Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 30/12/2009, 308514

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août et 12 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DU GERS, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DU GERS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Pau a, sur déféré du préfet du Gers, annulé la délibération du 11 juin 2004 par laquelle le conseil général a émis des souhaits relatifs à la culture des organismes génétiquement modifiés dans le département ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du DEPARTEMENT DU GERS,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du DEPARTEMENT DU GERS ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 11 juin 2004, le conseil général du Gers a exprimé son opposition aux essais et cultures en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire départemental, émis le souhait que, dans les communes intéressées, les maires fassent usage de leurs pouvoirs de police pour interdire de tels essais et cultures, enfin, fait état de son intention d'agir en liaison avec les maires concernés en cas d' actions contentieuses ; que, par un jugement du 6 avril 2005, le tribunal administratif de Pau a, sur déféré du préfet du Gers, annulé cette délibération ; que, par un arrêt du 12 juin 2007, contre lequel le DEPARTEMENT DU GERS se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales : Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et, généralement, sur tous les objets d'intérêt départemental dont il est saisi. (...) ;

Considérant que, sur le fondement de cet article, il est loisible aux conseils généraux de prendre des délibérations qui se bornent à des voeux, des prises de position ou des déclarations d'intention ; que de telles délibérations peuvent porter sur des objets à caractère politique et sur des objets qui relèvent de la compétence d'autres personnes publiques, dès lors qu'ils présentent un intérêt départemental ; que, par suite, en relevant, pour juger illégale la délibération déférée, que les textes en vigueur confient à l'Etat seul un pouvoir de police spéciale en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés et aux maires un pouvoir de police générale, et que, par suite, le conseil général du Gers a délibéré sur un objet étranger à ses attributions, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le DEPARTEMENT DU GERS est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;

Considérant que la délibération par laquelle l'organe délibérant d'une collectivité territoriale émet un voeu ne constitue pas un acte faisant grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir même en raison de prétendus vices propres, à moins qu'il en soit disposé autrement par la loi, comme c'est le cas lorsque, sur le fondement de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet défère au tribunal administratif les actes qu'il estime contraire à l'ordre public ou à la légalité ; qu'il suit de là que le déféré présenté par le préfet du Gers est recevable ;

Considérant toutefois qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que le DEPARTEMENT DU GERS est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la délibération déférée, sur le motif tiré de ce qu'il avait délibéré sur une matière étrangère à ses attributions ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en appel comme en première instance ;

Considérant que, comme le soutient le DEPARTEMENT DU GERS, dans lequel l'activité agricole est significative, la délibération déférée, dont le contenu a été rappelé ci-dessus, porte sur un objet d'intérêt départemental ;

Considérant par ailleurs qu'eu égard à la portée d'un simple voeu, il ne peut en tout état de cause être utilement soutenu que la délibération déférée méconnaîtrait le principe de liberté du commerce et de l'industrie, qu'elle conduirait à instaurer une tutelle du département sur d'autres collectivités publiques ou encore qu'elle aurait dû être motivée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DU GERS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 avril 2005, le tribunal administratif de Pau a, sur déféré du préfet du Gers, annulé la délibération du 11 juin 2004 de son conseil général ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que le DEPARTEMENT DU GERS demande au titre des frais exposés tant en appel qu'en cassation et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 12 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 6 avril 2005 du tribunal administratif de Pau sont annulés.
Article 2 : Le déféré du préfet du GERS est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera au DEPARTEMENT DU GERS la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU GERS et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

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