Conseil d'Etat, 8 / 7 SSR, du 25 mars 1987, 48150, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1° sous le n° 48 150 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 janvier 1983 et 23 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON", société anonyme dont le siège social est ... 61000 , représentée par son président directeur général en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1- annule le jugement du 9 novembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er juillet 1973 au 30 juin 1976, par un avis de mise en recouvrement du 16 mai 1979 ;

2- lui accorde la réduction de l'imposition contestée ;

3- au besoin, ordonne une expertise de la comptabilité de la société ;

Vu, 2° sous le n° 48 151, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés pour la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON", et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1- annule le jugement en date du 9 novembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande en réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés et en décharge des impôts sur le revenu, auxquels elle est assujettie au titre des années 1974, 1975 et 1976 dans les rôles de la commune d'Alençon ;

2- lui accorde la réduction et la décharge demandées ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Quandalle, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Martin-Martinière, Ricard, avocat de la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON",

- les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes 48150 et 48151 ont été présentée s par la même société ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision ;

Sur les compléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour établir les compléments de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société requérante au titre de la période allant du 1er juillet 1973 au 31 juin 1976 d'une part, et des années 1974, 1975 et 1976 d'autre part, l'administration a suivi la procédure contradictoire définie à l'article 1649 quinquies A du code général des impôts alors en vigueur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les impositions contestées auraient été établies selon une procédure de rectification d'office irrégulièrement suivie ne peut être accueilli ;

Considérant u'il résulte également de l'instruction que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, pour motiver son appréciation de la comptabilité de la société requérante, n'a retenu que les faits énoncés dans le rapport que l'administration lui avait adressé ; que la société n'allègue pas que ce document n'avait pas été mis à sa disposition dans les conditions prescrites par l'article 1651 bis du code général des impôts alors en vigueur ; qu'ainsi, même si les notifications de redressement que l'administration lui a adressées ne faisaient pas mention de la totalité de ces faits, elle a été en mesure d'en discuter l'exactitude et la portée et, par suite, n'est pas fondée à prétendre que la procédure dont est issu l'avis de la commission n'a pas été contradictoire ; qu'avant d'émettre cet avis, la commission n'était pas tenue de provoquer la production de la comptabilité, qu'il appartenait à la société requérante de présenter d'elle-même si elle le jugeait utile à la défense de ses intérêts ;

Considérant que les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis émis par la commission départementale ; qu'il appartient, dès lors, à la société requérante d'apporter tous éléments comptables et autres de nature à permettre d'apprécier les chiffres qui doivent être effectivement retenus comme bases d'imposition ;

En ce qui concerne le bien fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON", qui vend en demi-gros et au détail des poissons et des coquillages, n'a pu produire aucune justification des écritures globales par lesquelles, au cours des années d'imposition, elle constatait dans ses comptes ses recettes quotidiennes en espèces ; qu'il suit de là que sa comptabilité n'est pas probante et qu'elle n'est pas fondée à en opposer les énonciations à la reconstitution que l'administration a faite de ses ventes au détail ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction qu'en vue de cette reconstitution, l'administration a usé de coefficients de bénéfice brut qu'elle a déterminés en tenant compte des pertes et des vols de denrées dont la société requérante fait le commerce ; que, celle-ci, qui se borne à des allégations de caractère général, ne justifie pas que ces pertes et vols aient réduit ses marges réelles à des chiffres moindres que ceux qui résultent des coefficients appliqués ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à prétendre que la reconstitution de ses recettes a conduit l'administration a exagérer le chiffre d'affaires et les bénéfices imposés ;

Considérant, enfin, que, sous réserve de la faculté de pratiquer des amortissements, les dépenses qui entraînent une augmentation de la valeur pour laquelle un élément d'actif immobilisé figure au bilan ne constituent pas des charges déductibles du bénéfice imposable ; que tel est le cas des dépense dont la société demande la déduction et qui avaient pour but la remise en état de l'immeuble que la société venait d'acquérir et qu'elle avait inscrit dans son actif immobilisé ; qu'eu égard aux termes du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, la société n'est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, la déduction d'amortissements qu'elle n'a pas réellement effectués ;

Sur l'impôt sur le revenu :

Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'époque du redressement : "Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de 30 jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes, augmentées du complément de distribution qui résulte de la prise en compte de l'impôt par la personne morale versante, sont soumises au nom de ladite personne morale, à l'impôt sur le reveu au taux prévu à l'article 197 IV" ;

Considérant qu'en l'absence de toute disposition l'obligeant à demander à la personne morale les indications mentionnées à l'article 117 précité en même temps qu'elle lui notifie les redressements faisant apparaître un excédent de distribution, l'administration a pu, après avoir notifié à la société requérante, le 3 juin 1977, les redressements opérés sur ses résultats déclarés, lui demander, le 22 septembre 1978, l'identité des bénéficiaires de ces distributions ; qu'à défaut de réponse à cette demande dans le délai de trente jours, et alors même que le président-directeur général de la société serait la seule personne à avoir pu bénéficier de l'excédent de distribution, l'administration était en droit, comme elle l'a fait, de soumettre les sommes correspondantes à l'impôt sur le revenu au nom de la société ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes ;
Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON" sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE "AU PECHEUR BRETON" et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


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