Cour administrative d'appel, 1ère chambre - formation à 3, 13/06/2013, 11BX01497, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 23 juin 2011, présentée pour M. A...C...demeurant..., M. D... B...demeurant..., architectes et la société Mutuelle des architectes français, par la SCP Darnet-Gendre, avocats ;

M.C..., M. B...et la société Mutuelle des architectes français demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600851 du 28 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse les a condamnés solidairement avec la SA Batut à verser au Centre régional de la propriété forestière (CRPF) de Midi-Pyrénées la somme de 40 205,66 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant le bardage d'un immeuble à usage de bureaux situé à Auzeville-Tolosane ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par le CRPF de Midi-Pyrénées devant le tribunal administratif et de le condamner à rembourser l'intégralité des sommes versées au titre du jugement soit la somme de 20 465,84 euros avec intérêts à compter du règlement effectué et à titre subsidiaire, si par impossible le caractère décennal des désordres était confirmé, de dire que M. C...et M. B...devront être intégralement relevés et garantis par la SA Batut, si mieux n'aime la cour procéder à une répartition de responsabilités en fonction des missions respectives de l'architecte et de l'entreprise ;

3°) de mettre à la charge du CRPF de Midi-Pyrénées une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


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Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me Debezy, avocat du Centre régional de la propriété forestière (CRPF) de Midi-Pyrénées ;



1. Considérant que par marché signé le 8 juillet 1994, le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) de Midi-Pyrénées a confié à la SA Batut ayant pour sous-traitant la société Charpente 31, la réalisation des travaux du lot n°3 " ossature bois - bardage bois ", de l'opération de construction d'un bâtiment à usage de bureaux situé à Auzeville-Tolosane ; que la maîtrise d'oeuvre de cette opération avait été confiée par marché signé le 16 juillet 1993 à un groupement solidaire composé de MM. C...etB..., architectes, ayant comme sous-traitant le Bureau d'études techniques Deberdt, chargé des études des lots techniques et de leur contrôle durant la réalisation du chantier ; qu'après la réception de l'ouvrage prononcée le 28 avril 1995, des déformations et désemboîtements ont affecté les lames constituant le bardage extérieur du bâtiment ; qu'à la suite du dépôt le 15 décembre 2005 du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, le CRPF de Midi-Pyrénées a recherché devant ce tribunal la condamnation solidaire, à titre principal sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil et, à titre subsidiaire, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle respective, de MM. C...etB..., avec leur assureur, la société Mutuelle des architectes français, ainsi que de la SA Batut avec son assureur, la société AGF devenue Allianz, à lui payer, la somme totale de 45 205,66 euros toutes taxes comprises, en réparation des désordres affectant l'immeuble ; que M.C..., M. B...et la société Mutuelle des architectes français relèvent appel du jugement n° 0600851 du 28 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse les a condamnés solidairement avec la SA Batut à verser au CRPF de Midi-Pyrénées la somme de 40 205,66 euros toutes taxes comprises en réparation de ces désordres ;


Sur l'intervention de la société Mutuelle des architectes français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct " ; que l'intervention de la société Mutuelle des architectes français n'a pas été présentée par mémoire distinct mais dans la requête présentée pour MM. C...et B...; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;


Sur la recevabilité des appels en garantie présentés par MM. C...etB... :

3. Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier qu'en première instance MM. C...et B...n'ont pas demandé à être partiellement ou intégralement relevés indemnes par la SA Batut ; qu'ainsi, les conclusions qu'ils présentent pour la première fois devant la cour tendant à ce qu'elle dise qu'ils devront être intégralement relevés et garantis par la SA Batut, si mieux n'aime la cour procéder à une répartition de responsabilités en fonction des missions respectives de l'architecte et de l'entreprise, constituent des demandes nouvelles qui ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;


Sur le caractère décennal des désordres :

4. Considérant que le bâtiment à usage de bureaux du CRPF de Midi-Pyrénées est revêtu sur toutes ses façades d'un bardage en bois contribuant à la protection du film plastique assurant son étanchéité ; qu'après la réception prononcée sans réserve le 28 avril 1995, des déformations sont apparues sur les lames de bois entraînant leur désemboîtement, voire leur bris, plus particulièrement sur les façades les plus exposées au soleil ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné que, sous l'action de la lumière du jour et des rayons ultra-violets qu'elle comporte, ces dégradations du bardage entraînent la détérioration et la désagrégation progressives du film plastique destiné à assurer l'étanchéité du bâtiment ; que par suite, le bardage en bois n'assure plus le rôle, qui lui était assigné, de protection mécanique et optique de ce film ; qu'il ressort également du rapport de l'expert qu'alors même qu'aucune infiltration d'eau n'a été constatée dans les dix ans suivant la réception prononcée le 28 avril 1995, des dommages affectant l'étanchéité du bâtiment sont susceptibles d'intervenir dans un délai prévisible de quelques années, avec une forte probabilité, plus particulièrement sur les façades les plus exposées au soleil ; qu'eu égard à leur ampleur et à leur consistance, de tels désordres, qui sont de nature à compromettre dans un délai prévisible la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;


Sur l'imputation des désordres :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché signé le 16 juillet 1993 en vue de la construction du bâtiment à usage de bureaux du CRPF de Midi-Pyrénées confiait au groupement solidaire composé de MM. C...etB..., architectes, une mission complète de maîtrise d'oeuvre du lot n° 3 " ossature bois - bardage bois ", comportant notamment les spécifications techniques détaillées, les plans d'exécution des ouvrages, le contrôle général des travaux et la réception et le décompte de ceux-ci ; que par suite, MM. C... et B...devaient être regardés comme des constructeurs débiteurs de la garantie décennale vis-à-vis du maître de l'ouvrage ; qu'étant notamment chargés de définir les spécifications techniques du bardage en bois du bâtiment et de surveiller sa mise en place par les entreprises, ils ne sont pas fondés à soutenir que les désordres affectant ce bardage, dont l'expert relève qu'ils sont dus notamment à un dimensionnement trop faible de la rainure et de la languette de recouvrement entre lattes, ainsi qu'à une humidité probablement supérieure à celle prévue par le cahier des clauses techniques particulières au moment de la livraison des lattes, ne leur seraient pas imputables ;

6. Considérant que pour s'exonérer de la garantie ainsi due au CRPF de Midi-Pyrénées, MM. C...et B...ne peuvent pas utilement faire valoir que dans son rapport, l'expert a retenu que la SA Batut, chargée des études d'exécution, et ses sous-traitants étaient à l'origine exclusive des désordres dès lors que le constructeur dont la responsabilité est mise en jeu en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, n'est fondé à se prévaloir vis-à-vis du maître de l'ouvrage de l'imputabilité à un autre constructeur contractant du maître de l'ouvrage de tout ou partie des désordres litigieux et à demander, en conséquence, que sa responsabilité soit écartée ou limitée, que dans la mesure où ces désordres ou cette partie des désordres ne lui sont pas également imputables ; qu'il n'est pas davantage établi qu'un défaut d'entretien, à la charge du maître d'ouvrage, aurait contribué à la survenance des désordres ou à leur aggravation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, MM. C...et B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse les a condamnés à verser au CRPF de Midi-Pyrénées, solidairement avec la SA Batut, la somme de 40 205,66 euros toutes taxes comprises au titre de la garantie décennale des constructeurs ;

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué présentées par MM. C...etB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;


Sur le surplus des conclusions :

9. Considérant que les conclusions de la SA Batut ont été enregistrées le 10 novembre 2011 après l'expiration du délai d'appel contre le jugement notifié à la société le 28 avril 2011 ; que ces conclusions présentent le caractère d'un appel provoqué qui n'est recevable que lorsque la situation de son auteur est aggravée par l'admission de l'appel principal ; que le présent arrêt qui rejette l'appel principal de MM. C...et B...n'aggrave pas la situation de la SA Batut ; que par suite, l'appel provoqué formé par elle est irrecevable et ne peut qu'être rejeté ;

10. Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que soit mis à la charge du CRPF de Midi-Pyrénées, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la seule charge de MM. C...et B...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CRPF de Midi-Pyrénées et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Mutuelle des architectes français n'est pas admise.


Article 2 : La requête de MM. C...et B...est rejetée.
Article 3 : MM. C...et B...verseront au Centre régional de la propriété forestière de Midi-Pyrénées une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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No 11BX01497



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