COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 4ème chambre - formation à 3, 24/05/2012, 11LY00517, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 1er mars 2011, présentée pour M. Roger A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805838 du 30 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Saint-Genis-Pouilly à lui verser la somme de 15 404,62 euros TTC, outre intérêts au taux légal et capitalisation, en règlement de travaux de busage d'un ruisseau et la somme de 4 000 euros en indemnisation de la rupture abusive du marché dont il était le titulaire ;
2°) de condamner la commune de Saint-Genis-Pouilly à lui verser la somme de 14 420,17 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2008 ou du 17 juillet 2009 et de leur capitalisation et la somme de 5 000 euros outre intérêts aux taux légal à compter du 8 août 2008 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Genis-Pouilly une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que l'acceptation du devis contenait tous les éléments caractérisant un échange de consentements sur l'objet et le prix du contrat ; que les obligations de chaque partie y sont prévues avec une précision suffisante ; que l'article 11 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur ne prévoit pas de formalisme dès lors que le contenu des pièces écrites est suffisant ; que le maire de la commune a admis avoir contracté aux conditions du devis, alors même que ce document ne serait signé que du directeur général adjoint des services techniques ; que, dès lors, la commune de Saint-Genis-Pouilly doit s'acquitter de sa dette contractuelle représentant le montant des prestations réalisées tel qu'évalué par l'expert ; que le défaut de paiement l'a exposé à des agios bancaires d'un montant de 5 000 euros ; que, subsidiairement, la commune de Saint-Genis-Pouilly a commis une faute quasi-délictuelle en l'incitant à réaliser des travaux alors qu'elle n'a pas valablement contracté ; que la somme impayée représente également un enrichissement sans cause du maître de l'ouvrage ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 30 septembre 2011, présenté pour la commune de Saint-Genis-Pouilly (01638) ;

La commune de Saint-Genis-Pouilly conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Saint-Genis-Pouilly soutient que l'invocation de la responsabilité quasi-délictuelle et de l'enrichissement sans cause est nouvelle en appel dès lors que, la nullité du marché ayant été excipée en première instance, le requérant a négligé de se prévaloir devant le Tribunal de ces causes juridiques ; qu'à supposer que le contrat soit opposable, la sanction de la résiliation aux frais et risques du requérant était justifiée par sa défaillance ; que la sanction contractuelle existe même sans stipulation expresse ; qu'à supposer que le contrat soit inopposable et la cause juridique de la responsabilité quasi-délictuelle recevable, le préjudice doit être diminué des conséquences onéreuses résultant des pratiques du requérant qui ont consisté à employer des méthodes non conformes aux règles de l'art et qui se sont élevées à 10 215 euros HT soit le montant réglé à l'entreprise recrutée pour achever l'ouvrage ; que sur le fondement de l'enrichissement sans cause, le requérant ne peut demander que l'indemnisation des dépenses utiles ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, celles-ci ne sauraient excéder 5 118,88 euros TTC correspondant au coût de la partie d'ouvrage réalisée après déduction des travaux de reprise ;

Vu le mémoire enregistré le 24 octobre 2011 par lequel M. A conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, qu'il peut à toute hauteur de la procédure contentieuse, se prévaloir de la cause juridique de la responsabilité quasi-délictuelle et de l'enrichissement sans cause ;

Vu le mémoire enregistré le 22 décembre 2011 par lequel la commune de Saint-Genis-Pouilly conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2012 par lequel M. A conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
- et les observations de Me Thierry, représentant la commune de Saint-Genis-Pouilly ;

Vu, enregistrée le 7 mai 2012, la note en délibéré présentée pour la commune de Saint-Genis-Pouilly ;


Sur le règlement des comptes du marché :

En ce qui concerne l'opposabilité du contrat passé par bon de commande, le 1er octobre 2007 :

Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 11 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " Les marchés (...) d'un montant égal ou supérieur à 4 000 euros HT sont passés sous forme écrite " ; qu'en vertu des articles 12, 26 et 28 combinés du même code, dans leur rédaction alors applicable, les marchés de travaux d'un montant inférieur à 210 000 euros HT passés selon une procédure adaptée ne sont soumis, si leur montant est supérieur à 4 000 euros HT, à aucun formalisme autre que la forme écrite ; qu'en conséquence, ils sont réguliers dès lors que la ou les pièces écrites qui les matérialisent identifient les parties contractantes, les prestations et leur prix ; que, d'autre part, en vertu du 6° de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, le maire contracte au nom de la commune ;

Considérant que, répondant à une consultation organisée sous le régime de la procédure adaptée, M. A, exerçant sous l'enseigne Ain TP, a, le 27 septembre 2007 présenté un devis à prix unitaire d'un montant de 14 378,44 euros HT pour l'aménagement et le busage d'un fossé au lieudit " Sous les Vignes " ; que par bon de commande n° ST 250/07 du 1er octobre 2007, la commune lui a confié la réalisation des travaux décrits dans le devis au prix de 14 378,44 euros HT ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la conclusion d'un contrat verbal, les pièces écrites permettent de déterminer les parties, la nature des prestations et leur prix ; que si le bon de commande est signé du directeur adjoint des services techniques, il ressort de l'instruction que la consultation a été organisée et que l'exécution des travaux a été suivie par le maire de Saint-Genis-Pouilly de telle sorte que celui-ci a nécessairement consenti à l'engagement matérialisé par le bon de commande ; que, par suite et eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, M. A est fondé à soutenir que les stipulations du marché sont opposables à la commune de Saint-Genis-Pouilly pour le règlement du décompte de résiliation ;

En ce qui concerne le montant de la rémunération due au titre du décompte de résiliation :

Considérant, en premier lieu, que s'il appartient toujours à la personne publique contractante, après mise en demeure, de résilier un marché que son titulaire ne peut ou ne veut exécuter, la prise en charge des dépenses exposées pour l'achèvement des prestations ne peut être décidée en l'absence de stipulation expresse ; que le marché passé le 1er octobre 2007 ne comportant aucune clause engageant M. A à supporter le surcoût exposé pour l'achèvement de l'ouvrage en cas de résiliation prononcée à ses torts, la commune de Saint-Genis-Pouilly n'est pas fondée à soutenir que devrait être imputée sur l'arriéré de rémunération du requérant l'intégralité de la somme de 10 215 euros HT qu'elle a versée à l'entreprise Nabaffa pour achever les travaux de busage, après résiliation du marché prononcée le 28 avril 2008 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de la facture du 5 mai 2008 et de l'expertise ordonnée en première instance, que le montant des travaux livrés au 28 avril 2008, date de la résiliation, s'élève à 12 057,06 euros HT ; que si la commune de Saint-Genis-Pouilly ne peut imputer sur cette somme, ainsi qu'il vient d'être dit, les sommes qu'elle a versées à l'entrepreneur recruté pour achever le busage du fossé, elle est, en revanche, fondée à demander que soit déduit du solde, le coût des dépenses qu'elle a dû engager pour remédier aux erreurs d'exécution des ouvrages réalisés par le requérant et qu'elle a refusé de réceptionner en raison de leur non-conformité aux règles de l'art ; que tel est le cas de la pose du coude béton dont l'erreur d'orientation a été signalée à M. A et qui a nécessité l'aménagement d'un regard de grande profondeur afin de compenser la mauvaise implantation du conduit ; que le surcoût ainsi exposé par le maître de l'ouvrage doit être évalué à 3 210 euros HT, représentant la différence entre le prix du regard de 4 mètres de profondeur finalement aménagé (soit 3 930 euros HT) et le prix du regard de 1,50 mètre de profondeur initialement adapté à un coude en béton correctement orienté (soit 720 euros HT) ; qu'après déduction de ladite somme de 3 210 euros HT, le montant du décompte de résiliation présente un solde créditeur de 8 847,06 euros HT en faveur de M. A soit, après l'application de la TVA au taux de 19,60 %, 10 581,08 euros TTC ;

Considérant, en troisième lieu, que le préjudice financier résultant de l'absence de paiement par la commune de Saint-Genis-Pouilly du solde du marché litigieux n'est pas établi ; que, par suite, la demande de dommage-intérêts présentée de ce chef doit être rejetée ;

En ce qui concerne le montant de la condamnation de la commune de Saint-Genis-Pouilly :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de la commune de Saint-Genis-Pouilly à lui verser une somme de 10 581,08 euros TTC ; qu'en vertu des articles 1153 et 1154 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur ladite somme à compter du 21 juillet 2008, date de présentation de la première demande de paiement, et seront capitalisés au 21 juillet 2009, puis à chaque échéance annuelle ;


Sur la charge des dépens de première instance :
Considérant qu'à l'issue de l'instance d'appel, la commune de Saint-Genis-Pouilly est partie perdante au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en l'absence de circonstances particulières, il y a lieu de mettre à la charge de celle-ci les frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 2 283,66 euros par l'ordonnance du président du Tribunal ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, d'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint-Genis-Pouilly à verser à M. A une somme de 1 500 euros ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Saint-Genis-Pouilly doivent être rejetées ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0805838 du Tribunal administratif de Lyon en date du 30 décembre 2010 est annulé.
Article 2 : La commune de Saint-Genis-Pouilly est condamnée à verser à M. A la somme de 10 581,08 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2008, capitalisés au 21 juillet 2009 puis à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise de première instance liquidés à la somme de 2 283,66 euros, sont mis à la charge de la commune de Saint-Genis-Pouilly.
Article 4 : La commune de Saint-Genis-Pouilly versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roger A, à la commune de Saint-Genis-Pouilly et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2012 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Arbarétaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2012.

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