Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 13 mai 1992, 71495, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 août 1985 et 13 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Colette X..., demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement du 18 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979 ;

2°) la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Vestur, Maître des requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de Mme Colette X...,

- les conclusions de M. Y.... Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant, en premier lieu, que, pour contester les impositions mises à sa charge en conséquence de rehaussements apportés aux bénéfices retenus dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû par la société anonyme "Nouvelles Editions Musicales Caravelle" (ci-après "société Caravelle") dont elle est le président-directeur général, Mme X... ne peut utilement se prévaloir des irrégularités qui auraient, selon ses dires, entaché la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble qui a été adressé le 9 octobre 1980 à Mme X... et dont celle-ci a accusé réception le 13 du même mois, mentionnait qu'elle aurait la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix ; qu'ainsi le moyen tiré par Mme X... de ce que, contrairement aux dispositions, alors applicables, de l'article 1649 septies du code général des impôts, elle n'aurait pas été informée de cette faculté, manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions, alors en vigueur, de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts, ne faisaient pas obligation à l'administration, alors même que celle-ci entendait utiliser, pour les besoins de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble de Mme X..., des documents obtenus, par l'exercice de son droit à communication, auprès de la direction nationale d'enquêtes douanières, d'ouvrir, avec l'intéressée, une discussion portant spécifiquement sur le contenu de ces documents ; que, si Mme X... se plaint de n'avoir pas eu accès à ces derniers, elle ne justifie, ni même n'allègue, avoir effectué aucune démarche en vue d'être miseà même d'en prendre connaissance ;

Considérant, en dernier lieu, que les redressements notifiés à Mme X... ont été effectués selon la procédure contradictoire ; que ces redressements n'ayant pas été acceptés par Mme X..., la charge de prouver le bien-fondé des impositions dont ils découlent incombe à l'administration ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que les impositions contestées par Mme X... ont pour base des revenus regardés comme lui ayant été distribués par la "société Caravelle" et par la société à responsabilité limitée "Editions Eden Roc", en conséquence de rehaussements apportés aux bénéfices de ces sociétés au titre de charges dont la déduction n'a pas été admise par l'administration ;

En ce qui concerne les charges, non admises en déduction, de la "société Caravelle" :

Considérant, en premier lieu, que Mme X... ne soutient pas que les divers frais de documentation, d'acquisition de matériels et d'emballage se rapportant à une activité d'entomologiste, que la "société Caravelle" a supportés au cours des années 1976 à 1979, ont été exposés dans l'intérêt de cette entreprise ; que l'administration observe, à juste titre, qu'en se bornant à faire valoir que la "société Caravelle" aurait procédé à la régularisation de certaines de ces dépenses dans ses comptes de l'exercice clos en 1980, Mme X... ne conteste pas utilement leur réintégration dans les résultats imposables de la société au titre des exercices clos de 1976 à 1979 ; que la fraction des sommes dont il s'agit qui a été regardée par l'administration comme lui ayant été distribuée doit donc être maintenue dans les bases de l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné pour les mêmes années 1976 à 1979 ;

Considérant, en second lieu, que l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que les dépenses effectuées par la "société Caravelle", en 1976 et 1978, pour la location d'appareils de télévision installés au domicile de Mme X..., ainsi que pour l'acquittement des redevances correspondantes, n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ; que la fraction des sommes réintégrées, de ce chef, dans les bénéfices de la société, qui a été regardée comme constituant des revenus distribués à Mme X... doit, par suite, demeurer imposée au nom de cette dernière ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de la "société Caravelle" au titre de l'année 1976, une somme de 1 300 F correspondant à des frais de garde de tableaux inscrits à l'actif du bilan de cette société ; qu'en se bornant à faire valoir que les tableaux étaient, en temps normal, conservés au domicile personnel de Mme X..., l'administration n'apporte pas la preuve que la prise en charge de la société d'une dépense destinée à assurer la sécurité de ces objets, procèderait d'un acte de gestion commerciale anormal ; que Mme X... est, par suite, fondée à soutenir que la somme de 1 300 F ci-dessus ne devait pas être incluse dans les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la "société Caravelle" au titre de l'année 1976 et, par voie de conséquence, qu'elle a été à tort regardée, à concurrence de la moitié de son montant, comme un revenu distribué entre ses mains ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'administration apporte la preuve que divers voyages effectués, notamment au Japon et en Inde, par Mme X... n'ont pas présenté d'intérêt pour la "société Caravelle", justifiant que les frais correspondants soient pris en charge par cette dernière ; que l'imposition de la fraction des sommes rapportées, de ce chef, aux bénéfices imposables de la société, qui a été regardée comme constituant des revenus distribués à Mme X..., doit donc être maintenue ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'administration apporte la preuve que Mme X... n'utilisait pas, même en partie, dans l'intérêt de la "société Caravelle", qui l'avait inscrit à l'actif de son bilan, l'hôtel particulier sis à Neuilly-sur-Seine, où elle avait son domicile ; que l'administration a donc, à bon droit, réintégré dans les bénéfices imposables de la société les sommes correspondant à la prise en charge par celle-ci, de 1976 à 1979, des frais de téléphone et des charges locatives de ce domicile et regardé ces sommes comme des revenus distribués à Mme X... ;

En ce qui concerne les frais d'un voyage non admis dans les charges déductibles de la société à responsabilité limitée "Editions Eden Roc" :

Considérant que l'administration a réintégré dans les bases de l'impôt sur les sociétés dû, au titre de l'année 1979, par la société à responsabilité limitée "Editions Eden Roc" une somme de 2 054 F correspondant au coût d'un voyage Rome-Paris-Rome effectué par M. Z..., auteur de musiques de films ; que, si elle soutient que cette dépense n'a pas été engagée dans l'intérêt de la société, elle ne justifie pas que la somme ci-dessus indiquée a été effectivement appréhendée par Mme X... ; que celle-ci est, par suite, fondée à demander que ladite somme soit retranchée des bases de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1979 ;

Sur les pénalités :

Considérant que, devant le tribunal administratif, Mme X... n'a invoqué, dans le délai du recours contentieux, aucun moyen propre aux pénalités mises à sa charge ; que, par suite, le moyen relatif à ces pénalités, qu'elle invoque en appel constitue une demande nouvelle qui n'est pas recevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est seulement fondée à demander que les bases de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1976 et 1979 soient réduites, respectivement, de 650 F et 2 054 F et à demander la réformation, en ce sens, du jugement attaqué ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu assigné àMme LOPES-CURVAL au titre des années 1976 et 1979 sont réduites, respectivement, de 650 F et 2 054 F.
Article 2 : Mme X... est déchargée de la différence entre les droits et pénalités auxquels elle a été assujettie au titredes années 1976 et 1979 et ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 18juin 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre du budget.
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