Cour Administrative d'Appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 08/04/2013, 10MA02598, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2010, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA02598, présentée pour la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques (Infotour), SARL, représentée par son gérant en exercice, et dont le siège est 91, rue Frédéric Mistral, résidence Albatros BP 22 à La Grande Motte (34280), par la SCP d'avocats Lafont-Carillo-Guizard ;

La société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901414 du 7 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 15 245 euros au titre de factures impayées, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2005 sur la somme de 1 420,84 euros et du 10 septembre 2005 pour le surplus, les intérêts étant assortis de la capitalisation, celle de 27 393,81 euros à titre de dommages-intérêts et à ce qu'il soit mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 15 245 euros au titre de factures impayées, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2005 sur la somme de 1 420,84 euros et du 10 septembre 2005 pour le surplus, les intérêts étant assortis de la capitalisation, celle de 27 393,81 euros à titre de dommages-intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code civil ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2012 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2013 :

- le rapport de Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Lafont représentant la société Infotour ;

1. Considérant que dans le cadre de l'organisation du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication du territoire de Cerdagne-Capcir, sur internet, à l'attention des professionnels du tourisme, la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales a confié, par un marché conclu le 9 mars 2004, à la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques (Infotour) la réalisation du diagnostic, l'assistance et le conseil et la formation pendant la durée d'une année, pour un montant de 45 719,31 euros HT ; que la société Alliance Réseaux s'est vue confier la conception et la mise en oeuvre d'une expérimentation d'une vitrine commerciale sur le site du parc naturel régional, partenaire de l'organisme consulaire ; que par le jugement attaqué du 21 janvier 2009, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande présentée par la société Infotour, tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 15 245 euros au titre de factures impayées, assortie des intérêts au taux légal et celle de 27 393,81 euros à titre de dommages-intérêts ; que la société Infotour demande paiement de ces indemnités ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif de Montpellier a omis de statuer sur le moyen tiré de la reconduction tacite du contrat conclu le 9 mars 2004 entre les parties, lequel n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement est irrégulier ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, et de statuer sur la demande de première instance par la voie de l'évocation ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier : " Tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle. /Peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés (...) " ; qu'en application de l'article L. 313-24 du même code : " Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. /Sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement " ; que selon l'article L. 313-27 dudit code: "La cession (...) prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau. A compter de cette date, le client de l'établissement de crédit bénéficiaire du bordereau ne peut, sans l'accord de cet établissement, modifier l'étendue des droits attachés aux créances représentées par ce bordereau. " ; qu'aux termes l'article L. 313-28 du code précité : "L'établissement de crédit peut à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, dont les formes sont fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 13, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit" ; qu'aux termes de l'article 107 du code des marchés publics : " le bénéficiaire d'une cession ou d'un nantissement de créance au titre d'un marché public notifie ou signifie cette cession ou ce nantissement au comptable assignataire/ Ce bénéficiaire encaisse seul, à compter de cette notification ou signification au comptable, le montant de la créance ou de la part de créance qui lui a été cédée ou donnée en nantissement " ;

5. Considérant qu'il est constant que les factures dont la société Infotour réclame le paiement ont fait l'objet d'une cession au profit de la banque Dupuy de Parseval ; que la cession a été notifiée à la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales ; qu'il résulte de l'instruction qu'ayant vainement tenté de recouvrer la créance auprès de la chambre de commerce, l'organisme bancaire a débité le compte de la société Infotour ouvert dans l'établissement, du montant de la créance cédée ; que le caractère irrévocable de l'étendue des droits attachés aux créances, objet de la cession notifiée au débiteur, ne fait, cependant, pas obstacle à la faculté de l'établissement bancaire de recouvrer la créance auprès du cédant, en qualité de garant solidaire de son paiement en vertu de l'article L. 313-24 du code précité, qui peut ensuite se retourner contre le débiteur cédé à fin d'obtenir le paiement de sa créance ; que, par suite, la société Infotour est recevable à agir à fin de recouvrer le solde du marché en cause ;

Sur les conclusions à fin d'indemnités :

En ce qui concerne le paiement de factures :

6. Considérant que la société Infotour demande le paiement de factures au titre de prestations d'animation dans le cadre d'une visite commerciale et de formation pour un montant de 15 245 euros ;

7. Considérant, d'une part, que la société Infotour soutient que le contrat conclu le 9 mars 2004 avec la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales s'est poursuivi au-delà du 15 mars 2005, date de son terme ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le cahier des charges, document de consultation et auquel renvoie le contrat, envisageait l'exécution de la mission confiée au prestataire de mars 2004 à décembre 2005 ; que, néanmoins, le contrat en cause a fixé la durée de son exécution à une année à compter de la date d'engagement des travaux ; qu'ainsi, eu égard à la date de notification du marché qui est intervenue le 30 mars 2004, le délai de l'exécution expirait le 30 mars 2005 ; que les pièces annexées aux demandes de subventions sollicitées par l'organisme consulaire au fonds national d'aménagement et de développement du territoire en février 2005 et du fonds social européen, notamment un devis de la société requérante d'avril 2005, des demandes d'acomptes et de factures portant la mention " bon à payer " et la signature du représentant de la chambre, ne sont pas de nature à établir la reconduction du contrat conclu le 9 mars 2004, au-delà du 30 mars 2005 ; que l'envoi de convocations par la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales aux professionnels du club des entreprises touristiques de Cedargne Capcir à des formations qu'elle aurait pu accomplir ou à la présentation d'une vitrine commerciale ou celle qu'elle aurait exécuté des prestations de formation ne permettent pas davantage d'établir que le contrat aurait été reconduit au-delà de son terme ;

8. Considérant que la société Infotour soutient avoir conclu avec la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales, en qualité de membre d'un groupement conjoint qu'elle aurait formé avec la société Alliance Réseau, un contrat de deux ans ; que, toutefois, la société Infotour a, en qualité de mandataire de la société Alliance Réseau, soumis l'offre de celle-ci, lors de la consultation lancée en février 2004 en vue de la conclusion d'un marché de fourniture de moteurs de recherche et de logiciels ; qu'ainsi, la société Infotour ne saurait sérieusement soutenir que la chambre de commerce a commis une faute pour avoir poursuivi ses relations contractuelles avec la société Alliance Réseau et méconnu l'article 51 § III du code des marchés publics qui exige un acte d'engagement unique lorsque un groupe conjoint est contractant ; que, dès lors, la société Infotour n'est pas fondée à demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales à lui payer les factures en litige éditées en exécution du marché ;

9. Considérant, d'autre part, la société Infotour se prévaut, à titre subsidiaire, de l'enrichissement sans cause qu'a retiré la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales des prestations qu'elle aurait accomplies ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Perpignan du 4 juin 2007 et de la liste émargée des participants annexée à l'invitation au séminaire adressée aux professionnels du tourisme que la société Infotour a réalisé une session de formation à leur profit à l'antenne de Saillagouse de la chambre de commerce, le 22 juin 2005 ; que cette prestation a fait l'objet de la facture n° 05-018 pour un montant de 1 245 euros TTC ; que la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales a bénéficié de cette prestation effectuée sans cause ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation du coût de cette prestation en le fixant au montant précité qui n'est pas manifestement excessif ; qu'en outre, s'il résulte de l'instruction, notamment d'une note interne à l'antenne de Saillagouse au directeur administratif et financier de l'antenne du 29 juillet 2005 et de celle de Mme Delcasso, agent de cette antenne, du 5 août 2005 que la société Infotour a accompli partiellement des prestations relatives au pilotage et à l'assistance dans le cadre de la mise en oeuvre et l'animation de la vitrine commerciale sur internet, consistant notamment dans des réunions sur place et des rendez-vous téléphoniques portant sur le développement des liens avec des partenaires et sur l'amélioration de la vitrine ; que cette prestation a fait l'objet de la facture n° 05-009 du 11 avril 2005 pour un montant de 20 118,81 euros TTC ; qu'il sera fait une juste appréciation du coût de cette prestation en fixant la somme due à 10 059,40 euros TTC ; qu'en revanche, il résulte également de l'instruction, notamment des pièces relatives à l'instruction pénale ouverte contre la société requérante que les sessions de formation qu'elle a accomplies les 10 et 11 février 2005 et celles réalisées les 7 et 8 avril 2005 ont fait l'objet d'un règlement par la chambre de commerce et d'industrie par mandatement du 8 août 2005, intitulé " inforoute/sessions février-avril " ; que, dès lors, ces demandes ne peuvent qu'être rejetées ; que, par suite, la société Infotour est seulement fondée à obtenir le paiement de la somme de 11 304,40 euros TTC ;

11. Considérant qu'en l'absence de relations contractuelles, la société Infotour a droit aux intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2005, date de réception de sa réclamation préalable à la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales et non en application de l'article 96 du code des marchés publics ;

12. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 24 mars 2009 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

13. Considérant que, dès lors que, comme il a été dit, le contrat conclu le 9 mars 2004, n'a pas été reconduit mais est parvenu au terme fixé contractuellement, la société Infotour ne saurait soutenir que la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales a, en procédant à sa résiliation avant son terme, commis une faute, de nature à engager sa responsabilité ; qu'en outre, si la société requérante se prévaut de l'inexécution par la chambre consulaire de ses obligations contractuelles, elle ne précise pas les fautes qu'elle lui reproche ; que, dès lors, les conclusions présentées par la société Infotour ne peuvent qu'être rejetées ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Infotour est fondée à solliciter la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 11 304,40 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2005, les intérêts échus à la date du 24 mars 2009 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date devant être capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales à la condamnation de la société Infotour à lui verser une indemnité pour procédure abusive :

15. Considérant que la demande en paiement de prestations réalisées ne suffit pas à caractériser de la part de la société Infotour un usage abusif de son droit de former un recours contentieux ; que les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales tendant à la condamnation de la société Infotour à lui verser une indemnité pour procédure abusive doivent par suite être rejetées ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 mai 2010 est annulé.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales versera à la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques une somme de 11 304,40 euros (onze mille trois cent quatre euros et quarante centimes) TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2005. Les intérêts échus à la date du 24 mars 2009 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts

Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales versera à la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales tendant à des dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société européenne pour l'organisation et le traitement des informations touristiques, assistée par Me Olivier Fabre, à Me Vincent Aussel, mandataire judiciaire de la société Infotour et à la chambre de commerce et d'industrie des Pyrénées-Orientales.
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