COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 5ème chambre - formation à 3, 03/04/2014, 13LY02541, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour M. A...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1301285-1301287 du 13 août 2013 du Tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2013 du préfet de la Côte-d'Or refusant de renouveler son titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :
- que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2013, présenté pour le préfet de la Côte-d'Or, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens de celle-ci n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2014 :

- le rapport de M. Meillier, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public ;


1. Considérant que M. A...B..., ressortissant kosovar né en 1936, a sollicité le 19 avril 2007 son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée le 5 septembre 2007 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 7 novembre 2007 par la Commission de recours des réfugiés ; qu'il a sollicité le 9 janvier 2008 la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé ; que l'autorité administrative a fait droit à cette demande au cours de l'année 2008 et lui a délivré un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 23 janvier 2013 ; que M. B...a sollicité le 16 janvier 2013 le renouvellement de son titre de séjour ; que, par arrêté en date du 8 avril 2013, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le Kosovo comme pays de destination et a abrogé le récépissé de demande de carte de séjour dont l'intéressé était titulaire ; que, par jugement du 13 août 2013, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que M. B...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de l'arrêté du 8 avril 2013 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la demande de titre de séjour de M. B...n'ayant été ni présentée ni examinée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions est inopérant ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical ;




5. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si le médecin de l'Agence régionale de santé, saisi par le préfet de la Côte-d'Or, a estimé, dans un avis en date du 28 février 2013, que le traitement approprié à l'état de santé de M. B...était absent dans le pays d'origine, le préfet estime toutefois que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo et produit à cet égard une liste des médicaments essentiels élaborée par les autorités de cet Etat, des courriers en date des 3 mars 2008, 22 août 2010 et 6 mai 2011 émanant de l'ambassade de France au Kosovo ainsi qu'un rapport du ministère de la santé du Kosovo, tendant à établir que ce pays dispose d'une offre de soins publique et privée couvrant de nombreuses pathologies et que des traitements et médicaments variés y sont dispensés et distribués ; qu'en revanche, M. B...se borne à faire état d'" importants problèmes de santé " et à indiquer que " le Tribunal administratif n'a nullement pris en compte les éléments versés aux débats ", sans même soutenir qu'il ne pourrait être soigné au Kosovo ni produire aucun certificat médical ou autre document relatif à la disponibilité de son traitement au Kosovo ; qu'en particulier, il n'établit pas ni même n'allègue être atteint d'une pathologie autre que celles pour lesquelles une offre de soins existe au Kosovo ou encore suivre un traitement, médicamenteux ou non, autre que ceux disponibles dans ce pays ; que, dans ces conditions, et compte tenu des éléments respectivement apportés par les deux parties, l'absence d'un traitement approprié au Kosovo ne ressort pas des pièces du dossier ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en dernier lieu, que si M. B...soutient dans ses écritures qu'il est entré en France en 1999, il ne conteste pas avoir déclaré à l'autorité préfectorale être entré en France le 10 avril 2007 ; que sa demande d'asile a été rejetée ; que s'il indique que ses trois enfants, ainsi que ses petits enfants, résident en France et qu'il est hébergé chez son fils Bujar, ses enfants, entrés en France dès 1999 et dont il a vécu séparé pendant huit années, ne sont toutefois titulaires que de cartes de séjour temporaires ; que son épouse a fait l'objet, le même jour que lui, d'un arrêté de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il peut être soigné au Kosovo, tout comme son épouse ; qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de soixante et onze ans ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, et alors même qu'il ne pourrait trouver un emploi au Kosovo en raison de son âge, le refus de titre de séjour attaqué n'a pas porté, eu égard aux buts qu'il poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B...n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt de rejet n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

10. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B...doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2014, à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
M. Meillier, conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2014.
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