Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 11/04/2008, 287808

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 6 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt du 27 septembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté ses recours contre l'article 1er de chacun des jugements du tribunal administratif de Versailles du 24 décembre 2002 et contre l'article 2 du jugement de ce même tribunal du 12 juin 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler les articles précités de ces jugements du tribunal administratif de Versailles ;

3°) de rétablir M. et Mme A au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1992 à 1994 et 1996 à 1998, à raison des droits et des pénalités dont la décharge a été prononcée en première instance ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme Jean-Louis A,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1992 à 1994 et d'un contrôle sur pièces pour les années 1996 à 1998, le service a réintégré dans les bénéfices non commerciaux de M. A, avocat, des loyers correspondant à l'utilisation à des fins professionnelles d'une partie de sa résidence principale ; que le ministre se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qui a rejeté ses recours contre les deux jugements du 24 décembre 2002 et contre le jugement du 12 juin 2003 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a accordé une décharge partielle des suppléments d'impôt sur le revenu correspondant au redressement de ses bénéfices non commerciaux au titre des années 1992, 1993, 1994, 1996, 1997 et 1998 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : « 1- Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...). Les dépenses déductibles comprennent notamment : 1° Le loyer des locaux professionnels. Lorsque le contribuable est propriétaire de locaux affectés à l'exercice de sa profession, aucune déduction n'est apportée de ce chef au bénéfice imposable (...) » ;

Considérant que si les dispositions précitées font obstacle à ce qu'un titulaire de bénéfices non commerciaux qui exerce son activité professionnelle à titre individuel dans des locaux lui appartenant qu'il a affectés à son activité professionnelle déduise de ses bénéfices des sommes représentatives d'un loyer à raison de l'utilisation de ces locaux à des fins professionnelles, elles ne s'opposent pas à ce que, lorsqu'il maintient ces locaux dans son patrimoine personnel et obtient, en contrepartie de leur utilisation pour les besoins de son activité professionnelle, une rémunération constitutive pour lui de revenus fonciers, il déduise de ses recettes professionnelles le montant des dépenses d'occupation effectuées à raison de l'utilisation des locaux nécessaires à son activité professionnelle ;

Considérant d'une part, que la cour, qui a relevé que M. A s'était abstenu d'inscrire au registre des immobilisations la partie de sa résidence principale utilisée à des fins professionnelles, a déduit à bon droit de cette absence d'inscription que le contribuable avait entendu maintenir ces locaux dans son patrimoine personnel ; que, d'autre part, la cour a recherché si le contribuable avait perçu, pour la mise à la disposition de ces locaux, des sommes équivalentes à un loyer déclarées dans la catégorie des revenus fonciers ; que M. A a justifié de la perception périodique de telles sommes par la production d'écritures comptables, de copies de chèques et de relevés de comptes professionnels ; que la cour a pu déduire de l'ensemble de ces faits, sans commettre d'erreur de droit, que les sommes ainsi versées à titre de loyers étaient déductibles des recettes professionnelles pour la détermination des bénéfices non commerciaux de M. A ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. et Mme Jean-Louis A.



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