Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, du 24 octobre 2002, 97NC02458, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(Première Chambre)

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour les 21 novembre 1997 et 30 juillet 1998, présentés pour la commune d'Hegenheim (Haut-Rhin), représentée par son maire, par Me Soler-Couteaux, avocat ;

Elle demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 23 septembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté de son maire en date du 19 juin 1996 ordonnant la fermeture d'une décharge exploitée sur son territoire par la société Settelen France et sa réhabilitation ;

2°) - de rejeter la demande présentée par la société Settelen France devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) - de condamner la société Settelen France à lui verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance ayant fixé la clôture de l'instruction au 15 mai 2002 à 16 heures, le mémoire enregistré le 25 juillet 2002 n'ayant été ni communiqué ni examiné par la Cour conformément aux dispositions de l'article R.613-3 du code de justice administrative ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2002 :

- le rapport de M. JOB, Président,

- les observations de Me N'GUYEN et de M. X..., maire, représentant la commune d'Hegenheim et de Me HOULMANN, représentant la société Settelen France,

- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux motifs, d'une part , que la collecte, le transport et le traitement de l'ensemble des déchets produits sur le ban communal étaient réglementairement assurés, d'autre part, que le maintien d'une décharge de matériaux provenant de travaux publics et privés à l'exception de tous déchets commerciaux ou industriels, ordures ménagères et ferrailles au lieudit Auf den Lertzbach, exploitée par la société Settelen France constituait une source de pollution pour les eaux superficielles et souterraines, engendrait des nuisances diverses pour les propriétés voisines ainsi que pour la faune et la flore, et entraînait un enlaidissement du paysage, le maire d'Hegenheim a ordonné par un arrêté en date du 19 juin 1996, la fermeture immédiate de ladite décharge et la réhabilitation du site dans un délais de trois mois à compter de la fermeture ; que le tribunal administratif de Strasbourg, par son jugement dont il est fait appel par la commune d'Hegenheim, a annulé ledit arrêté ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 modifiée susvisée : "Est un déchet, au sens de la présente loi, tout résidu d'un processus de production, de transformation, ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon" ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : "Au cas où les déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions de la présente loi et des règlements pris pour son application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'élimination desdits déchets aux frais du responsable" ;

Considérant que si la commune soutient que la société Settelen France a méconnu les obligations que lui imposait l'article 4 de l'arrêté municipal en date du 14 septembre 1963 qui impose une limite de dix mètres entre le pied du talus des décharges et le bord du ruisseau du Lertzbach, ce motif n'est pas de ceux qui ont motivé l'arrêté alors au surplus qu'il ressort des pièces du dossier que l'accès au ruisseau est laissé libre, et que l'accès à l'ancienne décharge est clôturé ; que la circonstance qu'ait pu être constatée en 1991 et 1992 la présence de déchets dont le dépôt n'était pas autorisé par l'arrêté municipal du 14 septembre 1963 ne remet pas en cause la constatation que les juges de première instance ont pu faire sur la suppression en 1992 et postérieurement dans la décharge de déchets de la nature de ceux que vise l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 et qu'ainsi le maire d'Hegenheim ne pouvait faire usage des pouvoirs que lui confère ledit article 3 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.2542-3 du code général des collectivités territoriales : "Les fonctions propres au maire sont de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. / Il appartient également au maire de veiller à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité des campagnes." ; qu'aux termes de l'article L.2542-4 du même code : "Sans préjudice des attributions du représentant de l'Etat dans le département en vertu du 9° de l'article 2 de la section III du décret du 22 décembre 1789, les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité du maire sont ceux déterminés aux 1°, 3°, 4° et 6° à 8° de l'article L.2212-2 - à savoir notamment le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Le maire a également le soin : . / 2° De prévenir par des précautions convenables, et celui de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties, en provoquant aussi, dans ces deux derniers cas, l'intervention de l'administration supérieure." ;

Considérant que si la commune soutient que l'existence de la décharge comporte des risques de pollution superficielle et souterraine des eaux avoisinantes, elle ne l'établit pas par la production de la seule étude effectuée par l'"IRH Environnement" publiée le 18 septembre 1996, étude qui n'a pas permis d'imputer à l'activité de cette décharge, la pollution au mercure du ruisseau ou de la nappe phréatique, alors au surplus d'une part, que la présence de produits susceptibles de contenir du mercure n'a pas été rapportée dans les constatations effectuées sur le site tant en 1991 qu'en 1996, et, d'autre part, qu'un recensement effectué par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Haut-Rhin a fait, en 1990, état de l'existence au lieudit Stegmuehle, soit à proximité du site d'implantation de la décharge en cause d'une décharge brute composée d'ordures encombrantes sur un terrain appartenant à la commune dont le collecteur était la société Vidor ; que la commune n'a pas plus établi l'enlaidissement du paysage ni les nuisances que cette décharge recouverte entièrement d'humus pouvait présenter pour la faune et la flore ainsi qu'il résulte des constatations du transport sur les lieux effectué en février 1997 par l'autorité judiciaire et, le 18 mars 1997, d'une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Mulhouse ; que, dès lors, dans la mesure où il ne résulte pas des pièces du dossier d'atteintes à la salubrité publique ou de menaces justifiant des mesures de prévention contre les accidents, épidémies ou épizooties, le maire ne pouvait faire usage des pouvoirs de police que lui confèrent les articles L.2542-3 et L.2542-4 du code général des collectivités territoriales pour ordonner la fermeture de la décharge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, quand bien même le maire d'Hegenheim ne pourrait, en application des dispositions de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, prendre l'arrêté litigieux et sans qu'il y ait lieu de procéder à un transport sur les lieux, la commune d'Hegenheim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en se fondant sur les deux premiers motifs qu'il a retenus ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, qui se sont substituées à celles de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que la société Settelen France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune d'Hegenheim, la somme qu'elle réclame au titre de ces dispositions ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la commune d'Hegenheim, partie perdante à l'instance, à verser à la société Settelen France, la somme de 1 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés, non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la commune d'Hegenheim est rejetée.
Article 2 : La commune d'Hegenheim versera à la société Settelen France la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Hegenheim, au ministre de l'écologie et du développement durable et à la société Settelen France.
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