l'avis d'information et l'arrêté d'ouverture d'enquête publique mentionnent l'identité de la collectivité responsable du projet, de l'autorité compétente pour prendre la déclaration d'utilité publique ; que l'existence des études d'impact a été portée à la connaissance du public avant les enquêtes publiques et que l'avis d'enquête préalable à la délivrance du permis de construire le Grand Stade mentionnait la présence d'une étude d'impact ; qu'enfin l'absence d'information à ce sujet dans l'avis d'information et l'arrêté d'ouverture d'enquête publique est, en soi, sans incidence sur la régularité de la procédure, la participation du public ayant d'ailleurs été très importante ; que le public a disposé d'informations complètes ; que le dossier d'enquête publique était complet ; qu'il n'avait pas à mentionner la déclaration d'intérêt général prise en vertu d'une disposition qui ne régit pas l'enquête publique ni la procédure relative à l'opération ; qu'au demeurant les intéressés étaient informés de cette déclaration d'intérêt général ; que l'absence de mention de la déclaration d'intérêt général est demeurée sans incidence ; qu' il n'y a pas eu méconnaissance de l'article L. 123-9 du code de l'environnement ; que la déclaration d'intérêt général n'est pas une composante du projet ; que la déclaration d'intérêt général n'est visée qu'au titre du financement des travaux ; qu'il n'y a eu ni erreur de droit ni de motivation ; qu'aucune déclaration d'intérêt général n'a été prise pour ce projet ; que les réserves ont été levées et la seule circonstance qu'elles ne l'auraient pas été demeure de toutes les façons sans incidence sur la légalité de la déclaration d'utilité publique ; qu'il n'y a aucune insuffisance substantielle de l'étude ; que le protocole du 13 octobre 2008, qui ne peut être contesté par la voie de l'exception, n'a pas valeur d'engagement ; que la saisine de la commission nationale du débat public n'avait pas à être saisie en application de l'article L. 121-1 du code de l'environnement ; que le centre national de documentation pédagogique (CNDP) a déjà été consulté et le programme n'a pas depuis lors évolué ; qu'en ce qui concerne la légalité interne, aucune disposition ne lui faisait obligation de conduire une seule et même procédure de révision pour l'ensemble des opérations réalisées dans le secteur ; que l'absence de mention du projet dans le plan de déplacements urbains ne suffit pas à démontrer une incompatibilité ; qu'il n'existe aucune exigence de compatibilité entre une déclaration d'utilité publique, même portant mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, et un plan de déplacements urbains ; que la déclaration d'intérêt général et la déclaration d'utilité publique relèvent de législations distinctes sans que l'une soit générale et l'autre spéciale et qu'il puisse être excipé de l'illégalité de la première ; que l'arrêté de déclaration d'utilité publique n'est pas une aide économique irrégulière ; que la déclaration d'utilité publique ne procure aucun avantage financier, rien ne permettant d'affirmer qu'elle affecterait les échanges intra communautaires ou fausserait la concurrence ; que le projet présente un intérêt public ; que l'aménagement du secteur du Grand Stade s'inscrit dans une démarche globale d'extension et de développement de l'agglomération ; que ce projet présente, en lui-même, un intérêt public ; que les requérants n'établissent pas que le projet aurait pu être réalisé avec des terrains qu'elle possède ; que les modifications apportées au plan local d'urbanisme sont de caractère limité ;

Vu l'ordonnance en date du 20 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 13 septembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2013, présenté pour M. F...et autres qui concluent par les mêmes moyens aux mêmes fins que précédemment ;

Ils ajoutent que l'avis de la Direction Régionale de l'environnement, de l'aménagement et du Logement (DREAL) ne vaut pas publicité de l'étude d'impact et que la différence de fréquentation des enquêtes publiques "plan local d'urbanisme" et "déclaration d'utilité publique" n'est pas contestée ; que l'étude d'impact n'examine pas l'impact des autres constructions que le stade lui-même ; que l'ensemble des collectivités et l'Etat s'est senti engagé par le protocole ; que le changement de circonstances a rendu caduc l'avis du CNDP de 2007 ; que les objectifs globaux du plan de déplacements urbains sont méconnus ; que la commission d'enquête a reconnu que le projet n'avait d'intérêt que si le stade était réalisé ;

Vu l'ordonnance en date du 13 septembre 2013 reportant la date de clôture d'instruction au 4 octobre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir, s'agissant de la légalité externe, que l'enquête publique devait être diligentée en application des articles R. 11-14-5 et R. 11-14-7 du code de l'expropriation, ce qui a été fait ; que, de toutes les façons, rien ne permet de dire que le public aurait subi les conséquences d'un défaut d'information contrairement aux exigences des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l'environnement ; que l'arrêté prescrivant l'ouverture de l'enquête a été signé par délégation du préfet et pris à la demande du Grand Lyon ; que l'absence de mention de l'étude d'impact est demeurée sans incidence, les usagers en ayant eu connaissance que les requérants ne peuvent directement se prévaloir de la directive du 27 juin 1985, transposée en droit interne ; que la déclaration d'intérêt général ne se rapporte pas à la procédure de déclaration d'utilité publique dont elle est indépendante ; que la commission d'enquête, qui a examiné dans le détail l'intérêt public qui s'attachait au projet, ne s'est pas senti liée par la déclaration d'intérêt général ; que la déclaration d'intérêt général, qui n'est pas un préalable indispensable à la déclaration d'utilité publique, a fait l'objet de toutes les mesures de publicité ; que la seule circonstance que la commission d'enquête aurait commis une erreur de motivation en mentionnant la déclaration d'intérêt général est sans incidence sur la légalité de la déclaration d'utilité publique ; que la commission a de toutes les façons examiné concrètement l'intérêt du projet ; que les réserves ont été levées et, à supposer que l'avis de la commission soit défavorable, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de la déclaration d'utilité publique ; que l'étude d'impact n'avait pas à porter sur les équipements annexes au stade ; que des informations suffisantes sur ces équipements figurent dans l'étude ; que rien ne faisait obstacle à une expropriation sur une commune voisine ; que le protocole n'a aucune valeur réglementaire ; que les arrêtés litigieux ne procèdent pas de ce protocole ; que le projet d'accessibilité au Grand Stade ne relève pas du CNDP en application de l'article R. 121-1 du code de l'environnement ; que la commission d'enquête a suffisamment motivé son avis ; qu'en ce qui concerne la légalité interne, aucune disposition n'impose de grouper les différentes révisions de plan local d'urbanisme au sein d'une même enquête ; que le moyen tiré de l'incompatibilité des arrêtés en litige avec le plan de déplacements urbains est inopérant dès qu'ils ne constituent ni des mesures de police de la circulation ni des mesures relevant du domaine de la voirie ; que les dispositions de l'article L. 123-1-9 du code de l'urbanisme sont sans lien avec la compatibilité du projet d'accès sud et le plan de déplacements urbains ; que le projet est, en toute hypothèse, compatible avec le plan de déplacements urbains ; que la légalité de la déclaration d'intérêt général ne peut être utilement mise en cause par voie d'exception ; que l'arrêté de déclaration d'utilité publique ne saurait en soi créer une aide d'Etat en faveur de la société Olympique Lyonnais ; que l'arrêté de déclaration d'intérêt général est valide, de telle sorte que les collectivités peuvent participer au financement des équipements nécessaires à la desserte ; que le problème de la vente par le Grand Lyon de terrains à la Foncière du Montout est étrangère à la question de la légalité de l'arrêté de déclaration d'utilité publique concernant le projet d'accès sud ; que le projet est d'utilité publique ; que le projet répond également aux besoins généraux de l'aménagement urbain du site du Grand Montoux ; que bien que privé, le Grand Stade jouera un rôle majeur pour l'agglomération lyonnaise ; que ce projet sera créateur d'emplois provisoires, temporaires ou permanents ; que l'atteinte à l'environnement n'est pas démontrée ; que la juridiction n'a pas à se prononcer sur l'opportunité du choix à réaliser entre le Grand Stade et le stade de Gerland ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2013, présenté pour le Grand Lyon, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, faisant en outre valoir que les avis de la DREAL étaient accessibles ; que le projet n'avait pas à examiner les modalités de financement des travaux privés du Grand Stade ; que la déclaration d'intérêt général et la déclaration d'utilité publique sont sans lien ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2013, présenté pour M. F...et autres qui maintiennent leurs précédents moyens et conclusions, soutenant par ailleurs que la simple mise en ligne sur le site de la DREAL de son avis sur une étude d'impact ne saurait suffire à informer le public sur la mise à disposition de cette étude ; qu'il appartenait au préfet de vérifier l'existence d'autres terrains, dont celui de Gerland ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 11 et 22 avril 2014, présentées pour la communauté urbaine de Lyon ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 avril 2014, présentée par le ministre de l'intérieur ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 avril 2014, présentée pour M. F...et autres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 25 juin 1998, dite d'Aarhus, sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

Vu la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

Vu la directive 2003/35CE du parlement européen et du conseil du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l'élaboration de certains plans et programmes relatifs à l'environnement, et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l'accès à la justice, les directives 85/337/CEE et 96/61CE du Conseil ;

Vu la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 ;

Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2014 :

- le rapport de M. Picard, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me A...représentant M. F...et autres, et celles de Me B...représentant la Selarl Adamas affaires publiques, avocat de la Communauté urbaine de Lyon ;
1. Considérant que, dans le cadre du programme dit Grand Stade, qui comprend en particulier la réalisation à Décines-Charpieu d'un stade de près de 60 000 places pour laquelle le maire de cette commune a délivré un permis de construire en date du 3 février 2012 à la société Foncière du Montout, maître d'ouvrage de ce projet, a notamment été prévue, pour sa desserte, la création du parking dit des Panettes comportant principalement la création d'un parking évènementiel d'environ 3 400 places de stationnement, l'aménagement d'une " gare navette-bus " constituée de trois quais ainsi que d'un parc-relais d'environ 600 places, et la réalisation d'un parvis autour de la nouvelle station de tramway " en accompagnement du prolongement de la ligne T3 " ; que ce projet a été soumis à une enquête publique qui s'est tenue dans les locaux des mairies de Meyzieu et de Pusignan entre les 14 juin et 18 juillet 2011 ; que la commission d'enquête a rendu son rapport le 27 septembre 2011 ; que, par un arrêté du 23 janvier 2012, le préfet du Rhône a déclaré d'utilité publique ce projet et, par un arrêté du 30 mars suivant, il a déclaré cessibles les parcelles de terrain nécessaires à sa réalisation ; que saisi de chacun de ces arrêtés par deux demandes émanant de M. F...et d'autres personnes, dont il a assuré la jonction, le tribunal, par un jugement du 10 avril 2013, a procédé à leur rejet ;
Sur la recevabilité des demandes devant le tribunal :

En ce qui concerne l'arrêté du 23 janvier 2012 :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 23 janvier 2012 contesté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 25 janvier 2012 ; que, par suite, la demande d'annulation de cet arrêté, présentée au tribunal le 26 mars 2012, n'était pas tardive ;

3. Considérant, en second lieu, que, en leur qualité de contribuables du Grand Lyon résidant à Meyzieu, MM F... et G...et H...et D...E...disposaient d'un intérêt suffisant à demander l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2012 ; que possédant des droits sur les parcelles déclarées cessibles, MM. H...et D...E...justifiaient également, en cette qualité, d'un intérêt suffisant à demander l'annulation de l'arrêté en cause ;

4. Considérant dès lors, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'association Carton Rouge avait intérêt à agir ou si son président avait qualité pour la représenter en justice, que la demande présentée devant le tribunal était recevable ;

En ce qui concerne l'arrêté du 30 mars 2012 :

5. Considérant, en premier lieu, que faute d'établir la date de notification de l'arrêté du 30 mars 2012, le Grand Lyon n'est pas fondé à soutenir que la demande d'annulation de cet arrêté serait tardive ;

6. Considérant, en second lieu, que MM. H...et D...E...disposaient, en leur qualité de propriétaires de parcelles déclarées cessibles, d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2012, en tant qu'il porte sur ces biens ; que, dans cette mesure, leurs conclusions contre cet arrêté étaient recevables, étant, pour le surplus, irrecevables ;

7. Considérant, en revanche, que l'association Carton Rouge, M. F...et M. G..., qui ne justifient d'aucun droit sur les terrains expropriés, sont dénués de tout intérêt direct à demander l'annulation de ce même arrêté ; que, comme le soutiennent le Grand Lyon et le ministre, les conclusions qu'ils ont présentées à ce titre sont donc irrecevables ;

Sur la légalité des arrêtés contestés :

8. Considérant que l'article L. 123-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 susvisée, prévoit que : " La réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux exécutés par des personnes publiques ou privées est précédée d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des zones concernées, ces opérations sont susceptibles d'affecter l'environnement. La liste des catégories d'opérations visées à l'alinéa précédent et les seuils et critères techniques qui servent à les définir sont fixés par décrets en Conseil d'Etat. Ces seuils ou critères peuvent être modulés pour tenir compte de la sensibilité du milieu et des zones qui bénéficient au titre de l'environnement d'une protection d'ordre législatif ou réglementaire (...) " ; que l'article L. 123-2 de ce code, en vigueur à la date de l'acté contesté, énonce que : " Lorsque des lois et règlements soumettent l'approbation de documents d'urbanisme ou les opérations mentionnées à l'article L. 123-1 à une procédure particulière d'enquête publique, les règles régissant ces enquêtes demeurent applicables dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent chapitre" ; que selon l'article L. 123-6 de ce même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les modalités d'application du présent chapitre, notamment les délais maxima et les conditions de dates et horaires de l'enquête, sont fixées par des décrets en Conseil d'Etat " ;

9. Considérant par ailleurs que selon l'article R. 123-1 du même code, également dans sa rédaction alors applicable : " I.- La liste des catégories d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux qui doivent être précédés d'une enquête publique en application de l'article L. 123-1 est définie aux annexes I à III du présent article. II. - En cas de réalisation fractionnée d'une même opération, l'appréciation des seuils et critères mentionnés à l'annexe I tient compte de l'ensemble de l'opération (...) " ; que le 8° de l'annexe I à cette dernière disposition mentionne, s'agissant des travaux de voirie routière, les " travaux d'investissement routier d'un montant supérieur à 1 900 000 euros conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants " ;

10. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 123-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet, après consultation du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête, précise par arrêté : (...) 6° Si le projet a fait l'objet d'une étude d'impact ou d'une notice d'impact dans les conditions prévues par les articles R. 122-1 à R. 122-16, la mention de la présence de ce document dans le dossier d'enquête (...) " ; que selon l'article R. 123-14, également dans sa version alors en vigueur : " Un avis portant ces indications à la connaissance du public est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés (...) " ;

11. Considérant que, s'agissant de la procédure spécifique alors prévue par les articles R. 11-14-1 et suivants du code de l'expropriation pour les enquêtes préalables portant sur des opérations entrant dans le champ d'application des articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de l'environnement, les articles R. 11-14-5 et R. 11-14-7 relatifs à l'arrêté précisant les modalités de l'enquête publique et à l'avis portant ces indications à la connaissance du public, dans leur version alors applicable, n'imposaient aucune précision concernant l'existence d'une étude d'impact ;

12. Considérant en premier lieu que si les opérations qui, à la fois, affectent l'environnement en application de l'article L. 123-1 précité du code de l'environnement et donnent lieu à des expropriations, relèvent de la procédure d'enquête publique spécifique prévue par le code de l'expropriation, il résulte également de l'article L. 123-2 du code de l'environnement que, dans le cas où cette procédure comporterait des dispositions inconciliables avec les prescriptions des articles L. 123-1 et suivants du code de l'environnement mais également des articles R. 123-1 et suivants de ce même code, seules ces dernières trouveraient à s'appliquer ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération en litige qui, par les travaux et aménagements qu'elle comporte, est susceptible d'affecter l'environnement, et dont le coût excède le montant de 1 900 000 euros visé plus haut, relève de la procédure d'enquête publique prévue à l'article L. 123-1 du code de l'environnement ; que, même si cette opération dépendait de la procédure spécifique d'expropriation évoquée précédemment, elle n'en était pas moins assujettie à l'obligation prévue par les articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l'environnement de mentionner qu'elle avait fait l'objet d'une étude d'impact dès lors que les articles R. 11-14-5 et R. 11-14-7 précités du code de l'expropriation ne prévoient rien à cet égard ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'arrêté du préfet du Rhône du 20 mai 2011 prescrivant l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité du projet de parking des Panettes et l'avis au public relatif à cette enquête ne mentionnent pas, en méconnaissance des dispositions rappelées plus haut des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l'environnement, que ce projet a fait l'objet d'une étude d'impact ni que ce document fait partie du dossier soumis à l'enquête ;

15. Considérant en second lieu que s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;

16. Considérant que l'étude d'impact est un document essentiel du processus d'information du public, dont l'importance est d'ailleurs soulignée par la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985, modifiée par la directive 2003/35 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003, laquelle renvoie à la convention d'Aarhus du 25 juin 1998, qui rappellent la nécessité d'informer le public à un stade précoce des procédures décisionnelles en matière d'environnement, par des avis ou d'autres moyens appropriés, de ce que le projet fait l'objet d'une procédure d'évaluation des incidences sur l'environnement, et ceci afin de lui permettre d'exercer une influence réelle sur ce processus ; qu'en l'espèce, si approximativement 620 observations ont été recueillies au cours de l'enquête, sans que soient d'ailleurs indiqués les chiffres exacts de la participation, et alors que notamment, le programme du Grand Stade a été largement couvert par les médias, que le dossier de permis de construire le stade a lui-même été soumis à enquête, l'avis d'enquête mentionnant d'ailleurs l'existence d'une étude d'impact, ou que la DREAL Rhône-Alpes a émis un avis sur le projet d'étude d'impact, disponible par voie électronique, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'objet de l'opération en litige et de sa nature, en particulier de son imbrication dans le programme du Grand Stade, dont elle ne constitue qu'un élément, et du caractère particulièrement volumineux de l'étude d'impact, laquelle porte non seulement sur cette opération mais plus généralement, en application de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, sur le programme dans lequel elle s'inscrit, et eu égard, plus spécialement, à l'importance du bassin de vie que représente l'est lyonnais ainsi qu'à la complexité que la tenue de cinq enquêtes distinctes, propres à chaque projet d'accès au Grand Stade, a pu revêtir pour les personnes intéressées, ces dernières, malgré l'omission relevée au point 14, auraient été, dans leur ensemble, mises à même de complètement se mobiliser à un stade suffisamment précoce de la procédure et de prendre effectivement connaissance, lors des permanences de la commission d'enquête, de cette étude ; que, dans de telles circonstances, la méconnaissance des articles R. 123-13 et R. 123-14 précités du code de l'environnement a été de nature à nuire à l'information de ces personnes ; que dès lors, comme le soutiennent les requérants, l'arrêté du préfet du Rhône du 23 janvier 2012 est entaché d'irrégularité ;


17. Considérant que l'arrêté subséquent du 30 mars 2012 se trouvant du même coup privé de fondement légal, MM. H...et D...E...sont fondés à en demander l'annulation dans la mesure où leurs biens se trouvent expropriés ;

18. Considérant, par suite, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que M. F...et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, les conclusions présentées par le Grand Lyon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par M. F...et autres ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 10 avril 2013, en tant qu'il a rejeté la demande de M. F...et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 23 janvier 2012 ainsi que les conclusions de MM. H...et D...E...dirigées contre l'arrêté du préfet du Rhône du 30 mars 2012, est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône du 23 janvier 2012 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet du Rhône du 30 mars 2012 est annulé dans les conditions prévues au point 17 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. F...et autres et par le Grand Lyon est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F..., à M. I...G..., à M. H... E..., à M. D...E..., à l'association Carton Rouge, à la Communauté urbaine de Lyon et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.


Délibéré après l'audience du 8 avril 2014, à laquelle siégeaient :
M. Riquin, président de chambre,
M. Mesmin-d'Estienne, président-assesseur,
M. Picard, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2014.

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N° 13LY01523
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