Conseil d'État, 3ème / 8ème SSR, 14/10/2015, 383718, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A...X... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2011 par lequel le maire de Paris a, en sa qualité de président du centre d'action sociale de la ville de Paris (CASVP), prononcé à son encontre la sanction de révocation et, d'autre part, d'enjoindre à celui-ci de le rétablir dans ses fonctions. Par un jugement n° 1107096/5-3 du 18 juillet 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 13PA01212 du 17 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juillet 2012 ainsi que l'arrêté litigieux et, d'autre part, enjoint au directeur du CASVP de procéder à la réintégration de M. X... dans le délai d'un mois à compter de son arrêt.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 14 août 2014 et 6 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CASVP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. X... ;

3°) de mettre à la charge de M. X... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre d'action sociale de la Ville de Paris et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. X... ;

1. Considérant que, par arrêté du 14 février 2011, le maire de Paris a infligé à M. X..., secrétaire administratif affecté au centre d'action sociale de la Ville de Paris (CASVP), la sanction disciplinaire de révocation ; que le CASVP se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juin 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de M. X..., d'une part, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 juillet 2012 ainsi que l'arrêté litigieux et, d'autre part, lui a enjoint de procéder à la réintégration de M. X... dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe (...) ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le conseil de discipline est convoqué par son président (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce décret : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés " ; qu'aux termes de son article 6 : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'aucun principe général non plus qu'aucun texte ne fait obstacle à ce que l'autorité administrative compétente saisisse à nouveau une commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, après qu'elle a émis un avis sur le principe de la sanction disciplinaire et, le cas échéant, le type de sanction devant être infligée à un agent, en lui demandant d'émettre un nouvel avis qui se substitue au premier, sous réserve que cette nouvelle saisine ne révèle pas un détournement de procédure ;

4. Considérant, d'autre part, que le respect du délai de quinze jours, mentionné à l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 précité, entre la présentation de la lettre de convocation devant le conseil de discipline et la réunion de ce conseil constitue une formalité substantielle, dont la méconnaissance vicie la procédure disciplinaire en privant le fonctionnaire poursuivi d'une garantie ; qu'il suit de là que, lorsqu'elle constate que la procédure disciplinaire suivie à l'encontre d'un fonctionnaire est entachée d'un tel vice, l'autorité administrative compétente est tenue, si elle entend poursuivre la procédure, de convoquer une nouvelle réunion du conseil de discipline afin de recueillir l'avis de cette instance dans des conditions régulières ;

5. Considérant, dès lors, qu'en jugeant que la convocation d'un nouveau conseil dans des conditions régulières révélait un détournement de procédure entachant la procédure disciplinaire d'irrégularité, aux motifs que le conseil de discipline s'était réuni une première fois le 1er octobre 2010 pour délibérer sur la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. X..., moins de quinze jours après la remise à ce dernier de sa convocation, et qu'une telle irrégularité n'avait, dans les circonstances de l'espèce, pu exercer une influence sur le sens de l'avis émis par cette instance et n'avait pas privé M. X... d'une garantie, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X... la somme de 1 000 euros à verser au CASVP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CASVP qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 juin 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : M. X... versera une somme de 1 000 euros au centre d'action sociale de la Ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. X... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre d'action sociale de la Ville de Paris et à M. A...X....

ECLI:FR:CESSR:2015:383718.20151014
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